Intervention de Christine Boutin

Réunion du 14 octobre 2008 à 16h00
Logement et lutte contre l'exclusion — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Christine Boutin, ministre :

Il s’agit là d’un outil supplémentaire offert aux élus qui souhaitent construire dans leur commune et encourager les parcours résidentiels diversifiés. Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite que nous ayons, sur ce sujet, un débat serein, digne de notre démocratie.

Par ailleurs, dans le souci de respecter les espaces naturels, j’ai souhaité également favoriser l’agrandissement des bâtiments à usage d’habitation en permettant le dépassement des normes d’urbanisme dans la limite de 20 % pendant deux ans.

Enfin, le caractère opérationnel des programmes locaux de l’habitat sera renforcé. C’est la condition pour que les plans locaux d’urbanisme deviennent de vrais outils au service de la construction partout où existe un besoin de logements.

Mon deuxième objectif, à côté du soutien à la construction, est de permettre à tous, aux classes moyennes comme aux ménages à revenus modestes, d’accéder à un logement de qualité.

Il faut d’abord redonner sa vocation première au parc d’HLM. Aux termes de l’article L. 441 du code de la construction issu de la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions, « l’attribution des logements locatifs sociaux participe à la mise en œuvre du droit au logement, afin de satisfaire les besoins des personnes de ressources modestes et des personnes défavorisées », cette attribution devant « favoriser l’égalité des chances des demandeurs et la mixité sociale des villes et des quartiers ». Tout est dit !

C’est pourquoi le projet de loi prévoit d’abaisser de 10 % les plafonds de ressources pour l’accès au logement social, de manière à annuler la forte progression de ces plafonds constatée ces dernières années, en raison d’un effet mécanique lié au passage aux 35 heures.

Lorsque 60 % de la population sera en droit de prétendre à un logement HLM, contre 70 % actuellement, cela permettra aux personnes de ressources modestes et aux personnes défavorisées d’avoir plus facilement accès au logement, sans pour autant remettre en cause la mixité sociale.

Le projet de loi vise aussi, dans le même esprit, à accroître la mobilité dans le parc de logements sociaux.

En effet, le taux de mobilité dans le parc d’HLM est aujourd’hui très faible, puisqu’il est de l’ordre de 9 % à l’échelon national et de 7, 4 % en Île-de-France. Les différentes mesures prévues dans le projet de loi ont pour objet d’améliorer la mobilité dans ce parc en libérant les logements sous-occupés ou en incitant les ménages qui disposent de revenus très élevés leur permettant de se loger sans difficulté dans le parc privé à quitter le parc social. C’est un moyen de permettre à des ménages aux revenus modestes et qui sont actuellement en attente de trouver un logement adapté à leurs besoins.

Il faut en outre donner à tous ceux qui ne peuvent pas ou ne veulent pas accéder à un logement HLM la possibilité de disposer d’un logement abordable.

Tel est le sens des dispositions qui ont déjà été prises au début de cette année, visant à indexer les loyers sur un nouvel indice de référence fondé sur les prix à la consommation ou à réduire le dépôt de garantie de deux à un mois de loyer.

Le projet de loi prévoit une mesure complémentaire interdisant le cumul d’une caution et d’une assurance pour impayés de loyers. Elle prendra tout son sens dès qu’un dispositif de garantie mutualisée des risques locatifs géré par les partenaires sociaux sera effectif. J’ai manifesté le souhait, jeudi dernier, auprès des partenaires sociaux gestionnaires du 1 % logement, que ce dispositif soit en place d’ici à la fin de l’année.

Enfin, je rappellerai que près de la moitié des Français souhaitent devenir propriétaires. Il faut donc renforcer l’accession populaire à la propriété. Le Pass-Foncier doit y contribuer fortement.

Le troisième et dernier objectif est de lutter contre le mal-logement. C’est un impératif qui s’impose à nous tous, mesdames, messieurs les sénateurs. Il est indissociable du droit au logement opposable.

Le texte comporte des dispositions permettant de renforcer la prise en compte des populations en difficulté, afin de leur donner les moyens d’accéder plus facilement à des solutions d’hébergement ou de logement.

Dans ce domaine, le projet de loi s’attache à mobiliser à la fois les communes, les bailleurs sociaux et l’État.

La notion d’hébergement d’urgence est remplacée par celle d’hébergement, s’agissant de l’obligation faite aux communes de disposer d’une capacité minimale d’hébergement au titre de l’article 2 de la loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite loi DALO. En outre, la procédure de prélèvement sur les ressources fiscales des communes qui n’atteignent pas leur objectif est précisée. Ces mesures ont pour ambition d’inciter les communes à augmenter leurs capacités d’hébergement et à atteindre ainsi l’objectif d’une place d’hébergement par tranche de 2 000 habitants.

En Île-de-France, un bénéficiaire du DALO pourra se voir attribuer un logement situé dans un autre département de la région que celui dans lequel la commission de médiation aura émis un avis favorable. C’est donc une solidarité interdépartementale que je propose d’instituer, compte tenu de la situation particulièrement difficile de l’Île-de-France, région qui, je le rappelle, concentre les deux tiers des dossiers. J’aurai l’occasion de revenir sur ce point au cours du débat.

Par ailleurs, la loi devrait permettre aux bailleurs sociaux de prendre en gestion des logements dans le parc privé, afin de les sous-louer à des ménages hébergés dans des hôtels ou des centres d’hébergement. Cette mesure attendue participera au développement d’une offre d’hébergement moins onéreuse et, surtout, plus humaine que l’hébergement dans des hôtels.

L’habitat indigne est une des plaies de notre société. Pour mieux lutter contre ce fléau, il faut d’abord mieux l’identifier juridiquement. Tel est l’objet de l’une des dispositions de ce texte, qui donne une définition juridique de l’habitat indigne afin de restreindre les abus de procédure des marchands de sommeil.

Cela étant, je suis persuadée que, au-delà de ces mesures, il importe d’aller plus loin, par une action coordonnée dans nos villes. C’est pourquoi j’ai souhaité la mise en œuvre d’un programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, destiné à participer à la lutte contre l’habitat indigne, à la remise sur le marché de logements vacants, à la transformation de logements sociaux de fait en logements sociaux de droit.

Telles sont donc les grandes orientations du présent texte : soutenir l’activité de construction pour répondre aux besoins en matière de logement de nos concitoyens et soutenir l’emploi ; permettre aux classes moyennes, comme aux ménages à revenus modestes, d’accéder à la propriété.

Mesdames, messieurs les sénateurs, une politique du logement est nécessairement complexe. Elle revêt des dimensions à la fois humaines, économiques, financières et techniques, et elle repose sur de nombreux outils, qui doivent pouvoir être adaptés à une grande diversité de situations locales ou d’exigences personnelles.

La politique du logement constitue également une chaîne de solidarité entre tous les citoyens de notre pays.

C’est pourquoi mon projet de loi contient des dispositions relatives à la plupart des aspects de cette politique : exclusion, habitat indigne, construction de logements sociaux, développement de l’accession populaire à la propriété, investissement locatif et réforme du 1 % logement, qui est un dispositif clé de cette politique.

C’est également la raison pour laquelle ce texte complète plusieurs lois importantes qui, ces dernières années, ont profondément modifié le paysage dans le domaine du logement, en particulier la loi relative au droit opposable au logement, dont j’ai eu l’honneur d’être rapporteur à l’Assemblée nationale.

En vérité, l’objet de ce projet de loi est de réformer ce qui doit l’être et d’ouvrir de nouvelles possibilités, sans esbroufe. Mesdames, messieurs les sénateurs, si vous votez ce texte, enrichi de vos amendements, il appartiendra à chaque acteur du logement de se saisir de ses dispositions. C’est sur le terrain et au quotidien que se fait la politique du logement. Encore faut-il proposer à tous ses acteurs des instruments législatifs permettant de la souplesse.

Ce texte est pragmatique ; il sera efficace. Il est adapté aux attentes des professionnels et des Français. Dans cette période préoccupante de turbulences, il est plus que nécessaire de renforcer notre cohésion nationale, notre solidarité sociale et, oserai-je dire, cette générosité personnelle qui nous permettra de faire en sorte que chaque habitant de notre pays dispose d’un logement de qualité où il se sente bien.

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