Mes chers collègues, nos travaux de cet après-midi sont consacrés à l'audition de M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur, sur l'application des mesures dont il a la charge, notamment le respect du confinement. Je précise qu'un certain nombre de nos collègues interviendront en vidéo-conférence.
Je tiens à saluer l'ensemble des agents de la police nationale et des gendarmes, qui ne ménagent pas leur temps et leurs efforts pour que, pendant cette période, le confinement soit efficace. Leur travail les expose particulièrement au risque de contamination et, monsieur le ministre, nous aurons des questions à vous poser à cet égard, notamment sur la disponibilité des masques pour nos forces de sécurité.
Dans cette mission de suivi, nous veillons particulièrement à ce que, pendant la période de l'état d'urgence sanitaire, l'État de droit soit non pas mis en suspension, mais aménagé avec des règles spécifiques - ces règles doivent être strictement respectées, sans sortir du cadre légal, même exceptionnel, que nous mettons en oeuvre. Cette mission de suivi s'inscrit dans un cadre coopératif avec le Gouvernement. Nous avons voté la loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 et suivons son application, comme nous le faisons en temps ordinaire pour d'autres lois.
Ainsi, nous vous interrogerons sur la cohérence des pratiques en matière de verbalisation et de contrôle. En effet, nous avons parfois constaté un certain flou dans l'action des forces de sécurité intérieure. Je suis sûr que vous en êtes conscient et que vous veillerez à ce que des instructions fermes continuent d'être données, pour que l'on ne s'écarte pas d'une stricte interprétation de la règle.
Nous vous interrogerons également sur l'impact du confinement sur l'ensemble du dispositif de sécurité intérieure, car la menace terroriste subsiste évidemment. De la même façon, si les actes de délinquance sur la voie publique sont moins nombreux, d'autres risques surviennent, comme les violences intrafamiliales, conjugales ou à l'égard des enfants.
Un autre point d'attention porte sur la coordination entre les préfets et les maires dans l'exercice de leurs pouvoirs de police respectifs. En la matière, nous avons en effet vu apparaître des pratiques divergentes et nous nous interrogeons sur les conséquences de la multiplication des initiatives municipales, même si nous comprenons que des situations locales spécifiques existent et peuvent nécessiter des adaptations.
Le rôle des maires est très important pendant cette période et il le sera plus encore au moment de la réouverture des écoles communales, puisque ce sera à eux de veiller à ce que l'accueil se passe dans des conditions de sécurité sanitaire optimales pour les enfants, les parents et les enseignants.
Notre préoccupation est très vive concernant l'élection des maires et de leurs adjoints dans les plus de 30 000 communes pour lesquelles le premier tour des élections municipales a été conclusif. Il nous faut sans doute réfléchir aux moyens d'aller vite, pour ne pas rester dans un « entre-deux » qui soulève des difficultés dans un certain nombre de communes, même si cela nous permet aussi de bénéficier de l'expérience de maires chevronnés, qui quitteront leurs fonctions dans les prochaines semaines.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de cette invitation, qui s'inscrit dans le cadre de votre mission de suivi et de contrôle, mais surtout d'une co-construction entre le Gouvernement et le Parlement.
L'état d'urgence sanitaire et la crise que nous traversons imposent un certain nombre de mesures d'exception et obligent l'exécutif à des décisions rapides. Elles imposent aux Français des sacrifices, aux soignants un travail exceptionnel et aux forces de sécurité civile et de sécurité intérieure un travail remarquable, qui n'est pas simple à mettre en oeuvre. Certaines de vos questions montrent les limites de cet exercice.
Pour autant, vous l'avez souligné, monsieur le président, il n'est pas question de renoncer aux fondements de notre République, à ses valeurs, à son organisation et à l'équilibre promu par notre démocratie parlementaire, qui veut que nous devons aussi rendre des comptes. Il est important aussi que vous montriez que le travail parlementaire se poursuit dans toute sa dimension - c'est un message que vous adressez aux Français. C'est au travers de ce travail que nous devons manifester notre capacité à nous unir, même si des désaccords et des critiques parfaitement légitimes peuvent surgir.
J'évoquerai tout d'abord les principales tâches du ministère de l'intérieur depuis le début de l'épidémie. Évidemment, nous n'avons pas attendu pour agir : très vite, des décisions ont été prises, toujours à l'aune de l'expertise des médecins et des scientifiques, avec pour objectif de préserver la santé des Français et d'assurer la capacité de notre système de soins à tenir. Comme toutes les décisions politiques, celles-ci sont critiquables, mais elles n'ont jamais varié de ce but.
Je n'ai pas besoin de vous convaincre que nous ne sommes pas au bout du combat que nous devons mener contre le virus ; nous en sommes même loin. Toutefois, comme l'a souligné le Président de la République lundi soir, nous pouvons d'ores et déjà voir les premiers effets de notre engagement collectif contre le virus. À cet égard, les personnels soignants jouent un rôle décisif et accomplissent un travail que chacun salue, non pas chaque soir - même si a lieu à vingt heures un rendez-vous qui est devenu symbolique -, mais à chaque instant.
Derrière les soignants, de nombreux Français aux divers métiers s'engagent sans compter. À ce titre, je veux souligner l'implication exceptionnelle des personnels du ministère de l'intérieur, au sens le plus large : je pense aux préfets et aux sous-préfets, aux acteurs du territoire, mais aussi à nos forces de sécurité intérieure, à notre sécurité civile et aux pompiers, même s'ils ne relèvent pas directement du ministère de l'intérieur. J'ai vu la capacité d'adaptation des pompiers, qui ont su totalement diversifier leur champ d'intervention pour répondre à toutes les sollicitations.
Aujourd'hui, en tant que ministre de l'intérieur, ma mission consiste d'abord à assurer le respect des mesures nécessaires au confinement pour faire face à l'épidémie de Covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. Le confinement implique des mesures de restriction de l'ouverture de certains lieux accueillant le public : c'est une mission pour laquelle toute notre administration est mobilisée.
Les personnels des préfectures travaillent d'arrache-pied pour veiller à la bonne application des décisions qui sont prises sur le terrain et pour en assurer la bonne exécution. Ce sont eux qui travaillent à la coordination permanente et très fructueuse avec les collectivités locales, qui sont des acteurs déterminants du combat contre l'épidémie.
Je reviendrai sur la doctrine et sur les quelques désaccords qui ont pu être pointés, mais je voudrais vous livrer immédiatement un témoignage. Ce matin, une téléconférence a eu lieu avec le Premier ministre et l'ensemble des associations d'élus. Si je devais n'en retenir qu'une chose, c'est la demande formulée expressément par toutes les associations de maintenir le lien fort avec les préfets dans la gestion de crise. En un mot, c'est : « Plus de préfet encore ! » Certes, on entend de nombreux commentaires sur certains arrêtés municipaux - ils se comptent en fait sur les doigts d'une main -, pour lesquels j'ai demandé aux préfets de ramener les maires à une doctrine plus conforme à ce que nous appliquons à l'échelon national, mais les remarques que j'ai entendues ce matin montrent bien l'importance des services de l'État qui sont au plus près du terrain.
On a pu relever que certains arrêtés de préfets présentaient également des irrégularités. Cela ne concerne pas seulement les arrêtés des maires : je fais allusion à l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne qui mobilisait les chasseurs, et qui a été depuis retiré ; ceux-ci sont allés, semblerait-il, jusqu'à dresser des procès-verbaux d'infraction...
La tâche est difficile pour tout le monde, pas uniquement pour les maires.
Cet arrêté n'a pas été retiré ; il était limité dans le temps, et j'ai souhaité qu'il ne soit pas reconduit. À mon sens, il y avait une erreur d'interprétation dans sa mise en oeuvre.
Nous devons être pragmatiques : nous avançons en marchant, comme dit l'adage des protestants. Il arrive qu'une règle posée et mise en oeuvre dans des délais extrêmement courts prête à des interprétations fausses. Il est de la responsabilité du ministre de l'intérieur de veiller à fluidifier, mais aussi à « débrancher », voire à s'excuser. J'ai le souvenir de l'avoir fait devant le Sénat en répondant à une question d'actualité au Gouvernement sur des actes pris à l'égard des collectivités locales qui n'étaient pas conformes à notre volonté de travailler ensemble.
L'engagement des pompiers, des policiers et des gendarmes ne se fait pas au détriment du reste de leur engagement. Le drame de Romans-sur-Isère il y a dix jours l'a durement rappelé : le confinement ne fait pas disparaître les risques, en particulier le risque terroriste. Tous nos services de police, de gendarmerie et de renseignement ont pris des mesures pour assurer un niveau de protection contre cette menace, qui reste inchangée et permanente. J'en veux pour preuve que, sous l'empire de l'état d'urgence sanitaire, de nouvelles mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas) ont été prises, des visites domiciliaires continuent d'être organisées et les groupes d'évaluation départementaux (GED) continuent de se réunir, sous le pilotage des préfets.
Laurent Nunez et moi-même veillons à ce que le ministère de l'intérieur, même s'il doit prendre toute notre part dans le combat contre le Covid-19, ne néglige pas sa mission fondamentale de sécurité et de protection des Français. Sur ces sujets, nous avons mis en place des doctrines spécifiques d'organisation, notamment pour tout ce qui concerne le haut du spectre de nos services. Ainsi, pour le risque terroriste, nous avons fait en sorte, au sein de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et, au sein de la police judiciaire, à la sous-direction anti-terroriste (SDAT), qu'il y ait systématiquement une équipe A et une équipe B, qui ne se croisent jamais, afin que nous puissions répondre à toute sollicitation. Il était particulièrement nécessaire de le faire.
De la même façon, l'organisation du temps de travail dans la police nationale a été très vite revue, afin d'anticiper une mobilisation que nous savons longue.
Enfin, dès le 1er mars dernier, j'ai demandé le renforcement de la cellule ministérielle de veille. Au lendemain d'une réunion du conseil de défense et de sécurité nationale, le 17 mars, il a été décidé d'activer la cellule interministérielle de crise (CIC).
Vous connaissez évidemment le contour juridique de cette structure. Même si c'est la CIC Beauvau, elle est présidée par le Premier ministre. Le ministre de l'intérieur est en charge de son animation et de l'exécution des décisions prises par le Premier ministre dans le cadre de l'animation gouvernementale, qui est de sa responsabilité. Pour les mettre en oeuvre, il suit les orientations fixées par le Président de la République, notamment lors des conseils de défense nationale. Deux conseils ont eu lieu au début de la crise, et des réunions exceptionnelles ont été organisées ; une réunion par semaine est consacrée à la gestion de la crise et permet ensuite, sous l'autorité du Premier ministre, de prendre toutes les décisions ministérielles et interministérielles qui s'imposent.
Les arbitrages rendus au sein de la CIC sont ensuite relayés aux préfets. Tous les soirs, je réunis les préfets en visioconférence pour expliquer les mesures décidées, mais aussi pour m'assurer de l'effectivité de la mise en oeuvre des décisions prises. Outre que ces échanges sont nécessaires pour faire redescendre les informations et les instructions, ils sont utiles pour favoriser les remontées de terrain et bénéficier directement du niveau d'analyse des préfets.
Deux fois par semaine, ce dispositif est mixte : il réunit les préfets de région et les autorités régionales de santé (ARS), sous la double autorité du ministre des solidarités et de la santé et de moi-même. Au moment où je vous parle, la CIC, qui reste hébergée place Beauvau, ce sont 70 personnes et 10 ministères, qui relaient l'ensemble de ce travail interministériel. La CIC est un outil de coopération interministérielle en lien permanent avec le centre de crise sanitaire du ministère des solidarités et de la santé sur le volet relatif à la réponse sanitaire, mais aussi avec le centre de crise du ministère des affaires étrangères pour les Français à l'étranger - ceux qui s'y trouvaient provisoirement comme ceux qui y sont établis - qui souhaitent rentrer en France. Je tiens à souligner l'énorme travail qui a été accompli dans ce cadre-là, puisqu'il s'est agi de rapatrier 160 000 personnes dans un contexte de blocage mondial.
La CIC est aussi un outil de contrôle parlementaire. Nous avons créé en son sein une plateforme qui est à la disposition des présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat et qui permet d'accéder à l'ensemble des arrêtés préfectoraux pris sur le fondement de l'état d'urgence sanitaire, avec une mise à jour hebdomadaire. Cela permet aux présidents, à leurs services et aux parlementaires qui travaillent avec eux de nous interroger sur la base de ce que nous produisons.
Enfin, la CIC a une mission particulière, qui est de faire le lien avec les collectivités territoriales. Je ne reviens que très rapidement sur le rôle des maires. Les présidents de départements et les présidents de régions sont aussi très actifs et très engagés sur ces sujets ; je les salue également.
Je demande aux préfets de les accompagner au maximum et de prendre en compte leurs souhaits, mais aussi de rester dans leur rôle et, s'ils le considèrent nécessaire, de demander à tel ou tel exécutif de revoir un arrêté ou de favoriser la coordination des décisions. Par exemple, certains maires ont pris des arrêtés de couvre-feu. J'ai demandé aux préfets de les accompagner, y compris quand un doute juridique subsistait sur la possibilité qu'ils avaient de les prendre, de les aider à les réécrire lorsque c'était nécessaire, voire de prendre un arrêté préfectoral en leur lieu et place et avec leur accord, pour assurer une meilleure sécurité juridique à ces dispositions.
Dans certains cas, je me suis opposé à ces arrêtés, lorsqu'ils ne concernaient que des parties ou des quartiers de communes. Si un arrêté de couvre-feu doit être pris, il doit l'être sur l'ensemble du territoire communal, et pas seulement sur tel ou tel quartier, pour éviter que ce dernier ne soit stigmatisé. À l'inverse, quand un nombre important de maires prenaient des arrêtés de couvre-feu, j'ai suggéré, ou les préfets m'ont proposé, que l'arrêté soit pris par le préfet à l'échelle départementale. Ce fut le cas dans les Alpes-Maritimes, où un grand nombre de maires avaient pris l'initiative d'instaurer un couvre-feu, ce qui entraînait une incohérence dans la carte géographique, car d'autres maires s'y refusaient.
Dans 99,5 % des cas, les échanges ont été fructueux. Quand des incidents sont survenus, il m'est arrivé de décrocher mon téléphone, pour les regretter et soutenir mon administration, tout en disant que je pouvais comprendre que, dans la pression, le terme utilisé ait pu être maladroit ; à l'inverse, j'ai pu dire à un maire qu'il avait selon moi un peu outrepassé les limites. En tant qu'ancien maire, je pouvais parler ainsi, et cela s'est toujours bien passé.
Ce que je souhaite, et c'est l'instruction permanente que je donne aux préfets, c'est que nous soyons à l'écoute des élus pour faire remonter les différents problèmes auxquels ils sont confrontés. C'est l'esprit de la réunion qui s'est déroulée ce matin avec le Premier ministre. Cela a été le cas pour les marchés : j'ai privilégié d'abord une approche sanitaire, puis une approche pragmatique, sur la base des propositions des maires.
Je ne reviens pas sur les dispositions de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 concernant les élections municipales. Les questions que vous avez posées, monsieur le président, sont celles que les associations d'élus ont relayées ce matin. Elles souhaitent l'installation la plus rapide possible des conseils municipaux élus au complet dès le premier tour, sauf contrainte sanitaire. J'ai dû rappeler ce matin le cadre légal : au regard de l'analyse du comité de scientifiques, qui doit être rendue avant le 23 mai prochain, nous serons amenés à prendre deux décisions, la première sur le maintien ou non du second tour des élections municipales au mois de juin prochain, la seconde sur l'installation des conseils élus.
Sur ce sujet, nous avons deux échéances calendaires, qui ne sont pas des dates fixes : l'avis du comité de scientifiques, au plus tard le 23 mai ; le second tour des élections municipales et l'installation des conseils élus au plus tard à la fin du mois de juin. C'est sur cette base que les échanges doivent se poursuivre, pour que nous allions le plus vite possible si les conditions sanitaires le permettent. C'est le souhait du Premier ministre.
Pour les conseils municipaux élus au complet dès le premier tour, certains de nos interlocuteurs, ce matin, auraient aimé que, dès le 12 mai prochain, à la sortie du confinement, nous puissions procéder à leur installation. Sur ce sujet, vos retours m'intéressent.
Il est nécessaire d'aller vite pour deux raisons : d'abord, parce que la démocratie locale le justifie, dans la mesure où les électeurs se sont prononcés ; ensuite, parce qu'il est essentiel de donner aux exécutifs locaux la légitimité électorale pour agir vite et fort dans le combat que nous devons mener ensemble.
La question des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) a aussi été posée. Le système retenu par la loi du 23 mars 2020 porte une forme de fragilité non pas tant juridique que politique, sur laquelle nous avons été interrogés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, si je viens de dresser les grandes lignes de notre organisation, je n'oublie pas notre action sur le terrain. La consigne passée aux Français, qui n'a rien perdu de sa vigueur, est claire et sans ambiguïté : « Autant que vous le pouvez, restez chez vous. » Pour la faire respecter, nous avons mis en place un certain nombre de mesures. Il y a les attestations dérogatoires de déplacement, qui sont obligatoires et dont nous avons expliqué le fonctionnement et les exceptions aux Français. Il s'agit d'un travail de pédagogie, qui a été particulièrement intense au début du confinement et que nous poursuivons.
Nous avons édicté cette règle pour tout le territoire et fait en sorte qu'elle soit respectée partout, sans exception. En moyenne, ce sont 100 000 policiers et gendarmes qui sont déployés en permanence pour contrôler nos concitoyens et, le cas échéant, les verbaliser. Je demande à nos forces de sécurité de protéger les Français en premier. À mon sens, la verbalisation est déjà un échec ; elle n'est pas un objectif en soi. D'après le pointage d'hier soir, près de 12,6 millions de contrôles ont été réalisés et 762 106 verbalisations ont été dressées.
Nous avons su faire monter en puissance nos effectifs déployés sur le terrain à certains moments, par exemple lorsque l'on a craint des départs en vacances ou pendant le week-end de Pâques. Non, il n'y a pas de vacances dans le combat contre le Covid-19 ! Sur ce point, nous avons voulu être particulièrement fermes. Au cours de ces week-ends, 160 000 hommes et femmes ont été mobilisés. Et je n'oublie pas les polices municipales. La loi que vous avez adoptée prévoit la possibilité de doter ces dernières de la capacité de dresser des procès-verbaux - nous avons très vite ouvert ce droit ; elles sont particulièrement mobilisées, tout comme le sont les maires dans le travail de sensibilisation.
Je ne reviens pas sur le coût du non-respect du confinement. En revanche, il faut insister sur l'usure et la difficulté du confinement. Ce dernier est plus facile à vivre quand on habite une résidence particulière avec un jardin, quelque part dans les Alpes-de-Haute-Provence, que lorsque l'on vit à plusieurs dans un appartement situé dans un quartier, sans abonnement à internet et sans que chacun dispose d'une tablette. Cela peut avoir pour conséquence un relâchement, c'est-à-dire la reprise du risque face au Covid-19. Sur ce point, il faut être particulièrement attentif.
Nous devons être tout aussi attentifs à la protection des forces de sécurité intérieure, des forces de sécurité civile et des pompiers.
Je l'ai dit à l'Assemblée nationale et je le répète devant vous : je ne suis ni médecin ni expert scientifique. Je m'en remets à l'expertise des scientifiques et à la doctrine gouvernementale fixée en fonction de leur analyse. Dès la mi-mars, j'ai demandé que soient distribués dans toutes les voitures de police et de gendarmerie, mais aussi, pour les policiers et les gendarmes dans tous les lieux d'accueil du public, des kits de protection, comprenant notamment du gel et des masques. Des instructions ont été données pour que ces masques soient portés conformément à la doctrine définie par les scientifiques, c'est-à-dire seulement en cas d'intervention devant des personnes présentant des symptômes ou en cas de risque important. Il appartient aux policiers d'apprécier la situation, et c'est d'ailleurs ce qu'ils font toujours à chaque contrôle.
Nous avons procédé à des commandes de masques quand c'était nécessaire, mais nous en disposions aussi dans notre équipement de base. Sur ce sujet, les chiffres évoluent en permanence. Ils ont d'ailleurs changé depuis mon audition la semaine dernière à l'Assemblée nationale. Voici ce que je peux avancer à la date du 15 avril : quelque 9 millions de masques sont à la disposition du ministère de l'intérieur et 4 millions ont déjà été répartis dans les unités. D'ici à la fin du mois d'avril, 9 millions de masques supplémentaires seront livrés. Au total, ce sont 60 millions de masques que le ministère de l'intérieur a commandés.
Je n'évoque pas le matériel complémentaire - lunettes, visières et autres - que nous avons acheté pour assurer la meilleure protection possible pour nos forces de sécurité intérieure.
Mesdames, messieurs les sénateurs, voilà en quelques mots un premier tour d'horizon de l'action du ministère de l'intérieur pendant cette crise. C'est une action résolue, forte, déterminée, qui s'appuie sur le travail exceptionnel de tous les agents du ministère, sur la voie publique, dans les casernes de sapeurs-pompiers, en administration centrale et en préfecture.
Aujourd'hui, la santé des Français nécessite l'engagement de tous. Je suis à la tête d'un ministère qui, sur ce point, ne lésine pas.
Monsieur le ministre, vous nous indiquez, sur la question des masques, vous en remettre à l'expertise médicale, mais l'expertise elle-même présente la caractéristique d'être faite de vérités expérimentalement vérifiées et d'incertitudes. Souvent, l'expert définit le champ de l'incertitude, ce qui laisse entier le problème de la décision de l'autorité publique.
Si ni vous ni moi ne sommes experts en santé, les gendarmes et les policiers ne le sont pas davantage. Si la doctrine consiste à leur dire qu'ils doivent porter des masques quand ils sont en présence de personnes présentant des symptômes, on est en droit de se demander comment ils peuvent porter une telle appréciation sur les usagers de la route qu'ils vont contrôler à la sortie des péages. Cette doctrine n'est-elle pas au fond une doctrine de circonstance ?
Au fond, vous n'aviez pas la possibilité d'équiper massivement de masques policiers, gendarmes et pompiers, même si vous les avez commandés. Par conséquent, il a bien fallu définir une doctrine qui soit compatible avec la réalité.
Il faut être sûr que, dans un délai proche, leur protection sera correctement assurée.
Le monde de la santé - l'Organisation mondiale de la santé et d'autres autorités tout autant légitimes - connaît des hésitations, pose des diagnostics divers et débat sur la nécessité de porter ou non le masque de façon permanente.
Le monde connaît une tension forte sur les masques. Je rappelle que, au début de la crise, la France a mis à disposition de la Chine des masques dont elle disposait. Je ne pense pas que cette tension ait influencé la doctrine qui a été définie par les professionnels de santé, qui sont à l'origine d'un certain nombre de préconisations.
J'ai organisé une rencontre entre le professeur Salomon, directeur général de la santé, et les organisations syndicales de policiers.
Il leur a été rappelé, à cette occasion, que lors d'un contrôle, les gestes barrières sont les premiers niveaux de protection, par exemple ouvrir assez peu la fenêtre lors d'un contrôle routier. C'est une condition indispensable. Nous savons tous que, même en étant tout à fait sensibilisés, une part de risque subsiste toujours.
Il y a aussi les agressions dont nos forces peuvent faire l'objet. Cracher au visage d'un policier ou d'un gendarme est devenu une sorte de menace suprême, dont le masque ne protège pas, puisque le virus peut se propager par les yeux. C'est la raison pour laquelle nous avons commandé des visières.
Nous disposions, au début de la crise, d'un stock de 1,4 million de masques de type FFP2 - 100 000 pour la police, à peu près 1,2 million pour les gendarmes, 150 000 ou 200 000 se trouvant au sein des secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur (Sgami). J'ai fait le choix de répondre à la doctrine nationale et de mettre ces masques de type FFP2 à disposition des services de santé.
L'équipement de proximité est laissé à l'appréciation du policier. Au fond, celui-ci agit comme il le fait à chaque instant dans son métier : il apprécie la situation grâce à un certain nombre de faisceaux d'indices à partir desquels il prend une décision. C'est exactement ce que j'ai demandé aux policiers et aux gendarmes pour appliquer cette doctrine déterminée par les structures en responsabilité au ministère des solidarités et de la santé.
Je partage votre point de vue selon lequel les masques ne dispenseront jamais de respecter les gestes barrières. Mais à l'inverse, les gestes barrières ne dispensent sans doute pas d'être doté des protections maximales. Il est important que vous arriviez à porter la protection matérielle à un niveau offrant la sécurité maximale aux policiers, gendarmes et pompiers, qui sont terriblement exposés dans leur mission pendant cette crise.
Je souhaite revenir sur l'organisation et la continuité des missions de sécurité.
Monsieur le ministre, vous avez précisé que 100 000 policiers et gendarmes étaient affectés, en moyenne, au suivi et à l'application stricte du confinement. C'est essentiel aujourd'hui pour préserver des vies. Pour autant, si je puis dire, la vie continue et, même si l'on entend tous les jours que la plupart des Français respectent le confinement, une petite minorité ne suit pas cette règle.
Quelles adaptations avez-vous mises en place pour garantir la continuité des missions de sécurité qui incombent à votre ministère ? Avez-vous instauré une priorisation de ces missions ? Sur le plan organisationnel, avez-vous procédé à certaines adaptations des services de police de proximité ? Des événements sont récemment survenus à Grigny ou à La Courneuve ; les rodéos ont repris dans des quartiers populaires.
Avez-vous pu organiser et maintenir ces missions de sécurité au quotidien pour que les habitants puissent continuer à vivre assez paisiblement ce confinement, qui est encore plus compliqué dans les quartiers populaires ?
Je souhaite vous interroger également sur les violences intrafamiliales et la maltraitance faite aux enfants. L'accueil dans les commissariats est-il maintenu ? Marlène Schiappa a annoncé la mise en place de points d'accueil dans les pharmacies, mais nous ne savons rien de la réalité de ce dispositif. Personne, pas même les préfets, ne peut aujourd'hui nous dire si les pharmacies sont volontaires pour soutenir, entendre et réorienter les femmes qui subiraient des violences. Quid des centres commerciaux ? Il s'agit là d'un sujet de préoccupation et d'inquiétude pour de nombreux maires. On nous dit qu'il y aurait moins d'appels, mais qu'est-ce que cela signifie ? On sollicite les voisins pour dénoncer ce qu'ils pourraient entendre.
Lors de votre audition à l'Assemblée nationale, vous avez indiqué que le confinement, s'il se traduit par une baisse globale de la délinquance, pourrait cependant entraîner de nouveaux risques en matière de sécurité intérieure. Vous craignez en particulier un renforcement du communautarisme. Une commission d'enquête a d'ailleurs été mise en place au Sénat sur ce sujet. Avez-vous organisé avec vos services un suivi de ces phénomènes de repli sur soi ?
Vous avez également évoqué les groupes d'ultra-droite et d'ultra-gauche, qui sont très actifs sur les réseaux sociaux et qui pourraient, à la sortie du confinement, poser problème. Suivez-vous ces phénomènes ? Sur ces problématiques que sont le renforcement du communautarisme et les milieux activistes, pouvez-vous nous rassurer ?
Monsieur le ministre, je reviens sur la réponse que vous avez donnée à Philippe Bas. Les policiers et gendarmes qui se trouvent sur la voie publique et qui demandent à une voiture de s'arrêter ne sont pas en mesure de savoir si son conducteur présente les symptômes du virus. Il me paraît donc nécessaire que chaque gendarme, chaque policier amené à exécuter ses tâches soit doté des protections nécessaires. Sur cette question, je vous demande une réponse peut-être plus claire que celle que vous avez donnée tout à l'heure.
Sur le plan statistique, combien de personnes ont été placées en garde à vue pour avoir violé à plus de trois reprises les mesures de confinement ? Combien ont été déférées ? N'y a-t-il pas une hétérogénéité dans le traitement de ces questions ?
Votre ministère a lancé le 12 avril la commande de 650 drones, pour un montant global de 3,8 millions d'euros. Pourquoi ? À quoi vont-ils servir ? Vous avez affirmé que ces drones ne seraient pas utilisés pour verbaliser des individus. Qu'en attendez-vous ?
Il arrive que le « 17 », numéro d'urgence de police secours, soit saturé. Avez-vous pu traiter cette question ?
Quelle est votre doctrine au regard des personnes sans papiers ? Vous avez annoncé qu'il était exclu de procéder à des régularisations générales. Pour autant, je suppose qu'il y aura une forme de statu quo pendant la période de confinement. Par ailleurs, comment ces personnes pourront-elles accéder aux soins ?
Que comptez-vous faire pour réduire le nombre de personnes accueillies dans les centres de rétention administrative (CRA) ? Quid des personnes qui sont atteintes du Covid-19 à l'intérieur de ces structures ? Dans quelle mesure ces personnes sont-elles susceptibles d'être reconduites à l'extérieur ?
Enfin, je vous pose une question qui n'a sans doute rien à voir, mais, depuis qu'il est connu que nous allons vous auditionner, je reçois quantité de réactions sur ce sujet : après le 11 mai, il y aurait en quelque sorte un confinement à géométrie variable, selon l'âge des individus. Que pouvez-vous en dire ? Certes, cela ne relève pas de votre ministère, mais je vous interpelle en tant que membre du Gouvernement.
Jean-Pierre Sueur est revenu sur la question des masques. Je souligne que vous avez pris une décision importante, monsieur le ministre, celle de demander la reconnaissance du Covid-19 comme maladie professionnelle. Cela signifie que vous percevez parfaitement que les policiers et gendarmes sont exposés.
Or, sur ce sujet, la réponse que vous avez formulée ne comportait pas l'engagement que la doctrine évoluerait au fur et à mesure de la disponibilité de matériels de protection. En effet, le plus sûr serait tout de même que les policiers et gendarmes soit dotés de masques.
Monsieur le président, je n'ai pas « décidé » de reconnaître le Covid-19 comme maladie professionnelle. J'en ai fait la demande, et celle-ci est en cours d'instruction par les autorités compétentes.
La doctrine que je mets en oeuvre se fonde sur des éléments scientifiques, et elle peut évoluer. Je l'ai dit, quelque 1,4 million de masques étaient disponibles, et nous avons décidé de mobiliser ce stock au bénéfice premier du personnel hospitalier. J'ai dit aux policiers et aux gendarmes que nous devions d'abord nous appuyer sur les gestes barrières, notamment la distance entre les personnes.
Monsieur Sueur, vous estimez que je ne suis pas clair, mais peut-être est-ce tout simplement parce que mon propos ne correspond pas à ce que vous souhaitez entendre. En tout cas, je ne doute pas que, si vous exerciez aujourd'hui les responsabilités, vous n'auriez aucune difficulté, dans le marasme mondial que nous connaissons, à trouver des masques...
Je le redis, nous avons fait le choix de protéger en premier les professionnels de santé, qui s'exposent très directement au virus pour sauver la vie des Français. Très tôt, nous avons équipé les véhicules et les sites d'accueil d'équipements de protection (masques, gel, lunettes...) ; nous le devions à nos forces de sécurité.
Si la doctrine devait évoluer, par exemple en ce qui concerne les masques dits « grand public », nous nous adapterions et nous la mettrions en oeuvre sans aucun état d'âme. Ma responsabilité est de protéger les agents du ministère de l'intérieur, et je m'y emploie. Plusieurs d'entre eux ont été touchés par le Covid-19, et je pense à eux à chaque instant. Certains sont malheureusement décédés, mais aucun parmi ces derniers n'était en contact avec le public.
Madame Eustache-Brinio, la continuité de l'action de la police nationale et de la gendarmerie est au coeur de notre engagement. C'est pourquoi nous avons modifié un certain nombre de choses. Les commissariats sont moins ouverts, et nous avons centralisé l'accueil du public pour limiter les points de contact.
Pour autant, le nombre d'agents présents sur le terrain, dans la rue, n'a pas baissé, au contraire. Dans le cadre du plan de continuité d'activité que nous avons mis en oeuvre, l'activité classique se poursuit, par exemple en ce qui concerne les enquêtes judiciaires ou la sécurité routière. Sur ce dernier point, il faut noter que la circulation est moins dense que d'habitude, mais que le nombre de très grands excès de vitesse augmente. J'ai d'ailleurs demandé la mise en place d'un plan spécifique sur ce sujet.
Par ailleurs, les services restent totalement mobilisés en matière de renseignement et de lutte contre le terrorisme et le séparatisme. Pour assurer la continuité des missions, l'organisation du temps de travail a été modifiée, en prenant en compte les contraintes actuelles.
Les violences intrafamiliales constituent un sujet de préoccupation majeure. Personne ne peut accepter que le confinement soit synonyme d'impunité. Il est vrai que le nombre de plaintes déposées baisse significativement, alors même que nous sommes persuadés que les violences augmentent. Depuis le 16 mars, le nombre d'interventions à domicile pour violences intrafamiliales est en hausse de 48 % ; je précise bien que ce chiffre correspond aux interventions à domicile, pas au nombre effectif d'actes de violence.
Nous constatons aussi que l'activité de la plateforme que nous avons mise en place il y a un peu plus d'un an pour dénoncer les violences sexuelles et sexistes progresse de manière significative - elle a été multipliée par quatorze sur la période. Cette plateforme permet de contacter un policier ou un gendarme de manière anonyme et constitue souvent un premier pas vers un dépôt de plainte. En 2019, il y a eu en moyenne 54 échanges sur ce chat ; nous en sommes à 759 en 2020. Le problème est donc bien réel.
C'est pourquoi le Gouvernement s'est particulièrement mobilisé. Nous avons notamment souhaité multiplier les moyens permettant aux victimes d'appeler au secours, car il n'est pas évident pour elles d'appeler le 17 ou d'aller au commissariat. Ainsi, le numéro d'appel 114, qui est normalement destiné aux personnes malentendantes, a été ouvert aux situations de violences intrafamiliales ; nous traitons 170 SMS par jour.
Nous avons également élargi le nombre des lieux où une victime peut se faire connaître. Ayant eu connaissance de l'exemple espagnol, j'ai demandé son concours au Conseil de l'ordre des pharmaciens, qui a tout de suite accepté ; les pharmaciens ont immédiatement joué le jeu - quatre personnes ont été interpellées grâce à ce dispositif. Marlène Schiappa a également organisé des permanences dans des centres commerciaux. Nous avons ouvert de nouvelles capacités de logement, à hauteur de 20 000 nuitées, pour accueillir les victimes ou les personnes violentes.
Autre exemple des initiatives que nous avons prises : les forces de sécurité appellent d'elles-mêmes certaines personnes qui pourraient être en difficulté, pour leur demander quelle est leur situation ; le cas échéant, les policiers ou gendarmes réagissent, alertés par le son de la voix qu'ils ont entendue. Plusieurs personnes ont été interpellées grâce à cette action.
Enfin, j'ai donné des instructions très claires aux préfets : je ne veux pas entendre parler de problèmes matériels ou financiers qui empêcheraient de venir en aide aux victimes !
Vous l'aurez compris, nous sommes pleinement mobilisés. Ce sont des situations où il faut agir très vite ; c'est pourquoi nous avons mis en place de nombreuses mesures nouvelles.
Monsieur le ministre, il me semble que les maires pourraient utilement appuyer certaines de ces mesures. Pour cela, ne serait-il pas intéressant que les préfets leur communiquent la liste des pharmacies et des centres commerciaux qui participent au dispositif ?
Le font-elles vraiment toutes ? Ce n'est pas une mission facile à assumer.
Madame la sénatrice, je n'imagine pas un pharmacien refuser d'appeler police-secours si une femme lui demande de l'aide. Il ne lui revient pas de protéger physiquement la personne qui lui demande de l'aide, mais d'appeler la police.
En Espagne, les associations ont même mis en place un code : si une personne entre dans une pharmacie et demande un « masque 19 », le professionnel sait qu'il doit appeler la police. Ce dispositif n'est pas nécessairement efficace à 100 %, mais il contribue à renforcer les moyens qui se trouvent à notre disposition pour lutter contre les violences intrafamiliales.
Certaines des mesures que nous avons mises en place ne pourront pas durer au-delà de l'épidémie, par exemple le recours au 114, mais j'ai demandé à mes services d'étudier, dans la mesure du possible, leur pérennisation.
Je n'aurai pas la prétention de vous dire que le problème est réglé, mais je puis vous indiquer que des consignes strictes ont été données et que de nombreux dispositifs sont en place, pour que nous puissions réagir au plus vite et au mieux. Je sais qu'il existe des polémiques en ce qui concerne la prise en charge de ces victimes, mais il faut savoir que, hors période de confinement, deux cents femmes sont prises en charge chaque jour par les services de police et de gendarmerie.
Dans les quartiers, la situation globale est plutôt calme, même si la violence urbaine continue parfois d'apparaître, comme ce fut le cas dans la nuit de samedi à dimanche, avec plusieurs incidents lourds. Évidemment, la moindre agression ou le moindre guet-apens, contre les forces de sécurité ou contre les pompiers est inacceptable, et nous devons nous mobiliser pour le combattre.
En ce qui concerne le respect du confinement, un certain relâchement a pu apparaître ces derniers temps, mais il n'est pas uniquement le fait des quartiers populaires. Je ne veux pas laisser penser que les jeunes de ces quartiers seraient plus « couillons » que la moyenne et se croiraient invincibles par rapport à la maladie ; je crois que, comme tout le monde, ils font attention.
En revanche, il est évident que, plus le confinement dure, plus la situation se complique. Nous pourrions ainsi constater une perte progressive d'adhésion de la population, et les tensions et troubles à l'ordre public pourraient augmenter. Je note aussi que la délinquance s'est d'ores et déjà adaptée à la situation ; ainsi, la cyberdélinquance, les cyberattaques et les escroqueries par internet ont augmenté - les délinquants se sont même attaqués à des centres hospitaliers.
Par ailleurs, ceux qui souhaitent développer le communautarisme pourraient profiter de cette période et de l'éventuel repli sur soi qu'elle suscite pour avancer leurs pions. Les discours sur la victimisation seront évidemment encore plus faciles à faire entendre que d'habitude, notamment à l'approche du ramadan, puisque celui-ci sera nécessairement perturbé par la crise actuelle.
Certains adeptes de diverses religions ont également tendance à mettre en avant un salut prophétique, qui serait plus efficace que la médecine... Nous pouvons donc craindre une recrudescence des discours prosélytes. Les préfets comme les élus locaux doivent être attentifs à ce contexte. Par exemple, la fermeture des commerces pourrait entraîner le développement de réseaux parallèles informels, moins faciles à surveiller.
En ce qui concerne les extrêmes, nous constatons en effet une certaine agitation des réseaux d'ultragauche et d'ultradroite, même s'il ne faut pas surinterpréter la note qui est parue dans la presse à ce sujet. J'ai demandé à nos services d'être vigilants. Plusieurs attaques ont eu lieu ces derniers jours contre des pylônes téléphoniques et un restaurant. En outre, des gilets jaunes annoncent une nouvelle mobilisation pour la sortie du confinement.
En matière de terrorisme, il n'y a pas d'alerte particulière, mais le risque est permanent, comme nous l'avons vu à Romans-sur-Isère. Le confinement peut d'ailleurs avoir des effets psychologiques sur certains individus, et nous devons, là aussi, être vigilants.
Monsieur Sueur, selon les informations dont nous disposons à ce stade, 1 733 gardes à vue ont été décidées pour des faits de réitération de non-respect du confinement. Le ministère de la justice pourra vous donner des informations complémentaires sur les suites qui ont été données.
Nous avons déjà auditionné la garde des sceaux - c'était la semaine dernière -, mais nous ne disposions pas alors du même recul.
En ce qui concerne les drones, la police et la gendarmerie disposent déjà de 400 appareils de ce type, qu'ils utilisent régulièrement dans différentes situations. Nos forces de sécurité sont habilitées à utiliser ces aéronefs depuis le 17 décembre 2015 ; ils constituent un outil utile et efficace, qui va monter en puissance. C'est dans ce cadre que, l'année dernière, mon ministère a décidé de lancer une nouvelle commande, pour à la fois renouveler le matériel et monter en puissance. Cette commande n'a strictement rien à voir avec l'épidémie en cours, et l'échéance de l'appel d'offres devrait d'ailleurs nous porter au-delà de la durée du confinement.
Cela dit, les drones peuvent être utilisés pour contrôler le respect du confinement, par exemple sur les plages. Nous utilisons aussi des hélicoptères, mais les drones sont moins coûteux. Ces contrôles ne peuvent pas donner lieu en eux-mêmes à une verbalisation ; il faut pour cela une intervention physique d'un policier ou d'un gendarme sur le terrain.
Il est en effet très important de rappeler que les images prises par des drones ne peuvent pas être exploitées par les forces de sécurité pour verbaliser.
Absolument, monsieur le président ! Je sais que, comme moi, vous êtes particulièrement attentif au respect des libertés publiques.
Monsieur Sueur, en ce qui concerne la régularisation des étrangers, la circulaire publiée il y a quelques années par le Gouvernement que vous souteniez alors continue de s'appliquer ; elle n'a pas été modifiée.
Je sais qu'il existe une polémique à la suite des décisions prises en la matière par le Portugal. Nous avons examiné ce sujet attentivement, et je puis vous assurer que ces décisions aboutissent en fait à appliquer des mesures que la France met déjà en oeuvre, notamment en ce qui concerne l'accès aux soins des étrangers en situation irrégulière. Nous n'avons donc pas besoin de modifier notre droit, puisque nous agissons déjà ainsi. Certes, nous avons fermé les services d'accueil dans les préfectures, mais nous avons maintenu une permanence pour les situations particulières qui nous sont signalées par les associations, ce qui permet d'ouvrir des droits pour ceux qui en ont besoin.
En ce qui concerne le 17, qui est, je le rappelle, un numéro d'urgence, le nombre d'appels a en effet beaucoup augmenté : de 27 % à Marseille, de 76 % en Seine-et-Marne, de 39 % à Lille... Nous avons donc renforcé les moyens. Nous avons aussi créé un chat spécifique pour alléger la pression qui pèse sur le 17 ; il a donné lieu à 29 000 saisines de la police nationale. En tout état de cause, il ne faut appeler le 17 qu'en cas d'urgence ; c'est là un point extrêmement important.
S'agissant des centres de rétention administrative, nous continuons les opérations d'éloignement, tout en gérant le confinement et la protection sanitaire en leur sein. Moins de 150 personnes sont actuellement retenues dans les CRA, dont la capacité d'accueil est dix fois supérieure. Un cas de Covid-19 a été signalé, et la personne concernée a été prise en charge médicalement.
Je ne souhaite pas fermer les CRA, parce que 80 % des personnes retenues actuellement sont des sortants de de prison. Si nous fermions les centres, ces personnes seraient de fait remises en liberté par décision unilatérale du ministère de l'intérieur, ce qui ne serait pas acceptable. Le Conseil d'État a été saisi de cette question. Il a considéré que les conditions actuelles ne posaient pas de problème sanitaire spécifique. Je le redis, notre objectif est de poursuivre les reconduites à la frontière chaque fois que cela est possible.
Enfin, au sujet de la sortie du confinement, le Président de la République a demandé au Gouvernement de présenter une stratégie dans les quinze jours qui suivent son intervention télévisée. Je ne doute pas que les questions liées aux personnes fragiles et celles qui sont relatives aux personnes âgées seront évaluées dans ce cadre.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué la question du discernement dont doivent faire preuve les policiers et les gendarmes, lorsqu'ils sont amenés à contrôler le confinement.
Il faut reconnaître que cette exigence est plus forte qu'à l'ordinaire, puisque certaines sanctions qui étaient auparavant prononcées par un tribunal, donc avec du recul par rapport à l'événement lui-même, donnent maintenant lieu à des amendes forfaitaires qui sont en quelque sorte automatiques. Les pratiques des agents amenés à verbaliser mériteraient donc d'être unifiées.
Je cite quelques exemples : un agent peut-il demander à consulter un ticket de caisse à la sortie d'un supermarché ou à vérifier le contenu d'un caddie ? Est-ce que les gâteaux relèvent du champ des aliments essentiels ? Est-il possible de faire ses courses à bicyclette ou d'aller dans un supermarché ou dans un magasin qui n'est pas le plus proche de son domicile ? Les procureurs de la République, que notre mission de suivi a auditionnés, font état d'une difficulté, pour les policiers et les gendarmes, à apprécier les situations de terrain compte tenu de l'ambiguïté des termes du décret du 23 mars dernier. Comptez-vous prendre des initiatives pour mieux encadrer les contrôles du confinement ?
Au regard des conséquences éventuelles pour les contrevenants, la question du discernement est évidemment essentielle. Sur les 12,5 millions de contrôles, le nombre de problèmes qui nous remontent est faible, mais la dynamique des réseaux sociaux a tendance à les amplifier.
J'ai par exemple entendu parler sur internet du cas d'une personne sans domicile fixe qui aurait été verbalisée à Lyon ; ce cas a été largement relayé, que ce soit par des associations ou par des élus, mais c'était une fake new. Lorsqu'une anomalie apparaît, je demande systématiquement une enquête, et les personnes concernées peuvent saisir l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) et déposer un recours. Nous avons reçu 166 réclamations à ce stade. Ce chiffre n'est qu'un indicateur, mais il montre tout de même que le nombre de cas est faible.
Les policiers et les gendarmes peuvent évidemment commettre des erreurs d'appréciation ; pour les éviter, nous avons formalisé des instructions dans le cadre de la CIC et nous les mettons régulièrement à jour.
Par exemple, les agents n'ont pas à contrôler les courses en elles-mêmes, mais les officiers de police judiciaire disposent de moyens divers lorsqu'ils estiment qu'une personne ment ouvertement. De même, les agents n'ont pas vocation à fouiller les coffres des voitures. En raison de ces différentes difficultés, j'ai veillé à ce que le délai de recours soit porté de 45 à 90 jours, pour qu'il s'étende au-delà de la période de confinement. Enfin, je puis vous dire que ce sujet est fréquemment évoqué lors des diverses réunions que je tiens avec les préfets.
Au début, certaines difficultés sont apparues en ce qui concerne les professionnels du transport ; nous avons alors été amenés à préciser formellement qu'ils étaient autorisés à se déplacer. Nous avons toujours veillé à adapter la règle, sans dénaturer le confinement.
Le contrôle du confinement doit évidemment être assuré correctement. La plupart des Français respectent très bien ces règles, mais le nombre des infractions montre que ce n'est pas toujours le cas pour une minorité d'entre eux.
Monsieur le ministre, nous allons maintenant passer à une série de questions relatives aux lieux privatifs de liberté.
Avant de vous poser une question sur ce sujet, monsieur le ministre, je voudrais faire une remarque sur les élections municipales.
L'installation des conseils municipaux peut apparaître comme non prioritaire. Pourtant, l'action des collectivités territoriales sera déterminante dans la phase de déconfinement. C'est pourquoi nous serions rassurés si vous nous confirmiez que vous travaillez bien sur des scénarios permettant d'installer les conseils municipaux élus le 15 mars 2020 le plus rapidement possible.
La semaine dernière, nous avons interrogé la garde des sceaux sur les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP). François-Noël Buffet et moi-même avons mené des auditions, et je crois que chacun partage le constat que la probation ne fonctionne plus dans le contexte actuel. Elle est en panne !
Par exemple, les règles liées au port d'un bracelet électronique ne sont plus contrôlées. Pourtant, la garde des sceaux nous a grosso modo répondu : « Circulez, il n'y a rien à voir ! » Certes, cette question ne relève pas de la responsabilité du ministère de l'intérieur, mais les policiers et les gendarmes peuvent être amenés de facto à y jouer un rôle, alors même que des agents des SPIP sont tout à fait prêts à travailler. Simplement, on ne donne pas les moyens de travailler à ces agents. Est-ce que la question de la probation a été abordée par la CIC ?
Monsieur le ministre, vous avez évoqué le cas d'une personne atteinte du Covid-19 en centre de rétention administrative. Cette personne a-t-elle été isolée ? Comment les choses se sont-elles déroulées ? Y a-t-il un risque de cluster dans les CRA ? Les personnes retenues et les personnels disposent-ils des équipements de protection nécessaires ? Est-ce que des médecins passent régulièrement ?
Enfin, de quel ordre seront les primes qui seront attribuées aux forces de l'ordre et aux pompiers ? Comment seront-elles financées ? Est-ce que les amendes liées au non-respect du confinement pourraient être affectées d'une manière ou d'une autre à ce financement ?
Quel est le taux d'occupation des centres de rétention administrative aujourd'hui ? Les associations sont-elles toujours présentes dans ces centres ? Le personnel est-il suffisamment équipé pour assurer sa propre sécurité sanitaire ? Enfin, vous avez indiqué que les éloignements continuaient, mais pouvez-vous nous préciser vers quels pays ?
Au-delà de ces questions relatives aux CRA, je souhaite évoquer les contrôles aux frontières et la gestion actuelle de l'espace Schengen. Quels sont les moyens mis en oeuvre aujourd'hui pour protéger nos frontières ? Des coopérations ont-elles été organisées pour remplir ces missions de contrôle et de protection ? Quand se termineront les procédures exceptionnelles qui existent aujourd'hui ? Enfin, comment la France et l'Europe s'organisent-elles pour faire face aux potentiels phénomènes migratoires liés à cette crise ?
Vous l'avez indiqué, les SPIP ne relèvent pas du ministère de l'intérieur. Pour autant, une personne qui porte un bracelet électronique peut évidemment faire l'objet d'un contrôle dans le cadre du respect des règles de confinement. Ce sujet n'a pas été évoqué par le CIC, mais je pourrai faire part de cette question à la garde des sceaux.
À ce jour, 132 personnes sont retenues en CRA, ce qui représente un peu moins de 10 % de la capacité des centres. Elles sont principalement de nationalité albanaise, algérienne, marocaine, portugaise, roumaine et tunisienne. Il n'est guère facile de procéder en ce moment à des éloignements vers ces pays, mais nous continuons de travailler avec les autorités compétentes pour le faire.
Des ressortissants de la Géorgie sont également retenus, et notre niveau de coopération avec ce pays, ainsi que la situation sanitaire sur place, nous permettent d'envisager leur éloignement. J'ai pris la décision de fermer plusieurs centres, parce qu'ils ne comptaient que quelques personnes retenues. Ces personnes ont donc été déplacées. Sur les 132 personnes retenues, 89 sortent de prison.
Madame Delattre, je ne souhaite pas retenir votre suggestion d'affecter le produit des amendes liées au confinement au financement des primes des policiers et des gendarmes, même si elle a un certain sens. Je ne connais évidemment pas le volume global qu'atteindra ce produit, mais il est fort probable, vu le niveau des engagements de l'État, que nous serons loin du compte si nous voulons financer les primes avec ces amendes. De ce fait, une affectation pourrait se retourner contre nous.
En tout cas, la manière de reconnaître le travail des forces de sécurité intérieure dans cette crise n'est pas encore déterminée. Gérald Darmanin a présenté le dispositif global qui s'appliquera dans la fonction publique pour reconnaître l'engagement exceptionnel de certains agents. Cette prime pourra d'ailleurs être modulée selon les circonstances. Chaque ministre concerné est chargé de préparer des scénarios sur cette base. Je suis en train d'y travailler.
En ce qui concerne les pompiers, la prime relèvera de l'employeur, donc des collectivités territoriales - ce sont elles qui décideront de son application. Les discussions se poursuivent sur ce sujet ; nous n'en avons pas particulièrement discuté ce matin durant la réunion entre le Premier ministre et les présidents des associations d'élus. Je ne puis évidemment parler au nom des collectivités concernées.
S'agissant des frontières, vous le savez, elles sont fermées, et les contrôles sont extrêmement stricts. Ainsi, l'espace Schengen est fermé, à trois exceptions près : pour les ressortissants de nos pays, pour les résidents et pour les personnes qui transitent sur notre territoire afin de regagner leur pays d'origine - dans ce dernier cas, des procédures particulièrement rigoureuses ont été mises en place à l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle.
En ce qui concerne les frontières intérieures de l'espace Schengen, nous avons travaillé avec les pays frontaliers selon un principe de réciprocité. Le nombre de points frontières a été diminué, et les travailleurs transfrontaliers bénéficient d'une dérogation de principe pour passer.
Pour l'avenir, le Président de la République a évoqué une fermeture relativement longue des frontières de l'espace Schengen. Des discussions vont avoir lieu, notamment à l'occasion d'un Conseil européen qui se tiendra la semaine prochaine. Laurent Nunez participe en ce moment même à un conseil Justice et affaires intérieures. Nous n'avons pas réussi à obtenir une coordination européenne de la gestion des frontières au début de la crise ; nous espérons que cela sera possible pour la sortie de crise, mais le fait que les pays connaissent des rythmes différents complique les choses.
À l'échelle nationale, le Président de la République a chargé le Gouvernement de préparer sous quinze jours un plan de sortie de crise, et une mission a été confiée à Jean Castex à ce titre. Il s'agira de redonner de la liberté aux Français, tout en contraignant davantage les personnes susceptibles de présenter un risque. Cette logique s'appliquera également pour la gestion de nos frontières.
Enfin, dans les centres de rétention administrative, les personnels disposent bien de moyens de protection. Certaines associations se sont effectivement désengagées, parfois du jour au lendemain... Pourtant, elles sont liées à l'État par une relation contractuelle. Cela ne doit pas empêcher l'exercice de leurs droits par les personnes retenues.
Nous allons maintenant aborder des questions liées à la sécurité civile.
Les sapeurs-pompiers relèvent essentiellement des collectivités locales pour ce qui concerne leur hiérarchie et leur financement, sauf à Marseille et à Paris. Pour autant, l'État conserve l'autorité opérationnelle.
De quels moyens de protection disposent aujourd'hui les sapeurs-pompiers dans l'exercice de leurs missions liées à l'urgence sanitaire ? Avez-vous des contacts avec les départements pour vérifier que ces agents sont correctement protégés ? En effet, la densité des interventions conduit nécessairement à un certain épuisement des stocks.
Vous avez évoqué l'approche du ramadan, et nous savons que cette période peut donner lieu à certaines provocations. J'ai été ministre en charge de la politique de la ville durant trois ans. Mais, tous, nous connaissons les risques de guet-apens qui peuvent toucher les sapeurs-pompiers. Avez-vous engagé une réflexion à ce sujet ?
Comment s'organise l'articulation entre, d'une part, les services d'aide médicale urgente (SAMU) ou les services mobiles d'urgence et de réanimation (SMUR) et, d'autre part, les sapeurs-pompiers, notamment pour les évacuations de patients d'un hôpital à un autre ?
Par ailleurs, les pompiers sont exposés au virus comme d'autres professionnels. Quand aurez-vous une réponse à votre demande de reconnaissance du Covid-19 comme maladie professionnelle ?
J'ai moi-même été administrateur d'un service départemental d'incendie et de secours (SDIS) en tant qu'élu local et je connais la capacité d'adaptation et la polyvalence des sapeurs-pompiers, qu'ils soient professionnels ou volontaires. Je suis pourtant impressionné par la manière exceptionnelle dont ils ont réagi à cette crise. Je sais que leur engagement est total. Par exemple, dans de nombreux départements, ils ont mis en place des structures intermédiaires d'accueil pour les patients atteints par le Covid-19.
Il est vrai qu'il reste quelques endroits en France où la coopération avec les SMUR se passe mal et où certains blocages sont apparus, mais, globalement, la situation est tout à fait satisfaisante, et les sapeurs-pompiers ont apporté un soutien puissant aux SMUR et aux SAMU.
La baisse du nombre d'accidents de la route a permis de dégager des moyens pour traiter l'épidémie. Les pompiers ont également apporté un renfort à la régulation des appels au 15. Je n'évoquerai pas ici la question du numéro unique d'urgence, mais cette crise nous permettra assurément de réaliser des retours d'expérience. Les pompiers ont également apporté leur appui à la réalisation de tests virologiques, en particulier dans les Ehpad, et ils se sont engagés de manière très significative dans les opérations de transfert de patients entre hôpitaux.
En ce qui concerne les équipements individuels de protection des sapeurs-pompiers, nous avons là aussi mis en place une doctrine et un dispositif d'accompagnement. Comme pour les policiers et les gendarmes, nous faisons appel au discernement des pompiers, qui savent quand et comment utiliser les équipements de protection. Le principe d'une mise à disposition de 50 masques par semaine et par centre a été fixé. Il revient aux SDIS d'équiper les forces, mais nous avons distribué 325 000 masques. Je n'ai pas eu connaissance d'incidents d'alimentation, mais j'ai donné instruction aux préfets d'être à la disposition des présidents ou des directeurs de SDIS afin de les aider en cas de « trou dans la raquette ».
J'ajoute que nous avons renforcé les moyens outre-mer, que ce soit en termes de gestion de crise ou de sécurité civile. Nous avons également projeté des moyens militaires sur place.
S'agissant de la reconnaissance comme maladie professionnelle, ma demande date de la semaine dernière. Par ailleurs, nous ne connaissons pas à ce stade le nombre des sapeurs-pompiers qui sont atteints du Covid-19.
Je réponds pour finir à la question de M. Kanner sur les risques de guet-apens. Ce n'est pas un phénomène nouveau ; les agressions de pompiers et de policiers surviennent fréquemment, mais, comme je le disais tout à l'heure, le niveau de tension n'est pas élevé en ce moment dans les quartiers. Depuis plusieurs mois, nous avons renforcé les dispositifs de cartographie, pour mieux évaluer le problème et y apporter des réponses adaptées. Généralement, ces guets-apens visent d'abord les policiers et les gendarmes, et les pompiers sont en quelque sorte des dommages collatéraux, ce qui est évidemment inadmissible et insupportable, parce que les pompiers sont là pour sauver des vies.
Il nous faut maintenant reparler des maires : le mandat des maires élus en 2014 a été prolongé, dans l'attente de l'installation des nouveaux conseils municipaux.
Ces maires rendent un immense service : ils assument la permanence de l'action des communes, aussi bien en termes de police administrative que pour le service aux personnes, notamment les plus vulnérables.
Cette situation transitoire ne pourra pas durer longtemps, vous l'avez dit tout à l'heure.
Il faut distinguer deux situations.
D'une part, l'organisation du second tour des élections municipales. Seules 5 000 communes sont concernées mais elles représentent plusieurs millions d'électeurs et plusieurs milliers de bureaux de vote : assurer la sécurité sanitaire des électeurs et de ceux qui tiendront les bureaux de vote est donc un problème considérable.
D'autre part, l'élection des maires dans les communes qui ont élu leur conseil municipal dès le premier tour. Cette élection est complexe, sinon elle aurait pu avoir lieu, comme prévu, les 19, 20 et 21 mars derniers. Toutefois, nous avons maintenant un peu de recul : le temps a passé, nous prévoyons le déconfinement pour des millions de Français à partir du 11 mai, et il est donc plus que temps que le comité de scientifiques nous donne un avis. C'est la raison pour laquelle Alain Richard et moi-même avons écrit hier au président Delfraissy, pour lui demander d'éclairer le Gouvernement et le Parlement le plus vite possible sur les conditions qui assureraient la totale sécurité sanitaire de la réunion des conseils municipaux et, à défaut, reposer la question du vote électronique, que vous avez récusé, après que nous vous eûmes mandaté dans la loi pour prendre des dispositions à cet égard.
Les maires de France et leurs associations attendent que des dispositions soient prises très rapidement pour mettre fin à cette période intermédiaire, même si celle-ci n'a pas eu que des inconvénients, en confiant le gouvernail à des maires expérimentés. Demain, il faudra réorganiser les écoles et la vie reprendra, et il n'y a pas de raison que les communes fassent exception au déconfinement.
Je souscris pleinement aux propos du président Philippe Bas.
Nous devons nous assurer de bien comprendre de la même façon la loi d'urgence du 23 mars 2020 : un décret fixe la date d'entrée en fonction des conseils municipaux sur la base d'indications scientifiques ; par ailleurs, un rapport doit être présenté au Gouvernement avant le 23 mai sur la question du second tour des élections municipales.
Nous avons besoin d'être sûrs que le Gouvernement se mettra d'accord avec le comité de scientifiques et éventuellement d'autres instances sur la faisabilité de la réunion d'installation des conseils municipaux dans la deuxième quinzaine de mai. Il faudra aussi tenir compte de l'ordonnance du 1er avril 2020, qui fait entrer les porteurs de pouvoirs dans le calcul du quorum. Pour un conseil municipal de sept membres, la présence d'une seule personne pourrait suffire... Le Gouvernement a voulu faire trop de zèle : je ne pense pas que quiconque aura envie d'organiser une réunion d'installation avec moins du quart des membres présents ; ce ne serait pas raisonnable.
Autre remarque concernant l'organisation du second tour des élections municipales, qui m'est venue pendant la commission mixte paritaire relative au projet de loi d'urgence. Les communes de moins de 1 000 habitants ont, pour la majorité d'entre elles, 200, 300 ou 400 électeurs inscrits. Même si un second tour ne semble pas réalisable le 21 juin pour les communes où il y a un grand rassemblement d'électeurs, ne serait-il pas concevable qu'il le soit là où le nombre d'électeurs se compte en quelques centaines ?
Ne peut-on pas faire confiance aux maires, qui dialoguent sur ces questions avec les préfectures depuis la nuit des temps, pour organiser ce second tour dans les petites communes, de manière que nous ayons le plus possible de conseils complets avant l'été ? Dans cette hypothèse, les élections organisées à l'automne ne concerneraient que les communes de plus grande taille. En tout cas, en droit, rien ne semble l'exclure.
Voilà une percée novatrice à laquelle je me rallie - même si un examen complémentaire serait naturellement nécessaire.
Je reformule aussi une question simple : pourquoi ne voulez-vous pas du vote électronique pour l'élection des maires et des adjoints, même si je préférerais bien sûr une élection avec une présence physique des conseillers municipaux ?
Pour préciser ma proposition, on peut imaginer un second tour en juin dans certaines catégories de communes et une annulation pour d'autres catégories, si ce choix est encadré par la loi et proportionné à des considérations de sécurité sanitaire. Les 35 000 élections municipales sont indépendantes les unes des autres - y compris les élections des différents secteurs pour les communes qui sont divisées en secteurs -, donc, si les conditions le permettent au vu du faible nombre d'électeurs à faire défiler dans le bureau de vote et si cela permet de réduire le nombre de communes qui devront attendre un nouveau premier tour, je pense qu'il n'y a pas d'obstacle de droit.
En effet, si nous ne pouvons pas organiser le second tour avant le 30 juin prochain, nous devrons réorganiser une élection à deux tours dans les communes concernées. Si nous pouvons faire élire, sans danger, dans les petites communes les deux ou trois conseillers municipaux qui manquent, il serait dommage de s'en priver.
Je n'oppose pas un non de principe. Il faut examiner la question juridiquement. Techniquement il est possible de dissocier les dates d'élection de différentes strates de communes. Politiquement, cela peut ne pas être simple. Un bureau de vote, c'est 1 000 à 1500 électeurs en moyenne ; si je choisis de placer la barre à 3 000 habitants, cela fait trois bureaux de votes à 1 000 électeurs, et le risque est le même que dans les petites et dans les grandes villes.
Sur le fond, je vous rejoins totalement ; d'ailleurs, c'est la discussion parlementaire qui a prévu la remise d'un rapport du comité de scientifiques pour l'installation des conseils municipaux et qui a posé l'échéance du 23 mai 2020, avec l'idée d'un contrôle sanitaire et non un rapport unique. Je vous rappelle les termes de la loi : « les conseillers municipaux et communautaires élus dès le premier tour organisé le 15 mars entrent en fonction à une date fixée par décret, au plus tard au mois de juin, aussitôt que la situation sanitaire le permet, au regard de l'analyse du comité des scientifiques. » Le texte ne fait donc pas référence au rapport remis au plus tard le 23 mai prochain.
Vous indiquez que vous avez saisi le comité de scientifiques ; s'il nous donne son sentiment positif sur la tenue des conseils, ce qui est très différent de la tenue des élections,...
Je serais plus à l'aise si le Gouvernement demandait lui aussi l'avis du comité de scientifiques...
Je suis prêt à le solliciter également : nous avons la même ambition.
Je n'ai pas récusé le vote électronique, monsieur le président. Je vous ai répondu par courrier que, à mon sens, les mesures de simplification des règles procédurales, que le ministère de la cohésion des territoires et moi-même avons élargies le plus possible, suffisaient, alors que le vote électronique ne permet pas de garantir le secret. Les spécialistes que j'interroge ne me disent pas comment rendre « non traçable » un mail qui me donne le vote d'Alain Richard, conseiller municipal de Saint-Ouen l'Aumône, en faveur de tel ou tel candidat. Avec l'adresse IP, notamment, on peut toujours tracer l'origine d'un mail.
Si c'est votre seule réserve, elle pourra être levée. Je comprends que vos services soient traumatisés par des expériences passées, notamment concernant les Français de l'étranger.
Nous avons pris le soin d'auditionner un certain nombre de prestataires de services et nous en sommes ressortis avec la conviction que le secret - exigence majeure pour nous aussi, car il ne s'agit pas de verser dans une forme d'amateurisme et de fascination pour les technologies nouvelles - pouvait être préservé par des applications qui existent depuis longtemps et qui sont utilisées par votre propre ministère, dans le cadre des élections professionnelles.
Il faudrait consulter directement les prestataires, comme la mission de suivi l'a fait, pour s'assurer que les choses sont possibles, d'autant plus que le temps presse. Nous avons le choix entre deux possibilités : ou bien le comité de scientifiques vous donne les indications très vite, pour que vous organisiez le vote dans des conditions proches de l'habitude, ou bien vous ce n'est pas possible, et il faut réinterroger la possibilité du vote électronique, qui ne s'improvise pas et demande une dépense non négligeable - il faudra donc comparer son coût et ses avantages. Si nous pouvons organiser autrement les élections des maires et de leurs adjoints d'ici le début du mois de mai, ce sera sans doute préférable, mais le temps que nous n'aurons pas consacré à la préparation du vote électronique ne pourra pas être rattrapé.
Une autre option aurait été de modifier le droit en vigueur et de considérer que le caractère secret du vote n'était pas nécessaire, mais ce n'est pas le choix que vous avez fait.
Pour ma part, je sais que je trouverai toujours un prestataire de services pour me garantir la sécurité de mes réseaux électroniques et que je trouverai toujours quelqu'un qui me racontera comment il a été piraté. Je fais la différence entre des votes où 200 000 personnes sont amenées s'exprimer dans le cadre des élections professionnelles et le conseil municipal de Saint-Martin, la plus petite commune de ma circonscription, qui compte 14 électeurs, auxquels je ne suis pas sûr de pouvoir garantir le secret.
Et les participants aux élections professionnelles du ministère de l'intérieur ?
Je pense qu'un vote de 200 000 personnes ne requiert pas le même niveau de sécurité que j'attendrais pour l'élection du maire d'une commune, même si nous pouvons avoir une différence d'appréciation sur ce sujet.
Les prestataires sont toujours prêts à dire qu'il n'y a pas de problème de sécurité, mais si vous leur demandez de s'engager sur un montant financier important pour garantir que leur système est inviolable, ils sont moins nombreux...
En somme, vous êtes prêt à lever le secret du vote pour l'élection du maire et des adjoints mais pas à prendre le risque d'un vote électronique ?
Je pense qu'il ne faut pas transiger avec le secret qui figure dans la loi. Pour avoir été maire pendant longtemps et connaître l'importance du rassemblement de femmes et d'hommes qu'est un conseil municipal, je pense qu'il vaut mieux pour un maire ne pas avoir été élu par mail. S'il faut attendre deux ou trois semaines...
Personne n'a parlé de vote par mail ! Bien d'autres solutions existent !
Mais puisque manifestement il n'y aura pas de vote électronique pour l'élection du maire et des adjoints, comment les choses seront-elles organisées ?
Les choses seront assez simples : un décret de convocation fixera un délai raisonnable au regard des précautions sanitaires à prendre. Il a toujours été dans la volonté du Gouvernement que cette installation se fasse le plus rapidement possible. Dès que nous aurons le retour du comité de scientifiques, si celui-ci nous indique que l'on peut réunir les conseils municipaux, nous le ferons.
Se pose aussi la question des EPCI. Nous avons travaillé sur plusieurs hypothèses pour les faire fonctionner au mieux. Nous connaissons leur fragilité, mais nous savons aussi qu'ils sont indispensables pour mettre en oeuvre les solidarités territoriales.
Monsieur le ministre, des informations me sont parvenues selon lesquelles 35 policiers du commissariat de Cannes, sur 250, seraient atteints par le Covid-19, dont plus de la moitié n'auraient pas été testés. Que compte faire votre ministère pour enrayer la propagation ? De même, une compagnie CRS de l'Aude cantonnée à Ajaccio compterait 10 cas sur 70. Il faudrait les tester avant leur retour.
Je veux également vous interroger sur la cohérence des pratiques en matière d'ouverture des marchés. Le décret du 23 mars dernier fixe trois conditions à cette ouverture, mais, selon les départements, les préfets n'en font pas la même interprétation. Dans le Tarn-et-Garonne, département à vocation agricole, trois communes de taille modeste n'ont pas obtenu de dérogation, au contraire de celles des départements voisins.
Le préfet de la Saône-et-Loire a eu la délicatesse de relayer sur les réseaux sociaux la publication d'un député émérite de la majorité, par ailleurs candidat aux municipales, qui appelle les gens à retrousser leurs manches et à se remettre au travail... Au-delà des questions que cette initiative pose au regard du devoir de neutralité, quelle doctrine a été transmise aux préfets en matière économique sur la sortie du confinement ? Il faudra réaliser un mixte subtil entre l'accélérateur de la reprise et le frein du confinement sanitaire. On le voit avec Amazon dans le secteur privé, ou pour le fonctionnement du service postal ; on le voit aussi dans une collectivité territoriale avec la question de la réouverture des déchetteries, par exemple.
Le dispositif de traçage volontaire et sans contrepartie aura-t-il un effet positif sur la sortie du confinement ? Tout le monde n'a pas un smartphone, et certains ne savent pas s'en servir...
Aurons-nous un nombre suffisant de tests ? En Corée du Sud, il existe une brigade humaine de 20 000 personnes pour 56 millions d'habitants ; si nous voulons la même proportion, il faudrait en France une brigade de 30 000 personnes.
Enfin, ne faudrait-il pas rendre le port du masque obligatoire à la sortie du confinement ?
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous faire un point sur l'enregistrement des demandes d'asile dans les préfectures ? Est-il complètement à l'arrêt ? Comment sortira-t-on du confinement de façon que personne ne perde de droits ?
Les ordonnances ont prolongé le droit au séjour pour ce qui concerne la compétence nationale, mais qu'est-il prévu pour les personnes titulaires d'un droit au court séjour Schengen qui sont coincées à cause de l'absence de liaison aérienne ? J'ai posé la question au ministère de l'Europe et des affaires étrangères: il m'a été répondu qu'ils devaient se rendre en préfecture pour demander une prolongation de séjour, ce qui me semble un peu compliqué. N'aurait-on pu agir au niveau européen pour prolonger les titres européens, comme il y a eu prolongement des titres français ?
Nombre de nos concitoyens ressentent de l'incompréhension devant la grande diversité qui existe dans les niveaux de contrôle du confinement.
Dans le Bas-Rhin, deux personnes formant un même couple ne peuvent pas sortir ensemble, tandis que, sur les réseaux sociaux, on voit sur certaines lignes de transports collectifs en Île-de-France des wagons aussi remplis qu'auparavant. Vous avez dit qu'il ne fallait pas avoir peur des joggers ; mais on voit des défilés de joggers à la télévision. Ne serait-il pas possible que nos concitoyens perçoivent une plus grande cohérence dans la mise en oeuvre des mesures de restriction du confinement ?
Vous avez mis l'accent sur l'importance du rôle des élus locaux dans la crise que nous traversons ; mais, dans le Bas-Rhin, ils ont reçu une instruction leur notifiant que le rôle de police administrative spéciale mise en oeuvre dans le cas de l'état d'urgence sanitaire passait bien au-dessus des mesures de police générale... Certains ont eu le sentiment qu'ils mériteraient une confiance accrue dans ce dossier.
Quelle est la mobilisation des forces de sécurité intérieure en outre-mer face à cette crise ? Malheureusement, la délinquance de droit commun n'y a pas cessé.
Qu'est-il prévu pour les demandes d'évacuation sanitaire vers les territoires d'outre-mer de ressortissants nationaux se trouvant dans des pays voisins, sachant qu'il nous faut préserver nos capacités médicales ? Un cas avéré de coronavirus en provenance des Comores ayant été recensé à Mayotte, le préfet a annoncé hier un certain nombre de mesures supplémentaires, notamment le concours de l'armée, pour faire face à cette situation. Pouvez-vous nous en dire plus ? La population est évidemment inquiète et craint légitimement une vague supplémentaire de contamination, qui pourrait provenir de l'immigration.
Il semblerait que la doctrine ait changé concernant les marchés de plein air... Ils étaient interdits dans les villages comptant une supérette, mais il se trouve que les drives ne suffisent pas à contenir la catastrophe économique qui menace nos producteurs. Les maires sont responsables et savent organiser des marchés où la sécurité sanitaire est parfois plus grande que dans les magasins.
Il faut une installation des conseils municipaux au plus tard le 23 mai prochain : on ne comprendrait pas que l'on ne soit pas capable de réunir les 35 conseillers municipaux de la plus grande ville de l'Aveyron dans une salle de 1 000 mètres carrés en toute sécurité ! Les budgets ne sont pas votés. Or, 80 % de la commande en travaux publics viennent des collectivités territoriales. Si l'on veut une relance économique, il faut agir rapidement.
Enfin, pourriez-vous rassurer les maires qui craignent une baisse des aides de l'État, comme la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) ?
Les festivals de cet été sont annulés ou reportés, ce qui leur causera d'énormes difficultés financières, jusqu'à mettre en cause leur survie. Or ils jouent un grand rôle dans nos territoires. Avez-vous l'intention de revenir sur l'application de la circulaire Collomb, qui impute les coûts de sécurité et d'assistance extérieure à la charge des budgets de ces mêmes festivals pour la sécurité incendie et le secours aux personnes ? Est-il possible d'imaginer que les départements assument ces charges de service public ?
M. le ministre Riester a indiqué que les petits festivals pourraient se tenir après le 11 mai. Mais qu'est-ce qu'un petit festival ?
Monsieur le ministre, vous avez déclaré qu'il fallait agir vite et fort. C'est vrai. Mais cela n'entre-t-il pas en contradiction avec le fait que nous ayons quatre interlocuteurs, entre le préfet, le recteur, l'ARS et la direction départementale des finances publiques (DDFIP) ? Ne serait-il pas préférable de désigner un chef de file, le préfet, pour travailler avec les élus locaux ?
Les mariages seront-ils autorisés de nouveau à partir du 11 mai, ou seront-ils considérés comme des « grand rassemblements » et interdits ?
Il semblerait que les résultats consolidés du premier tour des élections municipales ne soient pas affichés sur le site du ministère de l'intérieur, comme cela se fait traditionnellement. Y a-t-il une raison à cela ?
Monsieur Bonhomme, je ne connais pas la situation particulière de Cannes, mais je puis vous indiquer que, au sein de la police nationale et au moment où je vous parle, il y a 309 personnes atteintes, sur un volume de 150 000 agents, et 8 369 isolés sanitaires. Nous pratiquons en effet un confinement relativement massif dès qu'il y a un cas avéré de Covid-19, ce qui nous conduit, et ce n'est pas simple, à neutraliser une compagnie de CRS ou un escadron tout entier, parce que nous ne voulons pas faire prendre des risques à nos agents.
En ce qui concerne les tests systématiques, notre objectif est d'en rendre disponibles 50 000 par semaine. C'est le rôle des préfets et des ARS que de mobiliser le plus de laboratoires possibles. À cet égard, ceux de la police et de la gendarmerie le sont pleinement.
Les publics prioritaires sont les résidents des Ehpad et les personnels de santé. Mais, attention, l'efficacité des tests n'est que de 60 % à 70 % et, dans les premiers jours de la maladie, un porteur peut être négatif. C'est donc un bon indicateur, mais qui ne règle pas toutes les situations. C'est l'un des sujets sur lequel j'ai mis la pression sur les préfets hier soir, avec le ministre de la santé.
Il y des départements qui ne disposent pas de capacités de test suffisantes - je pense aux territoires ruraux, qui comptent de nombreux Ehpad, mais peu de laboratoires. J'ai donc demandé aux préfets de régions d'organiser une solidarité infrarégionale.
S'agissant des marchés, il y a un vrai paradoxe : pour adoucir l'interdiction totale, nous avons fait confiance à l'intelligence territoriale des préfets, sur la base des préconisations des maires. Nous avons élaboré une doctrine, une fiche technique permettant aux maires de dire qu'ils savent organiser un marché en respectant la sécurité sanitaire, ce que le préfet vérifie.
Toutefois, comme la responsabilité est laissée au préfet, il peut y avoir des différences selon les départements. C'est le paradoxe dans lequel nous sommes, tous : si nous aimons prendre en compte la dimension territoriale et expérimenter, il faut en accepter le corollaire, qui est la possibilité de telles différences.
Il existe davantage d'arrêtés dérogatoires aujourd'hui, mais je n'ai pas changé de doctrine. Après l'intervention du Premier ministre, j'étais le soir même en visioconférence avec les préfets : j'ai rappelé le cadre - l'interdiction - et la possibilité d'y déroger sous certaines conditions et avec une méthodologie particulière. Le 30 mars, 2 257 marchés étaient autorisés par des arrêtés ; ils étaient 3 373 le 6 avril et 3 629 le 13 avril.
Monsieur Durain a évoqué la doctrine de déconfinement communiquée par un député. Aucune doctrine de cet ordre n'a été transmise aux préfets. Le Président de la République l'a demandée sous quinze jours et elle sera présentée le moment venu.
Monsieur Wattebled, l'application de traçage n'est pas un dossier qui relève du ministère de l'intérieur. Cédric O l'a dit : il s'agirait d'un téléchargement volontaire et avec un seul objectif, la prévention et la maîtrise des risques de contamination. Le dispositif n'aurait pas vocation à être contrôlé. Notre compétence est d'exécuter ce qui sera décidé par d'autres. Vous aurez l'occasion de vous exprimer sur ce sujet, le Président de la République ayant souhaité un débat parlementaire sur cette application facultative.
Vous me demandez s'il y aura des dépistages en nombre suffisant. Mais quel est ce nombre suffisant ? Nous ne pourrons pas tester 65 millions de personnes par jour. Aucun pays au monde ne l'a fait. Aujourd'hui, nous montons en charge.
Faut-il rendre le masque obligatoire ? C'est une décision à prendre sur la base de données scientifiques et qui ne relève pas du ministère de l'intérieur.
Monsieur Leconte, nous avons enregistré 3 031 entrées en mars dans le dispositif national d'accueil (DNA), alors qu'elles étaient 6 297 en 2019, mais il y a eu quinze jours sans fermeture de frontières ; ce chiffre n'est donc pas très représentatif. Aujourd'hui, il y a très peu d'entrées dans notre pays, car il y a un contrôle assez significatif à l'entrée de l'Union européenne, à la porte marocaine par exemple. Je n'ai pas de chiffres plus précis depuis le 18 mars.
Il est possible de déposer une demande d'asile, soit par les procédures à la frontière, soit sur le territoire national pour les publics vulnérables accompagnés et signalés notamment par les associations. Nous avons fermé les guichets de gestion de l'accueil, mais nous avons maintenu des agents qui travaillent sur ces sujets.
Pour les visas de court séjour qui seraient dépassés, nous avons prévu un dispositif simple de prorogation, via un rendez-vous téléphonique avec les préfectures. S'agissant des saisonniers actuellement en France avec un visa valable six mois, mais ayant des activités agricoles en perspective, l'ordonnance prévoit la possibilité de proroger leur visa de trois mois s'ils ne peuvent pas rentrer chez eux et qu'ils peuvent travailler sur le territoire national.
Monsieur Reichardt, 160 000 policiers et gendarmes ont effectué des contrôles de respect du confinement le week-end dernier, mais tous ont reçu les mêmes instructions. Ce que vous me dites m'étonne : deux personnes qui sont confinées ensemble, si elles ont rempli leur attestation, peuvent sortir ensemble. Peut-être ont-elles été verbalisées parce qu'elles n'avaient qu'une seule attestation pour deux.
Vous me reprochez de ne pas avoir peur des joggeurs. Le confinement total et absolu n'a été mis en place dans aucun pays, car il se heurte à des besoins physiologiques. Il faut que l'on puisse sortir une heure par jour. Et je précise que je ne pratique pas le jogging, sinon sur un tapis, ce qui ne pose pas de problème d'attestation...
Vous demandez une confiance accrue entre les préfets et les élus. Pour avoir rencontré leurs associations ce matin, je puis vous dire qu'aucune ne m'a rapporté de problème avec les préfets. Il y a des endroits où la situation est plus compliquée qu'ailleurs - c'est lié à la nature des relations humaines -, mais le message que je passe de façon permanente, c'est celui de la discussion.
Je n'ai pas voulu que les préfets défèrent, notamment, les arrêtés qui imposaient le port du masque ; j'ai préféré qu'ils échangent avec les maires et précisent pourquoi nous considérions que ces textes n'étaient pas juridiquement valables - le Conseil d'État se prononcera sur ce point dans les heures qui viennent - et pourquoi un tel message pouvait susciter un relâchement dans le confinement, certaines personnes considérant que, parce qu'elles portent un masque ou un foulard, elles peuvent s'épargner les contraintes des gestes barrières et du confinement.
Monsieur Thani Mohamed Soilihi, nous restons totalement mobilisés sur l'ensemble du spectre du droit commun. Le « petit judiciaire » n'étant pas prioritaire au ministère de la justice, nous sommes surtout mobilisés sur le haut du spectre, ainsi que sur le respect des échéances, et je sais que la garde des sceaux est également très vigilante sur ce terrain.
À Mayotte, nous sommes montés en puissance, en mobilisant des moyens particuliers contre l'immigration clandestine dans le cadre de l'opération Shikandra. Pour l'instant, Mayotte n'est pas excessivement touchée par le Covid-19, mais nous connaissons sa situation sanitaire et sociale très délicate. C'est pourquoi, avec la ministre des outre-mer, j'ai mis en place des dispositifs pour protéger ce département, ainsi que les territoires d'outre-mer en général.
Au moment où je vous parle, trois navires patrouillent vingt-quatre heures sur vingt-quatre autour de Mayotte pour lutter contre le risque d'immigration clandestine, qui est doublé d'un risque sanitaire. Même si le gouvernement comorien indique qu'il n'y a pas de cas sur son territoire, je sais que la population n'y croit pas, et je ne prends pas forcément ces déclarations pour argent comptant. Depuis le 6 avril, sur huit kwassa-kwassas repérés, deux ont été repoussés et six ont été interceptés à leur arrivée, mais il est vrai que la tension avec les Comores ne facilite pas les reconduites, qui se font en temps normal de manière beaucoup plus fluide. Nous ne baisserons pas la garde sur ces questions-là.
Les évacuations sanitaires à destination des outre-mer ont fait l'objet d'une approche spécifique. Plusieurs de nos postes diplomatiques ont en effet saisi les autorités de demandes d'évacuation de ressortissants nationaux ou européens. Nous y répondons en prenant en compte la capacité médicale des territoires d'outre-mer. Dans cette perspective, nous avons d'ailleurs prévu la mise en place de moyens aériens entre Mayotte et La Réunion. Chaque cas fait l'objet d'une évaluation particulière. Et s'agissant des Européens, nous veillons avec leur pays d'origine à ce que le passage en outre-mer, comme ailleurs sur le territoire national, ne soit qu'un transit court.
En ce qui concerne les marchés, la doctrine n'a pas changé ; j'en ai discuté de nouveau il y a peu avec le Premier ministre, notre intention n'est pas d'empêcher les marchés, mais de faire en sorte qu'ils puissent se tenir dans les conditions sanitaires correctes.
Je n'ai pas d'inquiétude particulière pour la DETR, qui ne relève pas de mon ministère. Quant à l'installation des conseils municipaux, nous souhaiterions anticiper sur l'échéance du 23 mai.
Le ministre de la culture a fait des annonces ce matin sur les petits festivals. Nous n'avons pas encore pu travailler sur leur mise en oeuvre mais nous allons le faire dans les jours qui viennent : il est nécessaire que les indications les plus précises soient données aux organisateurs le plus vite possible. Une cellule spéciale au sein du cabinet du ministre de la culture répond à toutes les demandes de conseils, et la CIC se mettra à la disposition du ministère de la culture ; ainsi pourrons-nous définir, ensemble, ce que sont les petits festivals et quelles règles sanitaires il nous appartiendra à nous, forces de sécurité intérieure, de faire respecter.
Mme Jourda a évoqué la difficulté d'avoir plusieurs interlocuteurs ; j'ai été maire suffisamment longtemps pour le savoir. Ce que je conseille aux élus, c'est de ne pas hésiter à solliciter les préfets sur tous les sujets pour lequel ils sont mobilisés, si besoin en lien avec l'ARS ou avec une autre autorité.
La stratégie de déconfinement, je le répète, sera précisée sous une quinzaine de jours.
Enfin, les résultats des élections municipales sont disponibles sur « data.gouv.fr ».
Monsieur le ministre, vous êtes pratiquement arrivé au bout de vos peines ! Permettez-moi cependant de répercuter auprès de vous les questions que souhaitaient vous poser Mme Mercier et Mme Troendlé, et qui en ont été empêché par des problèmes de connexion.
Mme Mercier a bien noté que le dépistage du Covid-19 serait mis en oeuvre prioritairement pour les soignants et les personnes travaillant ou résidant dans les Ehpad. Le sera-t-il également pour les policiers et gendarmes ?
Mme Troendlé, dont vous connaissez l'engagement au service de la protection civile et des sapeurs-pompiers, souhaite savoir si les enfants des sapeurs-pompiers sont bien accueillis partout comme les enfants des soignants.
En ce qui concerne le dépistage, j'applique la doctrine déterminée par le ministère de la santé : au-delà de la priorité aux soignants et aux Ehpad, il a lieu sur préconisation des médecins. Il n'y a pas de dépistage systématique des forces de sécurité intérieure.
L'accueil des enfants des pompiers est également une priorité. Nous avons demandé aux préfets de faire un point précis, département par département, sur les capacités d'accueil supplémentaires qui seraient disponibles, notamment compte tenu du nombre d'enseignants mobilisés. C'est sur cette base que nous avons élargi l'accueil des enfants de soignants aux enfants de pompiers. Il peut y avoir eu des départements où nous n'avons pas pu accueillir l'ensemble des enfants soit des policiers, soit des pompiers - les gendarmes vivant en caserne, les problèmes pour eux sont différent. Mais, globalement, le dispositif a plutôt bien fonctionné.
Monsieur le ministre, je vous remercie vivement des réponses précises que, malgré une charge que nous devinons très lourde, vous avez bien voulu nous apporter.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La téléconférence est close à 17 h 50.