Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, je voudrais commencer mon propos en remerciant l’ensemble de celles et ceux qui font vivre notre pays au quotidien, que ce soient, bien sûr, les soignants et ceux qui concourent aux soins et qui sont en première ligne, ou ceux qui travaillent pour veiller à notre approvisionnement, à l’évacuation de nos déchets, à notre vie quotidienne. Ils méritent notre reconnaissance et je veux les saluer.
Vous, monsieur le Premier ministre, vous concourez aussi quotidiennement à l’action, à faire tourner notre pays.
Dans mon groupe et sur bien des travées de cette assemblée, nombreux sont celles et ceux qui considèrent que, pour le dire un peu trivialement, vous faites le job avec les ministres qui vous entourent, que ce soient ceux qui sont chargés de l’économie à Bercy, celui de l’éducation nationale, ceux qui sont chargés des relations avec les territoires ou avec le Parlement. Je le redis : vous êtes aux avant-postes et vous faites le job.
Bien entendu, cette sympathie et cette compréhension n’emportent pas systématiquement adhésion à toute l’action qui est menée et c’est le rôle du Parlement, justement, que de se montrer critique, de contrôler l’action du Gouvernement et d’examiner les textes qui lui sont soumis. Au demeurant, il travaille lui aussi dans des conditions extrêmement difficiles et contraintes.
Pour autant, vous entendez ici celles et ceux qui expriment les préoccupations des élus qu’ils représentent ou tout simplement de nos concitoyens.
L’un des faits majeurs de cette crise – et cela a été répété à l’envi – restera le problème des masques et des tests. On peut tourner la question dans tous les sens, quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse, quoi qu’on pense, une très large majorité de Français ne comprend pas pourquoi nous disposions de si peu de masques et pourquoi il est toujours difficile d’en trouver.
S’agissant des tests, la problématique est la même.
Cette semaine, les annonces faites par les grandes chaînes de distribution n’ont rien arrangé à l’affaire. Là encore, vous avez apporté des explications, mais l’opinion publique, au moment où il est encore difficile – y compris pour certains soignants – de trouver des masques dans certains endroits, ne comprend pas que la grande distribution, qui, contrairement à certains élus, n’a pas été réquisitionnée, puisse faire de la publicité pour indiquer qu’elle pourra en vendre prochainement en nombre dans ses magasins.
Le second sujet de préoccupation demeure bien sûr, pour de nombreux élus, celui de l’école. C’est un problème majeur pour beaucoup de collectivités, qui, pour la plupart d’entre elles, sont de taille modeste. Ainsi, 98 % d’entre elles comptent moins de 9 000 habitants et 52 % moins de 500 habitants. C’est dire la complexité de l’action qu’elles doivent mener.
Beaucoup vont essayer de répondre à l’attente des familles, parce qu’il faut bien rouvrir ces écoles. Mais à partir du moment où il a été annoncé qu’elles rouvriraient le 11 mai sur la base du volontariat, on a implicitement reconnu un droit de retrait aux familles et, partant, l’existence d’un risque. Dès lors, beaucoup de familles s’interrogent, surtout au moment où toutes les chaînes de radio et de télévision évoquent la possible émergence d’autres maladies, même si l’on ignore, à ce jour, s’il existe véritablement une corrélation entre celles-ci et le coronavirus. L’inquiétude est donc grande.
Je pourrais également évoquer, monsieur le Premier ministre, les coûts pour les collectivités, source de difficultés très fortes.
Enfin, vous avez abordé la question de la responsabilité, sujet de préoccupation que nous avions été nombreux à faire remonter. Les chefs d’entreprise, les élus, comme beaucoup de responsables associatifs, s’engagent pleinement comme vous le faites vous-même. Pour autant, ils sont inquiets, parce qu’ils savent que leur responsabilité est susceptible d’être engagée.
Mme la garde des sceaux a répondu en expliquant que, en l’état actuel du droit, ils pouvaient être tranquilles. Nous en doutons. Au-delà du droit, il y a la confiance, et préciser les choses, poser des affirmations, accompagner tous ceux qui s’engagent est de nature à redonner de la confiance. C’est tout simplement ce que nous souhaitons faire au travers des amendements qui ne manqueront pas d’être adoptés tout à l’heure.
Monsieur le Premier ministre, vous avez abordé beaucoup de sujets, vous avez apporté beaucoup de précisions et répondu à des demandes déjà anciennes. Je vous en remercie. Pour autant, ce qui manque le plus aujourd’hui, c’est peut-être davantage de territorialisation. C’est le mot que vous avez employé, mais je n’ai pas entendu dans votre explication comment elle serait déclinée.
Les Français sont confrontés à de nombreux paradoxes : à la télévision, ils voient, d’un côté, des Airbus bondés à bord desquels les gens ne portent pas de masque et, d’un autre côté, des promeneurs se faire verbaliser pour avoir fréquenté une plage. Cette communication est désastreuse pour beaucoup d’entre eux.
Davantage – et vous leur avez en partie répondu – s’inquiètent en disant : « On fait confiance aux commerçants pour rouvrir, mais on ne fait pas confiance aux officiants des cultes pour ouvrir de petites églises, de petits temples, de petites mosquées ou de petites synagogues, ici ou là dans nos provinces. » Vous avez répondu en partie à cette question, mais nombre de nos concitoyens s’interrogent durablement.
Mon groupe souhaiterait que l’on s’oriente davantage vers cette déclinaison territoriale. En faisant confiance à ce que l’on appelle le couple maire-préfet, que vous avez déjà mis en avant, on peut aller beaucoup plus loin et nos concitoyens sont nombreux à demander de la visibilité.
On leur dit qu’il faut attendre le 7 mai pour obtenir certaines précisions, qu’il faudra peut-être attendre le 2 juin pour en obtenir d’autres. Les vacances se profilent sans qu’ils sachent très bien ce qu’ils pourront faire et où ils pourront aller. Pourront-ils aller au-delà des 100 kilomètres dont il est question aujourd’hui ? Je le répète, ils ont besoin d’une plus grande visibilité.
De même, sans une plus grande déclinaison territoriale, à quoi bon avoir des départements en vert et en rouge ?
Beaucoup de nos territoires littoraux ou centraux demandent que les plages ou les forêts soient de nouveau accessibles. De même, on ne comprend pas bien pourquoi des villages qui disposent d’un petit commerce, d’un bar-tabac, ne peuvent pas le rouvrir rapidement alors que les commerces parisiens ou des grandes villes mériteraient d’attendre et d’être mieux organisés.
C’est là une demande très forte et, là encore, nous avons besoin de visibilité.
Nous avons également besoin de visibilité sur différents sujets que vous avez abordés, notamment la culture. Le secteur culturel représente 3 % de notre PIB et il est important, pour tous ceux qui se reconnaissent dans le théâtre, dans le cinéma, dans les musées, qu’ils puissent de nouveau rapidement avoir accès à ces éléments de culture.
Il n’y a pas que les grands musées des grandes villes ; il y a de petits musées, de petites salles, de petits festivals et toutes sortes d’événements qui mériteraient de pouvoir de nouveau fonctionner, sur décision des préfets en lien avec les élus.
Au demeurant, la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, que préside Jean-Marie Bockel, a formulé des propositions en faveur d’une territorialisation de ces décisions.
Pareillement, beaucoup de collectivités dépendantes du tourisme attendent avec impatience de connaître les conditions dans lesquelles ces activités vont pouvoir reprendre.
Évidemment, vous l’avez souligné, monsieur le Premier ministre, demain ne sera plus comme avant. Nous connaîtrons des difficultés sociales très fortes à la rentrée, le chômage partiel, ainsi que le ministre de l’économie l’a annoncé, ne pourra pas se poursuivre et, malheureusement, le nombre de chômeurs va continuer de croître. C’est la raison pour laquelle la politique sociale devra être prééminente et tenir compte de ce qui s’est passé, car les Français n’accepteront plus, dans leur grande majorité, qu’on donne beaucoup d’argent aux grandes entreprises sans qu’ils puissent bénéficier d’un retour.
S’agissant de la gouvernance mondiale, puisque vous avez évoqué ce point au début de votre propos, cette pandémie est mondiale et l’on a vu la faillite des grandes institutions de l’après-guerre : l’ONU, l’Europe, le G7, le G20. Nous n’avons pas été en mesure d’apporter des réponses collectives. À l’évidence, il faudra repenser rapidement notre participation aux instances mondiales.
Monsieur le Premier ministre, je conclurai en vous remerciant et en vous indiquant que mon groupe se partagera sur le vote puisqu’une partie de mes collègues votera favorablement alors que l’autre s’abstiendra.