Intervention de Catherine Morin-Desailly

Réunion du 19 mai 2020 à 14h30
Modalités de réouverture des établissements d'enseignement conditions d'organisation des concours et examens et préparation de la prochaine rentrée scolaire — Conclusion du débat

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly :

De très nombreux thèmes ont été abordés au cours de ce débat très riche, témoignant de notre vif attachement à notre école. Au-delà de la problématique du temps scolaire et des apprentissages, des questions ont porté sur l’organisation des concours, sur les temps périscolaires, sur l’accompagnement médical et psychologique des enfants, sur l’inclusion des élèves handicapés ou encore sur notre réseau d’établissements à l’étranger. Je sais, monsieur le ministre, que vous avez évoqué ce dernier sujet avec M. Jean-Yves Le Drian, et nous en parlerons tout à l’heure avec M. Jean-Baptiste Lemoyne.

Quid toutefois des conservatoires, qui se sentent oubliés de la reprise ? Interrogé sur ce point par notre commission, le ministre de la culture avait renvoyé aux collectivités territoriales. Cela ne suffit pas. Je rappelle que l’État dispose de la compétence pour les cursus, les diplômes et les classes à horaires aménagés musicales. Le Gouvernement dit vouloir relancer l’éducation artistique et culturelle. Il faut être cohérent et répondre aux demandes des directeurs.

Nos débats ont également montré la grande diversité des acteurs qui interviennent aux côtés de l’éducation nationale – équipes pédagogiques, familles, élus locaux, médecine scolaire, autorités académiques – et la nécessité d’un travail concerté.

Plusieurs collègues, en particulier Max Brisson et David Assouline, ont souligné l’importance de la rentrée de septembre. Elle est inédite, et son organisation devra nécessairement prendre en compte cette période très particulière qu’ont vécue les élèves. Les chefs d’établissement que nous avons rencontrés sur le terrain estiment que la reprise de l’école était nécessaire, parce qu’elle raccroche l’enfant à l’institution, mais aussi parce qu’elle constitue une forme de test dans la perspective de la rentrée de septembre. Bien évidemment, des adaptations des programmes et des apprentissages seront sans doute nécessaires.

Au-delà de l’aspect pédagogique, je veux insister sur la nécessité de prendre en compte les conséquences psychologiques et sur le développement de l’enfant de la période de confinement. Je pense notamment aux enfants qui ont vécu très difficilement cette période, en raison de violences familiales, sujet cher à Marie Mercier et à Dominique Vérien, ou, parfois, du décès d’un membre de leur famille. Un certain nombre de familles risquent, en outre, d’être confrontées, dans les semaines et mois à venir, à des difficultés économiques ou à des licenciements.

Plus généralement, tous les enfants ont été affectés par l’indisponibilité de leurs parents à cause du télétravail, l’impossibilité de voir leurs camarades de classe et de jouer avec eux, une trop grande exposition aux écrans, une forte limitation des activités en plein air. Il est donc nécessaire de remettre l’enfant en situation d’apprentissage et de lui redonner confiance.

Vous avez vous-même évoqué, monsieur le ministre, devant la mission d’information sur les conséquences de l’épidémie de Covid-19 de l’Assemblée nationale, la nécessité de « développer une vision fondée sur ce que vit l’élève » et indiqué, à cette occasion, que, « plus que jamais, le droit aux vacances est un enjeu majeur de l’été » pour les enfants. Nous ne pouvons que souscrire à l’opération « Vacances apprenantes ». Nous savons que vous travaillez actuellement, en partenariat avec les collectivités locales et les fédérations d’éducation populaire, à la mise en place de ces colonies de vacances et séjours de loisirs. Bien évidemment, de nombreuses questions demeurent, tenant à l’évolution de l’épidémie et des traitements, ainsi qu’aux modalités d’organisation et aux moyens humains et financiers pour les collectivités territoriales.

Cette crise sanitaire a également entraîné une accélération considérable de l’entrée du numérique dans la pédagogie. L’éducation nationale s’est adaptée à marche forcée, les enseignants essayant de trouver des solutions pour garder le contact avec leurs élèves et continuer à faire cours, en se formant parfois « sur le tas ». L’expérience que nous avons vécue nous conforte dans l’idée qu’il est indispensable de renforcer la formation au numérique, pour laquelle je plaide de longue date. C’est le sens du rapport que j’ai rédigé, au nom de notre commission, en 2018, insistant sur l’urgence et l’impérieuse nécessité d’assurer la formation aux outils numériques, ainsi que sur l’importance de la formation continue « pour permettre aux enseignants de compléter et d’actualiser leurs connaissances scientifiques, didactiques et pédagogiques ». C’est dans cet esprit que, avec Max Brisson, nous avions renforcé le volet numérique de la loi pour une école de la confiance.

Cette période a également été l’occasion, monsieur le ministre, d’innovations pédagogiques, de mise en place de nouvelles façons de travailler, de modifications des relations entre parents, élèves et enseignants. Elle a aussi permis l’émergence de nouvelles idées pour assurer un suivi plus personnalisé des élèves. Ce sont des éléments positifs à analyser, à valoriser et à développer.

Toutefois, sans accompagnement ni réflexion, l’intégration du numérique à l’école risque, malgré elle, de creuser les inégalités entre élèves, entre professeurs et entre territoires. L’apprentissage à distance mis en place depuis le 16 mars dernier a malgré tout montré la très forte mobilisation des enseignants, qu’il faut saluer.

Vous avez rappelé la tenue, à la rentrée, d’états généraux du numérique éducatif. Nous saluons évidemment cette initiative et nous formons le vœu que ceux-ci rassemblent très largement, au-delà du seul champ scolaire, le monde éducatif, les collectivités locales, les entreprises du numérique, les responsables d’infrastructures, les professionnels du développement de l’enfant, les professionnels de santé, les parlementaires… Notre commission, dans le cadre notamment du groupe de travail animé par Jacques Grosperrin, sera très mobilisée sur ce sujet.

1 commentaire :

Le 25/05/2020 à 01:52, conservateur5 a dit :

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L'intégration du numérique à l'école risque surtout d'éloigner un peu plus le côté humain de notre société.

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