Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous voici en séance pour examiner un deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020, exactement un mois après l’examen du précédent.
Cet exercice était déjà annoncé lors de nos débats du mois de mars ; nous le pressentions, cela s’est confirmé. Très vite, les chiffres présentés dans le premier PLFR – une croissance en baisse de 1 %, un déficit de 3, 9 % du PIB, une dette publique en légère hausse – se sont révélés en décalage par rapport à l’ampleur de la crise que nous traversons. Les pertes de recettes fiscales étaient largement sous-estimées, de même que le coût budgétaire du dispositif de chômage partiel.
Dans le présent texte, la chute du PIB est désormais estimée à 8 %, le déficit public serait porté à 9 % du PIB et la dette consolidée à 115 % du PIB. Même s’il s’agit d’un constat sévère et d’une dégradation historique de nos finances publiques, même si, à cette heure, toutes les estimations doivent encore être considérées avec prudence, cet exercice de sincérité des comptes était nécessaire ; il est donc le bienvenu.
Cet effort de transparence devra être poursuivi. Nous le savons, le Gouvernement n’est pas juridiquement contraint de déposer un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative, mais tous les paramètres de cette loi sont bouleversés. De même, la crise affecte l’ensemble des politiques publiques et son effet, à la hausse, mais parfois aussi à la baisse, avec un décalage de certaines dépenses – je pense par exemple aux investissements qui ne peuvent être engagés –, devrait être mesuré.
Il ne suffit pas d’affirmer que les ouvertures de crédits budgétaires, annoncées par tel ou tel membre du Gouvernement, seront financées par des économies de constatation ; ces données devront être présentées au Parlement. Il n’est pas envisageable ni raisonnable, du point de vue du pilotage de l’action publique, d’attendre le schéma de fin de gestion pour faire les comptes de chaque mission budgétaire.
Ce projet de loi de finances rectificative permet également de répondre aux observations sur l’insuffisance du premier plan d’urgence, que beaucoup d’entre nous avaient pointée. Je me réjouis que le Gouvernement présente désormais des actions complémentaires, en portant notamment à 7 milliards d’euros le montant du fonds de solidarité pour les entreprises, et en en élargissant les critères d’éligibilité, mais nos voisins allemands prévoient 50 milliards d’euros pour le même objet !
Les mesures pour le personnel soignant et le soutien aux ménages modestes étaient également attendues.
Pour autant, chacun sait que le deuxième PLFR n’est encore qu’une étape ; un troisième projet est d’ores et déjà en préparation, nous dit-on. Il sera celui des arbitrages politiques. Quel sera le plan de relance ? Quels secteurs seront prioritaires ? Surtout, après avoir constaté la sévérité de la crise et de son impact sur nos finances publiques, avec une hausse de la dette publique de près de 20 points de PIB, comment financer cette relance ? Malgré l’accord survenu à Bruxelles, il n’existe pas encore de plan européen de relance ; jusqu’où pourra-t-on aller, à l’échelon national, sans un fort soutien européen ?
Pour ce qui concerne la part de financement national, j’avais avancé, le mois dernier, la nécessité, dans le cadre d’un futur plan de relance, de reconsidérer les allégements très importants de fiscalité, auxquels nous avons procédé au cours des dernières années, pour les détenteurs des plus hauts patrimoines.
Je souhaiterais également que le prochain PLFR prenne en compte la situation des collectivités territoriales, dont les recettes sont très fortement touchées, qu’il s’agisse des redevances ou des produits fiscaux, avec, dès cette année, le versement transport, les droits de mutation, la taxe de séjour, l’octroi de mer, si substantiel pour nos collectivités ultramarines, et, dès l’an prochain, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Toutes les collectivités locales ne pourront pas faire face à cette situation.
La crise actuelle touche toute notre économie, mais des secteurs souffrent plus fortement que d’autres. Devant notre commission, Mme Agnès Pannier-Runacher a indiqué que « la prochaine étape, après l’élargissement du fonds de solidarité, consistera à mettre en place des dispositifs spécifiques à certains secteurs : le tourisme, la culture, l’événementiel, l’hôtellerie et la restauration ». Nous espérons pouvoir examiner ces mesures rapidement, tant ces secteurs sont durement frappés. Au-delà de ces branches, nous souhaitons une prise en compte de la situation des entreprises, quel que soit le secteur, dont les charges fixes non modulables sont élevées.
À l’heure où nous débattons de ce texte, beaucoup d’incertitudes demeurent, et non des moindres, sur les conséquences de la crise sanitaire qui a conduit à mettre notre pays pratiquement à l’arrêt. Le Gouvernement nous demande de lui faire confiance, tant pour les initiatives qui devront être prises pour le redémarrage de l’économie que pour les mesures de sauvetage qu’il devra mettre en œuvre, en ouvrant 20 milliards d’euros supplémentaires pour permettre des recapitalisations, sans connaître les entreprises concernées ni le calendrier de mise en œuvre.
Monsieur le ministre de l’économie et des finances, vous avez indiqué à l’Assemblée nationale qu’il s’agira d’entreprises cotées, privées ou publiques, intervenant dans des secteurs stratégiques et répondant à trois critères de choix : l’indépendance nationale, les technologies et l’emploi. Nous suivrons ce dossier avec une totale attention pour voir quelles seront ces priorités.
La commission des finances restera donc mobilisée, monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, au cours des jours et des semaines qui viennent, dans son rôle de contrôle et de proposition pour permettre à notre pays de surmonter cette crise sans précédent.