Intervention de Christophe Castaner

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 16 avril 2020 : 1ère réunion
Audition de M. Christophe Castaner ministre de l'intérieur sur les mesures prises dans le cadre de la loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 en téléconférence

Christophe Castaner , ministre :

Monsieur le président, je n'ai pas « décidé » de reconnaître le Covid-19 comme maladie professionnelle. J'en ai fait la demande, et celle-ci est en cours d'instruction par les autorités compétentes.

La doctrine que je mets en oeuvre se fonde sur des éléments scientifiques, et elle peut évoluer. Je l'ai dit, quelque 1,4 million de masques étaient disponibles, et nous avons décidé de mobiliser ce stock au bénéfice premier du personnel hospitalier. J'ai dit aux policiers et aux gendarmes que nous devions d'abord nous appuyer sur les gestes barrières, notamment la distance entre les personnes.

Monsieur Sueur, vous estimez que je ne suis pas clair, mais peut-être est-ce tout simplement parce que mon propos ne correspond pas à ce que vous souhaitez entendre. En tout cas, je ne doute pas que, si vous exerciez aujourd'hui les responsabilités, vous n'auriez aucune difficulté, dans le marasme mondial que nous connaissons, à trouver des masques...

Je le redis, nous avons fait le choix de protéger en premier les professionnels de santé, qui s'exposent très directement au virus pour sauver la vie des Français. Très tôt, nous avons équipé les véhicules et les sites d'accueil d'équipements de protection (masques, gel, lunettes...) ; nous le devions à nos forces de sécurité.

Si la doctrine devait évoluer, par exemple en ce qui concerne les masques dits « grand public », nous nous adapterions et nous la mettrions en oeuvre sans aucun état d'âme. Ma responsabilité est de protéger les agents du ministère de l'intérieur, et je m'y emploie. Plusieurs d'entre eux ont été touchés par le Covid-19, et je pense à eux à chaque instant. Certains sont malheureusement décédés, mais aucun parmi ces derniers n'était en contact avec le public.

Madame Eustache-Brinio, la continuité de l'action de la police nationale et de la gendarmerie est au coeur de notre engagement. C'est pourquoi nous avons modifié un certain nombre de choses. Les commissariats sont moins ouverts, et nous avons centralisé l'accueil du public pour limiter les points de contact.

Pour autant, le nombre d'agents présents sur le terrain, dans la rue, n'a pas baissé, au contraire. Dans le cadre du plan de continuité d'activité que nous avons mis en oeuvre, l'activité classique se poursuit, par exemple en ce qui concerne les enquêtes judiciaires ou la sécurité routière. Sur ce dernier point, il faut noter que la circulation est moins dense que d'habitude, mais que le nombre de très grands excès de vitesse augmente. J'ai d'ailleurs demandé la mise en place d'un plan spécifique sur ce sujet.

Par ailleurs, les services restent totalement mobilisés en matière de renseignement et de lutte contre le terrorisme et le séparatisme. Pour assurer la continuité des missions, l'organisation du temps de travail a été modifiée, en prenant en compte les contraintes actuelles.

Les violences intrafamiliales constituent un sujet de préoccupation majeure. Personne ne peut accepter que le confinement soit synonyme d'impunité. Il est vrai que le nombre de plaintes déposées baisse significativement, alors même que nous sommes persuadés que les violences augmentent. Depuis le 16 mars, le nombre d'interventions à domicile pour violences intrafamiliales est en hausse de 48 % ; je précise bien que ce chiffre correspond aux interventions à domicile, pas au nombre effectif d'actes de violence.

Nous constatons aussi que l'activité de la plateforme que nous avons mise en place il y a un peu plus d'un an pour dénoncer les violences sexuelles et sexistes progresse de manière significative - elle a été multipliée par quatorze sur la période. Cette plateforme permet de contacter un policier ou un gendarme de manière anonyme et constitue souvent un premier pas vers un dépôt de plainte. En 2019, il y a eu en moyenne 54 échanges sur ce chat ; nous en sommes à 759 en 2020. Le problème est donc bien réel.

C'est pourquoi le Gouvernement s'est particulièrement mobilisé. Nous avons notamment souhaité multiplier les moyens permettant aux victimes d'appeler au secours, car il n'est pas évident pour elles d'appeler le 17 ou d'aller au commissariat. Ainsi, le numéro d'appel 114, qui est normalement destiné aux personnes malentendantes, a été ouvert aux situations de violences intrafamiliales ; nous traitons 170 SMS par jour.

Nous avons également élargi le nombre des lieux où une victime peut se faire connaître. Ayant eu connaissance de l'exemple espagnol, j'ai demandé son concours au Conseil de l'ordre des pharmaciens, qui a tout de suite accepté ; les pharmaciens ont immédiatement joué le jeu - quatre personnes ont été interpellées grâce à ce dispositif. Marlène Schiappa a également organisé des permanences dans des centres commerciaux. Nous avons ouvert de nouvelles capacités de logement, à hauteur de 20 000 nuitées, pour accueillir les victimes ou les personnes violentes.

Autre exemple des initiatives que nous avons prises : les forces de sécurité appellent d'elles-mêmes certaines personnes qui pourraient être en difficulté, pour leur demander quelle est leur situation ; le cas échéant, les policiers ou gendarmes réagissent, alertés par le son de la voix qu'ils ont entendue. Plusieurs personnes ont été interpellées grâce à cette action.

Enfin, j'ai donné des instructions très claires aux préfets : je ne veux pas entendre parler de problèmes matériels ou financiers qui empêcheraient de venir en aide aux victimes !

Vous l'aurez compris, nous sommes pleinement mobilisés. Ce sont des situations où il faut agir très vite ; c'est pourquoi nous avons mis en place de nombreuses mesures nouvelles.

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