Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très honoré de m'exprimer devant vous. C'est la première audition à laquelle je suis convié depuis qu'il y a un mois, j'ai pris, à la demande du Premier ministre, mes fonctions de coordonnateur national. Mon travail consistant à préparer « l'après 11 mai », je n'ai donc pas eu à gérer la crise sanitaire. Cette séparation est tout à fait judicieuse, tant cette crise est lourde et occupe pleinement ceux qui ont à la gérer directement.
Ma mission est interministérielle, rattachée au Premier ministre, signe que, même si les considérations sanitaires sont prédominantes dans la préparation du 11 mai, nous nous intéressons à tous les aspects de la vie de la Nation et que notre approche est globale. Nous préparons des éléments clés : quelle doctrine et quels moyens pour le déconfinement ?
Dans le cadre de ma mission, je propose et le pouvoir politique dispose : je ne suis pas décisionnaire et, comme certains points ne sont pas encore arbitrés, je vous précise d'emblée que je ne serai peut-être pas en mesure de répondre à toutes vos questions.
Je me suis entouré d'une toute petite équipe - il ne s'agit pas de nous substituer au service public -, avec des personnalités chevronnées comme le professeur Didier Houssin, dont chacun connaît l'expérience lors de la grippe aviaire H5N1, un préfet, un directeur général de centre hospitalier universitaire (CHU), ainsi que des techniciens qui tiennent la plume. Nous avons également un réseau de chercheurs en sciences sociales, car la compréhension des éléments sociaux et psychologiques sera décisive dans la période de déconfinement. La peur, souvent irrationnelle, est notre ennemie, mais elle peut également être notre alliée : il est donc essentiel que, aux côtés des sciences exactes, de la recherche d'un vaccin et de médicaments, les sciences humaines viennent en relais : nous les incluons dans le plan de déconfinement. Enfin, j'ai pris langue avec mes homologues étrangers, sachant que, devant cette crise inédite, chacun de nos partenaires a mis en place une équipe pour préparer le déconfinement. Nous avons de nombreux échanges, et nous comparons les mesures mises en place, leur efficacité et les facteurs de réussite.
Où en sommes-nous ? J'ai fait des propositions sur le cadre général du déconfinement qui vous a été présenté par le Premier ministre. Nous sommes désormais en phase d'affinement pour la mise en oeuvre opérationnelle. Le Premier ministre a rappelé que nous nous appuierons largement sur les acteurs territoriaux, qui sont chargés des responsabilités locales, en particulier sur le « couple » maire-préfet, mais aussi sur les partenaires sociaux dans les entreprises. Il est indispensable que l'État fixe les prérequis sanitaires et que de la souplesse soit laissée pour la mise en oeuvre concrète du déconfinement.
La sortie du confinement n'est pas la fin de la crise sanitaire. Nous commencerons, jusqu'au 2 juin prochain, par une première étape qu'on appelle parfois un « sas de déconfinement », pendant laquelle les contraintes sanitaires restent lourdes parce que nous devons assurer la protection de nos concitoyens, mais où nous cherchons aussi à faire redémarrer la vie de la Nation, car nous savons que les inconvénients du confinement sont lourds sur notre économie, sur notre société. Nous recherchons cet équilibre, comme le font nos homologues étrangers, entre le strict respect de la doctrine sanitaire et le redémarrage de la vie de la Nation. Nous avons « territorialisé » nos propositions et veillé à la cohérence d'ensemble. Les mesures que nous proposons s'expliquent par la conciliation entre cette double exigence : la santé de nos concitoyens et la reprise de la vie économique et sociale du pays. On ne peut faire comme avant, tout le monde ne peut pas aller partout tout le temps : il faut faire des choix, ce qui nous a conduits à fixer des priorités, comme la réouverture des écoles avant les lycées, la reprise de certaines activités plutôt que d'autres. Ces activités correspondent mieux au redémarrage de la Nation, lequel est nécessaire tant le confinement prolongé peut produire des conséquences aussi désastreuses pour notre pays que la pandémie elle-même.