Monsieur Daudigny, vous m'interrogez sur l'opportunité d'une comparaison avec les données du PMSI ; il ne s'agit pas de ma spécialité, mais je compte que de nombreux médecins de santé publique s'en chargeront, pour notre plus grand bénéfice.
Concernant votre interrogation sur les effets secondaires des traitements sous essai, aucun n'a encore été signalé.
Votre question sur la complémentarité entre les traitements antiviraux et immunomodulateurs m'intéresse tout particulièrement. Je retiens de mes années d'apprentissage - au moment où l'épidémie de VIH posait des questions similaires à celles que le Covid-19 pose aujourd'hui - et de mes échanges avec Mme Françoise Barré-Sinoussi qu'un virus ne peut être simplement considéré en soi, mais également à raison de l'interaction pathogène avec son hôte. Autrement dit, l'antiviral est essentiel, mais tout autant que le traitement qui tient compte de la cible du virus et de la réaction immunitaire, parfois fatale, qui en découle. Pour l'heure, nous en sommes encore à découvrir ce virus, à le démembrer pour en connaître tous les impacts. Une fois cette phase achevée, nous serons en mesure d'identifier chacune des cibles immunitaires touchées par ce dernier, et de prévoir les traitements spécifiques en conséquence. Vous devez bien comprendre qu'un traitement immunomodulateur n'aura de pertinence qu'à l'issue de ce travail, lorsque nous aurons précisément défini les cibles. Une fois ces dernières définies, pourra alors commencer la phase de recherche sur les médicaments dits de seconde génération, ou molécules dites de haute affinité, qui concentreront leur action modulatrice sur les seuls éléments du système immunitaire attaqués par le virus.
Concernant votre question sur la coopération européenne, je vous confirme que le Luxembourg a bien rejoint notre protocole - un patient sur 740 - et qu'aucun pays ne s'est formellement retiré des négociations. Nous travaillons actuellement à l'harmonisation des protocoles, des procédures et des réglementations qui nous permettront de fonctionner tous ensemble.
Vous avez également posé la question du foisonnement d'essais non randomisés ; je risquerais l'expression d'« épidémie de recherche ». Avec toutes les réserves que je me dois d'employer, je trouve peu judicieux d'avoir initié 30 ou 40 études qui ne concerneront qu'une dizaine de patients chacune plutôt que de s'être accordé sur un nombre limité d'études mais avec un plus grand échantillon de patients. La robustesse des résultats produits n'est pas suffisante, alors même que ces études ont obtenu des financements. J'irais même jusqu'à dire que le principe d'une étude à large public s'imposait : lorsque l'on ignore tout de l'efficacité d'une certaine molécule pour une certaine infection, on ne peut tirer de résultats pertinents qu'à partir d'un panel de patients le plus large possible.
Je l'ai dit, un patient a été enrôlé au Luxembourg. J'ai mentionné les difficultés d'organisation que nous pouvons avoir avec nos collègues européens. Il n'y a pas de mauvaise volonté mais des difficultés réglementaires à aplanir.
Madame Cohen, il existe en effet des différences d'un pays à l'autre. Il y a deux enjeux : nous sommes tous sous le parapluie de l'OMS, censée nous aider à la mise en place des recherches en temps réel. Mais chaque pays doit adapter les règles générales à son mode de fonctionnement. Tous les systèmes de santé ne sont pas les mêmes. Par ailleurs, dans chaque pays, des structures de leadership propres se mettent en place, ce qui est important. On ne peut pas complètement lisser ces réalités. C'est une équation triangulaire qu'il faut résoudre : il faut à la fois un leadership positif, une harmonisation réglementaire entre pays et une capacité à se mettre en ordre de marche avec les mêmes protocoles afin de répondre le plus rapidement possible à la crise.
Je vous confirme le chiffre de 4 500 à 5 000 euros par patient. Si nous avons les moyens de le faire en France, c'est plus problématique dans certains pays. C'est pourquoi l'étude Solidarity a mis à disposition un protocole plus simple que celui de Discovery. C'est en effet le rôle de l'OMS de proposer des protocoles que tous les modèles socio-économiques puissent assumer. La problématique de Discovery est la suivante : tous les pays européens peuvent-ils assumer d'inclure cinq cents patients à ce prix, et où sont les financements pour y parvenir, étant entendu que l'Inserm en est le promoteur mais ne peut pas financer toute l'Europe ? Nous nous tournons maintenant du côté de l'Union européenne.