Il faut distinguer deux régimes juridiques : celui de la déclaration d'utilité publique (DUP) et celui de l'attribution des concessions. La DUP est un acte se rattachant au droit d'expropriation dans le but de construire une nouvelle infrastructure : la question est purement géographique. L'attribution de la concession est un autre exercice, pour lequel nous sommes sous contrainte de l'Union européenne : la directive « concessions » de 2014 s'intéresse essentiellement à l'attribution des concessions, et non au régime de fond, lequel demeure très largement régi par le droit interne et par de grands principes qui ont plus d'un siècle.
En matière d'attribution, le régime européen veille avant tout au respect d'une mise en concurrence, afin d'abaisser les coûts et de permettre à de nouveaux entrants, éventuellement d'un autre État membre, de proposer leurs services. Une concession doit faire l'objet d'une mise en concurrence, sauf certaines exceptions, parmi lesquelles le cas où il ne serait pas économiquement faisable de prendre un autre concessionnaire que celui qui gère un tronçon adjacent.
Il y a un art de ne pas se mettre dans ce genre de situations, c'est-à-dire de ne pas concevoir la succession des infrastructures de manière à ce que la mise en concurrence soit éludée. L'application correcte de la directive « concessions » et des principes du droit des concessions impliquerait d'éviter ce genre de situations autant que faire se peut.
Quand j'évoque l'opportunité historique qui se présentera à partir de 2031, c'est aussi pour dire qu'il serait bon que le concédant se mette en situation de reprendre la main et d'attribuer de nouvelles concessions après mise en concurrence, sur la base d'un équilibre économique recalculé et de règles de tarification redéfinies. Je ne dis pas cela par hostilité au régime de la concession, mais je pense qu'il y a des règles du jeu à respecter. L'art d'être un bon concédant peut impliquer l'évitement de situations dans lesquelles des attributions seraient tronçonnées à tel point que le concédant ne pourrait pas reprendre la main.