En matière de recherche, les partenariats sont bel et bien essentiels, en particulier pour faire face aux adaptations du virus. C'est précisément le sens du réseau des instituts Pasteur. Certains résultats épidémiologiques peuvent certes être exportés, mais l'expertise locale a toute son importance. La recherche fondamentale est également menée sur place, en Afrique, grâce à diverses technologies transférables sur le terrain. Ainsi, l'institut Pasteur de Hong Kong a pu développer un test moléculaire et le mettre rapidement à disposition de l'ensemble des instituts Pasteur.
Ces instituts ont également un très fort engagement régional, notamment celui de Dakar : les apports de technologies et de connaissances doivent être partagés avec les pays où ne se trouve pas d'institut Pasteur. C'est précisément ce que nous avons fait pour les tests.
Le rôle de l'AFD est important. Sa mobilisation a été particulièrement rapide. Au titre des aides exceptionnelles, deux types de fonds ont été annoncés, l'enveloppe de 1,2 milliard d'euros comprenant à la fois des subventions, à hauteur de 150 millions d'euros, et des prêts à long terme, qui permettront de soutenir bien des pays.
Est-ce suffisant ? Clairement non. Mais il est difficile de prédire le montant nécessaire. En Afrique, l'épidémie monte plus lentement qu'ailleurs. Certains redoutent une catastrophe sanitaire. Divers facteurs, en particulier démographiques, doivent être pris en compte : le pourcentage de personnes âgées est moins élevé sur le continent, ce qui pourrait entraîner une protection relative. Cela étant, d'autres facteurs de comorbidité sont assez forts sur ce continent - diabète, hypertension artérielle, maladies cardiovasculaires et pulmonaires. Les prévisions sont donc extrêmement difficiles à établir.
Une première tranche de financements a été débloquée par la France. Nous lui sommes tous reconnaissants ; en Afrique de l'Ouest, au Maghreb, à Madagascar, le soutien apporté aux instituts Pasteur permettra de répondre aux demandes exprimées, mais tout à fait partiellement, pour faire face aux ruptures de stock et assurer la formation continue. En résumé, la mobilisation doit être amplifiée et adaptée selon l'évolution de l'épidémie.
Les principaux financeurs étatiques français sont, actuellement, l'AFD et le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Le retrait du ministère se traduit effectivement par des chiffres cruels : l'ensemble du réseau dénombrait vingt-quatre experts techniques internationaux (ETI), travaillant notamment en Asie. En l'espace de deux ou trois ans, ces effectifs ont été réduits à six. Or l'expertise partagée passe par ces chercheurs, comme par les gestionnaires, ou encore par les directeurs d'institut. Nous espérons vivement que ces pertes d'ETI seront compensées, afin que nous puissions mettre en oeuvre une réelle collaboration.
Comment les gestes barrières déclinés en Europe peuvent-ils être appliqués en Afrique, notamment dans des communautés placées dans des situations particulièrement précaires ? C'est une question clé. L'expérience d'Ebola a permis de dresser ce constat : il ne faut surtout pas imposer des mesures qui, en touchant à des questions aussi sensibles que les processus funéraires, dramatisent encore le drame. Il est essentiel de travailler avec les communautés ; tout ce qui a trait aux comportements doit être accepté, adopté et adapté. Il ne faut surtout pas plaquer les pratiques des pays occidentaux. D'ailleurs, les projets financés par l'AFD et le ministère de l'Europe et des affaires étrangères comprennent un volet de sciences sociales, afin de travailler sur les représentations de la maladie, d'adapter les discours de prévention et de rendre les mesures plus acceptables.
La question des antipaludiques est assez envahissante. La chloroquine, dont on a sans doute trop parlé, et de manière hâtive, a été très utilisée en un temps ; mais, aujourd'hui, elle est assez peu employée en Afrique de l'Ouest. Le fait qu'elle ait retardé l'épidémie nous paraît hautement improbable. L'explication doit sans doute être cherchée ailleurs.
C'est sur les réactifs que se porte, actuellement, l'attention la plus forte. Il s'agit d'un enjeu logistique au sens large. Les gouvernements vont devoir gérer la pénurie. En parallèle, une solidarité internationale est indispensable. Il est essentiel de ne pas oublier l'Afrique : certes, les prévisions sont difficiles à établir, mais les courbes des différents pays laissent présager une situation grave. L'OMS a d'ailleurs tiré la sonnette d'alarme.
Le plus difficile à mesurer, c'est la fréquence des cas graves. On en observe d'ores et déjà. Leur incidence sera-t-elle plus faible que dans d'autres pays ? La prise en charge médicale, notamment clinique, devrait poser plus de difficultés qu'ailleurs, d'où l'enjeu de l'appui en technique médicale et en matériel, en particulier pour la réanimation. La solidarité doit s'exprimer par tous les moyens possibles - soutien logistique, mise à disposition de matériels de protection et de matériels médicaux. Gardons-nous des égoïsmes nationaux.