Intervention de Florence Lustman

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 28 avril 2020 à 16h10
Audition de Mme Florence Lustman présidente de la fédération française de l'assurance ffa en téléconférence

Florence Lustman, présidente de la Fédération française de l'assurance (FFA) :

Vous posez la question centrale de savoir pourquoi les assureurs ne font pas tous la même chose en même temps. Le secteur français de l'assurance est extrêmement divers et peu concentré - à elle seule, la FFA compte 280 membres. Que les assurances concernées soient obligatoires ou facultatives, les contrats sont tous différents les uns des autres. Il s'agit de permettre à l'assuré de trouver le contrat qui lui convient le mieux, au meilleur prix. Le marché français de l'assurance est ainsi le plus concurrentiel en Europe.

La mutualisation opère à plusieurs niveaux. D'abord, au sein d'une même branche : en ce qui concerne l'assurance auto, par exemple, les primes des assurés qui n'ont pas subi de sinistres servent à indemniser les conducteurs sinistrés. Et c'est précisément la raison pour laquelle on ne peut assurer un risque systémique comme une pandémie : cela reviendrait à ce que tous les assurés subissent un sinistre au même moment, les assureurs ne pouvant alors verser aux assurés que le montant de leur prime, ce qui n'est pas d'une grande utilité...

La mutualisation peut aussi opérer entre branches - branche automobile, branche dommages aux biens de particuliers, branche dommages aux biens de professionnels, branche responsabilité civile, branche catastrophes naturelles... Notre métier consiste aussi à gérer cette mutualisation. Si l'assurance auto est déficitaire une année, une compensation pourra s'opérer avec les autres branches. La directive européenne dite Solvabilité 2 comporte ainsi la notion de « bénéfice de diversification » selon laquelle un assureur diversifié, dont les risques vont non pas se cumuler, mais se compenser, a besoin de moins de fonds propres qu'un assureur « monobranche », qui subira toutes les dérives de sinistralité de « sa » branche une année donnée.

Aujourd'hui, un assureur ayant beaucoup d'entreprises dans son portefeuille, et qui est donc très touché en termes de sinistralité par la crise actuelle, ne pourra redistribuer les excédents des autres branches. Or la mutualisation entre branches fait partie de son « business model ».

Monsieur le président, vous avez cité la MAIF qui a la particularité de ne pas assurer d'entreprises. Elle propose beaucoup d'assurances auto et d'assurances multirisques habitation à des particuliers spécifiques. Elle ne va donc pas pâtir du même excédent de sinistralité que d'autres compagnies qui auraient, par exemple, un important portefeuille de prévoyance collective d'entreprises. Je comprends que cela puisse être perturbant. On aimerait que le secteur de l'assurance ressemble à un beau jardin à la française, toutes les compagnies ayant peu ou prou le même portefeuille. Encore une fois, cette situation est à l'avantage des assurés, qui trouvent les contrats qui leur conviennent sur le marché français. J'ai expliqué cette situation au Premier ministre et au ministre de l'Économie et des finances qui l'ont parfaitement comprise. L'autorité de contrôle dit la même chose.

Par ailleurs, si les assureurs sont diversement touchés, tous sont concernés par la baisse de 10 % des actifs. C'est absolument énorme. Ces deux derniers mois, à de rares exceptions près, les particuliers n'ont pas beaucoup roulé. La baisse de la sinistralité des assureurs de la branche auto va donc être extrêmement importante. Toutefois, la perte de valeur des portefeuilles d'actifs des compagnies est encore plus importante. Un assureur doit supporter non seulement la charge du sinistre - considérable -, mais aussi les frais de commercialisation et de gestion qui correspondent à peu près au montant de la prime. Depuis des années, l'assurance auto s'équilibre à peine grâce aux produits financiers. Or, cette année, les taux sont passés en territoire négatif. Le gain induit de la moindre sinistralité ne permettra pas de compenser les pertes très importantes des portefeuilles.

En outre, on ignore encore ce qu'il en sera lors des prochains mois. Les transports publics ne vont pas pouvoir fonctionner à plein régime dès la fin du confinement. Sachant qu'il sera difficile d'y respecter les gestes barrières, les gens préféreront sans doute prendre leur voiture. Nous nous attendons donc à un fort rebond de l'utilisation des véhicules à la sortie du confinement, et ce d'autant plus cet été puisque nos concitoyens ne pourront partir à l'étranger. Les parlementaires ont demandé une évaluation de la sinistralité au 30 juin, mais elle ne peut s'évaluer que sur un an au minimum.

De plus, en ce qui concerne les flottes d'entreprise, les contrats prévoient que, si les véhicules ne roulent pas, la prime baisse. Les chiffres étonnants qui ont parfois été évoqués ne me semblent pas en tenir compte...

Sur la question de nos engagements, je me permets de vous renvoyer à un excellent entretien paru aujourd'hui dans L'Argus de l'assurance : le ministre ne dit plus que les assureurs n'en font pas assez. Au contraire, ils ne cessent d'annoncer des mesures individuelles en faveur de leurs assurés en sus de toutes les mesures collectives déjà rappelées. L'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a même mis en garde les assureurs, soulignant qu'il serait extrêmement dangereux qu'ils acceptent de couvrir des garanties explicitement exclues de leurs contrats. Personne ne nous demande aujourd'hui d'aller au-delà de ce qui figure dans les contrats.

Le premier intérêt des assurés dans cette crise est que les assureurs restent solvables. Au regard des conséquences incertaines que pourrait avoir cette crise sur le secteur de l'assurance, ces actions de solidarité doivent être très clairement limitées par le respect de l'équilibre financier des compagnies. C'est la première garantie que nous devons à nos assurés.

Monsieur le rapporteur général, vous m'avez interrogée sur le nouveau régime de couverture des catastrophes sanitaires. Je laisserai Monsieur Pénet vous répondre. Sur la réserve de capitalisation et les bonis de liquidation, monsieur le président, Monsieur Poiget va vous fournir des chiffres et vous expliquer les raisons pour lesquelles ces taxes sont une très mauvaise idée.

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