Je ne reviendrai pas sur les arguments développés avant moi par mon collègue Jean-Jacques Lozach.
Je voudrais axer mon propos sur un thème que la proposition de loi aborde peu et que notre collègue René-Pierre Signé a développé en commission : le sport et l’argent. Pour ce faire, je m’en tiendrai à une seule discipline sportive, le football. Celui-ci, certes, est avant tout un business – il draine plus de 4 milliards d’euros en France –, mais il nécessite une régulation publique urgente. En Ligue 1, le salaire moyen dépasse les 50 000 euros mensuels… Et la rémunération des stars européennes se calcule désormais en centaines de milliers d’euros par semaine.
Les droits télévisuels ont été multipliés par 600 en France en vingt-cinq ans, passant de 1, 2 million d’euros en 1985 à 668 millions d’euros aujourd’hui. Malgré cela, les recettes commerciales pérennes ne suffisent pas à couvrir l’explosion des charges salariales.
Le plus malsain est la spéculation financière sur le « prix » des joueurs. Tant que le marché des footballeurs est à la hausse, les clubs engrangent des plus-values. Bien sûr, cette hausse est entretenue artificiellement par les clubs, qui y ont tous intérêt pour boucler leurs budgets, par les agents des joueurs, rémunérés sur ce prix de vente, mais aussi par le système comptable qui autorise – exception sans équivalent dans aucun autre secteur économique ! – à considérer les joueurs comme des actifs financiers, gonflant ainsi artificiellement le bilan des clubs.
Les chiffres donnent quelques raisons d’être alarmistes. D’une saison à l’autre, le déficit de la Ligue 1 est passé de 14, 7 à 114, 1 millions d’euros, tandis que ses fonds propres fondaient de 265, 6 à 189 millions d’euros. Toutefois, la principale cause du marasme est la chute brutale des recettes issues des transferts. Passées de 215 millions d’euros en 2008-2009 à 125 millions d’euros en 2009-2010, celles-ci n’ont plus permis de compenser des pertes d’exploitation, hors transferts, qui sont abyssales – elles s’élèvent à 300 millions d’euros.
L’argent a tout gangrené, et les principes de Coubertin sont souvent, sinon passés par pertes et profits, du moins relégués à l’arrière-plan. Si le sport peut être porteur de cohésion sociale, il peut donner lieu, a contrario, à de nombreuses dérives antithétiques aux valeurs qu’il est censé promouvoir. Ainsi, est-il normal que l’on soit obligé de mettre en place des armées de policiers avant certains matchs ? Comme René-Pierre Signé, je suis choqué du langage guerrier employé dans les stades et de certains commentaires tenus à la radio et à la télévision.
Pendant ce temps, le sport amateur végète, et nous sommes bien loin des valeurs du sport et de son rôle d’éducation de la jeunesse !
Pourtant, sans les milliers de bénévoles qui font vivre chaque jour le sport amateur sur nos territoires, c’est toute l’originalité et la spécificité de notre système sportif qui s’effondrerait ! C’est pourquoi nous sommes tant attachés, mes collègues du groupe socialiste et moi-même, au principe d’unité et de solidarité entre les sports amateur et professionnel.
Néanmoins, peut-on parler d’éthique en se voilant la face ? Les pouvoirs publics tentent, depuis des années, de corriger ces dangereuses dérives, mais un grand pas reste encore à faire pour satisfaire une éthique digne de ce nom.
Le sport revêt un caractère de spectacle de plus en plus prononcé. Oui, on s’éloigne du précepte de Pierre de Coubertin : « L’essentiel est de participer ». Oui, on s’écarte de sa dimension éducative « de solidarité, de loyauté, de fraternité et de respect de soi et des autres », comme le soulignent les auteurs de la proposition de loi.
Je regrette également que l’accent ne soit pas assez mis sur les missions de service public du sport, au travers d’une politique volontariste de valorisation de son rôle social et éducatif.
De l’objectif du sport pour tous, nous avons évolué, d’année en année, vers un ciblage de plus en plus pointu des publics bénéficiaires du CNDS, le Centre national pour le développement du sport.
En revanche, le caractère précipité de la décision du Gouvernement, que nous avions alors largement dénoncée, de légaliser les paris sportifs en ligne à la veille de la Coupe du monde de football s’est depuis lors confirmé ! Et c’est la majorité elle-même qui nous en apporte la preuve puisque, à peine un an après la promulgation de ce texte, elle éprouve le besoin de remettre sur le métier son ouvrage.
D’ailleurs, les députés Filipetti et Lamour dans un tout récent rapport abondent en ce sens, en reconnaissant également l’échec de cette loi dans la lutte contre le marché illégal des jeux en ligne, pour laquelle les opérateurs agréés ne se sont pas impliqués et les organes de contrôle trop peu armés.
Actuellement, l’argent est omniprésent, des dérives dans la vente des billets jusqu’aux paris fondés sur les compétitions en passant par les salaires des joueurs et le coût des transferts !
Tout cela ne peut être de bon exemple pour les jeunes. Les budgets démesurés des clubs et leur niveau d’endettement sont en complet décalage avec les maigres possibilités dont dispose le sport amateur.
Je voudrais de nouveau exprimer le découragement que peuvent ressentir les présidents de clubs associatifs ou les maires ruraux qui entendent parler de millions d’euros, alors qu’ils éprouvent des difficultés à joindre les deux bouts !
Il y a quelques mois, je m’interrogeais en commission sur le coût des états généraux du football. J’attends encore la réponse !
Les clubs amateurs ne comprennent pas pourquoi ils ne sont pas plus aidés, surtout s’il est vrai que certaines ligues disposent de réserves considérables.
Si mon propos peut paraître excessif et pessimiste, il est malheureusement réaliste. Aussi ce sujet méritait-il que nous nous y attardions un moment lors du présent débat sur l’éthique du sport.
Cela dit, nous accueillons avec un regard favorable l’initiative du groupe du RDSE, qui a déposé cette proposition de loi. Nous participerons activement à l’examen des articles pour améliorer ce texte, en particulier en matière de lutte contre le dopage.