Intervention de Jacqueline Eustache-Brinio

Réunion du 9 mai 2020 à 15h30
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Jacqueline Eustache-BrinioJacqueline Eustache-Brinio :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues – tant présents dans l’hémicycle que suivant nos débats à distance –, nous sommes rassemblés aujourd’hui pour achever l’examen du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire.

La situation a beaucoup évolué depuis ces jours de mars dernier durant lesquels nous avions adopté le projet de loi créant le régime de l’état d’urgence sanitaire. Le confinement et les mesures votées ont sauvé de nombreuses vies, donnant à nos soignants le temps nécessaire pour faire face à la première vague de l’épidémie. Et ils y ont fait face, avec un engagement et un dévouement remarquables, que je ne saurais manquer de saluer, une fois de plus, mais certainement pas une fois de trop !

Durant cet intervalle, au-delà des soignants, nombre d’autres Françaises et Français, employés dans les secteurs essentiels, se sont également engagés sans compter. Dans le cadre de la mission de suivi de la commission des lois, nous avons pu identifier toute l’étendue de leur rôle crucial.

Aujourd’hui, le déconfinement est amorcé, en France comme chez nos voisins européens. Il est nécessaire. Néanmoins, à l’heure où le virus demeure trop méconnu, cette fin des mesures de protection les plus strictes devra à tout prix être accompagnée d’une poursuite des mesures de distanciation sociale et du respect le plus strict des gestes barrières. Ce sont les meilleures garanties pour que la propagation du virus ne reprenne pas de plus belle.

Le déconfinement n’est pas tant un retour à la vie normale à un instant t que l’amorce d’un processus de retour à la vie normale.

Pour atteindre ce dernier objectif, que nous partageons tous, le Gouvernement a récemment annoncé un certain nombre de mesures. Le présent projet de loi pérennisera leur mise en œuvre dans le cadre d’un état d’urgence sanitaire prorogé jusqu’au 10 juillet. Et il permettra la création des outils informatiques destinés à la lutte contre la maladie à l’heure où le confinement cesse graduellement.

Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des points de ce projet de loi, qui ont pour la plupart été abondamment discutés, malgré le calendrier d’examen extrêmement resserré d’un texte qui, je le souligne, a été présenté en conseil des ministres il y a tout juste une semaine. Permettez-moi cependant de m’arrêter sur trois des sujets qui me semblent les plus importants.

Le premier de ces sujets était paradoxalement absent du texte initial. Il s’agit naturellement de la question de la responsabilité en temps d’épidémie de Covid-19. Cette question a fait l’objet de débats juridiques et politiques abondants parmi nous, ainsi que chez nos collègues députés.

Face à une situation exceptionnelle, qui justifiait l’octroi au Gouvernement de pouvoirs exceptionnels, il aurait été inenvisageable de prétendre que la responsabilité d’un maire, d’un chef d’entreprise, d’un directeur d’école ou du directeur des services d’une collectivité ne doive pas être clarifiée.

Le Sénat a proposé, sur l’initiative du président de la commission des lois, un dispositif qui avait le mérite de donner aux acteurs de terrain les garanties nécessaires sans organiser l’irresponsabilité, contrairement à ce qui a parfois été prétendu de manière aussi inexacte qu’imprudente. Ce dispositif n’a pas prospéré à l’occasion de l’examen du texte par l’Assemblée nationale, qui lui a préféré une rédaction qui élargissait l’irresponsabilité.

La commission mixte paritaire de ce matin a permis de discuter les mérites respectifs de chacune de ces rédactions, et d’aboutir à un compromis destiné à guider l’appréciation du juge. Grâce au texte de la CMP, il sera possible de distinguer l’importance respective des responsabilités de chacun en temps de crise, en faisant le départ entre, d’une part, ceux qui fixent le cap de la politique sanitaire et, d’autre part, ceux qui l’exécutent, sans impunité et, bien évidemment, sans blanchiment ni autoamnistie. Les responsabilités de chacun demeureront entières, mais ne pourront pas être appréciées de la même façon selon que la personne visée décide ou exécute.

Je dirai deux mots, ensuite, de la quarantaine.

Le Sénat a pris soin de mieux calibrer les modalités d’organisation des quarantaines pour les personnes entrant sur le territoire ou circulant entre la métropole et l’outre-mer. Il a renforcé les garanties dont bénéficient ces personnes, au nombre desquelles comptent les Français de l’étranger, afin que la quarantaine ne soit jamais plus gênante que strictement nécessaire. Les députés ont d’ailleurs reconnu l’intérêt de ces dispositions.

Quant à l’article 6 du texte, s’il est sans doute celui qui aura fait couler le plus d’encre, c’est à raison, car il y va de la manipulation et du partage de données relevant du secret médical au moyen d’un système informatisé. Je comprends les inquiétudes, très légitimes, que cela peut susciter.

D’une part, l’informatique a évidemment ses faiblesses et ses risques inhérents. Toute mise en œuvre d’un tel système devra faire l’objet, de la part du Gouvernement, de précautions en termes de sécurité des données sur lesquelles nous nous montrerons intraitables.

D’autre part, nous ne devons toucher au secret médical que d’une main légère.

Pourquoi y touchons-nous ? Parce que, en l’absence de vaccin ou de traitement, le suivi des contacts, le fameux contact tracing, est un outil essentiel du déconfinement, qui aidera à casser les chaînes de contamination. Il s’agit bel et bien de sauver des vies, ce qui justifie à nos yeux l’adoption d’un dispositif sortant du droit commun, mais d’application temporaire et soigneusement circonscrit par les travaux de notre assemblée, confirmés en CMP. Par ailleurs, nous avons évidemment fait en sorte d’exclure explicitement que toute application du type StopCovid puisse se fonder sur le présent texte.

L’heure n’est plus à la rhétorique guerrière. Elle est à la reprise prudente, adaptée et graduelle de la vie courante. Ce projet de loi doit permettre d’atteindre cet objectif. Le Sénat, pendant l’examen de ce texte, aura suivi le chemin qui a toujours été le sien dans la gestion de cette crise : exigence et écoute vis-à-vis du Gouvernement. La mission de contrôle de l’action du Gouvernement qui est la nôtre demeure plus que jamais importante.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera ce texte.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion