Permettez-moi de revenir rapidement, monsieur le président, sur deux points évoqués par tous les orateurs.
Il s’agit tout d’abord du calendrier et des perspectives économiques dans les semaines et les mois à venir. Je souhaite que nous puissions procéder étape par étape, ne serait-ce que par souci de clarté vis-à-vis des Français.
Le premier temps a été celui de la riposte économique : c’est le plan d’urgence économique que nous avons mis en place et qui est amélioré par ce projet de loi de finances rectificative, lequel tient compte, je le répète, des remontées du terrain, des critiques, des observations et des propositions.
Le deuxième temps est celui de la reprise économique, de la reprise du travail, à partir du 11 mai pour certains secteurs. Nous devrons alors préciser, par des codes de bonnes pratiques, sous quelles conditions pourront se rouvrir un certain nombre de commerces. Ce deuxième temps s’étalera sur plusieurs semaines. Il durera un peu plus longtemps pour certains secteurs comme la restauration, qui sont soumis, nous l’avons tous dit, à des contraintes particulières.
Le troisième temps sera celui de la relance économique. À mon avis, rien ne serait pire que de mélanger les différentes étapes, ne serait-ce que vis-à-vis de nos compatriotes. La riposte est immédiate ; la reprise aura lieu dans quelques jours pour un certain nombre de secteurs économiques ; et la relance est située à un horizon de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois, pour être efficace, bien calibrée et coordonnée avec nos partenaires européens.
Ensuite, je ne voudrais pas, devant la représentation nationale, laisser flotter l’idée que le Gouvernement tablerait sur une reprise économique rapide. Telle n’a jamais été notre position. Vous pouvez reprendre toutes mes déclarations depuis plusieurs semaines, j’ai toujours indiqué que la reprise économique serait lente, longue et coûteuse, et je ne retire pas un seul de ces mots. Selon moi, le discours de vérité est le bon discours vis-à-vis des Français.
C’est vrai, cette crise est sans précédent dans notre histoire économique récente. Dans son intensité, elle n’est comparable qu’à la grande récession de 1929. Retrouver des niveaux de croissance économique et de prospérité comparables à ceux que nous avons connus prendra du temps, sera difficile et coûteux. Il vaut mieux le dire dès le départ.
Les raisons en sont très simples et très pratiques. Certains secteurs industriels ont été presque totalement à l’arrêt pendant plusieurs semaines. Les chaînes de valeur ne vont pas se ranimer du jour au lendemain. Il faudra d’abord trouver des matières premières. Regardez ce qui se passe aujourd’hui avec le cobalt, qui permet de fabriquer des batteries électriques ! La République démocratique du Congo a confiné un certain nombre de ses mines dans lesquelles est extrait le cobalt. Ainsi l’approvisionnement en matières premières va-t-il s’avérer compliqué. Je pense également à l’exemple du lithium et à ce qui se passe en Amérique du Sud et dans tous les pays en développement.
Certaines chaînes de production sont très complexes. La construction d’un Airbus nécessite 500 000 pièces ! Il ne suffit pas d’appuyer sur un bouton pour que la machine redémarre immédiatement : des centaines de sous-traitants doivent se remettre en branle, ce qui est long, lent et difficile. Les chaînes de valeur sont complexes, et nous ne pourrons pas les simplifier du jour au lendemain, sans compter que l’approvisionnement en matières premières peut poser un certain nombre de difficultés.
Par ailleurs, nous sommes dans l’incertitude s’agissant de la situation pandémique tant que nous n’avons pas de vaccin. Or rien n’est plus défavorable à la reprise économique que l’incertitude. En effet, les consommateurs pourraient avoir un comportement de thésaurisation, ce qui les conduirait à abonder leur livret A et leur livret de développement durable. De la même manière, les investisseurs n’aiment pas non plus l’incertitude.
Aucun d’entre nous, il faut avoir l’humilité de le reconnaître, ne peut avoir de certitude pour ce qui concerne la sécurité sanitaire. Nous devons l’accepter, et bien voir qu’elle pèsera sur la reprise économique.
Enfin, troisième raison, la reprise sera lente, difficile et coûteuse parce qu’elle devra s’accompagner de règles sanitaires strictes. Faire fonctionner un commerce en instaurant des règles concernant le nombre de clients par mètre carré, rouvrir un restaurant avec des règles de distanciation, relancer une industrie avec des règles d’accès différentes, relancer des administrations – on le voit à Bercy, Gérald Darmanin peut en témoigner – avec des règles de présence différentes, ce n’est pas simple et cela empêche l’économie de tourner à plein régime ! Je pense notamment à l’organisation de la cantine, mais aussi du télétravail, nécessaire pour s’assurer que les locaux ne sont pas trop remplis.
Je ne fais que vous exposer, avec beaucoup d’humilité, des raisons très simples et très pratiques, pour expliquer que la relance de l’économie sera longue, difficile et coûteuse. C’est mon langage depuis le premier jour, et c’est un langage de vérité.