Monsieur Husson, vous faites observer que nous avons manqué de réactivité et que nous avons peu communiqué. Certes, mais je ferai tout de même remarquer que le secteur de l'assurance ne bénéficie d'aucune garantie de la part de l'État face à la crise. Si nous avons compris la gravité de celle-ci dès le début, je rappelle que le métier d'assureur n'est pas - vous l'avez d'ailleurs rappelé - de réagir au jour le jour, mais sur la durée. Notre métier nous conduit à opérer avec prudence. C'est pourquoi nous cherchons avant tout à évaluer les effets de la crise sur nos entreprises pour protéger nos bilans et nos comptes de résultat.
Dans un monde qui se caractérise par l'instantanéité et les réseaux sociaux, les assureurs agissent à rebours et de manière contracyclique. C'est ce que nous faisons, par exemple, en investissant 150 millions d'euros dans le secteur du tourisme. L'économie a besoin de secteurs comme le nôtre, des « paquebots » qui ne se manoeuvrent certes pas aisément, mais pour lesquels l'important est moins d'être réactif que d'être capable de continuer à flotter. Notre mission première est de tenir nos engagements vis-à-vis de nos assurés : nous nous sommes donc comportés en professionnels responsables et ne nous sommes pas précipités pour verser de l'argent ici ou là.
Je veux également souligner un paradoxe : nous sommes le seul secteur économique à contribuer de façon très significative - 400 millions d'euros - au Fonds de solidarité mis en place par l'État et, pourtant, nous sommes les seuls à être sous le feu des attaques. C'est assez incompréhensible. On nous dit que notre contribution est insuffisante, mais ces 400 millions d'euros ne représentent qu'une partie de notre engagement qui s'élève, je le répète, à 3,2 milliards d'euros au total.
Vous m'interrogez sur les restaurateurs, par exemple. Mais parmi nos assurés, on trouve aussi bien des cafés-hôtels-restaurants que des coiffeurs, des fleuristes ou des cordonniers. De nombreux secteurs ou professionnels ont subi des pertes lourdes. C'est pourquoi nous avons estimé que la manière la plus équitable de les aider était d'abonder massivement le Fonds de solidarité.
Pour alimenter la réflexion sur un futur régime de couverture des catastrophes sanitaires ou des fermetures administratives - selon la nature du risque que l'on retiendra -, je souhaite préciser que, dans les circonstances actuelles, le risque pandémique n'est pas assurable. Aujourd'hui, les règles comptables empêchent les compagnies d'assurance de constituer des « provisions d'égalisation » pour les reverser lors d'une situation exceptionnelle. Compte tenu des normes comptables et fiscales en vigueur, ces richesses ne sont pas reconnues comme de véritables provisions et ne sont pas déductibles fiscalement, ce qui entrave toute gestion pluriannuelle des risques. Lever cette difficulté permettrait peut-être de mieux couvrir les risques à l'avenir et, accessoirement, de rapatrier les captives de réassurance dans notre pays, ce qui serait une bonne chose pour relancer l'activité économique.