Intervention de Christophe-André Frassa

Réunion du 19 mai 2020 à 14h30
Français établis hors de france — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Christophe-André FrassaChristophe-André Frassa :

À l’époque – vous vous en souvenez bien évidemment –, je vous avais rappelé qu’il était urgent de légiférer avant les élections consulaires qui devaient avoir lieu, comme tout le monde s’en souvient, le week-end passé.

Au lieu de cela, plusieurs dispositions adoptées dans cette proposition de loi se sont retrouvées, comme par magie et, si j’ose dire, quelque peu à l’arraché, dans la loi Engagement et proximité promulguée le 27 décembre dernier.

Ainsi, les conseillers consulaires, qui deviendront des conseillers des Français de l’étranger, présideront désormais les conseils consulaires. Attendue depuis de nombreuses années, cette avancée reprend en effet la proposition de loi que le Sénat avait adoptée en janvier dernier. Je ne vous ferai pas l’affront, mes chers collègues, de vous rappeler qui en était l’auteur, puisque tout le monde l’a déjà cité !

C’est une grande victoire pour les élus des Français de l’étranger, qui s’investissent partout dans le monde pour nos compatriotes expatriés. Nous avons lutté pendant plus d’un an pour l’obtenir, face aux réticences et au manque d’investissement du Gouvernement.

Cependant, sur mon initiative, le Parlement a également consacré le droit, pour les conseillers des Français de l’étranger, d’accéder à des formations adaptées à leurs fonctions, comme tous les élus de la République, et a étendu les compétences des conseils consulaires, qui seront désormais consultés sur les moyens mis à la disposition des conseillers des Français de l’étranger pour exercer leur mandat.

L’ensemble de ces avancées s’appliquera dès les prochaines élections consulaires, dont il ne reste qu’à fixer la date.

Il nous faut maintenant aller plus loin. C’est tout l’objectif de la proposition de loi du président Retailleau ; il s’agit aujourd’hui d’apporter des réponses concrètes aux difficultés rencontrées par les Français de l’étranger.

Comme il a déjà été rappelé, ce texte, adopté sur le rapport de notre collègue Jacky Deromedi, dont je salue ici le formidable travail, comprend 31 articles couvrant cinq domaines, à savoir la représentation politique, les actes notariés, le réseau éducatif, la protection sociale et le régime fiscal.

Les dispositions fiscales ont, pour leur part, été déléguées au fond à la commission des finances et à son rapporteur Jérôme Bascher, qui a pu enrichir le texte grâce à son expertise.

J’ai pu entendre et lire, à mon grand regret, que ce texte était un fourre-tout : il n’en est rien ! Il est – je tiens à le redire – le fruit d’un important travail, rigoureux, précis et exhaustif, portant sur nos 3, 4 millions de compatriotes qui vivent ou qui travaillent hors de nos frontières et qui se voient, depuis plusieurs années maintenant, privés de nombreux droits qu’ils avaient acquis ou que nous avions obtenus pour eux.

J’en veux pour preuve les dispositions tout à fait pénalisantes qui ont été prises à leur détriment dans les dernières lois de finances et de financement de la sécurité sociale. Il ne me paraît pas trop fort d’utiliser le mot « stigmatisation » : nos compatriotes de l’étranger l’utilisent eux-mêmes, et je le reprends pour eux.

Le texte déposé par le président Retailleau et que nous examinons sur le rapport de notre collègue Jacky Deromedi offre des réponses concrètes à autant de questions sur lesquelles nous nous battons depuis de nombreuses années.

Cette proposition de loi aura également le mérite de mettre en lumière une collectivité de fait, sinon de droit : celle des Français de l’étranger, qui fait trop souvent l’objet de préjugés. On se focalise souvent sur deux ou trois personnalités résidant à l’étranger, ce qui est epsilon par rapport à l’effectif total : en pratique, 65 % des Français de l’étranger paient un impôt à la République à un titre ou à un autre.

Aussi, ne serait-ce que pour cette raison, il convient de s’intéresser au « maquis de la fiscalité », pour reprendre l’expression de Jérôme Bascher, maquis trop souvent laissé à la seule interprétation du ministère de l’économie et des finances.

Pour la première fois, nous examinons dans cet hémicycle une proposition de loi qui évoque l’ensemble des problématiques rencontrées par les Français de l’étranger, qu’il s’agisse de leurs instances représentatives – la loi Engagement et proximité a seulement réglé quelques problèmes liés à l’exercice du mandat des élus –, de la vie administrative, du système éducatif – il faut répondre aux besoins particuliers des 522 établissements de notre réseau, qui fait l’orgueil de la France, et maintenir ainsi leur niveau d’excellence –, de la protection sociale – la France est le seul pays à garantir une prise en charge des soins de santé à tous ses citoyens, où qu’ils se trouvent –, ou encore de la fiscalité, qui est de plus en plus ressentie comme discriminatoire.

C’est pourquoi il conviendra d’impulser, en parallèle des avancées que nous obtiendrons – je n’en doute pas – aujourd’hui, un mouvement vers une collectivité de droit des Français de l’étranger, ambition dont l’initiative revient à notre ancien collègue Christian Cointat.

Lors de nos débats en commission, notre collègue Jean-Yves Leconte a fort justement soulevé la question du devenir législatif de cette proposition de loi, en rappelant le sort réservé à celle que nous avions adoptée en janvier 2019.

Même si je me rallie à l’expérience et à la grande sagesse du président de la commission des lois, qui répondit alors qu’« il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer », il faudra cette fois y veiller, monsieur le secrétaire d’État. Un deuxième acte manqué serait très mal vécu, c’est peu de le dire !

De nouveau, solennellement, je vous demande donc de nous donner des engagements fermes quant à votre volonté de faire prospérer ce texte à l’issue de son examen dans notre assemblée.

Par ailleurs, il va sans dire que cette proposition de loi n’a absolument rien à voir avec les mesures d’urgence prises par le Gouvernement : par définition, celles-ci ne sont que ponctuelles.

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