Intervention de Philippe Martin

Commission d'enquête Concessions autoroutières — Réunion du 11 mars 2020 à 9h35
Audition de M. Philippe Martin président de la section des travaux publics du conseil d'état

Philippe Martin, président de la section des travaux publics du Conseil d'État :

Les relations entre les régulateurs sectoriels et le Conseil d'État dépendent de la nature des missions de l'un et de l'autre. Nous avons plusieurs régulateurs en face de nous, essentiellement l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et l'ART. L'Autorité de la concurrence a un rôle plus général.

Quand nous examinons un projet de décret, nous lisons très attentivement les avis des régulateurs sectoriels. Ensuite, nous donnons un avis en droit, parfois en modifiant nous-mêmes la rédaction du texte. Les régulateurs peuvent parfois émettre des opinions d'opportunité que le Gouvernement ne souhaite pas retenir. Si nous estimons que le Gouvernement peut juridiquement faire le choix A, alors que le régulateur conseille le choix B, nous n'allons pas nous opposer au choix du Gouvernement, car c'est un choix d'opportunité.

Sur les analyses techniques de marché, le poids des régulateurs peut être très important car ces instances sont indépendantes. Les travaux de l'ART sur l'équilibre économique, notamment pour le rapport quinquennal, nous intéressent prodigieusement.

Ensuite, il y a d'autres hypothèses, dans lesquelles les interventions du régulateur et du Conseil d'État sont en réalité assez proches. C'est ce qui a pu se produire avec les avenants du plan d'investissement autoroutier (PIA). L'Arafer avait pour mission de rendre des avis simples sur l'application de l'article L. 122-4 du code de la voirie routière, notamment sur la légitimité de la répercussion sur les péages de tel ou tel investissement supplémentaire effectué par les concessionnaires d'autoroutes. Comme chacun le sait, elle a émis en 2017 des avis assez critiques sur un certain nombre de points, et le scénario qui s'en est suivi a été très particulier : réflexion du Gouvernement, retrait des projets qui étaient devant le Conseil d'État, puis nouvelle saisine du Conseil d'État sur la base de textes tenant pour partie compte des observations de l'Arafer.

Le Conseil d'État a dû, sur un exercice très minutieux - il s'agissait de vérifier la légitimité de chaque investissement nouveau -, jeter un regard qui pouvait, à certains égards, sembler assez proche de la mission exercée par l'Arafer. La différence, c'est que l'Arafer a vérifié le respect de l'article L. 122-4 du code de la voirie routière, tandis que le Conseil d'État a eu une approche très juridique, en examinant la compatibilité de la rédaction des avenants avec la directive « concessions » et l'article L. 122-4 susmentionné.

L'avis de l'Arafer est extrêmement intéressant pour le Conseil d'État, sans qu'il soit liant. Nous étions, dans certains cas, d'accord avec l'Arafer, et nous avions parfois des positions plus souples. Il est possible de discerner l'évolution en comparant les avis de l'Arafer et les avenants publiés.

Le Conseil d'État a eu une position très proche de l'Arafer sur les investissements qui incombaient par nature au concessionnaire, qui était l'un des points de contrôle.

Sur la question de l'évaluation des coûts, le Gouvernement a produit des contre-expertises par rapport à celles de l'Arafer. Le Conseil d'État n'a pas souhaité s'engager dans un contrôle des coûts très minutieux.

Sur la question des investissements nécessaires ou utiles, le Conseil d'État a rendu publique sa position dans son rapport annuel sur l'activité de 2018. La loi d'orientation des mobilités a depuis complété le texte, sans abandonner le critère de stricte nécessité ou utilité. La position du Conseil d'État, qui était un peu plus souple que celle de l'Arafer, était la suivante : un investissement « devenu nécessaire » au sens de la directive « concessions » correspond à des ouvrages ou aménagements dont serait nécessairement dotée l'infrastructure autoroutière concédée s'il était envisagé de la réaliser aujourd'hui. Nous avons fixé ce critère assez pragmatique.

Plutôt que de s'interroger sur le caractère absolument indispensable de tel ou tel diffuseur, ce qui aurait été un critère très contraignant proche de ce que j'appelle l'utilité publique avérée, on se demande si le diffuseur aurait été implanté si l'autoroute était construite aujourd'hui, eu égard à la population, aux besoins économiques, etc. La finalité de l'infrastructure est non pas d'être une piste de vitesse, mais de desservir rapidement et en toute sécurité des territoires. Pour que l'infrastructure publique remplisse sa mission et soit efficace, il peut être nécessaire et utile d'implanter un diffuseur à tel endroit.

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