L’ordre de marche proposé par le Gouvernement ne se heurte pas à une opposition frontale. Au contraire, il rencontre plutôt une forme d’unité ; cela me semble positif pour le pays, car une forme de défiance serait plus néfaste.
Bien sûr, il y a des nuances et des débats – des amendements ont d’ailleurs été déposés –, mais l’annonce de l’adoption de ce projet par la majorité sénatoriale me semble aller dans le bon sens.
Elle témoigne d’un esprit de responsabilité, signe que le Gouvernement a tenu compte des remontées formulées par les sénateurs et par d’autres, Bruno Le Maire y a insisté, pour modifier les premiers dispositifs. En outre, nous partageons le même constat quant à la pertinence des outils utilisés, parce que la situation est inédite. Face à cette crise, nous avons dû arrêter l’économie, même si la décision n’a pas été prise de gaieté de cœur. Il ne s’agit pas d’une crise financière dont on tire les conséquences, mais d’une crise de l’offre et de la demande provoquée par la décision de mettre l’économie à l’arrêt, ce qui est totalement inédit dans l’histoire économique.
Il en découle évidemment des décisions à prendre, principalement le chômage partiel et les prêts garantis, pour sauvegarder au maximum les compétences, les talents et le savoir-faire de nos entreprises sur le long terme. Ces mesures nous rassemblent.
Dans ce contexte, j’insisterai sur trois éléments. Le premier, ce sont les hypothèses. Comment l’économie rebondira-t-elle… ou non ? Quelle sera la répartition entre la reprise de la consommation et l’épargne de précaution ? L’épargne de précaution qui se constitue sera-t-elle durable ? Les Français seront-ils tentés de la conserver ou bien portés par une forte envie de consommation, notamment dans les villes ? Regardons ce qui se passe dans les autres pays. Il faudra s’adapter au déroulement de la situation, en tirer les conséquences et orienter cette épargne si elle devait être maintenue.
Le deuxième élément, c’est le rétablissement des comptes. L’histoire économique nous enseigne plutôt de ne pas augmenter les impôts, quels qu’ils soient, en cas de forte récession, comme le recommandait l’économiste John Maynard Keynes. L’histoire récente nous a montré que vouloir rétablir rapidement les comptes par la hausse fiscale pénalise le retour de la croissance ; on l’a vu d’ailleurs sous deux gouvernements différents, de 2010 à 2014, avec deux vagues successives. Le rétablissement des comptes ne peut pas passer, me semble-t-il, par une augmentation de la fiscalité – c’est un débat que nous aurons.
Enfin, il y a l’après : les mesures qui devront être prises pour enrichir le plan de relance. Gérald Darmanin et Bruno Le Maire nous invitent à formuler des propositions, à poursuivre notre contribution, comme nous l’avons fait pour le premier projet de loi de finances rectificative. Il est bon que les idées foisonnent, mais il faudra aussi établir des priorités et sérier les problèmes. Oui, il y a l’investissement, pour lequel il faudra envisager un crédit d’impôt ou une forme d’amortissement accéléré. Distinguer plus clairement ce qui relève du fonctionnement et de l’investissement dans les règles européennes me semble constituer une priorité. Autre sujet essentiel : les politiques industrielles et les formes qu’elles prendront dans les différents budgets. Voilà quelques-unes des pistes que nous étudierons, j’en suis convaincu, à l’avenir.
En tant que rapporteur spécial, avec Vincent Éblé, des crédits de la mission « Culture », je conclurai en attirant notre attention collective sur le choc énorme de cette crise sur le secteur culturel. Je pense notamment aux acteurs privés, aux indépendants, aux cinémas, aux libraires et à d’autres, qui devront être pris en considération dans les plans à venir.