Intervention de Juliette Langlais

Délégation aux collectivités territoriales — Réunion du 5 mars 2020 à 10h00
Table ronde « les communes face à l'inflation des prix de l'immobilier : quels moyens d'action pour réguler le marché ? »

Juliette Langlais, directrice des affaires publiques d'Airbnb France :

Non. Ce sont 28 000 communes qui présentent des annonces sur Airbnb, alors que seulement 6 000 villes et villages disposent d'un hébergement en hôtellerie traditionnelle. Nous voyons l'importance du rôle d'Airbnb pour lutter contre la dévitalisation des territoires évoquée par Monsieur le Président.

58 millions d'euros, c'est le montant de taxes de séjour reversé par Airbnb aux communes françaises en décembre 2019, dont plus de 15 % dans des villages de moins de 3 500 habitants. Ceci illustre concrètement l'impact positif de la location meublée.

Aujourd'hui, Airbnb se développe fortement en France. C'est de plus en plus adopté par les Français, dans la mouvance de l'économie collaborative et de l'échange entre particuliers. Airbnb a trois atouts majeurs. Tout d'abord, il permet une meilleure utilisation du bâti, pour lutter contre « les lits froids et les volets clos ». Un grand nombre de résidences secondaires ne sont ouvertes en France que trois semaines par an. Il est intéressant de donner aux propriétaires la possibilité d'une meilleure utilisation du bâti pour payer leurs charges, leurs impôts et réhabiliter leurs biens. De nombreux propriétaires refont leur toit ou un mur grâce à Airbnb. Cet aspect est intéressant.

En outre, Airbnb permet une meilleure dispersion du tourisme. Initialement, les principaux centres touristiques en France étaient situés à Paris, Versailles, Marne-la-Vallée, Lyon et Nice. En dehors de ce corridor, avant l'arrivée d'Airbnb, les touristes ignoraient le reste du territoire du fait du manque de sources d'hébergement pour fixer les touristes avec l'impact économique que cela revêt grâce à la consommation sur place dans des restaurants ou chez les commerçants. Cette meilleure dispersion du flux touristique est à souligner, notamment devant une assemblée qui représente les territoires.

S'agissant de l'inflation immobilière en tant que telle, je m'associe à l'introduction de Philippe Bauer sur les causes. Il est difficile d'obtenir des chiffres sur ce phénomène. Nous pouvons parler de l'INSEE, de L'Atelier parisien d'urbanisme (APUR), du Commissariat général au développement durable (CGDD) ou de la Caisse des Dépôts, qui vient de publier une analyse sur ce sujet. Je n'ai pas l'impression qu'il y ait une cause unique. Le sujet figure en une de nombreux articles de presse. Nous avons tendance à associer l'inflation immobilière avec le phénomène Airbnb et, plus largement, celui de la location meublée. Comme l'a dit justement Philippe Bauer, il existe une multitude d'autres facteurs expliquant l'augmentation des prix, notamment dans les grandes villes.

Je pense aux taux d'intérêt. Les taux d'intérêt sont proches de 0 contre près de 4 % en 2011. Nous pouvons également parler de la modification des structures familiales. Deux mariages sur trois finissent en divorce à Paris, ce qui génère une demande de petites surfaces d'habitation. Le Brexit amène de nombreux anciens expatriés français à revenir à Paris. Ils cherchent un logement. Ils ont un très fort pouvoir d'achat et se positionnent sur des biens immobiliers très spacieux, avec une capacité de financement importante. On compte 130 000 logements vacants à Paris. Ils représentent en moyenne entre 7 et 8 % du parc immobilier, ce qui est très conséquent.

Ces logements sont souvent sous-utilisés parce que les propriétaires sont frileux à l'idée de louer à un locataire à long terme, ce qui fut le sujet de la loi ELAN et, plus récemment, de la loi Nogal sur l'amélioration de la relation entre propriétaire et locataire. Enfin, nous constatons simplement un phénomène mentionné hier, dans le débat sur les municipales, sur le fait que Paris est une ville extrêmement dense, qui souffre d'une insuffisance de logements neufs. Faut-il construire plus de tours dans les quartiers de Bercy et Charenton, comme le préconise Agnès Buzyn, ou trouver la voie d'une meilleure utilisation du bâti ? Cette dernière solution est, selon moi, la voie que nous devons emprunter aujourd'hui.

Le bail mobilité est un outil extrêmement intéressant pour flexibiliser la location meublée. Ce dispositif permet à un propriétaire de louer son appartement pour une durée d'un à dix mois, contre neuf mois auparavant, bail souvent dénoncé au bout de trois mois étant donné qu`il ne correspondait pas aux usages. Par exemple, un étudiant venant à Paris pour trois mois, sans salaire ni caution familiale, est intéressé par ce bail mobilité, qui peut aussi intéresser des professionnels en mission de conseil, parfois de l'étranger, qui avaient beaucoup de mal à se loger.

Le bail mobilité a été mis en place il y a un an, suite à la loi ELAN. Airbnb constate que cet outil est de plus en plus utilisé. Le ministre Julien Denormandie soutient que ce dispositif a permis de mettre plus de 3 500 logements sur le marché de long terme. Ce mécanisme est hélas trop peu connu. Faut-il améliorer la communication sur ce sujet ? Faut-il rassurer les propriétaires quant à l'utilisation de cet outil ? Ces pistes méritent d'être étudiées.

Vous avez souligné la grande diversité des situations. Nous parlons souvent de Paris, Marseille et Bordeaux, et non de la diversité des situations auxquelles sont confrontées l'ensemble des villes de France. Je prendrai trois exemples pour illustrer que location meublée et inflation immobilière ne vont pas de pair. À Bordeaux, l'immobilier a fortement augmenté à partir de 2016, à la veille de l'ouverture de la ligne grande vitesse. Ce facteur doit être pris en compte. Il y a eu une émigration de Parisiens vers Bordeaux, avec un pouvoir d'achat supérieur, les salaires dans la capitale étant plus élevés que dans les territoires. Ce phénomène a eu un impact négatif sur ce marché.

Marseille, ville reliée à Paris par le TGV, n'a pas subi une hausse de loyers très forte, alors même qu'elle est la troisième ville de France pour Airbnb. La location meublée concerne essentiellement des résidences principales en ville, et non des logements qui sortent du marché de long terme. Ce sont des résidences louées pour le week-end et les vacances, sans lien avec l'offre de logements.

Enfin, et je ne m'attarderai pas sur ce sujet sur lequel nous reviendrons, les villes qui veulent limiter la location meublée, notamment de résidence secondaire, disposent d'un éventail d'outils extrêmement important. Le changement d'usage limite la location de courte durée des résidences secondaires. La fiscalité peut être modulée selon certains critères. On peut notamment citer la décision de Bordeaux et de Paris d'augmenter la taxe des résidences secondaires de 60 %. Je pense aux outils de la plate-forme pour aider les villes à mieux connaître l'état de la location meublée. La loi ELAN prévoit le partage d'informations avec les villes. Nous avons reçu 20 demandes en ce sens, que nous avons honorées. Les principales villes de France qui en ont fait la demande savent où sont situées les locations sur Airbnb, en résidences principales ou secondaires, et connaissent le nombre de nuitées de location.

Enfin, pour conclure, la location meublée constitue une chance pour les territoires. C'est une chance sur le plan fiscal en faisant bénéficier les villes de retombées fiscales inédites. C'est aussi un outil génial en termes de revitalisation des territoires et des villages, et il me semble qu'il faut retenir ce point.

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