Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la France, comme le reste du monde, est durement affectée par la pandémie de Covid-19. Cette catastrophe sanitaire entraîne dans son sillage une catastrophe économique qui explique que nous nous retrouvions ici pour un second projet de loi de finances rectificative, à peine plus d’un mois après en avoir adopté la première mouture. Dans un contexte exceptionnel où les inconnues sont nombreuses, mesurer l’ampleur des dégâts relève de la gageure.
Le groupe Union Centriste a salué, en mars dernier, la réactivité du Gouvernement, dont la réponse a permis tout à la fois de protéger les salariés et de soulager la trésorerie des entreprises en difficulté. Compte tenu du prolongement du confinement, dont le coût hebdomadaire pour l’économie française est chiffré à près de 20 milliards d’euros par l’Insee, la situation d’un grand nombre de nos entreprises, dans un grand nombre de secteurs, s’est aujourd’hui fortement détériorée.
Dans le présent « collectif budgétaire », le Gouvernement propose de porter de 45 milliards à 110 milliards d’euros le plan d’urgence économique. Le budget dédié au dispositif de chômage partiel voit ainsi ses crédits quasiment tripler, pour atteindre désormais 24 milliards d’euros. C’est une somme considérable, mais non moins nécessaire. De même, les crédits alloués au fonds de solidarité pour les TPE sont revus très nettement à la hausse, à 7 milliards d’euros. Il faut s’en réjouir.
Ce budget rectificatif instaure également un dispositif exceptionnel de soutien aux prêts et aux fonds propres, à hauteur de 20 milliards d’euros, pour les entreprises dites « stratégiques » fragilisées par la crise. Il faudra veiller, messieurs les ministres, et nous y veillerons, à ce que l’État n’investisse pas à fonds perdu dans des activités commerciales en subventionnant aveuglément les investisseurs et les créanciers de ces grandes entreprises. Il est en tout cas heureux que l’Assemblée nationale ait subordonné le soutien de l’État, et à travers lui celui des contribuables, au respect d’objectifs environnementaux. Nous approuvons cette mesure et espérons qu’elle prospérera à l’issue de la navette parlementaire.
Le Gouvernement a fait le choix opportun de plusieurs mesures complémentaires, à la fois bancaires, budgétaires et fiscales, visant opportunément à sauvegarder l’appareil productif français ; et il faudra aller plus loin s’agissant de certaines d’entre elles.
Nous l’avons dit le mois dernier : le report des échéances sociales et fiscales était nécessaire. Mais il est devenu insuffisant à mesure que s’est prolongé le confinement. Nous avons appris, lors de la présentation de ce PLFR « nouvelle version », que 750 millions d’euros allaient être consacrés à des annulations de charges sociales et fiscales, dans le cadre de plans sectoriels concernant l’hôtellerie, la restauration ou encore l’événementiel.
Mes collègues du groupe Union Centriste et moi-même pensons qu’il sera tôt ou tard inévitable de transformer ce report en annulations pures et simples. Nous déposerons en ce sens un amendement, sans limitation sectorielle, mais à la condition que soient satisfaits certains critères rigoureux, notamment celui du chiffre d’affaires. Notre volonté est non seulement de réserver le bénéfice de cette annulation aux entreprises les plus en difficulté, mais aussi d’en limiter le coût pour les finances publiques.
Nous approuvons évidemment le versement d’une prime exceptionnelle aux agents publics mobilisés dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. Cette prime est une juste reconnaissance du travail effectué, s’agissant en particulier des personnels hospitaliers. Mais, pour être tout à fait justes, il nous faudrait aussi marquer notre reconnaissance à tous les autres : songeons en effet aux médecins généralistes, infirmières et infirmiers libéraux, salariés de laboratoires d’analyses et de dépistages, et à toutes celles et tous ceux qui, au péril de leur vie, allant même jusqu’à la donner, ont affronté le danger sans réserve ! Ne pourrait-on pas, messieurs les ministres, prévoir un nouveau dispositif ou calibrer les dispositifs existants de façon à rétribuer leur vaillance ?
Nous le savons, et le rapporteur général l’a rappelé ce matin en commission des finances : la saison des PLFR ne fait que commencer. À travers cet épisode 2, le solde budgétaire se dégrade déjà, par rapport à la loi de finances initiale, de 92 milliards d’euros, pour s’établir à plus de 185 milliards d’euros. « Une fois qu’on a passé les bornes, il n’y a plus de limites », écrivait Alphonse Allais. Mais que ce soit par le canal budgétaire ou le canal monétaire, par la voie nationale ou la voie européenne, chaque euro injecté devra un jour ou l’autre être remboursé. Notre collègue Nathalie Goulet, rapporteur spécial des crédits de la mission « Engagements financiers de l’État », vous l’expliquerait mieux que moi.
Espérons ainsi que nos débats de ce jour permettent d’esquisser le plan d’investissement qu’il nous faudra, sans tarder, collectivement bâtir pour éviter chacun des écueils. Cela dépendra évidemment des perspectives de la sortie de crise. L’hypothèse privilégiée par le Gouvernement d’un retour rapide à la normale, avec une consommation rebondissant dès le second semestre, nous paraît plutôt optimiste. Les exemples récents sont là pour nous montrer que thésauriser est souvent le premier réflexe après les périodes de tumulte. Nous devrons nous méfier de « la relance pour la relance », souvent dispendieuse. L’épargne devra être drainée le plus rapidement et le plus efficacement possible vers le tissu productif.
Au-delà du choc sanitaire et économique qu’elle provoque dans le pays tout entier, la pandémie de Covid-19 aura un impact particulièrement lourd sur l’ensemble des collectivités territoriales qui, grâce à la proximité des élus locaux avec les administrés, grâce aussi à leur réactivité et leur agilité, ont démontré le rôle primordial qu’elles savaient jouer en ces circonstances si singulières. Pour que leurs initiatives se poursuivent et produisent tous leurs fruits, il faudra veiller, messieurs les ministres, à leur conférer les outils juridiques et financiers leur permettant d’accompagner au mieux nos campagnes, nos villages et nos villes de province…
L’examen du texte par l’Assemblée nationale a déjà permis de notables progrès. Parmi ceux-là, nous nous félicitons de l’abaissement du taux de TVA applicable aux gels hydroalcooliques ainsi qu’aux masques de protection, mesure réclamée par notre président Hervé Marseille.
Nous espérons que l’examen de ce PLFR par la Haute Assemblée permette, dans un esprit toujours constructif, de préserver la vitalité et les forces de notre pays. Enfin, en votre nom à tous, vous me permettrez d’avoir une pensée pour tous nos malades, qu’ils soient hospitalisés ou isolés dans leur domicile. Personne ne s’adresse jamais à eux ! Depuis le début de la crise sanitaire, les malades sont devenus des chiffres ou, pire, ont disparu parce que non comptabilisés. Le Sénat n’étant pas une assemblée à chiffres, adressons donc à tous les malades notre soutien et nos espoirs, notre énergie aussi, parce que leur combat vaut largement le nôtre cet après-midi !