Intervention de Christian Dupuy

Délégation aux collectivités territoriales — Réunion du 5 mars 2020 à 10h00
Table ronde « les communes face à l'inflation des prix de l'immobilier : quels moyens d'action pour réguler le marché ? »

Christian Dupuy, maire de Suresnes :

L'AMF aurait un rôle à jouer si nous supprimons la séparation entre ordonnateurs et payeurs, qui est une singularité française pour régir le lien entre l'état et les collectivités locales ou les élus en général. C'est plutôt à la DGFIP qu'il faut s'adresser puisque le paiement ne relève pas, malheureusement, de la responsabilité des maires.

J'aimerais m'exprimer sur quelques points. Tout d'abord, j'interviendrai sur le sujet évoqué par Sonia de La Provôté pour remettre des logements vieillissants sur le marché. Michel Mouillart a évoqué la dérive des interventions de l'ANAH. C'est le rôle des Opérations programmées d'amélioration de l'habitat (OPAH) et de l'ANAH de redynamiser les centres-villes vieillissants. Il faudrait que l'État nous accompagne mieux.

J'avais dans ma ville un ancien hôtel ouvrier du début du XXe siècle devenu une copropriété de petits lots pour des personnes extrêmement modestes, des travailleurs migrants retraités vivant dans des conditions d'insalubrité avec leur maigre retraite. Des enfants attrapaient le saturnisme avec les peintures au plomb et un couple s'est retrouvé à l'étage du dessous par l'effondrement du plancher. L'immeuble avait été construit sans fondation sur la nappe phréatique située un mètre plus bas. Cette opération était si complexe qu'aucun promoteur privé ne s'y est risqué. J'ai demandé une expertise pour déclarer ce lot insalubre. On m'a objecté que cet immeuble n'était pas insalubre et qu'il suffisait de réhabiliter. La situation était inextricable. Or il fallait démolir et reconstruire.

La mairie de Suresnes s'est donc attaquée à l'opération. Nous avons lancé une enquête publique. Nous avons commencé les expropriations. Il a fallu trouver des solutions de logement sur mesure pour chaque ménage. Nous avons même dû acheter un autre immeuble ancien réhabilité et revendu aux personnes expropriées.

En conclusion, cette opération nous a pris 25 ans. La chambre régionale des comptes affirme qu'elle a coûté très cher à la collectivité, mais nous devions le faire, car nul ne s'en serait chargé à notre place.

La présidence est confiée à M. Alain Richard, en remplacement de M. Jean-Marie Bockel, qui doit s'absenter.

Nous aimerions bien que les pouvoirs publics nous aident sur ce type d'opération. J'avais évoqué le sujet auprès de Xavier Emmanuelli, qui était alors ministre. Il m'a fallu 25 ans pour mener cette opération. L'immeuble comprend une pension de famille et une galerie de métiers d'art, métiers qui disparaissent de l'agglomération parisienne faute de locaux. Le reste des logements sont en PLS. Cette opération exemplaire a coûté beaucoup d'argent à la commune, qui était presque seule. J'ai obtenu des subventions de la métropole du Grand Paris, mais nous avons dû lancer ce programme presque seuls. Les centres-villes de certaines villes de province se paupérisent du fait que les propriétaires ne parviennent pas à remettre en état leurs immeubles. Nous accueillons des étudiants ou une population extrêmement démunie, ce qui entraîne cette paupérisation des centres.

Je souhaite également faire part de réflexions sur le marché locatif. J'ai évoqué la nécessité de jouer de tous les outils dont nous disposons et de favoriser le logement locatif. Une autre manière de favoriser un logement locatif abordable concerne diverses aides utilisées par le passé, dont le Pinel et d'autres dispositifs comme le plafonnement des loyers. La distinction entre l'usufruit et la nue-propriété permet également de proposer des logements à des coûts modérés.

Je m'interroge sur la volonté de l'État en matière d'incitation à l'investissement locatif. Nous avons maintenu l'impôt sur la fortune sur les investissements immobiliers (IFI). Quelle est la logique en oeuvre ?

Je souhaite aussi évoquer le sujet du changement d'usage de bureaux en logements. Je ne suis pas du tout d'accord sur ce sujet. Ma commune est située à proximité du quartier de La Défense. Nous avons dû construire, dans les dernières conventions avec l'État, 4,5 mètres carrés de logement pour 1 mètre carré de bureau. Ce n'est pas pour que ces bureaux deviennent des logements, ou alors nous aurions été dupés. Nous pouvons mettre des bureaux à niveau et les maintenir dans leur activité. L'activité économique est fondamentale pour éviter de devenir une cité dortoir. Sans activité, nous n'aurions pas de commerce. Il faut de l'activité économique et de la mixité d'usage dans un territoire, à l'échelle de la ville, mais aussi du quartier.

Nous sommes concernés par Airbnb au même titre que d'autres communes. Je ne pense pas que ce soit un problème étant donné que la plate-forme loue surtout des logements qui auraient des difficultés à être loués à l'année. La taxe de séjour n'a pas été versée de manière spontanée, mais nous n'avons pas connu de problème pour trouver un accord avec Airbnb.

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