Intervention de Sophie Primas

Commission des affaires économiques — Réunion du 28 avril 2020 : 1ère réunion
Audition de M. Frédéric duVal directeur général d'amazon france par téléconférence

Photo de Sophie PrimasSophie Primas, présidente :

Monsieur Duval, la commission des affaires économiques souhaitait vous auditionner depuis un certain temps, car la numérisation du secteur du commerce nous intéresse beaucoup. Avant la crise sanitaire, un groupe de travail présidé par notre collègue Serge Babary étudiait les mutations du commerce, notamment sa transition numérique, sans poursuivre l'idée d'opposer commerce en ligne et commerce physique, mais, au contraire, celle de souligner leur complémentarité, comme ce fut le cas entre le petit commerce et la grande distribution dans les années 1970. La crise confirme avec douleur l'acuité de ce constat : les commerçants qui se sont déjà lancés dans la transition numérique ont mieux résisté que les autres. Votre entreprise fait partie des solutions qui s'offrent à eux, au travers de sa place de marché sur laquelle les commerçants peuvent vendre en propre par votre intermédiaire.

Amazon, installée en France depuis 2000, réalise environ 4,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires sur le territoire national et y emploie 9 300 salariés. Elle représente le leader du commerce électronique en France - avec 20 % de parts de marché -, secteur dont elle capte 50 % de la croissance. Elle se place également en position dominante dans le domaine du cloud, dont les revenus publicitaires permettent d'équilibrer la faiblesse des marges réalisées dans le commerce en ligne.

Je souhaiterais approfondir notre réflexion sur les évolutions du commerce, mais je ne voudrais pas esquiver un sujet brûlant. L'entreprise que vous dirigez a fait la « une » de l'actualité à de nombreuses reprises ces dernières semaines, au gré d'un feuilleton judiciaire qui cristallise les tensions, sur le nécessaire équilibre, en cette période de crise sanitaire, entre le maintien de l'activité et la protection des salariés par l'employeur. La présente audition permettra de faire le point sur ce sujet. Je n'ai pas personnellement à me prononcer sur une décision de justice : la séparation des pouvoirs emporte le respect du Parlement pour le pouvoir judiciaire.

Pour autant, au-delà du cas d'Amazon, la question de la responsabilité du chef d'entreprise dans la reprise apparaît essentielle pour la réussite du déconfinement. Nous pourrons prendre toutes les mesures en faveur de la demande - les ménages sortiront, en effet, de la crise avec un pouvoir d'achat affaibli et une confiance dans l'avenir réduite - ou de l'offre, élément déterminant pour l'emploi, elles n'auront que peu d'effet si ne sont pas clarifiées les conditions sanitaires et juridiques de la reprise.

La situation n'est pas claire. La jurisprudence a oscillé de l'obligation de résultats à l'obligation de moyens. Les inspections du travail suivent leur interprétation, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) la leur ; la justice tranche au cas par cas. Les syndicats et les salariés sont naturellement inquiets ; les chefs d'entreprise aussi. Il faut évidemment protéger les salariés, mais jusqu'où et jusqu'à quand pourra être imputée à un chef d'entreprise la diffusion de l'épidémie parmi ses salariés ? Jusqu'où précisément va sa responsabilité en matière de fourniture de masques, de gants, de blouses, de gel ou la mise en oeuvre de mesures de distanciation ? Si le Gouvernement n'indique pas plus clairement aux chefs d'entreprise les limites de leur responsabilité en matière sanitaire, il crée une incertitude qui va constituer, pour eux comme pour les salariés, un frein majeur à la reprise.

Par ailleurs, selon vous, la crise peut-elle être envisagée comme un rappel à l'ordre pour les commerçants qui n'ont pas encore pris le virage numérique ? Comment les pouvoirs publics peuvent-ils les y aider ?

Plus précisément, pouvez-vous nous présenter votre vision de l'avenir du commerce : quelles seront, d'après vous, les nouvelles formes de commerce et de services dans la décennie à venir ? Quels sont les obstacles au développement du commerce en ligne et les axes stratégiques sur lesquels vous mettez, ou allez mettre, l'accent, notamment en matière de collaboration avec les commerces physiques ? Quelles mesures le Gouvernement devrait-il prendre, selon vous, pour développer le commerce en ligne pour les entreprises qui le souhaitent ?

Dans la course à la livraison à domicile la plus rapide possible, Amazon a déjà beaucoup investi dans l'automatisation des entrepôts et dans la recherche, par exemple en matière de serrures connectées et de livraison par drone. Quels sont votre stratégie et vos axes de développement en la matière ?

Vous serez aussi probablement interrogé par les membres de notre commission sur les sujets de friction régulièrement évoqués dans le débat public s'agissant de votre entreprise, comme les problématiques fiscales, le traitement de vos vendeurs partenaires sur la place de marché ou la question de l'emploi - certains vous reprochent de détruire des emplois, quand d'autres soulignent que, contrairement à Google ou à Facebook, par exemple, vous êtes un géant du numérique pourvoyeur d'emplois.

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