Intervention de Philippe Bas

Commission mixte paritaire — Réunion du 9 mai 2020 à 10h50
Commission mixte paritaire sur le projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, sénateur, rapporteur pour le Sénat :

Cette proposition de rédaction poursuit notre objectif commun sans recréer le régime spécifique de responsabilité que le Sénat avait introduit.

L'Assemblée nationale a préféré une disposition interprétative pour l'appréciation des faits par le juge, en lui demandant de tenir compte des circonstances et des réalités, à savoir l'état des connaissances scientifiques au moment de la décision.

Je vous propose une autre disposition interprétative qui ne touche pas au régime juridique de l'article 121-3 du code pénal mais qui s'inscrit dans le code de la santé publique. Comme la rapporteure Marie Guévenoux le souhaite, puisqu'elle invite à tenir compte de la situation exceptionnelle de crise sanitaire dans l'appréciation que fera le juge de la responsabilité pénale d'une personne poursuivie, cette disposition demande au juge de prendre en compte un certain nombre de paramètres.

Le législateur a veillé, lors de la rédaction de l'article 121-3 du code pénal, à inclure des dispositions interprétatives concernant les diligences normales : « Il y a également délit [...] s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ». Il faut donc bien distinguer ceux qui, dans leur fonction, disposent des informations, ceux qui disposent des moyens matériels et ceux qui n'ont ni les mêmes capacités d'appréciation ni les mêmes moyens matériels. C'est une disposition qui existe déjà mais nous précisons, même si cela va de soi, que l'article 121-3 reste applicable pendant l'état d'urgence sanitaire.

Ce qui enrichit l'orientation donnée au juge dans ma proposition de rédaction, c'est son deuxième alinéa. Il reprend ce qu'a jugé le Conseil d'État en affirmant que le maire de Sceaux ne pouvait aggraver les mesures de l'état d'urgence sanitaire au titre de son pouvoir de police générale, en dépit de sa compétence en matière de protection de l'hygiène publique. Le juge administratif a considéré que, lorsque le législateur instaure un régime de police spéciale exercé par l'État, alors le pouvoir de police générale du maire est réduit. Je voudrais que l'on en tire les conséquences en ce qui concerne la responsabilité pénale des uns et des autres.

La disposition proposée ne dit que cela : elle ne crée aucune responsabilité particulière pour les autorités de l'État, mais elle invite seulement le juge à prendre en compte la répartition des pouvoirs de police administrative qui résulte des articles L. 3131-15 à L. 3131-17 du code de la santé publique, créés par la loi du 23 mars 2020.

En guidant l'appréciation du juge, nous, sénateurs, nous plaçons dans la logique des députés. En revanche nous ne reprenons pas la rédaction de l'Assemblée nationale car elle ne permettrait pas d'atteindre l'objectif que nous partageons. La jurisprudence est déjà établie au plus haut niveau et il nous semble donc inutile de répéter la nécessité pour le juge de prendre en compte le contexte scientifique.

L'antagonisation entre les textes de nos deux assemblées était trop forte, je crois donc qu'il faut nous mettre d'accord par une nouvelle formulation car nous convergeons sur le fond.

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