Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous vivons le temps du deuil, de l’angoisse, des incertitudes, des impatiences. Mes premières pensées vont vers tous ceux qui ont connu la peine, les décès, les drames, et vers les personnels qui ont participé à l’effort de la Nation en matière sanitaire, mais aussi en matière économique.
Cette situation dramatique et inédite, le Gouvernement – avec l’ensemble des Français – l’a affrontée, et continuera de l’affronter, avec responsabilité et pragmatisme.
La décision de mettre en place des mesures de confinement a été prise avec sang-froid et lucidité.
Monsieur le Premier ministre, je souhaiterais un instant revenir sur les jugements hâtifs ou autres critiques contradictoires, qui ne me semblent pas être à la hauteur de la situation à laquelle nous sommes collectivement confrontés.
Dans un réflexe pavlovien, certains critiquent avec autant de ferveur les mesures du déconfinement que celles du confinement, qu’ils avaient pourtant décriées à l’occasion de leur mise en œuvre.
Ils critiquent par avance toutes les mesures proposées, ils énoncent leurs certitudes sur l’avenir, alors qu’ils ont été bien incapables d’anticiper par le passé !
Le déconfinement, qui n’est pas la sortie du tunnel, doit être préparé avec toutes les inconnues propres à ce fléau sanitaire. La tâche est immense, et c’est la raison pour laquelle est organisé ce débat au sein de la Haute Assemblée. Loin de « bouder » la représentation nationale, comme je peux l’entendre dire ici et là, monsieur le Premier ministre, vous l’écoutez et vous l’intégrez pleinement dans la conception du déconfinement, comme vous venez de le prouver à l’instant. Ce débat honore le Parlement, il honore aussi le Gouvernement.
Vous avez qualifié ce déconfinement de nécessaire et de risqué. Nécessaire, il l’est assurément, risqué il l’est aussi indubitablement.
Il est nécessaire à bien des égards puisque, depuis le 17 mars, les Français sont confinés pour préserver leur santé, notre santé. Au cours des deux derniers mois, nous avons mesuré combien la liberté d’aller et de venir, celle d’interagir avec nos proches, notre famille, celle de tisser des liens avec nos semblables, est consubstantielle à notre condition. Afin de renouer avec cette part de nous-mêmes, le déconfinement est nécessaire.
Il est également nécessaire, voire plus encore, car la crise économique et sociale, qui impacte notre pays comme tous les autres, aura des conséquences lourdes que chaque Français doit intégrer.
Le redémarrage de notre économie est un préalable indispensable à la reconstruction de notre nation.
Cette récession qui s’annonce menace en premier lieu les plus fragiles sur le plan économique. Elle pourrait être rapidement synonyme de régression sociale si rien n’avait été prévu. Je sais que le Gouvernement est conscient de ce risque et je tiens à le féliciter, entre autres, d’avoir décidé un recours massif au chômage partiel. Par ce biais, il a protégé le maximum d’emplois et bon nombre de nos concitoyens touchés de plein fouet par cette crise.
Monsieur le Premier ministre, vous l’avez souligné, ce déconfinement est risqué.
Il est risqué, parce qu’il dépend de facteurs inhérents à l’épidémie et parce que les décisions à prendre sont complexes, et délicates.
Si votre gestion pragmatique de la situation sanitaire est à saluer, tâchons de reconnaître la part d’incertitude qui existe quant au devenir de cette maladie virale.
Bien malins ceux qui, sur les réseaux sociaux ou autres plateaux de télévision, prétendent connaître l’évolution du Covid-19, sa date d’expiration et l’heure de sa disparition ! Toutes ces suppositions et supputations alimentent le registre du commentaire alors que nous devons collectivement nous retrouver dans celui de l’action.
Monsieur le Premier ministre, ce déconfinement ne peut aboutir que s’il est entendu de façon claire et précise. Il ne peut aboutir que s’il est appliqué de manière progressive, et exercé avec civisme et rigueur par les Français.
Dans le même temps, les craintes et inquiétudes légitimes de nos concitoyens doivent être entendues. C’est ce que vous faites quotidiennement avec l’ensemble des membres du Gouvernement.
Il importe d’appliquer à la lettre la règle des quatre C : clarté, cohérence, cohésion et concertation.
La clarté est l’axiome principal de la politique qui doit être menée : la clarté en matière sanitaire, par exemple. J’ai entendu la polémique sur les masques. Je ne voudrais pas qu’elle fasse oublier les milliards d’euros qui ont été investis ainsi que toutes les mesures mises en œuvre aussi bien dans le domaine économique et social que dans le domaine sanitaire.
À ce titre, je tiens à saluer l’objectif de 700 000 tests par semaine, ainsi que la remontée d’informations permise par les brigades que vous avez récemment évoquées.
La clarté, nous la devons également à nos élus, bien évidemment aux maires, qui font remonter leurs inquiétudes. Vous le savez, monsieur le Premier ministre, ceux-ci évoquent notamment leur crainte de voir leur responsabilité pénale engagée à l’occasion de la réouverture des écoles. Vous venez d’y répondre par avance.
Je sais bien que, aujourd’hui, le droit les protège – la loi Fauchon, en l’occurrence, comme vous l’avez rappelé. Encore faut-il qu’elle soit bien précisée pour que chacun soit rassuré. Nous devons leur apporter des assurances, et je sais pouvoir compter sur vous pour accompagner cette démarche.
La cohérence, ensuite. L’organisation du déconfinement autour du couple maire-préfet entre en cohérence avec les réalités du terrain. La présentation des cartes d’évolution du virus dans nos départements contribue à cette prise en compte des spécificités locales, loin de toute approche uniforme et peu pertinente.
La cohésion : j’y faisais référence précédemment. Sachez, mes chers collègues, que, quelles que soient nos sensibilités, nous serons jugés sur notre capacité à entendre le message délivré par les Français, celui de l’unité nationale. Les réflexes politiciens ne feront qu’ajouter de la crise à la crise, soyons-en conscients.
La concertation, enfin. C’est le point central du succès du déconfinement : je tiens à vous remercier d’avoir pris en considération les remontées des territoires et associé l’ensemble des élus locaux à ce processus amené à se mettre en place progressivement à partir du 11 mai.
Dans la méthode comme dans le fond, monsieur le Premier ministre, je remercie le Gouvernement d’agir avec lucidité et avec humilité. L’expérience de cette crise aura ébranlé nombre de nos préjugés. Le déconfinement est la première étape d’un long chemin qui nécessitera écoute, pédagogie, détermination et courage. Notre groupe sait pouvoir compter sur vous pour mener notre pays sur la voie du redressement sanitaire, économique et social.