Intervention de Benoît Coeuré

Commission des affaires européennes — Réunion du 14 avril 2020 à 9h00
Économie finances et fiscalité — Audition de M. Benoît Coeuré directeur du pôle innovation de la banque des règlements internationaux ancien membre du directoire de la banque centrale européenne par téléconférence

Benoît Coeuré :

Ce n'est pas simple. Je vois bien l'intérêt tactique de ce genre de proposition pour mettre la pression sur un certain nombre de partenaires.

En termes économiques, tout dépend si ces eurobonds sont destinés à financer la relance, pour stabiliser économiquement l'Union européenne, ou à financer des projets. Même si ce n'est pas nécessairement incompatible, il s'agit de deux angles économiquement différents.

S'il s'agit de financer des projets, cela peut se faire avec des pays en dehors de l'Union monétaire, en recourant à n'importe quelle combinaison entre les 27. Par exemple, cela peut faire sens de financer des biens publics de nature régionale, mais cette discussion n'a pas de rapport particulier avec l'euro et l'Union monétaire.

En revanche, je ne pense pas qu'il soit approprié de créer des instruments de stabilisation dans des sous-ensembles de l'Union monétaire. Il existe une banque centrale, une monnaie partagée par dix-neuf États. S'il doit y avoir une politique budgétaire à des fins de stabilisation, elle doit être menée à dix-neuf.

La croissance d'après-crise doit-elle être verte ? Oui, je le pense. Je suis entièrement d'accord. On peut être face à une contradiction dans la stratégie d'après-crise : on aura besoin d'une croissance plus forte, notamment au regard des niveaux de dettes publiques, mais aussi, plus généralement, parce qu'il faudra remobiliser les entreprises, recréer du revenu, réparer les dommages infligés par la crise au tissu productif et au tissu social...

En même temps, la croissance d'avant la crise n'était pas soutenable. Certains mouvements d'opinion assez forts peuvent d'ailleurs réclamer moins de croissance dans ce monde d'après la crise. On serait alors face à une contradiction.

La solution est d'avoir des stratégies de croissance d'après-crise explicitement soutenables. Certaines conclusions ont déjà été tirées en ce sens. En particulier, on a besoin de programmes d'actions publiques qui amènent l'argent directement aux entreprises, notamment aux PME et aux citoyens. La présidente de la BCE, Mme Lagarde, l'a dit la semaine dernière. C'est pourquoi les prêts aux PME sont désormais plus facilement pris en refinancement par la BCE.

La stratégie de croissance peut intégrer des objectifs de soutenabilité climatique. Je pense aux programmes de rénovation urbaine ou énergétique. C'est une manière de rendre soutenables des programmes qui ont une vocation microéconomique. Je pense que c'est à cela qu'il faut réfléchir dès aujourd'hui.

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