Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, face à une situation inédite, le Gouvernement a décidé de donner la priorité à l’humain et à la santé. Tout le monde, du moins en France et en Europe – peut-être à une exception près, du côté de la Biélorussie –, s’accordera sur cet impératif sanitaire.
Toutefois, notre pays doit aussi être vigilant à l’égard de son économie et de son fonctionnement social, qui contribuent également à la santé de nos concitoyens. Le scénario économique, pour les semaines, les mois et peut-être les années à venir, est aussi incertain que le scénario sanitaire. Le premier dépend en partie du second, mais pas seulement, et les incertitudes persistantes ne doivent pas brider notre capacité d’action et d’initiative.
Dans l’urgence, nous avons adopté conforme, au mois de mars, un premier PLFR, qui avait un caractère certes incomplet, mais qui avait le mérite de mettre en place les principaux outils d’intervention permettant d’éviter un effondrement de l’économie, la disparition de nombreuses entreprises et une explosion du chômage. Je pense en particulier au dispositif immédiatement mis en place et très vite opérationnel du chômage partiel. J’aurai toutefois une question à ce sujet : lorsque l’on parle de près de 10 millions de chômeurs, est-ce en équivalent temps plein ou en nombre de personnes ? Cela mériterait d’être précisé, car, financièrement, l’impact n’est pas tout à fait le même.
Dans ma question au Gouvernement du 1er avril dernier, j’estimais, messieurs les ministres, que le dispositif adopté méritait d’être amplifié, complété et parfois précisé, et j’appelais à la mise en place d’un fonds de solidarité beaucoup plus ambitieux. Les réponses que nous trouvons dans le PLFR 2 répondent assez positivement à ces remarques. Elles permettent notamment d’élargir le champ d’intervention du prêt garanti par l’État (PGE), malgré les contraintes de l’Union européenne, qui a elle-même adapté, fin mars, son dispositif.
Le fonds de solidarité, quant à lui, change de dimension, avec une dotation totale de 7 milliards d’euros, à laquelle il faudrait ajouter les engagements des régions à hauteur de 500 millions d’euros et ceux des assurances, qui sont passés de 200 à 400 millions d’euros, montant qui n’est d’ailleurs toujours pas à la hauteur des économies qu’elles feront sur les indemnisations pendant le confinement ; cet abondement est tout à fait appréciable, mais probablement encore insuffisant, d’autant que ses modalités de mise en œuvre et son accessibilité ont fait l’objet d’assouplissements et que les mesures sectorielles visant les professions se trouvant dans l’incapacité de reprendre prochainement leur activité ne semblent pas – c’est normal – avoir été totalement intégrées à cette montée en puissance.
Il convient aussi de se féliciter de dispositions complémentaires importantes, comme la dotation supplémentaire de 925 millions d’euros au Fonds de développement économique et social, pour l’octroi de prêts à des entreprises fragiles ou en difficulté et dont le redressement nécessite une restructuration.
Avec un engagement financier d’une autre dimension, la mission « Participation financière de l’État » est dotée de 20 milliards d’euros de crédits, pour renforcer les fonds propres d’entreprises stratégiques. C’est une mesure indispensable.
Les autres mesures à caractère économique et social me semblent, dans leur ensemble, tout à fait pertinentes. Je pense en particulier à celles qui concernent les soignants et tous ceux qui se sont investis au cours de la période – fonctionnaires d’État, agents des collectivités locales et salariés du secteur privé – pour que notre pays continue de fonctionner au minimum.
Nous devons maintenant penser à l’avenir, avec un horizon qui se mesure plutôt, pour l’instant, en semaines, éventuellement en mois pour les optimistes, mais non encore en années. Tout en respectant les mesures de protection sanitaire, notre économie aurait sans doute pu maintenir un niveau d’activité plus élevé que celui que nous avons connu au cours des dernières semaines ; on ne va pas refaire l’histoire, mais un certain nombre d’entreprises, y compris publiques, comme La Poste, ont été très réactives pour mettre le pied sur le frein… Le redémarrage risque d’être hétérogène, suivant la nature des activités, et sans doute un peu chaotique, à la veille d’un été qui suscite bien des interrogations.
En revenant sur les difficultés rencontrées par les entreprises, notamment les plus petites, il conviendrait de donner à celles-ci des garanties, par l’intermédiaire la commission des chefs des services financiers (CCSF), qui réunit les directeurs financiers des différentes administrations – impôts, Urssaf ou autres –, sur la possibilité d’étaler le remboursement de charges sur douze, vingt-quatre ou trente-six mois, une sorte de « crédit fournisseur » de l’administration, qui fait déjà cela pour un certain nombre d’entreprises. En effet, même avec un regain dynamique d’activité, je ne vois pas comment ces entreprises pourraient être en mesure, en juillet ou en septembre, de faire face à un double montant d’échéances. Ce dispositif existe ; autant s’appuyer dessus.
Nous devrons aussi, au cours des prochaines semaines, anticiper, peut-être avec des mesures complémentaires, la reprise, sans doute très progressive, de secteurs d’activité touchant au tourisme, aux loisirs, à la restauration, à la culture et au sport.
Je souhaite que nous puissions aborder la renaissance de ces secteurs lors de notre prochaine réunion, pour examiner un PLFR 3, ce qui serait bien évidemment un excellent signe.
En attendant, le groupe du RDSE approuvera ce PLFR, mais défendra un certain nombre d’amendements et votera pour la plupart de ceux qui seront présentés par notre rapporteur général.