Intervention de Édouard Philippe

Réunion du 4 mai 2020 à 14h30
Stratégie nationale du plan de déconfinement dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de covid-19 — Débat et vote sur une déclaration du gouvernement

Édouard Philippe :

Le problème aujourd’hui, ce n’est pas tant les tests que les bras, autrement dit la capacité à les réaliser, ou plutôt, à les exploiter. En effet, matériellement, nous aurons les moyens de tester. Toutefois, les tests n’ont pas seulement pour objectif de savoir si telle personne est positive ou négative. Leur réel intérêt, une fois que le résultat est positif, est ensuite de pouvoir remonter systématiquement, et de manière efficace, jusqu’aux vingt-cinq ou trente personnes – peut-être douze – que le patient a croisées la veille et le jour même, et ce afin d’être en mesure de tester celles-ci.

Si cet instrument de remontée des chaînes de contamination n’était plus opérationnel quelque part, il faudrait en tirer les conséquences. J’en suis convaincu, monsieur le président Retailleau, vous savez parfaitement que, si nous ne regardions pas ces données au jour le jour en période de déconfinement, nous commettrions une erreur.

Vous nous avez invités à l’humilité, non pas comme une excuse – je n’en cherche aucune –, mais comme une forme de reconnaissance de ce qu’on ne sait pas. J’ai eu l’occasion de dire plusieurs fois que je ne savais pas tout. Lorsque des controverses médicales entre scientifiques sont intervenues sur les différents traitements visés, je me suis bien gardé de dire qui avait raison et qui avait tort. Je n’ai aucune compétence en la matière, et j’ai eu l’humilité de le dire. J’ai aussi déclaré que j’attendrais les procédures habituelles, expérimentales, ainsi que les revues par les pairs, qui permettraient de déterminer si, oui ou non, il existait des preuves de l’efficacité de tel traitement.

Monsieur le président Malhuret, vous nous avez indiqué que la recherche allait vite. Certes, mais elle prend aussi du temps, et en l’admettant, je crois faire preuve d’une humilité que n’ont pas toujours ceux qui, pour des raisons qui leur appartiennent, ont décidé qu’un traitement donné devait par nature être efficace, et donc distribué, alors même que tous les éléments de démonstration n’étaient pas réunis.

Sur les obstacles bureaucratiques et idéologiques à la levée d’un certain nombre de verrous – je pense notamment à l’utilisation des laboratoires sanitaires –, il est vrai que notre pays impose de nombreuses règles, notamment en matière sanitaire, qui ont été accumulées dans le temps, « sédimentées », mais elles ont été prises chaque fois pour une bonne raison : si des laboratoires ne sont pas autorisés à réaliser certaines activités, c’est parce que les protocoles qui ont été progressivement mis en place sont de plus en plus protecteurs. On trouve toujours derrière la réglementation sanitaire des considérations qui ont été jugées par les pouvoirs en place excellentes, et je ne les conteste pas. J’observe que vouloir lever, et rapidement, les dispositifs un par un est un exercice qui, lui aussi, renvoie à une certaine forme d’humilité – croyez-moi ! Heureusement, nous y sommes parvenus collectivement, même si j’aurais préféré que nous soyons plus rapides. Nous allons pouvoir en bénéficier avec la multiplication du nombre de tests.

Monsieur le président Marseille, je vous remercie de vos propos, eux aussi bienveillants et exigeants, notamment de vos questions concernant les inquiétudes et les difficultés liées à l’ouverture des écoles. Ces questions ne m’ont bien sûr pas échappé, et nous essayons d’y répondre. Là encore, l’exercice se révèle difficile.

En effet, donner quelques directions vagues, ou claires, mais formulées en termes de principes, c’est à coup sûr, vous le savez, s’exposer à la critique de ceux qui diront : « Vous avez formulé quelques principes clairs, mais sur le terrain, vous laissez les gens se débrouiller. » Dans le même temps, énoncer quasiment au cas par cas, si j’ose dire, les bonnes pratiques correspondant à la doctrine sanitaire, c’est s’exposer à la critique de ceux qui diront : « C’est trop, vous voulez tout régenter, laissez-nous adapter les règles. »

Autrement dit, en la matière, mais j’en ai pris mon parti, monsieur le président Marseille, quoi qu’on fasse, on est critiqué ! Ce n’est pas illégitime, car, je le redis, tout peut être utile, et je ne le prends pas du tout à la légère. Mais nous avons fixé des règles, donné une doctrine et indiqué – combien de fois, monsieur le président Marseille ! – qu’il était possible de s’adapter localement, c’est-à-dire d’utiliser l’esprit de la règle afin de trouver la meilleure solution. Ces consignes, je les ai transmises à tous les préfets, à tous les recteurs ; je les ai répétées, et je les redirai systématiquement.

Mes retours, monsieur le président Marseille, je suis certain qu’ils correspondent aux vôtres : dans un très grand nombre de communes, les élus locaux, les adjoints au maire chargés de l’éducation ont commencé à intégrer ces doctrines, en disant parfois qu’il y en avait trop, ou pas assez, et en étudiant la situation, école par école, afin de trouver la meilleure organisation possible.

À la vérité, dans certains endroits, la situation va être très difficile, mais dans beaucoup d’autres, tout va bien se passer – j’en ai la conviction. J’observe d’ailleurs avec intérêt qu’un certain nombre de ceux qui critiquent ces éléments d’indication mettent en place, dans leur commune, des modalités d’organisation de la réouverture des écoles en les respectant. Je ne dis pas qu’ils le font de gaieté de cœur, mais comme ils ont la responsabilité chevillée au corps, ils essaient de trouver des solutions locales conformes à la doctrine. C’est la meilleure façon d’avancer !

Vous avez indiqué à juste titre, monsieur le président Marseille, la difficulté qui résulte de l’incertitude. Je la comprends parfaitement, car, au-delà des seuls acteurs économiques, l’incertitude qui pèse sur l’avenir de tous est exaspérante, inquiétante : elle mine, elle fatigue à bien des égards ceux qui ne savent pas comment organiser leur vie familiale ou professionnelle et qui ont parfois des décisions importantes à prendre.

Comment répondre à une telle situation, monsieur le président Marseille ? On pourrait dire des choses définitives, très brutales. Je ne veux pas me comparer à des chefs d’État qui dirigent de grandes puissances outre-Atlantique – je n’en ai ni le physique ni le caractère

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