Intervention de Christian Dupuy

Délégation aux collectivités territoriales — Réunion du 5 mars 2020 à 10h00
Table ronde « les communes face à l'inflation des prix de l'immobilier : quels moyens d'action pour réguler le marché ? »

Christian Dupuy, maire de Suresnes :

Après la présentation exhaustive de Michel Mouillart, je n'ai plus rien à dire. Je livrerai simplement mon sentiment. La situation que nous déplorons est une illustration de la fracture entre le désert français et un mode de vie de plus en plus urbain d'une part croissante de notre population. Les prix de l'immobilier s'envolent. Nous devons utiliser tous les outils dont nous pouvons disposer en tant qu'élus locaux et conserver une mixité sociale. Le premier est celui du logement social, et nous aimerions que l'État nous accompagne en nous assignant des objectifs d'augmentation du parc social plutôt que de nous priver de moyens par l'augmentation de la TVA sur la construction de logements sociaux, la création de la Réduction de loyer de solidarité (RLS), etc. Nous recevons des injonctions contradictoires : construisez, tout en nous privant des moyens.

Pour éviter la fracture sociale à l'échelle communale, il faut également proposer un parcours résidentiel entre logement social et logement non aidé, dont le prix s'envole, ce qui crée un grand écart entre les plus pauvres et les plus riches. Nous devons jouer sur les autres outils à notre disposition et construire du logement intermédiaire : Logement locatif intermédiaire (LLI), Prêt locatif social (PLS), et favoriser l'accession sociale à la propriété. Il faut jouer sur l'ensemble des outils pour maintenir le parcours résidentiel, qui est la garantie d'une véritable mixité sociale. Pour influer sur les prix de l'immobilier, les moyens des collectivités sociales semblent réduits en la matière, à moins de revenir à une conception de municipalisation des sols dont nous n'aurions plus les moyens aujourd'hui. Cette piste ne mérite pas d'être explorée.

En ce qui concerne la nuance faite par Michel Mouillart s'agissant des taux d'emprunt et du taux d'effort, je pense qu'il y a un lien entre les deux. Les taux bas font partie, à mes yeux, des facteurs qui encouragent l'inflation des prix de l'immobilier. La raison essentielle est l'abandon par l'État d'une politique d'aménagement du territoire. Il en résulte que tout le monde veut habiter au même endroit, avec des résidents déjà là qui protestent contre la densification, et d'autres qui aimeraient y arriver mais se heurtent à des prix trop élevés dépassant leur capacité financière.

Le seul moyen est d'essayer, par une politique volontariste, de proposer une diversité de produits pour permettre aux différentes catégories de population de s'offrir des logements correspondant à leurs moyens. Aucune commune de l'agglomération parisienne n'a les moyens de permettre à ceux qui veulent habiter d'y accéder. Un préfet de région me disait qu'il faudrait expliquer aux habitants que c'en était fini du pavillon avec jardin. Je lui ai suggéré de tenir lui-même ce propos à nos concitoyens...

Enfin, Michel Mouillart a évoqué la loi SRU. J'étais président de la commission logement à l'Association des Maires de France lorsque le ministre Gayssot a demandé l'avis de l'AMF sur le pré-projet de loi SRU. Le président de l'AMF était Jean-Paul Delevoye. À l'époque, j'ai soutenu auprès du ministre que le taux de 20 % partout n'était pas une bonne mesure. Nous allions dépenser de l'argent public dans les zones les plus détendues et sortir des logements sociaux à des prix parfois supérieurs au prix du marché. A contrario, le taux de 20 % n'est pas suffisant en Ile-de-France, où il vaut mieux viser 25 % ou 30 %. Jean-Paul Delevoye a semblé « exploser » en m'entendant tenir ce propos. J'ai ajouté que si l'État voulait construire des logements sociaux dans les communes où les maires étaient réticents, il fallait qu'il s'en donne les moyens.

J'ai cru que M. Delevoye n'allait pas « survivre » à cette proposition. Le ministre m'a dit que j'étais le second à en parler après le Président Chirac, et Jean-Paul Delevoye s'est détendu. Cette situation prouve que l'on persiste dans l'erreur. Il est absurde de construire des logements sociaux dans des zones détendues où les prix seront égaux ou supérieurs à ceux du marché. Nous ferions mieux de dépenser cet argent dans les zones tendues et d'engager une politique d'aménagement du territoire pour faire en sorte que les zones détendues deviennent plus attractives. Je vous présente une vision globale du sujet. On ne peut pas « saucissonner » la politique d'un pays ; tout se tient. L'aménagement du territoire doit être la clé de voûte d'une politique en la matière.

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