Intervention de Jacques Toubon

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 22 avril 2020 : 1ère réunion
Audition de M. Jacques Toubon défenseur des droits en téléconférence

Jacques Toubon, Défenseur des droits :

J'en pense du mal, tout d'abord parce que cette mesure me paraît contradictoire avec la politique, justifiée, d'allégement de la surpopulation carcérale. Aujourd'hui, les juges emprisonnent moins, en recourant, par exemple, plus fréquemment aux travaux d'intérêt général, et ils prennent aussi davantage de mesures de libération anticipée. Au total, il y a probablement quelque 10 000 détenus de moins dans les prisons.

On peut certes toujours demander une remise en liberté en cas de prolongation automatique d'une détention provisoire, mais l'on sait aussi combien la justice est actuellement embouteillée. Tout à l'heure, Marie-Pierre de la Gontrie prenait l'exemple très pertinent des conseils de prud'hommes, qui ne fonctionnent plus. Lorsque le déconfinement interviendra, le ressort va se détendre et la situation de la juridiction des relations de travail risque d'être extrêmement préoccupante.

Sur le plan juridique, il a été dit que ce prolongement ne posait pas de problèmes. J'estime, pour ma part, qu'il serait intéressant de le soumettre à l'appréciation du Conseil constitutionnel. Dans sa décision sur la loi organique d'urgence sanitaire, le Conseil constitutionnel a prolongé les délais d'examen des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). Mais il n'a pas dit pour autant qu'il n'examinerait aucune QPC, en particulier si elle portait sur l'application de l'état d'urgence. Cette question mériterait, selon moi, d'être examinée sous la forme d'une QPC, par exemple à la suite de la décision d'un juge des libertés et de la détention ou d'une chambre de l'instruction. La théorie des circonstances spéciales de l'espèce, qui a fondé la récente décision du Conseil constitutionnel sur la loi organique, pourrait être utilisée à l'inverse pour considérer que, dans les circonstances spéciales de l'espèce, la prolongation de la détention provisoire est une mesure contraire aux objectifs d'intérêt général visés par l'état d'urgence sanitaire.

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