Intervention de Christophe Castaner

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 16 avril 2020 : 1ère réunion
Audition de M. Christophe Castaner ministre de l'intérieur sur les mesures prises dans le cadre de la loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 en téléconférence

Christophe Castaner , ministre :

Madame la sénatrice, je n'imagine pas un pharmacien refuser d'appeler police-secours si une femme lui demande de l'aide. Il ne lui revient pas de protéger physiquement la personne qui lui demande de l'aide, mais d'appeler la police.

En Espagne, les associations ont même mis en place un code : si une personne entre dans une pharmacie et demande un « masque 19 », le professionnel sait qu'il doit appeler la police. Ce dispositif n'est pas nécessairement efficace à 100 %, mais il contribue à renforcer les moyens qui se trouvent à notre disposition pour lutter contre les violences intrafamiliales.

Certaines des mesures que nous avons mises en place ne pourront pas durer au-delà de l'épidémie, par exemple le recours au 114, mais j'ai demandé à mes services d'étudier, dans la mesure du possible, leur pérennisation.

Je n'aurai pas la prétention de vous dire que le problème est réglé, mais je puis vous indiquer que des consignes strictes ont été données et que de nombreux dispositifs sont en place, pour que nous puissions réagir au plus vite et au mieux. Je sais qu'il existe des polémiques en ce qui concerne la prise en charge de ces victimes, mais il faut savoir que, hors période de confinement, deux cents femmes sont prises en charge chaque jour par les services de police et de gendarmerie.

Dans les quartiers, la situation globale est plutôt calme, même si la violence urbaine continue parfois d'apparaître, comme ce fut le cas dans la nuit de samedi à dimanche, avec plusieurs incidents lourds. Évidemment, la moindre agression ou le moindre guet-apens, contre les forces de sécurité ou contre les pompiers est inacceptable, et nous devons nous mobiliser pour le combattre.

En ce qui concerne le respect du confinement, un certain relâchement a pu apparaître ces derniers temps, mais il n'est pas uniquement le fait des quartiers populaires. Je ne veux pas laisser penser que les jeunes de ces quartiers seraient plus « couillons » que la moyenne et se croiraient invincibles par rapport à la maladie ; je crois que, comme tout le monde, ils font attention.

En revanche, il est évident que, plus le confinement dure, plus la situation se complique. Nous pourrions ainsi constater une perte progressive d'adhésion de la population, et les tensions et troubles à l'ordre public pourraient augmenter. Je note aussi que la délinquance s'est d'ores et déjà adaptée à la situation ; ainsi, la cyberdélinquance, les cyberattaques et les escroqueries par internet ont augmenté - les délinquants se sont même attaqués à des centres hospitaliers.

Par ailleurs, ceux qui souhaitent développer le communautarisme pourraient profiter de cette période et de l'éventuel repli sur soi qu'elle suscite pour avancer leurs pions. Les discours sur la victimisation seront évidemment encore plus faciles à faire entendre que d'habitude, notamment à l'approche du ramadan, puisque celui-ci sera nécessairement perturbé par la crise actuelle.

Certains adeptes de diverses religions ont également tendance à mettre en avant un salut prophétique, qui serait plus efficace que la médecine... Nous pouvons donc craindre une recrudescence des discours prosélytes. Les préfets comme les élus locaux doivent être attentifs à ce contexte. Par exemple, la fermeture des commerces pourrait entraîner le développement de réseaux parallèles informels, moins faciles à surveiller.

En ce qui concerne les extrêmes, nous constatons en effet une certaine agitation des réseaux d'ultragauche et d'ultradroite, même s'il ne faut pas surinterpréter la note qui est parue dans la presse à ce sujet. J'ai demandé à nos services d'être vigilants. Plusieurs attaques ont eu lieu ces derniers jours contre des pylônes téléphoniques et un restaurant. En outre, des gilets jaunes annoncent une nouvelle mobilisation pour la sortie du confinement.

En matière de terrorisme, il n'y a pas d'alerte particulière, mais le risque est permanent, comme nous l'avons vu à Romans-sur-Isère. Le confinement peut d'ailleurs avoir des effets psychologiques sur certains individus, et nous devons, là aussi, être vigilants.

Monsieur Sueur, selon les informations dont nous disposons à ce stade, 1 733 gardes à vue ont été décidées pour des faits de réitération de non-respect du confinement. Le ministère de la justice pourra vous donner des informations complémentaires sur les suites qui ont été données.

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