Intervention de Olivier Dussopt

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 23 avril 2020 : 1ère réunion
Audition de M. Olivier duSsopt secrétaire d'état auprès du ministre de l'action et des comptes publics en téléconférence

Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics :

Vous avez eu raison de saluer l'engagement, le professionnalisme et la disponibilité de nos agents publics.

Le ministère de l'action et des comptes publics n'est pas l'employeur de tous les agents de la fonction publique, a fortiori s'agissant de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière. Mais Gérald Darmanin et moi-même avons une mission de coordination, d'impulsion et d'harmonisation des pratiques grâce à la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), dont vous connaissez les missions. Nous sommes aussi chargés de veiller au respect du statut général de la fonction publique et à sa modernisation. La DGFAP ne dispose pas d'un pouvoir de prescription. Son rôle est davantage d'expliciter et de préciser les textes législatifs et réglementaires.

Dès le début du confinement, nous avons indiqué que le télétravail devait être la norme d'organisation chaque fois que c'était possible, afin qu'un maximum d'agents publics puissent rester à domicile. Nous avons aussi intégré la nécessité de permettre aux équipes les plus mobilisées d'être relevées à intervalles réguliers. Des plans de continuité d'activité (PCA) ont été établis. Ils ont été activés entre le 14 mars et le 16 mars 2020 selon les ministères. Seuls les agents exerçant une fonction relevant d'un PCA et ne pouvant pas l'exercer dans le cadre du télétravail ont dû se rendre sur leur site de travail habituel.

La mise en oeuvre du télétravail relève d'un décret de 2016. Celui-ci montre aujourd'hui des limites. Nous les avions déjà identifiées lors de l'examen du projet de loi de transformation de la fonction publique. Nous sommes donc amenés à publier un nouveau décret, qui apportera beaucoup de réponses aux difficultés rencontrées.

Un nombre important d'agents ont pu bénéficier d'une autorisation spéciale d'absence (ASA), parce qu'ils n'avaient pas de solution de garde d'enfants ou parce qu'ils ne pouvaient pas exercer leurs fonctions en télétravail. Cette procédure est protectrice car elle garantit aux agents la totalité de leur rémunération indiciaire. Concernant les primes, nous avons indiqué aux collectivités territoriales qu'elles pourraient délibérer de manière rétroactive au 1er février pour assurer le maintien de la totalité de la rémunération. Nous avons aussi recommandé d'organiser le télétravail ou, à défaut, de placer en ASA tous les agents souffrant ou ayant souffert d'une des pathologies listées par le Haut Conseil de la santé publique, ainsi que les femmes dans leur troisième trimestre de grossesse.

Tous les agents de la fonction publique d'État sont concernés par ces mesures. Il appartient aux ministères employeurs d'arrêter les décisions relatives à leur périmètre. Pour la fonction publique territoriale, il ne peut évidemment s'agir que de recommandations, au regard du principe de libre administration des collectivités territoriales. Nous avons souhaité que les titulaires et les contractuels bénéficient des mêmes dispositions. La fonction publique hospitalière est, elle, confrontée à une problématique spécifique de mobilisation intense pour faire face à la crise sanitaire.

Dès la fin du mois de mars, nous avons informé les représentants des associations d'élus locaux de la mise en place d'un dispositif de soutien au maintien des rémunérations des agents titulaires ou contractuels placés en ASA. Lors du conseil des ministres du 22 avril, une ordonnance a été adoptée pour rendre explicite l'éligibilité au chômage partiel des sociétés d'économie mixte (SEM), sociétés publiques locales (SPL), établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) ou autres régies ne disposant pas de recettes issues de subventions publiques garantissant le maintien de leurs ressources.

Les plans de continuité de l'activité (PCA) sont des outils utiles, mais leur mise en oeuvre est parfois complexe. Ils visent à assurer, en cas de circonstances exceptionnelles, le maintien des missions jugées fondamentales à la continuité du service public tout en apportant un maximum de protection aux agents amenés à poursuivre leur travail. Il s'agit donc de prévoir une stratégie de continuité pour que les services vitaux maintiennent en permanence leur activité à un niveau socialement acceptable. Les PCA indiquent notamment les postes indispensables au maintien de l'activité et identifient les agents chargés de les occuper, ainsi que leurs conditions d'emploi. En cas de crise sanitaire, le principe de continuité du service public pour les missions indispensables implique la possibilité pour le chef de service d'adapter l'organisation du travail aux circonstances, en déterminant les agents devant impérativement être présents et les mesures à prendre pour assurer leur sécurité.

La DGAFP ne disposant pas d'un service de médecine du travail, les recommandations qu'elle peut être amenée à formuler sous notre autorité viennent systématiquement des services du ministère de la santé. Elle a diffusé des consignes sanitaires après avoir organisé plusieurs réunions pour s'assurer de la cohérence des doctrines de prévention à destination des salariés du secteur privé et des agents publics.

Il n'existe pas de critère légal ou réglementaire pour définir les notions de « missions indispensables » et de « services publics indispensables ». Pendant la crise sanitaire, le pouvoir d'organisation du chef de service s'exerce sous le contrôle du juge, qui peut être amené à vérifier la proportionnalité des mesures prises au regard des dangers encourus par les personnels, l'administration devant concilier continuité du service public et sauvegarde de la santé publique.

En l'absence de PCA, l'autorité administrative garde la possibilité de fixer les conditions nécessaires au fonctionnement minimal des services. En outre, le contenu du PCA peut être réévalué à tout moment en période de crise. Pour les collectivités territoriales, le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales a établi une liste indicative, non exhaustive, des services jugés essentiels : état civil, bains douches, collecte des ordures ménagères...

Concernant les dispositions prises pour faire face à la crise, une première série de mesures concerne le dialogue social. Depuis le début du confinement, j'organise chaque semaine une réunion avec les directeurs des ressources humaines de chacun des ministères, une réunion avec les neuf organisations syndicales représentatives de la fonction publique et une réunion avec les employeurs de la fonction publique territoriale. Nous avons aussi permis aux instances de dialogue social de se réunir de manière dématérialisée.

Une deuxième série de mesures relève du rappel du droit. Nous avons été énormément sollicités par les différents ministères, les employeurs territoriaux et les organisations syndicales sur des questions relatives aux dérogations aux règles habituelles du temps de travail, à la gestion des congés, aux ASA ou aux conditions d'exercice d'un éventuel droit de retrait. Comme l'a rappelé le président Philippe Bas, la DGAFP a diffusé des fiches rappelant l'état du droit et des instructions permettant d'expliciter ou de recommander des conditions de mise en oeuvre optimales.

Une troisième série de mesures tient à la publication de nouveaux textes concernant la fonction publique. Une ordonnance relative à l'organisation des examens et des concours a été publiée le 27 mars dernier : les concours qui ont débuté doivent pouvoir aller à leur terme et ceux qui ont été annulés doivent être reportés. Une autre ordonnance adapte le droit applicable aux instances de dialogue social. D'autres ont été publiées pour assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales ou organiser les jours de réduction du temps de travail (RTT) et les congés dans la fonction publique de l'État et la fonction publique territoriale. Un arrêté complète le dispositif pour déplafonner les comptes épargne-temps (CET) ; des décrets relatifs à la prise en charge des repas de certains personnels civils et militaires ou à la prolongation exceptionnelle de la durée maximale d'occupation des emplois de direction de l'État ont également été publiés.

Des textes plus généraux ont concerné la fonction publique. C'est le cas de la loi promulguée le 23 mars 2020, qui a permis la suspension du dispositif du jour de carence, ou de l'ordonnance du 25 mars relative à la prorogation de délais et de celle du 1er avril 2020 relative aux conditions d'exercice des missions des services de santé du travail.

Nous avons ouvert le chantier de la reconnaissance de l'État et de la collectivité dans son ensemble à l'égard des agents mobilisés. Il s'agit de mettre en oeuvre les engagements du Président de la République. Le projet de loi de finances rectificative que le Sénat a adopté cette nuit permet le versement d'une prime exceptionnelle défiscalisée et exonérée de cotisations sociales aux agents publics. Les modalités en seront précisées par décret dans les jours à venir.

Le montant maximal sera de 1 000 euros dans la fonction publique territoriale et de l'État. En application du principe de libre administration, les collectivités territoriales pourront décider de verser, ou non, cette prime.

Pour la fonction publique hospitalière, les heures supplémentaires seront payées et majorées, alors qu'elles sont généralement placées dans les CET. Une prime d'un montant différencié selon le niveau d'exposition au virus des départements et des établissements sera attribuée aux personnels soignants et non soignants ; la diversité des employeurs nécessite une concertation un peu plus approfondie pour arrêter les modalités de reconnaissance des agents concernés.

Nous devons aussi continuer à travailler sur d'autres questions, comme la reconnaissance du coronavirus comme maladie professionnelle. Il faudra également mener, à plus long terme, une réflexion sur les PCA, dont j'ai souligné le caractère parfois inégal et la complexité.

Nous attendons les arbitrages qui seront rendus sur le déconfinement, dans l'objectif de faire en sorte que chaque ministère puisse appliquer son plan de déconfinement dans des conditions de protection des agents. Il conviendra de respecter les doctrines élaborées par le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), la direction générale de la santé (DGS) et la cellule interministérielle de crise (CIC).

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