Intervention de Philippe Martin

Commission d'enquête Concessions autoroutières — Réunion du 11 mars 2020 à 9h35
Audition de M. Philippe Martin président de la section des travaux publics du conseil d'état

Philippe Martin, président de la section des travaux publics du Conseil d'État :

Il faut distinguer la question des dividendes de celle des clauses.

Certaines données juridiques peuvent éventuellement justifier que l'on modifie un contrat en cours, mais il faut des éléments fondés sur l'équilibre global de la concession.

La distribution de dividendes annuels élevés est un indice de bonne santé économique, qui peut donner lieu à un débat public. Il n'est toutefois pas totalement anormal qu'un concessionnaire soit en meilleure santé économique en fin de concession qu'au début, lorsqu'il consent de lourds investissements et qu'il s'endette fortement.

Pour intervenir sur un contrat en cours, il faut des motifs portant sur l'ensemble de la durée de vie de la concession. C'est pourquoi je fonde beaucoup d'espoirs sur les travaux de l'Autorité de régulation des transports, notamment son rapport quinquennal, dont la parution est prévue d'ici fin 2020. Celui-ci devrait en effet mettre en perspective la rentabilité des capitaux investis sur toute la durée du contrat de concession.

Je rappelle l'arrêt d'assemblée du Conseil d'État de 2009, Commune d'Olivet, selon lequel un concédant peut résilier une concession en cours si le taux de rentabilité du concessionnaire dépasse ce qui est raisonnable en termes d'amortissement des investissements et de juste rémunération du concessionnaire.

La concession est un contrat à très long terme, justifié par la lourdeur des investissements consentis par le concessionnaire, mais elle a pour finalité de gérer efficacement le service public dans l'intérêt des usagers. Le concédant peut donc reprendre la main s'il estime que les conditions de la concession excèdent ce qui est normal pour atteindre un tel objectif.

S'agissant des clauses, ce qui surprend le plus, très sincèrement, c'est leur variabilité. Certaines clauses peuvent se justifier par des facteurs historiques et par certains investissements réalisés, mais la juxtaposition de trois catégories de clauses est surprenante. Certaines s'apparentent à la théorie du fait du prince, d'autres s'en rapprochent, d'autres en sont très éloignées. Tout cela mériterait d'être remis à plat.

Le fait du prince est une théorie qui oblige le concédant à compenser les conséquences de mesures qu'il a prises spécifiquement dans le secteur concédé, qui n'étaient pas prévisibles à l'époque de la conclusion de la concession et qui ont un impact suffisant sur l'équilibre économique de la concession. Toutefois, la rédaction de l'article 32 est très variable selon les concessions. Sur l'inventaire de 2006, je n'exerce mes fonctions actuelles que depuis 2012, monsieur Jacquin. La distinction entre biens de retour et biens de reprise, qui n'est pas aisée, s'affine parfois au dernier moment. Il serait sans doute préférable de la préciser en amont. Dans le cas contraire, des discussions intenses à l'approche du terme de la concession sont inévitables, ce qui n'est pas dramatique non plus...

En revanche, la préparation de la remise des biens de retour me semble plus intéressante. La question se pose de la mise à niveau de ces derniers, le concessionnaire ayant l'obligation de les remettre en bon état. Pour cela, un inventaire doit être réalisé pour que concédant et concessionnaire se mettent d'accord sur les investissements jugés nécessaires.

Pourriez-vous enfin me rappeler votre troisième question, monsieur Jacquin ?

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