Intervention de Benoît Coeuré

Commission des affaires européennes — Réunion du 14 avril 2020 à 9h00
Économie finances et fiscalité — Audition de M. Benoît Coeuré directeur du pôle innovation de la banque des règlements internationaux ancien membre du directoire de la banque centrale européenne par téléconférence

Benoît Coeuré :

Cela revient au même, vous avez raison, mais j'émettrai deux réserves.

En premier lieu, cela ne peut concerner qu'une fraction des dettes. En effet, la BCE ne peut absorber toute la dette émise par les États. Cette question est allée jusqu'à la Cour européenne de justice, qui a jugé - même si elle n'a pas fixé de chiffres - qu'il était sain que la BCE mette des limites à la quantité de dettes publiques qu'elle peut acheter, pour préserver le bon fonctionnement des marchés et éviter le financement monétaire. Rien ne permet de préciser aujourd'hui quelle est cette limite, mais ce ne peut être qu'une réponse partielle.

En outre, cette réponse est conditionnée aux objectifs monétaires de la BCE. Autrement dit, si le monde de l'après-crise est un monde où l'inflation reste très faible pendant de nombreuses années pour des raisons structurelles préexistantes, peut-être amplifiées par la crise, alors la BCE gardera naturellement les dettes publiques à son bilan très longtemps et conservera des taux d'intérêt très bas qui faciliteront le refinancement des États et la soutenabilité de la dette publique. C'est un scénario assez bénin et favorable à la soutenabilité de la dette.

Si, à l'inverse, la crise affecte l'offre productive plus sévèrement que ce qu'on pensait et que l'on assiste à terme à une reprise de l'inflation, la BCE devra adapter son bilan ainsi que ses taux d'intérêt en fonction de son mandat monétaire.

Je ne pense pas qu'il soit sage, indépendamment même du texte des traités, de subordonner le mandat monétaire de la BCE aux besoins budgétaires des États. Ce n'est pas ainsi que l'Union monétaire a été construite et ce n'est pas comme cela que l'on assurera la confiance des citoyens européens dans leur monnaie.

Ainsi que je le disais, la discussion sur la soutenabilité de la dette doit être fondamentalement politique, et je ne pense pas qu'il soit raisonnable de s'en défausser sur la BCE.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion