Intervention de Philippe Bas

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 4 mai 2020 à 10h15
Projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, rapporteur :

Les arguments de la commission des affaires sociales ne sont pas minces, et méritent d'être considérés attentivement. Pour autant, j'estime, comme le Gouvernement - dont je ne suis aucunement le porte-parole, naturellement - que la plupart des gens respecteraient la prescription, alors que le président Milon, lui, craint que la plupart des gens ne la respectent pas. Celle-ci, je le rappelle, s'appliquerait aussi à des personnes ayant effectué un test de dépistage dont le résultat serait négatif, car ce résultat pourrait ne pas être fiable, ou le test aurait pu être fait pendant leur période d'incubation.

Dans Le Petit Prince, si le roi donne un ordre qui ne peut être obéi, il est désavoué. Aussi ne donne-t-il que les ordres que ses sujets lui réclament. Il me semble que si nous voulions faire respecter l'isolement par la coercition, nous ne pourrions pas le faire. Les Français n'auront plus à produire d'attestation pour sortir, et il serait impossible de les faire tous surveiller. Même pour des personnes soupçonnées de liens avec le terrorisme, le mieux qu'on ait pu faire jusqu'à présent a consisté en une forme d'assignation à résidence : interdiction de sortir plus de douze heures par jour, obligation de pointer trois fois par semaine et périmètre de sortie limité. Comme nous ne pouvons pas mettre un gendarme ou un gardien de la paix devant chaque personne susceptible d'être affectée, l'État n'a pas les moyens de mettre en oeuvre un système autoritaire et bureaucratique.

La symbolique de l'arrêté préfectoral peut faire réfléchir les récalcitrants, peut-être. Mais nous risquons surtout de susciter des stratégies de contournement de la règle par ceux qui ne voudront pas être pris dans les filets, ce qui accroîtra autant la diffusion de l'épidémie que l'éventualité que des personnes ne respectent pas des mesures non coercitives. Nous aurons ce débat, nécessaire, en séance. Pour ma part, si je vous propose d'en rester au système qui repose sur le civisme, l'esprit de responsabilité et la confiance, c'est aussi pour des motifs qui sont aussi d'efficacité sanitaire. Un dispositif contraignant serait très difficile à appliquer : comment savoir, en voyant quelqu'un dans la rue, qu'il fait l'objet d'un arrêté préfectoral lui interdisant de sortir de chez lui ?

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