Intervention de Gilles Carrez

Commission d'enquête Concessions autoroutières — Réunion du 11 mars 2020 à 15h45
Audition de M. Gilles Carrez président de la commission des finances de l'économie générale et du contrôle budgétaire de l'assemblée nationale de 2012 à 2017

Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire de l'Assemblée nationale de 2012 à 2017 :

Oui. Nous avions travaillé très étroitement ensemble, avec Christian Eckert, mais nous n'avons pas obtenu gain de cause, et il y a eu cette exemption. J'ai découvert l'isofiscalité dans les contrats de concession autoroutière : je comprends qu'on ne va pas doubler la redevance domaniale ou la taxe d'aménagement du territoire, assez spécifiques ; mais même pour des mesures générales qui concernent toutes les entreprises soumises à l'IS, on ne peut pas. J'ai donc eu le sentiment de profonds déséquilibres financiers.

Pour autant, je ne remets pas en cause le modèle des concessions, qui est très intéressant. C'est un héritage français : depuis le XIXe siècle, on a réalisé beaucoup de grands équipements, dans le domaine de l'eau, dans le domaine des transports, et cela marche bien, notamment au plan local, mais il faut que la puissance publique parvienne à mieux contrôler ses intérêts.

Dernier point, qui n'est pas assez mis en lumière à mon avis : pour moi, il y a concessions et concessions. Quand vous faites une concession pour construire un ouvrage, par exemple le viaduc de Millau ou la nouvelle autoroute entre Pau et Bordeaux, on voit bien le modèle ; mais, quand vous reprenez dans une concession des équipements matures, existants, c'est quand même très différent. La prise de risque, sur un équipement nouveau, est réelle - personne ne pouvait dire que sur le viaduc de Millau, il y aurait une telle fréquentation... En revanche, sur des équipements existants - ne parlons pas d'Aéroports de Paris - il faut vraiment distinguer.

J'ai essayé de comprendre le modèle financier : j'ai vu des gens de Vinci, d'Eiffage, avec leurs équipes qui s'occupent des concessions, et ils m'ont expliqué leur modèle économique. Dès qu'il y a eu l'audition de Bruno Lasserre et l'avis de l'Autorité de la concurrence, ils m'ont expliqué que celle-ci n'avait pas compris leur modèle selon lequel, au bout de la concession, on rend l'équipement en bon état et on le rend gratuitement, donc on ne peut pas avoir le même profil financier. J'ai essayé de comprendre. Au passage, j'ai vu que pas mal de hauts fonctionnaires devenaient directeurs de concessions dans de grands groupes du bâtiment et des travaux publics.

Tout cela m'a permis de comprendre une chose, qui n'est dite clairement ni dans le rapport de la Cour des comptes, ni dans celui de l'Autorité de la concurrence : à partir du moment où au terme de la concession vous remettez gratuitement l'équipement, votre actif est nul. Donc votre dette, au niveau de la société de concession, doit être nulle. Mais l'actionnaire qui a mis des billes dans la société doit aussi pouvoir bénéficier du remboursement de son capital. Donc les cash-flows de la société concessionnaire d'autoroute doivent être très importants, parce qu'ils doivent couvrir non seulement le remboursement de la dette de la société concessionnaire elle-même, mais aussi permettre le remboursement de ses fonds propres et de ceux de l'actionnaire. Je l'ai parfaitement admis. Mais je leur ai posé la question : « expliquez-moi, comment avez-vous pu faire emprunter de façon aussi importante vos sociétés concessionnaires pour procéder à des distributions exceptionnelles de dividendes ? »

Comme l'a noté l'Autorité de la concurrence, entre 2006 et 2013, en ne tenant pas compte de Cofiroute, qui est privée depuis l'origine, le montant des dividendes distribués, pour les sept Semca qui ont été privatisées, est équivalent au coût d'acquisition de 14,8 milliards. Il y a là quelque chose qui me perturbe et j'aimerais bien comprendre qui a raison... Je comprends que les cash-flows soient supérieurs, mais jusqu'à quel point ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion