Séance en hémicycle du 14 octobre 2008 à 16h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • locatif
  • logement
  • quartier

La séance

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La séance est ouverte à seize heures cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les moments que traversent le monde, l’Europe et la France sont difficiles. Ils sont lourds de déséquilibres financiers, économiques et sociaux. Ils sont lourds d’interrogations, et parfois de doutes.

Dans les temps troublés, mes chers collègues, je ne connais qu’une seule réponse : l’action.

L’action est nécessaire aujourd’hui pour permettre à notre pays, et à l’Europe, d’affronter la bourrasque financière née aux États-Unis.

L’action est nécessaire aujourd’hui – elle le sera encore demain – pour apporter la contribution du Sénat à la résolution des problèmes concrets et urgents de notre pays et de nos concitoyens. L’action est nécessaire pour orienter le Sénat vers un « nouveau cap » : celui de la primauté du politique et du renouveau de notre image.

Mais pour agir avec efficacité et discernement, il faut des convictions simples et fortes. Je voudrais, mes chers collègues, vous faire part des deux principes forts qui fixent mon cap. Je pense que vous êtes nombreux à les avoir en partage avec moi.

Je crois en la primauté du politique dans l’impulsion de tout élan collectif. Je crois en la nécessité de mieux écouter les Français et de mieux communiquer avec eux pour être encore davantage à leur service et être perçus par eux de façon plus juste.

En ces temps troublés, plus que jamais, il nous faut faire de la politique.

Faire de la politique, c’est placer l’écoute des Français, de nos territoires et de leurs élus au cœur de nos travaux.

Faire de la politique, c’est être aux côtés des Français. C’est faire en sorte que lorsque l’inquiétude se répand dans la nation et lorsque les golden boys cessent enfin d’être la référence, les Français se tournent naturellement vers leurs élus.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Faire de la politique, c’est respecter l’opposition. C’est recourir plus fréquemment aux binômes majorité-opposition pour les postes de président et de rapporteur des commissions d’enquête et des missions d’information.

Faire de la politique, c’est donner à nos groupes toute la place qui doit être la leur. Sachons valoriser leur action ! Dans le cadre de la réflexion que j’ai demandé aux présidents de groupe de mener, je suggère de créer pour chaque groupe, de la majorité comme de l’opposition, des porte-parole. Ces porte-parole interviendraient en séance publique juste après les orateurs des commissions.

Faire de la politique, c’est faire appel à tous les talents, solliciter le regard neuf que nos nouveaux collègues peuvent avoir sur des thèmes et des procédures que les plus anciens d’entre nous voient maintenant avec le regard des experts qu’ils sont devenus. Faire appel à tous les talents, c’est encourager la formation de binômes associant un ancien et un nouveau pour travailler sur les rapports législatifs.

Faire de la politique, pour moi, c’est aussi croire aux vertus de la collégialité. J’ai la conviction que, pour travailler efficacement, il faut savoir travailler ensemble. L’œuvre que nous avons à accomplir est vaste, et elle sollicite tous les talents et toutes les opinions. Elle ne pourra pas être l’œuvre du président du Sénat seul. Elle dépendra de chacune et de chacun d’entre nous.

Sans renier aucune des convictions qui sont les miennes – et que je partage avec ceux qui m’ont élu –, je serai le « président des 343 sénateurs ». Il ne s’agit pas là d’un quelconque unanimisme fictif. Cette affirmation est fondée sur les valeurs républicaines qui suscitent mon engagement et guident ma vie politique.

Je crois aux droits de la majorité. Je crois aux droits de ceux qui ne soutiennent pas toujours la majorité. Je crois aux droits de ceux qui s’y opposent.

C’est avec ces idées simples et ces convictions que je vous propose, mes chers collègues, une série d’actions qu’il va nous falloir conduire à bien.

Ces actions, je les décrirai autour de deux thèmes qui les portent : la politique, bien sûr, mais aussi l’image.

La politique que nous devons mener ensemble consiste d’abord à faire face aux défis auxquels le monde et notre pays se trouvent aujourd’hui confrontés.

Pour engager immédiatement le Parlement dans une réponse à cette attente et pour souligner la nécessité d’une cohésion nationale et européenne, j’ai estimé indispensable de proposer la mise en place d’une « commission mixte Assemblée nationale-Sénat » sur l’avenir du système financier et la nécessité de nouvelles régulations. Composée de députés et de sénateurs et reflétant l’équilibre politique de nos deux assemblées, cette commission devrait bientôt commencer ses travaux. Le président de l’Assemblée nationale en a retenu le principe.

La réforme de l’État et celle de notre organisation territoriale sont parmi les obligations les plus ardentes pour notre assemblée. Or, s’il est une institution qui, dans la République, possède la légitimité constitutionnelle et l’expérience de la gestion des territoires, c’est bien le Sénat ! C’est pour cette raison que j’ai proposé, lors de la première conférence des présidents de cette mandature, de mettre en place une mission sur l’organisation des collectivités territoriales. C’est la compétence naturelle du Sénat. Nous pourrons ainsi affirmer les analyses, les idées et les propositions qui sont et seront les nôtres.

Mais, à ce jour, la question immédiate est aussi celle du financement du recours à l’emprunt par les collectivités territoriales. Le Sénat se doit d’être à leurs côtés.

Sachons, à cette occasion, aller plus encore vers les élus de nos territoires, en organisant sur le terrain certains de nos travaux. Sachons être les inspirateurs des politiques de cohésion territoriale, tant en métropole qu’outre-mer.

L’outre-mer, pour notre assemblée, ne doit pas seulement être « le drapeau tricolore qui flotte sur tous les océans du globe ». L’outre-mer doit devenir le symbole du rayonnement et de la cohésion de la nation.

Dans le même temps, il nous faudra continuer d’agir pour que notre assemblée soit encore plus largement ouverte sur le monde, grâce à nos compatriotes de l’étranger. Ils sont aux avant-postes de la francophonie et du combat pour notre développement extérieur. Affirmons encore davantage notre rôle au sein de l’Union européenne, dont cette crise souligne l’importance. Continuons à promouvoir le bicamérisme. Je tiens à saluer ici les actions de mes prédécesseurs, qui ont largement su amorcer ce vaste et ambitieux mouvement.

Une autre action politique, d’une nature différente, me paraît s’imposer à nous. Il s’agit de la mise en œuvre de la réforme constitutionnelle de juillet 2008. Ce travail est porteur de grandes opportunités, pour le Parlement dans son ensemble, et pour le Sénat en particulier.

C’est dans cette perspective que j’ai fait part à la conférence des présidents de mon intention de constituer, dès les prochains jours, une équipe représentative de tous les groupes politiques de notre assemblée. Y contribueraient les présidents de chacun de nos groupes et de chacune de nos commissions. La feuille de route de ce groupe de travail sera dense, son calendrier serré. Je m’engage à le présider, et j’aimerais être assisté de deux rapporteurs, issus l’un de la majorité, l’autre de l’opposition.

Qu’en sera-t-il du nombre et du périmètre de nos commissions permanentes ? L’évolution du nombre de nos commissions devra sans doute être accompagnée d’un certain « élagage » parmi certaines structures qui n’ont pas toutes trouvé leur voie, qui éparpillent nos moyens, qui sollicitent notre temps. Nos commissions sont le cœur de notre travail, tant législatif que de contrôle.

Il nous faudra redéfinir la coordination du travail entre la séance publique et les commissions, dont la réforme constitutionnelle a accru le rôle.

Il nous faudra être particulièrement vigilants aux conditions d’intervention des ministres dans l’élaboration du texte à partir duquel s’ouvrira désormais le débat en séance publique.

Il faudra rendre plus vivante notre procédure de questionnement. Nos débats en séance publique devront être plus concis, plus directs, plus concrets.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je souhaite que, dans l’organisation de nos travaux, nous prenions en compte l’importance des budgets sociaux de la nation.

Il faudra optimiser les possibilités nouvelles offertes par l’article 48 révisé de la Constitution, et donc renforcer le rôle de notre conférence des présidents.

Je souhaite accentuer la collaboration entre nos instances collectives de décision internes : le bureau, la conférence des présidents, le conseil de questure, les commissions, la commission de vérification des comptes, qui agira en toute indépendance.

Sachons être réactifs. Le métier de parlementaire, c’est aussi la gestion de la nouveauté et de l’inattendu. Sans que nous cédions à l’écume des choses, les vagues de l’actualité peuvent susciter certaines de nos actions.

La seconde bataille que je compte conduire et gagner avec vous est celle de l’image. Elle est, tout simplement, celle d’une meilleure communication avec les Françaises et les Français.

Comme toutes les batailles, la « bataille de l’image » se gagnera autour de quelques idées simples : communication, légitimité, transparence, élan collectif.

Notre communication devra être recentrée sur l’essentiel. Elle devra être structurée autour d’objectifs que je résumerai en trois mots : politique, Français, territoires.

Avec les médias, sachons retrouver la proximité. Il faut que nos relations soient fondées sur la vérité, mais dans les deux sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Avec les Français, sachons être interactifs. Osons la communication directe. Internet, dont le développement de l’utilisation dans notre assemblée a été important au cours du mandat précédent, doit devenir l’un de nos moyens de communication privilégiés.

Je ne céderai pas aux effets de mode. La communication sans fond n’est qu’un coûteux artifice.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Le fond, nous l’avons donc. Il nous faut mieux le faire connaître et mieux le valoriser.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. En ce qui concerne notre légitimité, je suis frappé chaque jour davantage par l’incroyable distorsion existant entre la réalité et la qualité du travail du Sénat et l’image déformée qui est encore celle de notre assemblée dans une partie de l’opinion.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Notre légitimité, c’est l’accomplissement du rôle que nous confère la Constitution. Notre légitimité n’est pas d’être une photographie du corps citoyen ; elle est d’enrichir la représentation directe des citoyens grâce à une représentation des territoires et de leurs élus. Notre légitimité, c’est d’éviter que les mouvements de l’opinion soient durablement forgés par la concomitance entre l’élection du Président de la République et celle des députés. Notre légitimité, c’est la singularité de notre rapport au temps. Notre légitimité, c’est l’auto-réforme. En fait, notre légitimité, c’est la vérité.

S’agissant de la transparence, je m’y suis engagé devant vous le 1er octobre. Avec vous et avec nos instances collégiales de décision, notre conseil de questure, notre bureau et notre commission des comptes, nous satisferons à cette exigence.

Ensemble, nous parlerons de la réalité de nos travaux en commission, dans les délégations, dans les missions d’information, dans les groupes de travail. Ensemble, nous rappellerons dans quelles conditions notre budget est analysé, vérifié et certifié. Ensemble, nous défendrons les principes de la séparation des pouvoirs et de l’autonomie des assemblées, …

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. … ces principes qui fondent la démocratie parlementaire.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Ensemble, nous parlerons aussi de la fragilité, inhérente à l’élection, du statut du parlementaire. Avec vous, je parlerai de la difficulté, parfois rencontrée, du retour à l’emploi d’un certain nombre de nos anciens collègues, car c’est aussi la vérité.

Dans ces temps qui exigent des efforts de nos compatriotes et de l’État, j’ai demandé que notre budget demeure en 2009 au niveau qui était le sien en 2008.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Alors, bien sûr, il nous faudra optimiser nos dépenses. Pour pouvoir mener cette action en toute connaissance de cause, je demande un examen de l’adéquation de nos moyens à nos missions. En outre, je vous le confirme, l’an prochain, nos comptes feront l’objet d’un audit extérieur.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Pour réussir ce renouveau que nous avons à conduire ensemble, je fais appel à chacune et à chacun d’entre vous. Sans votre participation à cet effort, rien ne sera possible.

J’appelle aussi à la mobilisation de nos différents cadres de fonctionnaires. Beaucoup sont des personnels d’élite. Cet appel s’étend à l’ensemble de nos collaborateurs, qu’ils agissent auprès de nous ou auprès de nos groupes politiques. C’est avec eux que nous devons conquérir la reconnaissance que méritent nos travaux.

Tous, nous devrons avoir encore plus de fierté d’être élus ou de travailler au Sénat, être en phase avec nos concitoyens et au service de notre pays, la France.

Je n’annonce pas l’austérité. Je souligne simplement le devoir, pour chacun, de pouvoir justifier pour mériter.

Je m’y engage : la politique que je vous annonce, je la construirai avec détermination. Cette détermination sera d’autant plus forte que je sais que cette politique est celle que vous attendez.

Avec vous, je ne veux plus que, dans trois ans, il soit possible de se poser la question : « À quoi sert le Sénat ? ».

C’est le temps de la politique. C’est le temps du renouveau et du courage.

Avec vous, je suis fier d’être sénateur au service des Français, au service de la République : une fierté non pour nous-mêmes, mais pour la démocratie vivante.

Mmes et MM. les sénateurs de l ’ UMP et de l ’ Union centriste se lèvent et applaudissent longuement. – Certains sénateurs du RDSE applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mes chers collègues, nous allons maintenant suspendre la séance, pour permettre à la conférence des présidents de se réunir.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures cinquante-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La conférence des présidents a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :

Mercredi 15 octobre 2008 :

À 15 heures :

Ordre du jour prioritaire

1°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances rectificative pour le financement de l’économie (A.N., n° 1156) ;

La conférence des présidents a fixé :

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Le soir :

2°) Désignation des trente-six membres de la mission commune d’analyse et de réflexion sur l’organisation des collectivités territoriales et l’évolution de la décentralisation ;

Ordre du jour prioritaire

3°) Suite du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (urgence déclarée) (n° 497, 2007-2008).

Par ailleurs, je vous rappelle que la conférence des présidents se réunira demain à 19 heures pour examiner la suite de notre ordre du jour.

Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?…

Ces propositions sont adoptées.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

J’informe le Sénat que M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, m’a saisi d’une demande tendant à obtenir du Sénat l’autorisation de désigner une mission d’information portant sur la situation politique internationale au Moyen-Orient.

Le Sénat sera appelé à statuer sur cette demande dans les formes fixées par l’article 21 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Odette Terrade, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 32 du règlement du Sénat, relatif à l’organisation de nos travaux.

Une fois encore, parce que soudainement le Gouvernement s’est rendu compte que certaines mesures très récemment annoncées nécessitaient un examen parlementaire et l’adoption d’une loi, la discussion du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion va se trouver « charcutée », « saucissonnée », perdant par là même une bonne part de sa cohérence.

Cela ne peut qu’être préjudiciable au contenu du débat sur ce texte, que la crise économique et financière actuelle semble rejeter dans l’ombre.

Il convient de souligner que l’une des mesures les plus importantes devant être prises en matière de logement, à savoir la garantie de l’État pour la mise sur le marché de 30 000 logements, ne figure pas expressément dans le projet de loi que nous devons examiner.

Pour autant, les conditions de la discussion de ce texte appellent d’autres observations, s’agissant notamment du contenu même du texte.

On souhaite mobiliser pour le logement et contre l’exclusion sociale, et voici que l’invocation rituelle de l’article 40 de la Constitution va priver les membres de la Haute Assemblée de la possibilité de débattre du montant des aides personnelles au logement, de la mise en œuvre du droit au logement opposable pour tous et partout, ou encore de la nécessaire programmation de la réalisation de logements sociaux dans les années à venir.

Une fois encore, l’irrecevabilité financière tient lieu d’argument unique pour restreindre le droit d’expression des parlementaires, quand bien même les thèmes de débat que je viens d’évoquer ne sont en aucune manière éloignés des finalités du projet de loi nouvellement inscrit à l’ordre du jour.

Quand allons-nous enfin, conformément aux recommandations anciennes du Médiateur de la République lui-même, résoudre le problème du versement des aides personnelles au logement de faible montant et abolir le délai de carence qui affecte directement les locataires concernés ?

Notons en outre que l’irrecevabilité a été opposée à la constitution d’un syndicat mixte du logement destiné à œuvrer dans l’ensemble des départements d’Île-de-France, au moment même où l’on nous rebat les oreilles de la pertinence de la régionalisation des solutions au problème du logement dans la région capitale.

La création d’une telle structure, qui interviendra peut-être sans qu’il soit recouru à la voie législative, préfigure pourtant la mise en place d’un véritable service public du logement, qui devrait accomplir des missions proches de celles qui sont aujourd’hui dévolues, dans un autre domaine, au service public de l’emploi.

La connaissance des besoins et les orientations à prendre pour résoudre les problèmes du logement étaient au cœur de cette proposition, dont nous ne pouvons que regretter qu’elle ne puisse être prise en considération dans la discussion du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion.

Tels sont, monsieur le président, les points que le groupe CRC souhaitait mettre en exergue alors que nous allons entamer l’examen de ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Ma chère collègue, acte vous est donné de votre rappel au règlement, qui m’amène à apporter quelques précisions.

La modification de l’ordre du jour que vous venez d’évoquer a été décidée d’un commun accord en conférence des présidents voilà quelques instants, sans que l’inscription du texte en question fasse l’objet d’aucune opposition.

Le Président de la République et le Premier ministre ont rencontré hier l’ensemble des présidents des groupes, en présence des présidents des deux assemblées. Un tel sujet, d’intérêt national et même communautaire, puisque nous sommes amenés à agir de concert avec nos partenaires européens, présente un caractère d’urgence qui dépasse le cadre d’un simple ordre du jour prioritaire.

J’ai bien entendu vos observations, ma chère collègue. Toutefois, compte tenu du nombre d’amendements déposés sur le projet de loi dont nous allons à présent débuter l’examen, notre débat sera, je n’en doute pas, nourri et prolongé, ce qui permettra à chacun d’entre nous d’avoir une vision globale de la politique du logement que le Gouvernement entend nous proposer.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (nos 497, 2007-2008 ; 8, 11, 10).

Avant d’ouvrir le débat, je dois vous rappeler, mes chers collègues, que le Conseil économique, social et environnemental a demandé que, conformément aux dispositions de l’article 69 de la Constitution, M. Henri Feltz, rapporteur de sa section du cadre de vie, puisse exposer devant le Sénat l’avis du Conseil économique, social et environnemental sur l’article 12 de ce texte.

Conformément à l’article 69 de la Constitution et à l’article 42 de notre règlement, huissiers, veuillez faire entrer M. Henri Feltz.

Monsieur le rapporteur du cadre de vie du Conseil économique, social et environnemental, je vous souhaite la bienvenue dans cet hémicycle. L’éclairage que vous apporterez à la Haute Assemblée nous sera, j’en suis certain, très utile.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi qu’au banc des commissions.

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre du logement et de la ville

Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, monsieur le rapporteur du Conseil économique, social et environnemental, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de vous présenter le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion.

C’est un texte opérationnel, qui vise à faciliter l’accès des classes moyennes et modestes au logement et à lutter contre le mal-logement.

J’ai élaboré ce projet de loi dans un esprit de réforme, sans a priori ni tabous, avec la seule volonté de trouver des solutions adaptées à la diversité des situations et des exigences sur l’ensemble du territoire national.

Au-delà des enjeux que le logement représente pour l’économie de notre pays et pour la cohésion de notre société, j’ai à tout moment gardé à l’esprit que la légitimité de mon action résidait d’abord dans l’attention portée à l’humain, à chacune des femmes et à chacun des hommes considérés individuellement, avec leurs besoins, leurs aspirations, leurs souffrances aussi.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis que la Haute Assemblée se soit saisie de ce projet de loi dès le début de la session ordinaire du Parlement. Car il y a urgence, et aujourd'hui plus que jamais ! Nous sommes confrontés non plus seulement à une crise du logement, mais à une crise de confiance sans précédent, qui ébranle l’économie mondiale et qui touche déjà, en France, le secteur de l’immobilier.

Comment résoudre la crise du logement, qui s’aggravera si l’ensemble des forces vives de ce pays, au-delà des clivages politiques, économiques ou sociaux, ne se mobilisent pas pour faire du logement une priorité effective, non pas seulement à l’échelon national, mais aussi dans chaque commune ? C’est une question de solidarité nationale.

Permettez-moi de développer les grands traits de cette crise du logement qui perdure, et de la crise de l’immobilier qui se profile depuis plusieurs mois et se confirme avec brutalité depuis quelques semaines.

Le logement est-il en crise ?

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

Le logement est l’un des besoins fondamentaux de tout homme. Ne pas y répondre collectivement, c’est compromettre la dignité humaine, c’est favoriser l’exclusion, c’est remettre en cause les fondements mêmes de notre pacte social !

Nous n’avons pas suffisamment construit pendant toute une décennie. Ce n’est qu’au cours de ces dernières années que la construction a fortement augmenté, le nombre de logements réalisés passant ainsi de 308 000 en 2002 à 435 000 l’année dernière, niveau historique jamais atteint depuis trente ans. Ce résultat a été obtenu parce que les organismes de logement social se sont remarquablement mobilisés et que, grâce aux nouvelles aides de l’État, davantage de particuliers ont investi dans un logement, soit pour l’occuper, soit pour le mettre en location.

Toutefois, le ralentissement sérieux que nous subissons depuis le mois de juin nous laisse à penser que nous terminerons l’année aux alentours de 360 000 mises en chantier, soit autant qu’en 2004, et donc encore bien au-dessus des niveaux atteints depuis vingt-cinq ans.

Quelles sont les causes de cette chute brutale, qui représente 70 000 logements de moins sur une année ?

Mesdames, messieurs les sénateurs, la crise nouvelle a une origine financière. Nous avons commencé à la percevoir au milieu du deuxième trimestre de cette année. Ne rien faire aurait des conséquences graves sur la construction, avec moins de réponses en matière de logement pour nos concitoyens, moins d’activité et d’emploi dans le secteur du bâtiment, et également moins de recettes fiscales. Dois-je le rappeler, la non-production de 10 000 logements représente 20 000 chômeurs de plus et 370 millions d’euros de recettes fiscales de moins.

Pour les particuliers, l’accès au logement et à la propriété devient de plus en plus difficile, en raison non seulement de la contraction du crédit, mais également de la hausse des taux d’intérêt et de la diminution d’une offre déjà insuffisante pour répondre aux besoins. Et que dire des restrictions de prêts que l’on constate aussi du côté des professionnels ?

Pour élaborer cette loi incontournable, j’ai décidé d’agir de façon pragmatique, et non idéologique, afin d’atteindre le maximum d’efficacité. Vous le savez, le logement est un secteur technique, dans lequel il faut agir avec doigté, sauf à provoquer des effets pervers non désirés.

J’avais espéré ne pas avoir besoin de recourir à des dispositions législatives. Malheureusement, ou heureusement, nous sommes dans un État de droit écrit, et la loi peut se révéler nécessaire pour lever certains verrous. Cela étant, un certain nombre de demandes sont d’ordre réglementaire ; c’est la raison pour laquelle vous n’en trouverez pas l’écho dans ce projet de loi.

Le texte qui vous est aujourd'hui soumis a été présenté lors du dernier conseil des ministres du mois de juillet 2008. La tourmente financière n’était pas encore là. Le 8 octobre dernier, le Président de la République a confirmé les orientations de ce texte législatif, en augmentant les moyens qui avaient été arbitrés avant la crise. Les mesures qui ont été annoncées hier à l’issue du conseil des ministres exceptionnel doivent permettre le déblocage des prêts indispensables à la relance.

J’ai voulu en outre confronter les orientations de ce texte aux attentes des Français. Je me suis donc déplacée en province et ai rencontré tous ceux qui, de près ou de loin, ont un intérêt pour le logement : je pense, notamment, aux propriétaires, aux locataires, aux agents immobiliers, aux acteurs du 1 % logement, aux bailleurs sociaux, aux banquiers. Ces personnes étaient invitées par voie de presse et m’ont rencontrée pour m’exposer leurs difficultés. Je remercie les élus, de droite comme de gauche, qui ont accepté de participer à cette démarche libre et innovante.

Il ressort de ces rencontres que le présent projet de loi répond aux préoccupations exprimées par mes interlocuteurs. Toutefois, je n’ai pas hésité à l’enrichir, par le biais d’amendements, des solutions aux problèmes qui ont été soulevés à cette occasion. Par ailleurs, je compte également sur vos propositions, mesdames, messieurs les sénateurs, afin que nous puissions répondre au mieux aux besoins du moment, en fonction de la conjoncture.

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

Avant de vous présenter les grandes lignes de ce texte, permettez-moi de souligner la qualité du travail effectué par les différentes commissions, en particulier par M. Dominique Braye, rapporteur de la commission saisie au fond, ainsi que par Mme Brigitte Bout et M. Philippe Dallier, rapporteurs pour avis.

Monsieur Braye, je retiens tout particulièrement votre volonté d’associer encore plus étroitement l’ensemble des acteurs majeurs de la politique du logement, notamment en confortant la place des collectivités locales dans les politiques de l’habitat, afin de répondre au mieux à la nécessité de construire davantage pour pourvoir aux besoins en logement des Français.

Madame Bout, je salue votre souci permanent de prévenir une application trop générale des dispositions prévues dans le projet de loi, qui pourrait être préjudiciable aux plus fragiles de nos concitoyens. Comme vous le savez, je partage cet objectif.

Monsieur Dallier, j’ai bien noté votre volonté d’accompagner les ambitions du projet de loi en apportant, le cas échéant, des solutions simples et concrètes.

Ces trois approches différentes mais très complémentaires, consistant à conforter la place des acteurs majeurs que sont notamment les collectivités locales en matière de politique de l’habitat, à être attentif aux attentes des plus fragiles et à mettre en œuvre les solutions les plus simples et les plus efficaces, sont fidèles à la méthode et à l’état d’esprit qui ont prévalu tout au long de l’élaboration du présent projet de loi.

Le plan d’action que je propose, dans le cadre de ce texte, vise trois objectifs majeurs : soutenir l’activité de construction pour la location et l’accession populaire à la propriété, permettre aux classes moyennes et modestes d’accéder au logement et, enfin, lutter contre le mal-logement.

Mon premier objectif est donc de soutenir l’activité de construction.

Il convient tout d’abord de s’appuyer sur la mobilisation des grands acteurs du logement que sont les organismes d’HLM et le dispositif du 1 % logement dans le cadre d’une stratégie pluriannuelle.

Les bailleurs sociaux ont accompli un remarquable travail pour plus que doubler leur production en quelques années. Nous savons pouvoir compter sur eux.

Plusieurs dispositions du projet de loi leur offrent des outils supplémentaires. Ainsi, les conventions d’utilité sociale qui devront être signées avec chaque bailleur d’ici à la fin de 2010 permettront de définir des objectifs partagés avec l’État et les collectivités territoriales, notamment en termes de production de logements et d’accompagnement des personnes.

La mise en œuvre d’une véritable solidarité financière entre les organismes sous la forme d’une péréquation permettra d’aider ceux qui ont la volonté de développer fortement leur activité de construction mais qui ne disposent pas de ressources suffisantes. Je vous proposerai d’amender le texte sur ce point pour limiter l’effet rétroactif de la mesure.

La vente en état futur d’achèvement, ou VEFA, de programmes de logements à des bailleurs sociaux sera facilitée.

Cette mesure, sur laquelle je suis prête à accepter des amendements afin de rendre la procédure encore plus souple, contribuera à la mise en œuvre du plan d’achat de 30 000 logements annoncé par le Président de la République, qui doit permettre à des opérateurs d’acheter des programmes n’ayant pu être lancés à ce jour par les promoteurs privés, faute d’une « précommercialisation » suffisante.

Les partenaires du 1 % logement sont d’autres acteurs irremplaçables de la politique du logement, mais il est temps de rénover profondément la gouvernance de ce dispositif, d’en limiter les coûts de gestion et de réorienter l’utilisation des ressources vers les priorités de la politique du logement.

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

Les discussions avec les partenaires sociaux ont permis, jeudi dernier, de dégager une convergence autour de quatre grands objectifs pour les trois prochaines années. Lors de l’examen de l’article 3, je reviendrai plus précisément sur les résultats de ces discussions, qui ont donné lieu à l’élaboration d’un texte commun.

Cependant, je voudrais d’ores et déjà indiquer que l’un des objectifs partagés est de produire davantage de logements économiquement accessibles aux ménages. Il se traduit par une orientation des emplois du 1 % logement qui prend en compte notamment les propositions du protocole national professionnel que les partenaires sociaux ont récemment signé.

Pour construire plus, il faut aussi soutenir la demande des particuliers.

Afin de favoriser l’accession populaire à la propriété, le projet de loi prévoit l’extension au logement collectif du dispositif du Pass-Foncier, qui ne s’applique pour l’instant qu’au logement individuel. L’objectif récemment fixé par le Président de la République est de réaliser quelque 30 000 logements grâce à ce dispositif, en particulier en zone urbaine, là où le logement individuel est moins adapté aux besoins.

Il est également important, pour conserver la confiance des investisseurs privés, de maintenir les dispositifs d’investissement locatif dits « Robien » et « Borloo », mais en les recentrant sur les zones où existe une véritable tension du marché locatif.

Pour construire plus, enfin, il faut aider les maires à favoriser la construction dans leurs communes.

J’ai souhaité inclure dans le décompte des logements sociaux au titre de l’article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, les logements construits dans le cadre du Pass-Foncier et du prêt social de location-accession, le PSLA.

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

Je sais que cette disposition suscite le débat, pour ne pas dire la passion. Pourtant, selon une étude du Centre de recherches pour l’étude et l’observation des conditions de vie, le CREDOC, 88 % des Français se déclarent favorables à une telle disposition. Je vous rappelle que les logements destinés à l’accession populaire à la propriété présentent les mêmes caractéristiques que les logements locatifs sociaux : mêmes aides publiques avec la TVA à 5, 5 %, mêmes plafonds de ressources des candidats à l’accession et même durée de cinq ans pour leur comptabilisation dans le quota des 20 % que celle qui est prévue pour les logements locatifs vendus par les organismes d’HLM.

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

Il s’agit là d’un outil supplémentaire offert aux élus qui souhaitent construire dans leur commune et encourager les parcours résidentiels diversifiés. Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite que nous ayons, sur ce sujet, un débat serein, digne de notre démocratie.

Par ailleurs, dans le souci de respecter les espaces naturels, j’ai souhaité également favoriser l’agrandissement des bâtiments à usage d’habitation en permettant le dépassement des normes d’urbanisme dans la limite de 20 % pendant deux ans.

Enfin, le caractère opérationnel des programmes locaux de l’habitat sera renforcé. C’est la condition pour que les plans locaux d’urbanisme deviennent de vrais outils au service de la construction partout où existe un besoin de logements.

Mon deuxième objectif, à côté du soutien à la construction, est de permettre à tous, aux classes moyennes comme aux ménages à revenus modestes, d’accéder à un logement de qualité.

Il faut d’abord redonner sa vocation première au parc d’HLM. Aux termes de l’article L. 441 du code de la construction issu de la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions, « l’attribution des logements locatifs sociaux participe à la mise en œuvre du droit au logement, afin de satisfaire les besoins des personnes de ressources modestes et des personnes défavorisées », cette attribution devant « favoriser l’égalité des chances des demandeurs et la mixité sociale des villes et des quartiers ». Tout est dit !

C’est pourquoi le projet de loi prévoit d’abaisser de 10 % les plafonds de ressources pour l’accès au logement social, de manière à annuler la forte progression de ces plafonds constatée ces dernières années, en raison d’un effet mécanique lié au passage aux 35 heures.

Lorsque 60 % de la population sera en droit de prétendre à un logement HLM, contre 70 % actuellement, cela permettra aux personnes de ressources modestes et aux personnes défavorisées d’avoir plus facilement accès au logement, sans pour autant remettre en cause la mixité sociale.

Le projet de loi vise aussi, dans le même esprit, à accroître la mobilité dans le parc de logements sociaux.

En effet, le taux de mobilité dans le parc d’HLM est aujourd’hui très faible, puisqu’il est de l’ordre de 9 % à l’échelon national et de 7, 4 % en Île-de-France. Les différentes mesures prévues dans le projet de loi ont pour objet d’améliorer la mobilité dans ce parc en libérant les logements sous-occupés ou en incitant les ménages qui disposent de revenus très élevés leur permettant de se loger sans difficulté dans le parc privé à quitter le parc social. C’est un moyen de permettre à des ménages aux revenus modestes et qui sont actuellement en attente de trouver un logement adapté à leurs besoins.

Il faut en outre donner à tous ceux qui ne peuvent pas ou ne veulent pas accéder à un logement HLM la possibilité de disposer d’un logement abordable.

Tel est le sens des dispositions qui ont déjà été prises au début de cette année, visant à indexer les loyers sur un nouvel indice de référence fondé sur les prix à la consommation ou à réduire le dépôt de garantie de deux à un mois de loyer.

Le projet de loi prévoit une mesure complémentaire interdisant le cumul d’une caution et d’une assurance pour impayés de loyers. Elle prendra tout son sens dès qu’un dispositif de garantie mutualisée des risques locatifs géré par les partenaires sociaux sera effectif. J’ai manifesté le souhait, jeudi dernier, auprès des partenaires sociaux gestionnaires du 1 % logement, que ce dispositif soit en place d’ici à la fin de l’année.

Enfin, je rappellerai que près de la moitié des Français souhaitent devenir propriétaires. Il faut donc renforcer l’accession populaire à la propriété. Le Pass-Foncier doit y contribuer fortement.

Le troisième et dernier objectif est de lutter contre le mal-logement. C’est un impératif qui s’impose à nous tous, mesdames, messieurs les sénateurs. Il est indissociable du droit au logement opposable.

Le texte comporte des dispositions permettant de renforcer la prise en compte des populations en difficulté, afin de leur donner les moyens d’accéder plus facilement à des solutions d’hébergement ou de logement.

Dans ce domaine, le projet de loi s’attache à mobiliser à la fois les communes, les bailleurs sociaux et l’État.

La notion d’hébergement d’urgence est remplacée par celle d’hébergement, s’agissant de l’obligation faite aux communes de disposer d’une capacité minimale d’hébergement au titre de l’article 2 de la loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite loi DALO. En outre, la procédure de prélèvement sur les ressources fiscales des communes qui n’atteignent pas leur objectif est précisée. Ces mesures ont pour ambition d’inciter les communes à augmenter leurs capacités d’hébergement et à atteindre ainsi l’objectif d’une place d’hébergement par tranche de 2 000 habitants.

En Île-de-France, un bénéficiaire du DALO pourra se voir attribuer un logement situé dans un autre département de la région que celui dans lequel la commission de médiation aura émis un avis favorable. C’est donc une solidarité interdépartementale que je propose d’instituer, compte tenu de la situation particulièrement difficile de l’Île-de-France, région qui, je le rappelle, concentre les deux tiers des dossiers. J’aurai l’occasion de revenir sur ce point au cours du débat.

Par ailleurs, la loi devrait permettre aux bailleurs sociaux de prendre en gestion des logements dans le parc privé, afin de les sous-louer à des ménages hébergés dans des hôtels ou des centres d’hébergement. Cette mesure attendue participera au développement d’une offre d’hébergement moins onéreuse et, surtout, plus humaine que l’hébergement dans des hôtels.

L’habitat indigne est une des plaies de notre société. Pour mieux lutter contre ce fléau, il faut d’abord mieux l’identifier juridiquement. Tel est l’objet de l’une des dispositions de ce texte, qui donne une définition juridique de l’habitat indigne afin de restreindre les abus de procédure des marchands de sommeil.

Cela étant, je suis persuadée que, au-delà de ces mesures, il importe d’aller plus loin, par une action coordonnée dans nos villes. C’est pourquoi j’ai souhaité la mise en œuvre d’un programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, destiné à participer à la lutte contre l’habitat indigne, à la remise sur le marché de logements vacants, à la transformation de logements sociaux de fait en logements sociaux de droit.

Telles sont donc les grandes orientations du présent texte : soutenir l’activité de construction pour répondre aux besoins en matière de logement de nos concitoyens et soutenir l’emploi ; permettre aux classes moyennes, comme aux ménages à revenus modestes, d’accéder à la propriété.

Mesdames, messieurs les sénateurs, une politique du logement est nécessairement complexe. Elle revêt des dimensions à la fois humaines, économiques, financières et techniques, et elle repose sur de nombreux outils, qui doivent pouvoir être adaptés à une grande diversité de situations locales ou d’exigences personnelles.

La politique du logement constitue également une chaîne de solidarité entre tous les citoyens de notre pays.

C’est pourquoi mon projet de loi contient des dispositions relatives à la plupart des aspects de cette politique : exclusion, habitat indigne, construction de logements sociaux, développement de l’accession populaire à la propriété, investissement locatif et réforme du 1 % logement, qui est un dispositif clé de cette politique.

C’est également la raison pour laquelle ce texte complète plusieurs lois importantes qui, ces dernières années, ont profondément modifié le paysage dans le domaine du logement, en particulier la loi relative au droit opposable au logement, dont j’ai eu l’honneur d’être rapporteur à l’Assemblée nationale.

En vérité, l’objet de ce projet de loi est de réformer ce qui doit l’être et d’ouvrir de nouvelles possibilités, sans esbroufe. Mesdames, messieurs les sénateurs, si vous votez ce texte, enrichi de vos amendements, il appartiendra à chaque acteur du logement de se saisir de ses dispositions. C’est sur le terrain et au quotidien que se fait la politique du logement. Encore faut-il proposer à tous ses acteurs des instruments législatifs permettant de la souplesse.

Ce texte est pragmatique ; il sera efficace. Il est adapté aux attentes des professionnels et des Français. Dans cette période préoccupante de turbulences, il est plus que nécessaire de renforcer notre cohésion nationale, notre solidarité sociale et, oserai-je dire, cette générosité personnelle qui nous permettra de faire en sorte que chaque habitant de notre pays dispose d’un logement de qualité où il se sente bien.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

M. Roger Romani remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Henri Feltz, rapporteur de la section du cadre de vie du Conseil économique, social et environnemental sur l’article 12 du projet de loi.

Debut de section - Permalien
Henri Feltz, rapporteur de la section du cadre de vie du Conseil économique, social et environnemental sur l’article 12 du projet de loi

Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom du président du Conseil économique, social et environnemental, M. Jacques Dermagne, je vous remercie d’avoir invité notre assemblée à vous rendre compte de son avis, adopté le 9 juillet dernier par 177 voix et 5 abstentions, sur le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés.

Ce programme, qui constituait alors l’article 12 du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, est devenu le chapitre II du texte que vous examinez, avec un titre inchangé.

Au moment où il m’est fait l’honneur d’avoir à rendre compte de nos travaux devant vous, je dois vous faire part de deux observations préalables.

Notre Conseil a été satisfait de voir traitée dans un projet de loi la problématique des quartiers anciens dégradés, qui n’était pas nouvelle pour lui. Il avait en effet formulé en janvier 2008 un certain nombre de propositions à ce sujet.

Cependant, il a éprouvé le regret, sinon la frustration, de n’avoir été saisi que des dispositions du projet de loi ayant un caractère programmatique, et non de la totalité du texte. Cela aurait pourtant permis au Conseil de situer le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés dans son environnement global, c’est-à-dire celui de l’ensemble du projet de loi. Cela ne lui a donc pas été possible, de même qu’il ne lui a pas été possible d’apprécier toute la cohérence du dispositif.

Par conséquent, notre avis a porté sur ce qui est devenu l’actuel chapitre II du projet de loi, texte qui n’a pas subi, depuis, de modification sur le fond.

Le Conseil s’est réjoui de voir lancer un programme ambitieux dédié spécifiquement aux quartiers anciens, comme il en avait formé le vœu. Quelle que soit leur singularité, ces espaces sont des éléments constitutifs de la ville dans son ensemble. Ils sont souvent situés en centre-ville ou en sont très proches et occupent dans nos cités, pour des raisons principalement historiques, un espace symbolique qui rend leur rénovation particulièrement sensible et complexe à mettre en œuvre. La requalification de ces quartiers constitue un véritable enjeu, qui mérite des actions prioritaires.

L’avis que nous avons émis comporte cependant deux remarques générales.

En premier lieu, si nous avons bien relevé que le projet de loi prévoit de consacrer à ce programme des financements importants, nous avons également souligné l’absence de précisions, dans les éléments fournis au Conseil, sur les modalités du financement, sur l’origine des fonds ainsi que sur les circuits administratifs et financiers à mettre en œuvre. Ces éléments existent maintenant, mais nous n’en avions pas connaissance au moment de l’élaboration de l’avis.

En second lieu, le Conseil aurait souhaité voir apporter plus de précisions à la définition de ce qu’est un « quartier ancien dégradé », au sens du présent projet de loi, par la prise en compte plus nette de critères socioéconomiques, socioculturels ou socioprofessionnels.

Je vous prie de m’excuser de ne pas développer la totalité des questions abordées dans l’avis du Conseil. Je reprendrai devant vous seulement quatre points sur lesquels nous avons voulu, me semble-t-il, insister particulièrement.

Le premier point concerne le pilotage du programme. La politique de la ville est un tout, et la requalification des quartiers anciens en fait partie. Or le projet de loi ne nous a pas semblé parfaitement clair sur ce point.

Il laisse subsister par ailleurs un certain nombre de doutes ou d’imprécisions quant aux rôles respectifs de l’ANRU, l’Agence nationale de rénovation urbaine, et de l’ANAH, l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat, même si le « guichet unique » qu’est l’ANRU, dont l’action a été saluée à de nombreuses reprises par le Conseil économique, social et environnemental, devrait profiter selon nous très largement aux quartiers éligibles au nouveau programme.

La réussite de la requalification des quartiers anciens dégradés dépendra d’ailleurs largement des synergies qui s’établiront entre les acteurs, d’une meilleure articulation entre les différents échelons et les différents niveaux de responsabilité, bref d’une gouvernance plus efficace et plus resserrée.

Le deuxième point concerne la cohérence des objectifs et des moyens, en particulier financiers. Seul l’exposé des motifs du projet de loi fournit, à titre indicatif, une évaluation, qui s’établit à 2, 5 milliards d’euros. Il était dit sans autre précision, au moment où l’avis a été émis, que cette somme serait prise en charge par l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat et par la participation des employeurs à l’effort de construction.

Le Conseil a demandé que les modalités et les montants de cette participation soient arrêtés par la négociation et après accord entre l’État et les partenaires sociaux. Un accord sur cette question est d’ailleurs intervenu récemment.

À l’occasion de l’examen du projet de loi, le Conseil a réitéré son refus de toute captation brutale, sous une forme ou sous une autre, des fonds du 1 % logement.

Debut de section - Permalien
Henri Feltz, rapporteur de la section du cadre de vie du Conseil économique, social et environnemental

La participation négociée du 1 % logement au financement du programme ne saurait intervenir, disions-nous à l’époque de l’élaboration du présent avis, qu’en complément des fonds de l’État, et non pour compenser un désengagement de ce dernier.

Debut de section - Permalien
Henri Feltz, rapporteur de la section du cadre de vie du Conseil économique, social et environnemental

Par ailleurs, la mise en œuvre d’un tel programme ne pourra se faire qu’en partenariat avec les collectivités territoriales et leurs groupements, qui, comme le précise le texte, porteront localement les projets.

Le Conseil a souhaité que le taux de financement des opérations que conduiront les collectivités soit modulé en fonction de la situation financière et fiscale de ces dernières, afin de ne pas exclure du dispositif les plus fragiles d’entre elles sur le plan économique.

Le troisième point a trait à la mixité sociale. De longue date, le Conseil économique, social et environnemental défend la mixité sociale et la mixité des fonctions dans la ville.

L’objectif de mixité sociale inscrit dans le projet de loi est donc partagé par le Conseil, qui a souligné les défis auxquels est et sera confrontée, s’agissant du programme, la réalisation de cette ambition : pour n’en citer que deux, il faudra éviter la « gentrification » et ne pas chasser les populations en place.

L’engagement des collectivités sera, sur ce point, essentiel. Trop souvent, les quartiers requalifiés sont envahis par des populations plus aisées que celles qui les habitaient auparavant, d’où l’apparition du phénomène connu sous le nom de « gentrification ».

La mixité, bien sûr, ne se décrète pas. Il faut se donner les moyens de l’assurer, en mobilisant tous les outils disponibles, en particulier ceux qui permettent de lutter contre les effets d’aubaine. Au premier rang d’entre eux, on trouve l’adaptation de la politique fiscale. L’importance des mesures anti-spéculatives a également été soulignée, à juste titre, par notre Conseil, car elles permettent de peser sur le prix du foncier, mais aussi de jouer sur les loyers.

Toutefois, la mixité doit être durable dans toutes ses dimensions. Elle est sociale, mais aussi intergénérationnelle, et doit accorder en outre toute leur place aux situations de handicap. La requalification et le développement des équipements de proximité, notamment culturels, sont essentiels pour parvenir à une telle durabilité.

La mise en conformité avec les nouvelles normes techniques, sous réserve bien sûr que celles-ci soient adoptées, est une nécessité ; elle doit profiter à tous. Elle participe, de fait, à l’objectif de mixité. Le Conseil, dans son avis, s’est donc prononcé en faveur d’un plan ambitieux de rénovation thermique des bâtiments anciens, conformément aux objectifs affirmés dans le projet de loi faisant suite au Grenelle de l’environnement, actuellement en discussion à l’Assemblée nationale.

Le quatrième et dernier point concerne la redynamisation économique, commerciale mais aussi sociétale des quartiers concernés.

Le Conseil s’est félicité, dans son avis, de la mobilisation des moyens du FISAC, le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, et de l’EPARECA, l’Établissement public d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, tout en relevant que, faute d’information sur la répartition des moyens financiers au sein du programme, il ne lui pas été possible de se prononcer sur l’adéquation entre les objectifs et les moyens.

Enfin – et il s’agit d’un regret que nous exprimons –, la mixité des fonctions et la requalification sociétale n’entrent pas dans le champ couvert par les dispositions du projet de loi, bien que ces deux éléments soient, chacun en est conscient, indispensables à la réussite du programme. Nul doute que des moyens importants devront être consacrés à la réalisation des équipements de proximité à caractère social, associatif, sportif ou culturel de nature à améliorer la qualité de vie des habitants.

Pour conclure, et bien qu’il ait regretté de n’être consulté que sur un seul chapitre du texte, le Conseil économique, social et environnemental a souscrit aux dispositions soumises à son examen. Ambitieux, le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés l’est assurément. La question du niveau des moyens qui lui seront affectés et de leur origine, source d’interrogations pour le Conseil en juillet dernier, reste posée, me semble-t-il, et conditionne pour partie sa réussite.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l’examen par notre assemblée du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion intervient, à bien des égards, dans un contexte pour le moins délicat.

Bien qu’élaboré dans une période où les risques de contagion de la crise américaine dite des subprimes au continent européen semblaient limités, ce texte entend apporter des éléments de réponse à la crise du logement que traverse notre pays et contribuer à inverser une tendance récessive qui touche au premier chef le secteur de la construction.

Cet objectif est d’autant plus essentiel que la crise économique et financière connaît, depuis la mi-septembre, des développements et des rebondissements quasiment quotidiens, aggravant les difficultés rencontrées par bon nombre de ménages pour se loger dans des conditions financièrement accessibles.

La crise du crédit rend en effet plus malaisées les opérations d’accession à la propriété, à plus forte raison pour les ménages modestes.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

La crise économique vient, quant à elle, heurter une dynamique de construction qui avait retrouvé un élan incontestable depuis 2005, l’année 2007 ayant été caractérisée par le chiffre record de mises en chantier de 435 000 logements neufs. Il semblerait cependant qu’un tel niveau ne puisse être retrouvé en 2008, les professionnels du secteur tablant sur la mise en chantier d’environ 380 000 logements.

Au-delà de ces éléments conjoncturels, dont la gravité n’échappe à personne et qui sont de nature à influencer sensiblement les travaux parlementaires sur le présent projet de loi, il convient de rappeler que ce dernier s’inscrit dans une certaine continuité par rapport aux dernières années, où l’on a vu se succéder, de 2003 à 2007, pas moins de six textes consacrés, en totalité ou partiellement, aux conditions d’exercice de la politique du logement.

La commission des affaires économiques avait eu, pour sa part, l’occasion de s’investir plus particulièrement dans la préparation et le suivi du projet de loi portant engagement national pour le logement, dont la discussion avait été précédée d’un rapport d’information adopté à l’unanimité de ses membres.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Ce document avait d’ailleurs servi de base de travail, mais également de source d’inspiration, pour l’élaboration de bon nombre de dispositifs introduits dans ce texte, qui comptait onze articles à l’origine et qui, à la faveur des enrichissements parlementaires successifs, en comporta finalement cent douze !

Le projet de loi instituant le droit au logement opposable, dont la présentation a suivi de quelques mois seulement l’adoption définitive de la loi portant engagement national pour le logement, avait en revanche appelé de ma part un certain nombre de réserves, que j’avais exprimées à l’époque.

Je pense en effet que le secteur du logement ne saurait faire l’objet de politiques successives que je qualifierai de stop and go, au risque de fragiliser ses fondamentaux et de favoriser la réalisation d’opérations ne présentant aucun caractère durable.

Un peu plus de deux années après sa promulgation, la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement commence à donner des résultats, même si certains des dispositifs qu’elle a créés n’ont été mis en œuvre que très récemment.

Ainsi en est-il, par exemple, des modifications de l’article 55 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, puisque le système de commissions départementales et de commission nationale, mis en place sur l’initiative de la commission des affaires économiques, n’est opérationnel que depuis peu, la commission nationale ne s’étant à ce jour pas encore réunie.

Ces réflexions ne rendent pas pour autant illégitime un nouveau projet de loi sur le sujet.

D’une part, ce texte comporte des réformes de nature à favoriser l’émergence d’une offre nouvelle.

D’autre part, il offre la possibilité de corriger, d’aménager et de poursuivre certaines réformes entreprises au cours des dernières années, au travers de la loi relative aux libertés et responsabilités locales, de la loi portant engagement national pour le logement ou de la loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

En outre, ce projet de loi s’inscrit dans le droit fil de la démarche de révision générale des politiques publiques entreprise, dès son élection, par le Président de la République, puisque bon nombre de dispositions traduisent en droit des mesures qui avaient été annoncées lors du conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril 2008.

Le contexte budgétaire de l’année à venir étant particulièrement contraint, ce projet de loi n’offre que très peu de marges de manœuvre…

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

… en termes de dépenses nouvelles ou de diminutions incitatives des prélèvements obligatoires.

Cette contrainte a conduit le Gouvernement à entamer des négociations avec les partenaires sociaux, parallèlement à la réforme de la gouvernance du 1 % logement qu’il proposait, afin de mobiliser les fonds de la participation des employeurs à l’effort de construction au profit du financement d’actions relevant auparavant des moyens budgétaires.

À cet égard, la commission des affaires économiques a vivement déploré les conditions dans lesquelles ont pu se dérouler, jusqu’à vendredi dernier, ces négociations dont le Parlement a été totalement exclu.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Il s’agit pourtant d’un domaine dans lequel il eût été pleinement légitime que le Parlement puisse exercer son contrôle.

En ce qui concerne les propositions qu’elle vous fera, la commission des affaires économiques, soucieuse elle aussi de l’équilibre des finances publiques, s’est, pour sa part, astreinte à la même ligne de conduite que le Gouvernement et n’a pas souhaité préconiser, sinon de manière très marginale, de mesures présentant un coût pour l’État ou les collectivités territoriales.

Cette exigence ne nous a pas pour autant empêchés de réfléchir à d’autres types d’actions incitatives pouvant favoriser l’augmentation de l’offre de logements, qui continue à être cruellement insuffisante dans notre pays.

Avant d’évoquer rapidement les principales propositions de la commission des affaires économiques, je souhaiterais présenter notre position sur l’article 17 du projet de loi, qui prévoit de modifier la liste des logements sociaux éligibles au quota des 20 % inscrit à l’article 55 de la loi SRU en y intégrant deux catégories de logements en accession sociale à la propriété.

Je tiens à dire en préalable, solennellement et fortement, que la commission des affaires économiques est très favorable au développement de l’accession sociale à la propriété et adoptera toutes les mesures qu’elle jugera aller dans ce sens.

En revanche, la commission des affaires économiques ne veut pas que soit relancé tout à fait inutilement, à l’occasion de la discussion de ce projet de loi, un débat portant sur les conditions d’application de l’article 55 de la loi SRU, même s’il s’agit là d’une tendance récurrente du législateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Le Parlement a déjà consacré des dizaines d’heures de débat à cette question, et nous sommes parvenus, dans le cadre de l’élaboration de la loi portant engagement national pour le logement, à un dispositif équilibré, auquel il faut maintenant laisser le temps de s’appliquer, …

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

M. Dominique Braye, rapporteur. … sans d’ailleurs opposer, comme semble le faire le projet de loi, le logement locatif social à l’accession sociale à la propriété, qui malheureusement, madame le ministre, ne sont pas destinés aux mêmes ménages.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

M. Dominique Braye, rapporteur. C’est dans cet esprit que la commission des affaires économiques présentera un amendement de suppression de l’article 17, car elle est totalement persuadée que cette disposition ne favorisera nullement l’accession sociale à la propriété.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

En ce qui concerne le 1 % logement, nous avons pris acte du résultat des négociations entre l’État et les partenaires sociaux. Nous proposerons donc simplement de ne pas afficher le fait que la participation des employeurs à l’effort de construction finance la politique de la ville, même si elle est effectivement employée à cette fin, et de prévoir que le droit de veto des commissaires du Gouvernement au sein du conseil d’administration de l’Union d’économie sociale pour le logement, l’UESL, s’exercera de manière conjointe.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Par ailleurs, la commission des affaires économiques s’est attachée à conforter la place des collectivités territoriales dans la conduite des politiques de l’habitat, à clarifier les dispositions relatives aux organismes d’HLM et à améliorer, ainsi qu’à compléter, celles qui concernent les copropriétés et la mobilité des locataires dans le parc social.

En ce qui concerne le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, le PNRQAD, la commission des affaires économiques, jugeant intéressante la faculté offerte aux collectivités concernées par le programme de créer des fonds locaux de réhabilitation de l’habitat privé, a souhaité étendre cette possibilité à l’ensemble du territoire.

S’agissant des mesures fiscales prévues dans le projet de loi, la commission des affaires économiques proposera de maintenir les avantages fiscaux accordés aux investissements locatifs dans les zones de revitalisation rurale et de prolonger d’une année le bénéfice du taux réduit de TVA à 5, 5 % pour les opérations d’accession sociale à la propriété réalisées dans le secteur individuel au moyen d’un Pass-Foncier, pour harmoniser le Pass-Foncier individuel et le Pass-Foncier collectif.

Au sujet des logements relevant du dispositif du « Robien » ou de celui du « Borloo », je souhaiterais appeler l’attention du Sénat sur le fait que nous préconisons d’encadrer leur construction, par l’intermédiaire de documents d’orientation et d’urbanisme, pour limiter les risques d’implantation dans des bassins d’habitat où ils ne correspondent nullement à la demande locale…

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

… et éviter ainsi les dérapages que nous avons connus, même si ces derniers sont manifestement mineurs au regard de tout ce que ces dispositifs ont apporté.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Enfin, la commission des affaires économiques a souhaité compléter le projet de loi sur deux points.

Le premier point concerne l’amélioration des procédures de lutte contre les logements insalubres ou indécents. La commission propose notamment une modification des modalités d’évaluation, par les juges de l’expropriation, des fonds de commerce des hôtels meublés. Il sera ainsi beaucoup moins profitable d’exploiter la misère des plus démunis en étant marchand de sommeil.

Le second point a trait au foncier. Ce volet est réduit à sa plus simple expression dans le texte, or nombre d’acteurs nous ont fait part de leur étonnement de ce qu’un projet de loi sur le logement ne comprenne pas, ou presque, de mesures sur ce sujet, alors même que la mobilisation du foncier constitue le premier maillon de la chaîne de réalisation de logements.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Le foncier utilisable pour la construction de logements reste, mes chers collègues, très insuffisant : certains observateurs avancent le chiffre de 70 000 hectares pour le logement, contre 215 000 hectares supplémentaires consacrés chaque année à l’activité économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

C’est pourquoi la commission des affaires économiques vous proposera, à partir des auditions menées sur le sujet, de compléter le volet relatif au foncier par un certain nombre de mesures tendant essentiellement à donner davantage d’outils aux maires ou à rendre plus opérationnels ceux qu’ils ont déjà à leur disposition.

Monsieur le président, mes chers collègues, vous le voyez, la commission des affaires économiques souscrit aux objectifs visés au travers du projet de loi et vous invitera à l’adopter, sous réserve de l’adoption des cent-dix-neuf amendements

Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Brigitte Bout, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Bout

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, après les différentes présentations complètes et très claires du projet de loi qui viennent d’être faites, il me revient d’insister plus particulièrement sur ses aspects sociaux.

Nous avons retenu trois thèmes, qui forment le cœur des dispositions proposées : la mobilité dans le parc locatif social, la promotion de l’accession sociale à la propriété et la mise en place d’un programme de rénovation des anciens quartiers dégradés. La commission des affaires sociales en a ajouté un quatrième, dont le texte ne traite pas directement mais sur lequel elle a beaucoup travaillé : celui de l’hébergement d’urgence. J’y reviendrai ultérieurement.

Avant d’entamer ma présentation du texte, je voudrais souligner, madame le ministre, que nous n’avons malheureusement pas encore obtenu, à cette heure, toutes les réponses à nos questions. Certes, le Gouvernement avait, ces jours-ci, d’autres sujets bien plus urgents à traiter, mais vous savez comme moi que la qualité du débat démocratique s’améliore quand le Gouvernement et le Parlement échangent leurs informations et discutent à partir des mêmes données.

L’introduction d’une certaine mobilité dans les HLM est le premier objectif social visé au travers du texte. Si plus de 1, 2 million de personnes sont encore aujourd’hui en attente d’un logement social, c’est en partie parce que, à l’intérieur du parc locatif social, personne ne bouge : une fois que le logement a été attribué, les ménages ont tendance à y rester, quelle que soit l’évolution de la famille et de ses ressources.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Bout

Ces habitudes conduisent à des situations anormales, parfois injustes : un couple ou une personne seule peut continuer d’habiter dans un appartement de cinq pièces après le départ du dernier enfant, alors qu’aucun grand logement social n’est disponible et que d’autres familles de la commune attendent.

De même, des personnes peuvent avoir eu accès à un logement HLM à une époque où elles gagnaient modestement leur vie, et continuer d’y demeurer vingt ans plus tard alors que leurs revenus ont doublé ou triplé.

C’est à ce genre de situations que ce projet de loi mettra fin. Vous l’avez dit, madame le ministre, grâce à une aide du bailleur et seulement si on leur propose un autre domicile, les ménages qui habitent des logements sociaux sous-occupés devront désormais les quitter.

Il en ira de même pour les logements accessibles aux personnes handicapées : dès lors qu’un tel logement ne sera plus effectivement occupé par une personne handicapée, les locataires qui y demeurent devront déménager, là aussi sous réserve d’une aide du bailleur et de propositions de relogement.

Enfin, les locataires dont les ressources sont deux fois supérieures au plafond fixé seront également concernés par la suppression du droit au maintien dans les lieux.

Je n’ai pas caché mon sentiment : j’estime que ces mesures sont courageuses. Elles dessinent une politique sociale claire, qui a pour objet, tout simplement, d’attribuer les logements sociaux à ceux qui en ont le plus besoin. Dans un contexte où la demande se fait sans cesse plus pressante, où le poids des dépenses de logement dans le budget des ménages français s’alourdit chaque année, les logements sociaux doivent être avant tout destinés aux classes populaires.

Il est invraisemblable que nous ayons oublié ces évidences. Intimidés par le poids des habitudes, nous acceptions sans mot dire des situations injustes, parfois intolérables, et qui étaient presque devenues taboues. Je ne peux que vous remercier, madame le ministre, d’avoir la volonté de clore cette époque.

Je voudrais apporter une dernière précision sur ce sujet. Certains prétendent que le texte menace la mixité sociale. Cela est tout à fait inexact, et un seul chiffre suffit à le prouver : après l’entrée en vigueur du projet de loi, 60 % des ménages français resteront éligibles à un logement social standard. Qui peut donc prétendre que les classes moyennes seront refoulées des HLM ?

J’en viens rapidement à ce qui constitue à mon sens le deuxième point essentiel du projet de loi : la promotion de l’accession sociale à la propriété, qui fait l’objet de l’article 17.

Il n’est pas utile, je crois, de rappeler en détail les dispositions de la loi SRU, que nous connaissons tous. Je me permettrai cependant de souligner, mes chers collègues, que le champ de la définition du logement social au sens de la loi SRU a beaucoup évolué depuis 2000.

On y a inclus en 2005, lors de l’élaboration de la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, les lits des foyers réservés aux personnes handicapées mentales. La même année, nous avons estimé que les logements loués ou vendus aux harkis pouvaient également être considérés comme des logements sociaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Bout

Enfin, en 2006, les logements HLM vendus à leurs locataires ont aussi été intégrés dans le calcul du quota des 20 %, pour cinq ans à compter de leur vente.

Si nous avons voté en faveur de ces mesures, c’est évidemment parce que nous les avons jugées légitimes. J’estime que la disposition du présent texte tendant à qualifier de « sociaux » les logements acquis grâce à un dispositif d’accession sociale à la propriété l’est tout autant.

Je vous en laisse juges : les logements bénéficiant du régime de l’accession populaire à la propriété sont destinés aux mêmes personnes et font l’objet du même niveau d’aide de la collectivité que les logements HLM.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Bout

Alors, pourquoi considérer que des personnes ayant le même niveau de revenus, exerçant souvent le même métier, sont « riches » quand elles sont propriétaires et « pauvres » quand elles sont locataires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Bout

C’est un préjugé que je trouve malheureux et, surtout, nuisible aux ménages les plus modestes.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Bout

Ce sont eux qui ont le plus besoin d’épargner, ce sont eux qui ont le plus besoin de se constituer un capital pour faire face aux accidents de la vie et pour aider leurs enfants à vivre plus confortablement.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Bout

La commission des affaires sociales vous propose donc de ne pas remettre en cause cette disposition, qui lui a paru profondément juste socialement.

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

Merci, madame le rapporteur !

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Bout

J’en viens maintenant au troisième point.

Le projet de loi crée un programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, ou PNRQAD, qui répond à une attente maintes fois formulée par le Sénat. Concrètement, ces quartiers feront l’objet d’une réhabilitation du parc privé et d’une redynamisation économique par l’implantation de commerces.

Toutefois, je ne vous le cache pas, ce plan pose plusieurs problèmes.

Le premier a trait au maintien dans ces quartiers, après leur réhabilitation, de la population y résidant : comment s’assurer que cette réhabilitation n’aboutisse pas à l’éviction des plus pauvres, comme cela s’est déjà produit dans plusieurs villes ? Il me semble important de garantir le maintien dans les quartiers rénovés des populations résidantes et la commission des affaires sociales présentera un amendement en ce sens.

Le deuxième problème tient tout simplement au financement du plan. Les besoins ont été chiffrés à 9 milliards d’euros. L’État apportera 2, 5 milliards d’euros, qui seront prélevés sur le 1 % logement. On attend des collectivités locales, souvent parmi les plus pauvres, qu’elles financent également ce plan à hauteur de 2, 5 milliards d’euros. Il reste donc au moins 4 milliards d’euros à trouver, au moyen, nous a-t-on indiqué, de prêts de la Caisse des dépôts et consignations. Le contexte économique et financier nous incite à la prudence sur ce point. Pouvez-vous, madame le ministre, nous apporter quelques éclaircissements supplémentaires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Bout

Pour finir, je souhaite aborder un sujet qui n’est qu’effleuré par le projet de loi mais auquel la commission des affaires sociales accorde une importance particulière : la régulation de l’hébergement d’urgence. Notre ancien collègue Bernard Seillier, ainsi que le docteur Xavier Emmanuelli, fondateur du SAMU social, nous ont alertés sur un grave problème dans ce domaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Bout

Voici deux ans, le mouvement des tentes du canal Saint-Martin nous avait conduits à considérer que l’ensemble des places d’hébergement existantes devaient être utilisées afin que personne ne dorme dehors.

Cette considération avait, et conserve, sa légitimité, mais elle a abouti à transformer presque toutes les places d’hébergement d’urgence en places de stabilisation, qui ont, elles, vocation à accueillir les personnes pour une durée beaucoup plus longue. Il en résulte aujourd’hui qu’il ne reste plus de places d’hébergement d’urgence libres à partir de 22 heures à Paris, alors que l’hiver n’a pas commencé.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Bout

Aucune place n’est donc disponible pour accueillir les personnes en détresse qui subissent des accidents de la vie. On pense, par exemple, aux femmes victimes de violences conjugales qui ne veulent pas rentrer chez elles.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Bout

Cette situation est potentiellement dramatique et appelle une large réflexion de notre part sur la spécificité de l’hébergement d’urgence. Mais, en attendant, il faut au moins que les places existantes soient utilisées le mieux possible. Or tel n’est pas le cas. Tous les soirs, on refuse un hébergement d’urgence à des personnes, alors que des places restent libres, parce qu’aucune autorité n’est en mesure de les localiser. Cette situation n’est plus tenable : nous n’avons pas le droit d’attendre le grand froid et son lot de nouvelles tragiques pour agir !

La commission des affaires sociales vous proposera donc, mes chers collègues, un dispositif permettant de connaître enfin, en temps réel, le nombre et la localisation des places d’hébergement d’urgence disponibles et créant une autorité chargée de réguler leur attribution.

Voilà, mes chers collègues, les observations qu’appelle de ma part ce projet de loi courageux – je le répète –, que la commission des affaires sociales vous invite à adopter, sous réserve des amendements qu’elle vous soumettra.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur certaines travées de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des finances, en liaison avec la commission des affaires économiques saisie au fond et avec la commission des affaires sociales, s’est saisie pour avis des articles de ce texte ayant une portée fiscale ou budgétaire directe, ainsi que des articles relatifs à des dispositifs ayant récemment fait l’objet de contrôles budgétaires.

Des dispositions de quatre types sont donc concernées : tout d’abord, à l’article 3, la réforme du 1 % logement, tant dans sa gouvernance que dans l’emploi des sommes collectées ; ensuite, aux articles 7, 8 et 14, les dispositions relatives au programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, ou PNRQAD, ainsi qu’aux règles d’intervention de l’ANRU ; aux articles 15 et 16, les dispositions relatives aux dépenses fiscales ; enfin, aux articles 23 et 24, la mise en œuvre du droit opposable au logement ainsi que l’article relatif à l’hébergement.

Votre projet de loi, madame la ministre, arrive en discussion dans un contexte difficile pour le secteur du logement qui, depuis plusieurs mois, fait face à un ralentissement devenu soudainement brutal, bien plus brutal qu’imaginé à la fin de l’année dernière, lorsque s’en dessinaient les prémices.

Ce retournement de conjoncture, après plusieurs années de hausse ininterrompue de l’activité, a déjà des conséquences importantes : baisse du nombre des mises en chantier, difficultés financières des entreprises du secteur, diminution du nombre des ventes.

Mais, après tout, on pourrait considérer qu’à quelque chose malheur est bon, comme dit le proverbe, puisque nous enregistrons – enfin, oserais-je dire – une baisse des prix dans le neuf comme dans l’ancien, à l’exception, pour le moment, des zones les plus « tendues ».

En effet, force est de reconnaître que la très forte activité de ces dernières années, si elle avait permis de relancer fortement la construction de logements pour atteindre des sommets historiques l’an dernier, avait aussi eu pour corollaire un emballement des prix du foncier, des coûts de la construction et, au final, du prix des logements neufs ou anciens et des loyers. Cet emballement des prix a placé beaucoup de nos concitoyens dans l’impossibilité d’accéder à la propriété et – plus grave encore – nombre d’entre eux ne peuvent tout simplement plus trouver de logement dont la taille et le loyer soient compatibles avec la composition et les ressources de leur famille.

Une fois de plus, il sera donc vérifié, à la bourse comme dans l’immobilier, que les arbres ne montent jamais jusqu’au ciel !

Cependant, si nous pouvons nous réjouir du coup d’arrêt porté à la hausse déraisonnable des prix, nous devons aussi souhaiter que cette inversion de tendance ne porte pas un coup trop dur à la construction de logements dont notre pays à éminemment besoin, tant dans le secteur privé que dans le secteur social.

Or, à l’heure actuelle, tous les indicateurs nous montrent que le ralentissement en cours est déjà sévère dans le secteur privé. Et, comme si cela ne suffisait pas, s’ajoutent désormais à ce contexte difficile les conséquences de la crise financière internationale, avec un resserrement du crédit et une augmentation des taux d’intérêt.

Madame la ministre, le présent projet de loi, élaboré avant les débuts de cette crise financière, est également fortement contraint par le contexte budgétaire français.

En effet, celui-ci a conduit le Gouvernement à présenter un projet de loi de finances pour 2009 et un projet de programmation des finances publiques pour la période 2009-2011, marqués par une limitation stricte de l’évolution des dépenses publiques en général, ce dont je me félicite, et, pour certaines missions, par des économies budgétaires.

Mais, dans le cadre de la mission « Ville et logement », c’est bien une débudgétisation de sommes importantes qui nous est proposée : je ne peux bien évidemment pas m’en féliciter et la commission des finances le regrette.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Le projet de loi de finances pour 2009, dont nous discuterons dans quelques semaines, anticipe en effet sur un éventuel accord, toujours en cours de négociation avec les partenaires sociaux qui gèrent le 1 % logement, et sur l’adoption en l’état du projet de loi que vous nous présentez aujourd’hui, madame la ministre.

Ainsi, le projet de loi de finances affiche une débudgétisation de la part de l’État, totale dans le financement de l’ANRU et quasiment totale dans le financement de l’ANAH.

L’article 3 de votre projet de loi, madame la ministre, et le projet de loi de finances pour 2009 remettent en cause l’acquis d’une des lois les plus emblématiques adoptées par le Parlement ces dernières années. Ils remettent également en cause les conventions signées avec les partenaires sociaux lors du lancement du programme national de rénovation urbaine, qui prévoyaient que, lorsque l’État investirait un euro pour financer l’ANRU, le 1 % logement en ferait autant.

Mme Dominique Voynet applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Revenant de manière unilatérale sur cet accord, l’État demande aujourd’hui au 1 % logement de compenser auprès de l’ANRU les sommes qu’il ne versera plus. Il lui demande également de prendre en charge le financement de l’ANAH et celui du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Je considère, madame la ministre, que cette décision n’est pas un bon signal adressé à tous ceux qui se sont engagés – j’allais dire corps et âme – dans ces projets souvent très lourds financièrement pour les collectivités locales et les bailleurs, qui les portent à bout de bras pour réintégrer dans la République des quartiers partis à la dérive depuis parfois des dizaines d’années.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Cette décision ne constitue pas non plus un bon signal adressé au Parlement qui, au moment où ses pouvoirs vont être renforcés grâce à la dernière révision constitutionnelle, se voit tout simplement dessaisi de la possibilité de voter les crédits destinés à l’ANRU lors du vote de la loi de finances, puisque le programme 202 « Rénovation urbaine » disparaît, n’ayant plus de raison d’être faute de crédits, et puisque les sommes destinées à la réhabilitation du bâti ancien par l’ANAH disparaissent également, ou peu s’en faut, du budget de l’État.

Cela étant dit, nous pourrions peut-être faire contre mauvaise fortune bon cœur…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Après tout, si les signaux politiques ne sont pas bons, le plus important est néanmoins de savoir si, oui ou non, l’ANRU et l’ANAH disposeront, dans les années à venir, des ressources nécessaires pour faire face aux objectifs que nous leur avons fixés.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L’ANRU pourra-t-elle, jusqu’au terme du mandat que nous lui avons confié pour le pilotage du programme national de rénovation urbaine, disposer des moyens financiers lui permettant d’honorer les engagements contenus dans les conventions tripartites signées par l’État, l’ANRU et les collectivités locales dont l’enveloppe totale, je vous le rappelle, atteindra 36 milliards d’euros ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

À cette question, madame la ministre, j’ai le regret de vous dire que je ne suis pas en mesure d’apporter de réponse claire. Je vais tenter de vous expliquer pourquoi.

En effet, je ne sais pas, votre texte ne le disant pas, pour quelle durée la fixation par décret des emplois des ressources du 1 % logement est prévue. Est-ce pour les trois années à venir ? Le projet de loi est muet sur ce point.

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

Mais si ! Trois ans !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L’État envisage-t-il de rebudgétiser dans trois ans ce qu’il a débudgétisé aujourd’hui ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

En d’autres termes, votre décision est-elle purement conjoncturelle ou envisagez-vous, jusqu’en 2020, terme du PNRU, de demander au 1 % logement de se substituer à l’État ?

Cette question est fondamentale, madame la ministre, car, en l’état actuel des choses, sur la base du projet de loi qui nous est présenté, le plan de financement de l’ANRU n’est pas soutenable au-delà de trois ans. Pour s’en convaincre, mes chers collègues, il suffit de rapprocher le plan de trésorerie de l’ANRU, actualisé à la fin de 2007, et les apports du 1 % logement à l’ANRU dans le cadre du PNRU en 2009, 2010 et 2011 et fixés en dessous de 800 millions d’euros.

À ce rythme, madame la ministre, la trésorerie de l’ANRU serait à plat à la fin de 2010, ce qui obligerait l’Agence à allonger des délais de paiement que les élus trouvent déjà trop longs, et, à la fin de 2011, cette trésorerie deviendrait négative. Une clause de rendez-vous dans trois ans est donc impérativement nécessaire, et peut-être même dès la fin de 2010. Or le projet de loi que vous nous présentez n’en dit rien !

Si j’ai l’intime conviction qu’aucun gouvernement ne pourra se permettre de ne pas assurer le financement de l’ANRU, nous ne pouvons cependant pas nous contenter d’un : « On verra dans deux ou trois ans ». Ce serait d’ailleurs assez paradoxal, au moment même où, pour la première fois, on nous présente un budget accompagné d’une programmation portant sur trois ans.

On ne peut donc pas nous opposer une fin de non-recevoir sans nous donner un minimum de visibilité et de garanties. C’est à cette seule condition que la débudgétisation que vous nous proposez et qui n’est qu’un expédient budgétaire inspiré par Bercy – appelons un chat un chat – pourrait être acceptée par le Parlement.

Du côté des partenaires sociaux, les inquiétudes sont également sérieuses. Concernant la gouvernance du 1 % logement, ils reconnaissent que les critiques formulées sur la gestion passée sont fondées et ont accepté le principe d’une nouvelle gouvernance et vous l’avez négociée avec eux. Cependant, s’agissant des moyens et, notamment, de la volonté du Gouvernement de fixer l’ensemble des catégories d’emploi et les enveloppes par catégorie, ils ne se montrent favorables que sous la menace d’une budgétisation de la ressource dont Bercy ne veut pas – paradoxe absolu ! – pour ne pas alourdir les prélèvements obligatoires.

Malgré tout, madame la ministre, puisqu’un accord semble être sur le point de se conclure, …

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

Il est conclu !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

… il me semble maintenant possible d’envisager ce que Bercy refusait jusqu’à présent, c’est-à-dire la signature d’une convention pour trois ans, qui pourrait rassurer, d’un côté, le Parlement sur le financement de l’ANRU et de l’ANAH en instaurant clairement une clause de revoyure, et, de l’autre, les partenaires sociaux.

Nous savons tous qu’au-delà de trois ans le système proposé aujourd'hui ne tient plus la route parce que les apports à l’ANRU devraient chaque année dépasser le milliard d’euros pour soutenir les besoins de paiements. Or, avec moins de 800 millions d’euros, le compte n’y sera pas.

Nous savons aussi que, si l’on redéploie les 900 millions d’euros de prêts qu’accordait le 1 % logement aux particuliers pour des travaux préremboursables en les transformant en subventions à l’ANRU et à l’ANAH, le moment viendra très vite où les 4 milliards d’euros dont dispose annuellement le « 1 % » se réduiront à 1, 5 milliard, c’est-à-dire au strict montant de la collecte puisqu’il n’y aura plus de retour sur prêts.

Le système que vous mettez en place aujourd’hui implosera au-delà de trois ans.

M. Thierry Repentin lèvre les bras au ciel.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Madame la ministre, les chiffres sont têtus.

Afin de rassurer les différents acteurs et la représentation nationale, il faut que vous éclaircissiez ce point fondamental et que vous acceptiez l’un des deux amendements que la commission des finances vous proposera. J’espère que vous entendrez la demande du Parlement.

Nous comprenons tout à fait la situation budgétaire de la France et la nécessité de faire les efforts indispensables pour y remédier. Trente années de déficit budgétaire nous ont conduits là où nous en sommes aujourd’hui, c’est-à-dire sans marge de manœuvre, alors que la crise internationale pèse sur notre budget.

Pour autant, le logement et la rénovation urbaine doivent rester une priorité nationale. Je sais, madame la ministre, que telle est votre conviction et que votre engagement en ce sens est fort. Alors, aidez-nous à trouver les moyens, au cours de ce débat, de rassurer et de conforter l’ensemble des acteurs.

Voilà, madame la ministre, les remarques que je souhaitais formuler à propos de l’article 3 du présent texte. Il me reste peu de temps pour traiter des autres articles dont la commission des finances s’est saisie, mais vous aurez compris que, pour moi, d’un point de vue budgétaire, l’essentiel était là.

Je ne reviendrai pas sur le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés. Il devrait concerner un nombre limité de quartiers, 100 à 150, situés dans 100 communes ou EPCI.

Là aussi, le 1 % logement sera sollicité pour un financement de 2, 5 milliards d’euros, ce qui n’est pas rien. Nous allons également demander aux collectivités locales et au Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, d’amener des fonds.

Vous nous l’avez dit, madame la ministre, ce programme n’est pas un « ANRU II » ; il est bien plus limité en volume. Il faudra cependant veiller à ce que son lancement n’ait pas de répercussions négatives, notamment en matière de financement du programme national de rénovation urbaine, pour lequel je crois vous avoir suffisamment fait part de mes craintes.

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

Il n’en aura pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La commission des finances vous proposera des amendements sur ce point.

Je n’évoquerai ni l’article 8 ni l’article 14.

L’article 15 vise à recentrer les aides fiscales dites « Robien » sur les zones où le marché immobilier est le plus tendu ainsi qu’à supprimer la déduction spécifique aux investissements dans les zones dites de revitalisation rurale.

Ces mesures nous semblent largement justifiées par les excès mis en évidence par les médias dans les zones où, alors que le besoin n’existait pas, des vendeurs de produits de défiscalisation ont malgré tout entraîné des particuliers mal informés dans des opérations vouées à l’échec faute de correspondre aux besoins du marché local.

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

En effet, c’est scandaleux.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Cet article entraînera une diminution des dépenses fiscales. On peut s’en féliciter, même si toute estimation est difficile.

Le coût du dispositif « Robien ZRR » est de 20 millions d’euros en 2009, somme qui n’est certes pas très importante, mais c’est déjà cela.

L’appréciation de l’effet du recentrage géographique des dispositifs Robien et Borloo est plus délicate. Ces dispositifs, dont bénéficiaient 145 000 ménages en 2007, ont un coût fiscal estimé à 350 millions d’euros pour 2009, auxquels s’ajoutent 20 millions d’euros au titre du « Borloo neuf ».

Selon les informations fournies par le ministère du logement, le coût fiscal des 25 000 logements réalisés en zone C est estimé, en valeur actuelle, à 390 millions d’euros par génération, cette dépense fiscale étant en pratique étalée sur neuf à quinze ans.

À l’article 16, il est proposé d’appliquer le taux réduit de TVA à 5, 5 % aux acquisitions de logements collectifs bénéficiant du dispositif du Pass-foncier.

La complexité du montage juridique du Pass-foncier avait conduit le Parlement, en 2007, à réserver les incitations fiscales qui lui étaient liées aux acquisitions de maisons individuelles et à les limiter dans le temps.

Le Gouvernement propose ici un schéma juridique simplifié qui, selon vos estimations, devrait permettre de financer 30 000 logements pour des familles modestes qui pourraient ainsi accéder à la propriété.

La commission des finances s’est évidemment montrée favorable à ce dispositif, qui permettra aux familles les plus modestes d’accéder à la propriété. Elle proposera tout de même un amendement visant à éviter les effets d’aubaine pour les promoteurs mal intentionnés qui pourraient être tentés, au sein d’un même programme, de vendre hors taxes à des prix différents selon que l’acheteur bénéficierait ou non de la TVA à taux réduit.

Certains, chez les professionnels – nous en avons rencontré lors de nos auditions - comme chez les politiques d'ailleurs, auraient souhaité, face à la crise de l’immobilier actuelle, que le taux réduit de TVA puisse être appliqué à d’autres catégories d’acquisition. Le Gouvernement a considéré que le moment n’était pas opportun. La commission des finances n’a pas souhaité proposer d’amendement en ce sens.

Je ne traiterai pas de l’hébergement ni du droit opposable au logement, me réservant de le faire lors de la discussion des articles 23 et 24.

Je dirai simplement que je suis absolument satisfait de la régionalisation de la gestion du DALO en Île-de-France. Elle était demandée par les associations et par le comité de suivi du DALO §et correspondait aux conclusions du rapport établi par la commission des finances avant l’été.

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

Merci de le souligner !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La commission proposera des mesures complémentaires afin d’aller plus loin dans la régionalisation.

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

Le Gouvernement y est favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Pour ce qui est de l’hébergement en Île-de-France, je pense qu’il est grand temps de revoir les choses et de les organiser sur la base du futur Grand Paris et d’arrêter de raisonner département par département, ce qui n’a absolument aucun sens pour un territoire comme celui-là.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, telles sont les remarques que la commission des finances souhaitait formuler au moment où le débat s’ouvre sur ce texte. Je forme des vœux pour qu’il soit fructueux et constructif.

La commission des finances vous appellera, mes chers collègues, à voter ce projet de loi, sous réserve, bien évidemment, de l’adoption des amendements qu’elle vous proposera.

Très bien ! et applaudissements sur certaines travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après avoir consulté les différents groupes politiques et - je tiens à le préciser - avec leur accord, la commission demande, pour la lisibilité de nos travaux, qu’il puisse être procédé à la disjonction de l’examen de certains amendements de suppression ou de rédaction globale d’articles, qui entraînent, en l’état, la mise en discussion commune d’un grand nombre d’amendements.

À ce titre, nous demandons qu’il puisse être procédé à l’examen séparé, sur l’article 1er, des amendements n° 160 et 236 de suppression et de l’amendement n° 512 de rédaction globale.

Sur l’article 3, nous demandons la disjonction de l’examen des amendements n° 173 et 311 de suppression et de l’amendement n° 174 de rédaction globale.

Toujours sur ce même article, nous demandons que puisse être également examiné de manière séparée l’amendement n° 181, qui tend à la suppression des 6° à 16° du I de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

Monsieur le président, avant de répondre aux différents rapporteurs, je tiens tout d’abord à remercier M. Henri Feltz du travail qui a été accompli au sein du Conseil économique et social.

M. Feltz a souligné le manque de précision concernant le financement. Il est vrai que, lorsque, au mois de juin, nous avons saisi le Conseil économique et social, nous ne disposions pas de toutes les données financières nécessaires, mais celles-ci sont maintenant tout à fait précisées dans le cadre des engagements du « 1 % ».

En ce qui concerne les critères de définition des quartiers anciens dégradés, le projet de loi – je le dis très clairement – pourra être amélioré.

M. Feltz a également souligné l’imprécision concernant les rôles spécifiques de l’ANRU et de l’ANAH. Je précise que nous sommes dans une période où il faut faire avancer les choses, envisager d’autres façons de travailler, mettre en synergie tous les savoir-faire, dans ce domaine-là comme dans d’autres.

En ce qui concerne les quartiers anciens dégradés, l’ANAH et l’ANRU uniront leurs capacités, et mettront en cohérence leurs savoir-faire.

S’agissant des moyens, le financement est assuré par la contribution du « 1 % ».

Sur la nécessité d’un partenariat avec les collectivités locales, le projet de loi pourra également être amélioré grâce au travail du rapporteur au fond.

M. Henri Feltz a fait allusion à la « gentrification » de certains quartiers.

Il est bien évident – nous le verrons au cours des débats - que mon objectif n’est pas du tout de favoriser la « boboïsation » de ces quartiers anciens dégradés une fois rénovés, comme cela a pu être constaté dans un certain nombre de villes. Les personnes qui vivent actuellement dans ces quartiers dégradés, dans des logements souvent indignes et parfois moins confortables que d’autres logements qui sont détruits, ont vocation à y revenir après rénovation. Elles jouiront alors d’habitations décentes où il fera bon vivre.

Monsieur Braye, vous avez dénoncé le fait que le Parlement n’ait pas été associé à la réforme du « 1 % ». Je dois vous rappeler, monsieur le rapporteur, que cette négociation a été menée par l’État, dont c’est la responsabilité. Le résultat de cette négociation est traduit dans le projet de loi qui est soumis à votre assemblée, avec l’objectif d’accroître la construction de logements sociaux. Nous aurons l’occasion, au moment de la discussion de l’article concerné, d’y revenir, mais la négociation a bien eu lieu entre l’État et les partenaires sociaux et ce qui en est résulté va être soumis au Parlement.

Nous aurons l’occasion de revenir sur l’article 55 de la loi SRU lors de l’examen de l’article 17. Vous déclarez que les logements locatifs sociaux et les habitations en accession populaire à la propriété ne sont pas destinés aux mêmes ménages ; je vous ferai simplement remarquer que les plafonds de ressources pris en compte sont les mêmes.

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

Pour la mobilisation du foncier, certaines des propositions formulées par la commission des affaires économiques sont très intéressantes et ont été examinées avec soin. Nous verrons dans quelle mesure nous pouvons les retenir.

Madame Bout, je vous remercie des propos que vous avez tenus sur la mobilité dans le parc social et sur la promotion de l’accession sociale à la propriété. Cela montre bien que, sur l’article 17, les avis sont partagés et que la discussion est nécessaire. Chacun doit s’efforcer d’aborder cette problématique avec intelligence, ouverture et responsabilité.

M. le rapporteur acquiesce.

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

Vous m’avez interrogée, madame le rapporteur pour avis, sur la rénovation des quartiers anciens dégradés. Comme je l’ai déjà dit, notre objectif est bien de maintenir les populations dans ces quartiers, ce qui sera possible grâce à la réalisation de 30 000 logements sociaux de droit. Nous allons pouvoir, grâce à l’effort qui a été consenti récemment, tenir cet engagement.

Sur les 10 milliards d’euros nécessaires à ce projet, 2, 5 milliards d’euros proviennent du « 1 % », le reste étant réparti entre les collectivités locales, les opérateurs, les bailleurs sociaux et l’ANRU.

En ce qui concerne l’hébergement d’urgence, madame Bout, vous avez soulevé un problème fondamental. Je crois effectivement qu’il faut une meilleure coordination, en particulier dans la région d’Île-de-France. J’examinerai de façon positive les amendements qui seront proposés sur ce sujet.

M. Philippe Dallier, qui s’est exprimé avec brio, comme à l’accoutumée - les autres intervenants ont fait de même, mais il faut reconnaître que M. Dallier manie les questions financières avec un talent particulier ! - a déploré une débudgétisation et j’ai cru comprendre que certains partageaient sa position.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je rappelle, après M. le rapporteur, que nous sommes dans un contexte de budget contraint et que nous avons tous comme objectif premier – du moins avant la crise survenue il y a trois semaines - de réduire le déficit de l’État.

C’est la raison pour laquelle il a été demandé à l’ensemble des ministères, et non pas au seul ministère du logement, de recourir à une débudgétisation de leurs dépenses. Si le budget du ministère du logement a été mis en exergue, c’est sans doute parce que le logement est une préoccupation particulièrement importante pour nos concitoyens. Toutefois, monsieur le rapporteur, heureusement ou malheureusement, le ministère du logement n’est pas le seul auquel il a été demandé de faire appel aux recettes extrabudgétaires.

Il est bien évident que, en ce qui concerne le ministère du logement, les ressources extrabudgétaires proviennent de la mobilisation du « 1 % » rendue possible grâce à la réorientation des ressources à destination des priorités fixées par le Gouvernement.

Je dois vous dire que les négociations que j’ai pu mener sur le « 1 % » ont été longues puisqu’elles ont commencé en juin et qu’elles ont abouti jeudi dernier. Ces négociations ont été menées de part et d’autre de façon responsable et transparente. Lorsque l’on se trouve dans une conjoncture particulière, chacun doit prendre ses responsabilités. Je crois pouvoir affirmer - et vous le verrez lors de la discussion de l’article concerné – que les deux parties sont parvenues, en toute responsabilité, à un accord « gagnant-gagnant ».

Les moyens de l’ANRU et de l’ANAH sont augmentés et garantis grâce à la contribution du « 1 % ».

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

Mme Christine Boutin, ministre. Quand on examine les crédits de la mission « Ville et logement » stricto sensu, comme vous l’avez fait, monsieur le rapporteur, on constate qu’ils sont en diminution. Mais si l’on prend en compte le résultat des négociations et l’appel à des recettes extrabudgétaires, je vous affirme que les capacités de financement de mon ministère sont augmentées de 200 millions d’euros par rapport à celles dont je disposais cette année.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Au détriment de la politique du logement social !

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

La trésorerie de l’ANRU atteint 150 millions d’euros aujourd’hui et restera positive en 2011.

Monsieur Dallier, vous vous préoccupez, et je respecte votre inquiétude comme votre prudence, de savoir ce qui se passera au bout des trois ans.

Le texte que je vais vous présenter est la base de l’accord qui doit être formalisé, pour trois ans donc, lors du prochain conseil d’administration de l’organisme qui gère le 1 % logement, le 23 octobre prochain. Au terme de cette période, et si cela est nécessaire – c’est le ministre du logement, engageant la parole du Gouvernement, qui vous le dit –, l’État fera ce qu’il convient de faire.

Monsieur Dallier, voilà trois semaines, nous ne pouvions même pas imaginer ce que nous allions décider aujourd’hui. Quand on vit une période comme celle-là, vous proposer un engagement sur trois ans me semble raisonnable et responsable !

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

Monsieur Dallier, je ne suis pas un ministre qui fait des promesses qu’il ne peut pas tenir !

Je vous le confirme, la parole de l’État est engagée en ce domaine, comme elle est engagée pour la garantie qui est aujourd'hui accordée aux banques.

Mais je m’interroge. Comment certains ont-ils pu penser que les quartiers anciens dégradés seraient financés par l’ANRU ? Ce n’est pas cela du tout !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

M. Thierry Repentin. Alors, m’sieur Dallier ?

Sourires

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

Je vous le dis de façon ferme, les crédits de l’ANRU ne serviront en aucune manière à financer le plan national de rénovation des quartiers anciens dégradés. Je vous répète, de façon très claire aussi, que les conventions ANRU seront honorées.

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

Mais, monsieur Repentin, et la parole de l’État ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Et le « un euro pour un euro » ? Qu’en faites-vous ?

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

Mme Christine Boutin, ministre. Je vous ferai remarquer que, lorsque la décision a été prise, la conjoncture n’était pas celle d’aujourd’hui !

Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

Êtes-vous capables de bouger ? Êtes-vous capables de vous moderniser ? Êtes-vous capables de vous adapter ?

Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

Enfin, en ce qui concerne l’amélioration proposée par la commission des finances pour le Pass-foncier, j’y suis favorable, monsieur le rapporteur.

Applaudissements sur certaines travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, dans une société où la cohésion sociale menace en permanence de se fissurer, dans une société où la cellule familiale se rétrécit de plus en plus, dans une société où l’individualisme est devenu, pour beaucoup, un mode de vie, le logement constitue à l’évidence le dernier havre sécurisé dans lequel chacun est censé s’épanouir.

Encore faudrait-il pour cela que le logement soit une évidence pour tous. Hélas, nous le constatons régulièrement, nos concitoyens ne sont pas logés à la même enseigne.

L’accès au logement est devenu discriminatoire et profondément injuste. De nombreux dispositifs favorisent avant tout la spéculation foncière et immobilière, contribuant, in fine, au renchérissement des loyers, en particulier dans le secteur privé.

Quant au secteur du logement social, malgré la mobilisation régulière des pouvoirs publics pour rendre les procédures plus justes et plus transparentes, la situation reste figée. Les foyers à ressources modestes sont contraints d’attendre des années avant de bénéficier d’un logement social décent. La crise du logement dure depuis bien trop longtemps. Elle est malheureusement profonde. Nous connaissons les chiffres ; ils sont inacceptables dans un pays comme le nôtre !

En 2008, ce sont encore plus de trois millions de personnes qui sont mal logées ou qui ne sont pas logées du tout. Si l’on ajoute six millions d’individus en situation de réelle fragilité à court terme et à moyen terme, la France, pays des droits de l’homme, manque à ses devoirs car, oui, le logement est un droit, un droit que beaucoup n’ont pas ou n’ont qu’en partie.

Qu’en est-il du concept de « droit au logement opposable » inscrit dans la loi du 5 mars 2007 ? Le droit au logement est, une fois de plus, resté lettre morte pour toutes les catégories de Français qui n’ont pas les ressources financières suffisantes pour accéder à un logement décent dans un contexte d’envolée des loyers et d’explosion des charges.

Que reste-t-il de la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement ? Plusieurs textes en si peu de temps témoignent d’une certaine incapacité de l’État en la matière.

À l’heure où la crise financière risque de se répercuter sur l’économie réelle, entraînant nombre de nos concitoyens dans la spirale du chômage et de la précarité, cette question va devenir de plus en plus aiguë, madame le ministre.

Allons-nous devoir laisser une nouvelle fois les associations pallier les échecs des politiques nationales successives ? Sans le travail formidable d’Emmaüs, d’ATD Quart Monde, du Secours populaire et de bien d’autres, la situation serait encore plus critique !

Il est temps de cesser l’accumulation de dispositifs inopérants et d’exiger de l’État une obligation de résultat. Le Gouvernement avait affiché un objectif de 500 000 logements par an. Avec un nombre de mise en chantiers en repli de 9, 5 % au cours des dix derniers mois, ce sont seulement 400 000 logements qui ont été livrés sur cette période. De même, alors que le budget pour 2008 avait prévu 142 000 logements, 100 000 seulement ont été programmés.

Au regard de ces difficultés, madame le ministre, vous avez pris l’initiative d’une nouvelle mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion. Au sein du RDSE, nous souscrivons tous aux objectifs affichés dans ce projet de loi et nous nous félicitons de voir réaffirmées quatre grandes priorités.

Construire davantage de logements est en effet une nécessité pour répondre à la crise de l’offre qui engendre un certain nombre de dérives, parmi lesquelles la spéculation immobilière.

Favoriser l’accession populaire à la propriété est urgent, car c’est évidemment un grand progrès social que de permettre aux plus démunis d’être propriétaires et d’avoir ainsi la possibilité de transmettre un héritage.

Ouvrir davantage l’accès au parc de logements HLM est indispensable pour permettre une meilleure rotation des logements et faire entrer tous ceux qui répondent aux critères, en veillant toutefois au maintien du principe de mixité sociale.

Lutter contre l’habitat indigne dans les quartiers anciens dégradés est également une bonne chose, sauf si l’amélioration qualitative des quartiers visés conduisait finalement à chasser les plus démunis ; cela a été dit.

Sur tous ces points, madame le ministre, on peut aisément se retrouver. En revanche, mon appréciation diverge quant aux moyens proposés pour répondre à toutes ces ambitions affichées.

Tout d’abord, les dispositifs retenus seront-ils réalisables dans le contexte d’une baisse des crédits consacrés à la mission « Ville et logement » ? Une diminution de 6, 9 % est prévue en 2009. Le budget de la mission devrait poursuive sa cure d’amaigrissement en 2010 et en 2011.

On attend vos réponses sur les moyens budgétaires, d’autant que le Président de la République a annoncé, le 1er octobre dernier, un certain nombre de mesures qui visent à soutenir la conjoncture actuelle et qui concernent directement le logement. Est-on certain, avec la perspective de moins-values fiscales pour l’État, de pouvoir concrétiser l’extension du Pass-foncier, le relèvement du plafond des ressources ouvrant droit aux prêts d’accession sociale et le rachat à un prix décoté de stocks de 30 000 logements ? Sur ces points, la représentation nationale aimerait obtenir des garanties plus pertinentes et plus justes que l’annonce de l’utilisation du surplus du livret A.

Pour revenir au texte qui nous occupe, plusieurs dispositions ne me semblent pas de nature à résoudre la question cruciale du logement.

S’agissant de l’offre de logements, la remise en cause de l’article 55 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, pose un problème aux radicaux de gauche ; vous vous en seriez doutée !

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

L’intégration dans le décompte des 20 % de logements locatifs sociaux des logements financés à l’aide de prêts destinés à l’accession sociale va amoindrir la mobilisation des communes. Le bilan est déjà très mitigé : 330 communes n’ont pas respecté leurs objectifs.

Alors que le pouvoir d’achat des Français est en baisse, la production de logements à loyers modérés doit rester la ligne directrice d’une politique volontariste en faveur du logement. L’article 55 doit, au contraire, être révisé dans un sens plus contraignant. Pourquoi ne pas conditionner le permis de construire à la réalisation d’un seuil de logements sociaux dans tous les nouveaux programmes ? Pour certaines communes riches, l’amende n’est pas du tout dissuasive. N’ayons pas peur de faire violence à ceux qui s’exonèrent trop facilement de leurs obligations, laissant les autres se démener pour accueillir les plus modestes et gérer les conséquences sociales de la ghettoïsation des quartiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Sur la question de l’accès au logement social, je ne suis pas défavorable aux mesures visant à permettre la rotation des logements.

Je ferai toutefois une remarque concernant, à l’article 20, la nouvelle rédaction de l’article L. 442-4 du code de la construction et de l’habitation relatif à la sous-occupation d’un logement.

Comme je le disais en introduction, l’habitat, quelle que soit sa nature, est un repère, un espace sécurisé, et souvent le dernier pivot familial. Pourquoi les personnes les plus modestes, qui ont justement pour seule richesse ce toit, devraient-elles être privées de la capacité d’en faire le lieu de repli familial de génération en génération ?

Enfin, je terminerai sur le problème du délai d’expulsion, ramené à un an dans l’article 19. Je souscris à l’idée d’envoyer un signe positif envers les propriétaires privés, qui participent grandement à l’offre locative. Certains petits propriétaires, pour qui les loyers constituent une source importante de revenus, se trouvent pénalisés dans leurs efforts d’investissement. Il est essentiel de les aider, en particulier quand ils sont confrontés à un locataire de mauvaise foi. Néanmoins, il revient au juge de fixer les délais d’expulsion ; il est d’ailleurs tenu compte, pour la fixation de ces délais, de divers éléments d’appréciation.

La question du locataire défaillant doit plutôt être traitée par une meilleure mobilisation des acteurs sociaux et des outils de prévention.

Mes chers collègues, le débat sur le logement nous est familier ; il revient en effet régulièrement dans nos assemblées. C’est bien normal, puisque nous discutons de la première des préoccupations de nos concitoyens, ou en tout cas de l’une des premières. J’estime cependant que la sortie de crise n’est pas pour demain. Pas plus qu’hier les mesures proposées aujourd’hui ne régleront les difficultés rencontrées par les Français. Les radicaux de gauche attendaient des efforts en faveur d’une offre locative de qualité abondante. Avec ce texte, nous n’en prenons pas le chemin. Aussi ne voterons-nous pas ce projet de loi.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

M. Thierry Repentin. Madame la ministre, après les réquisitoires des procureurs Dallier et Braye, j’ai eu un instant de faiblesse en montant à la tribune, me demandant si j’allais devoir me faire votre avocat.

Rires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

M. Thierry Repentin. Mais vos réponses aux procureurs m’en dissuadent : non, vraiment, je ne peux pas !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Madame la ministre, nous auriez-vous menti voilà un an, à Lyon, vous qui nous assuriez que vous ne proposeriez pas de loi sur le logement, parce que les dispositifs existants vous permettaient déjà de mener une véritable politique du logement ?

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

Je vous ai expliqué pourquoi ! J’étais un jeune ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

M. Thierry Repentin. Fallait-il une sixième loi sur le logement en un peu plus de cinq ans ?

Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

En tout état de cause, s’il fallait vraiment une loi, ce n’était pas celle-là, madame la ministre !

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

C’est un autre problème !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Tout d’abord, laissez-moi vous exprimer notre plus grand étonnement quant à l’intitulé même de votre texte : « projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion ». Franchement, pour une loi de « mobilisation », elle manque un peu d’ambition !

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

J’attends vos propositions !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Sur le plan budgétaire, pas un seul euro ne sera engagé de votre part. Pis, les crédits de la mission « Ville et logement » diminuent pour 2009, alors que nous sommes, vous l’avez dit vous-même, en pleine crise immobilière !

Vous parlez de mobilisation des acteurs, mais le premier d’entre eux, l’État, que vous incarnez, se démobilise, tout en exigeant plus de ceux qui sont déjà trop régulièrement mis à contribution, à savoir non seulement les organismes HLM et les collectivités territoriales, mais, d’une façon tout à fait exceptionnelle, sur le fond comme sur la forme, nos partenaires sociaux ; j’y reviendrai.

La crédibilité de l’État, ainsi que celle du Gouvernement, est clairement diminuée chaque fois qu’il se retire de sa seule source de légitimité : la garantie des besoins vitaux des citoyens, au premier rang desquels figurent la nourriture et le logement. Malheureusement, madame la ministre, nous avons du mal à saisir où se situe la mobilisation de l’État dans votre projet de loi et dans le budget qui doit permettre sa concrétisation dans les années à venir.

Vous persistez à déclarer que la mission « Ville et logement » pour 2009 n’est pas en régression, et ce alors que les crédits de paiement vont connaître une diminution très sensible, de 6, 9 %, et que la ligne budgétaire consacrée aux aides à la pierre va être grignotée de 30 % par rapport à ce qui avait été adopté pour 2008. Ces arbitrages budgétaires sont inquiétants.

Vous faites feu de tout bois parce que vous ne savez pas comment vous attaquer à la véritable cause du problème : le manque d’investissement dans le parc locatif accessible à tous. Tant que vous continuerez à croire dans les vertus du marché, censé réguler à lui seul le marché immobilier, vous contribuerez à ne le rendre accessible qu’à 30 % des Français, les plus aisés.

On ne peut décemment continuer de présenter la crise du logement comme une résultante de la crise financière mondiale et de la réticence des banquiers à consentir des prêts. La crise immobilière est bien plus ancienne que celle des subprimes, et bien différente aussi.

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

C’est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Certes, la crise financière assèche les liquidités des banques, mais ce n’est certainement pas la seule cause de la situation actuelle : aujourd’hui, les ménages ne peuvent plus prétendre acquérir un logement dont le prix est 140 % plus cher que cinq ans auparavant.

De même, vous n’aiderez pas les ménages en reprenant des propositions comme celles du Conseil d’analyse économique sur le logement des classes moyennes, lequel préconisait – voilà seulement une semaine, je crois rêver ! – le développement du crédit hypothécaire en France ! Or celui-ci s’apparente aux subprimes dont nous subissons aujourd’hui les conséquences !

Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

Je n’ai jamais fait une telle proposition !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Deux points méritent néanmoins un éclairage positif.

Tout d’abord, votre projet de loi comporte plusieurs articles renforçant l’efficacité des PLH, les programmes locaux de l’habitat, et leur compatibilité avec les PLU, les plans locaux d’urbanisme. Nous vous proposerons d’ailleurs le renforcement des outils d’urbanisme et de maîtrise foncière permettant une planification plus efficace et effective.

Ensuite, il semblerait que vous preniez enfin conscience des effets dramatiques du renforcement, depuis 2002, de la défiscalisation de l’investissement privé, connu sous le nom de dispositif Robien, qui a fait grimper en flèche les prix du foncier et les loyers. Nous avons d’ailleurs eu plusieurs fois l’occasion d’en discuter dans cet hémicycle et de les dénoncer. Chaque fois, vous avez ignoré nos arguments. Tout cela pour que, aujourd’hui, vous nous proposiez un timide « recentrage » du dispositif Robien sur les zones les plus « tendues » ! Nous espérons aller plus loin.

Après l’évocation de ces deux orientations positives, je souhaiterais m’attarder sur l’article 3 du projet de loi.

Pour pallier le désengagement de l’État, vous sonnez le glas du 1 % logement et lui administrez vous-même l’extrême-onction. Vous vous apprêtez en effet à ponctionner un dispositif dont la vocation va bien au-delà du seul concours au logement des salariés des entreprises qui cotisent.

En fait, la démarche est simple : le budget de l’État alloué au logement se casse la figure, mais vous tenez à maintenir vos effets d’annonce.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Conclusion ? Vous ponctionnez le produit des efforts de nos partenaires. Ce n’est pas une première, je vous l’accorde.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

J’ai en effet le souvenir, comme d’autres, que le gouvernement précédent avait prévu la « tonte » des crédits immobiliers dans la loi portant engagement national pour le logement, pour permettre alors à l’État d’honorer sa dette à l’égard du monde HLM.

En prélevant 850 millions d’euros chaque année pendant trois ans, vous contraignez les gestionnaires du « 1 % » à supprimer certaines de leurs prestations, qui sont appréciées dans nos territoires mais qu’ils ne seront plus en mesure d’assumer.

Encore plus grave, vous menacez tout simplement la pérennité du 1 % logement.

En affectant, pour une part, cette somme à l’ANAH, ce projet de loi détourne la fonction de la collecte du « 1 % ». Il s’agit en effet d’un investissement en faveur du conventionnement social à court terme, puisque l’habitat privé subventionné par l’ANAH est appelé tôt ou tard à rattraper les prix du marché.

En affectant, pour une autre part, cette somme à l’ANRU, vous rompez aussi, je le redis, avec l’engagement initial de l’État qui consistait à apporter un euro pour chaque euro investi par les partenaires du 1 % dans le cadre de la politique de la Ville. Et ce ne sont pas les événements survenus ces trois dernières semaines qui expliquent une telle ponction, puisque celle-ci a été décidée au début de l’été, alors que nous n’avions pas encore à gérer les effets secondaires de la crise internationale sur le marché national.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Ce texte, malheureusement, témoigne également de votre vision stigmatisante du monde HLM et de ses locataires, dont le droit au maintien dans les lieux est remis en cause. Oui, madame la ministre, ce projet de loi a pour toile de fond la stigmatisation du monde HLM, premier logeur de France, avec 4 millions de logements abritant plus de 10 millions de nos concitoyens.

Mme la ministre fait des signes de dénégation.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Une campagne médiatique orchestrée, peut-être pas par vous-même, madame la ministre, mais par des personnes de votre entourage, a permis à certains de dénoncer cet été le « bas de laine » dérisoire du monde HLM, vous vous en souvenez certainement. Entre nous, c’était oublier un peu vite que le premier créancier de ces organismes n’est autre que l’État !

Ce projet de loi va discréditer les organismes bailleurs et fragiliser la population qui y loge. Ce n’est pas acceptable. Vous ne pouvez pas vous contenter de montrer du doigt les « mauvais élèves », organismes comme locataires, pour dissimuler l’absence d’effort budgétaire, qui relève de l’unique responsabilité du Gouvernement.

S’agissant des organismes, la disposition visant à prélever la trésorerie de ceux qui n’ont pas, selon vous, une activité suffisante, qu’elle possède ou non un volet rétroactif, non seulement ignore les efforts engagés ces deux dernières années, mais sanctionne, au lieu de l’encourager, l’investissement.

Pour ce qui concerne les locataires, l’atteinte au droit au maintien dans les lieux en cas de ressources supérieures à deux fois les plafonds est superfétatoire et dangereuse.

Elle est superfétatoire à double titre : exclure, comme vous le souhaitez, les éventuels 7 000 à 9 000 ménages concernés du parc locatif social n’est pas une réponse à la hauteur du problème des 1, 2 million de personnes sur liste d’attente, et encore moins au problème des 3 millions de mal logés recensés aujourd’hui en France.

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

Je suis d’accord ! Mais c’est déjà ça !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

De plus, vous proposez cette mesure alors même que le paiement d’un surloyer sera obligatoire, à la suite de la parution d’un décret, à partir du 1er janvier prochain, pour tous les ménages qui dépassent de 20 % le plafonnement de ressources prévu par la loi.

Cette mesure est dangereuse, car elle risque de renforcer certains dans l’idée que le logement social serait destiné uniquement aux plus pauvres, conception dont on paie tristement le prix en termes de ghettoïsation et d’ignorance des vertus de la mixité sociale, et ce alors que, pour déjà trop de Français et de décideurs, on apparente injustement le logement social au « cas social ». C’est un terrible contresens : la lutte contre l’exclusion n’implique pas de réserver spécifiquement des types et des zones de logement aux plus fragiles d’entre nous.

Et, surtout, cette disposition introduit une brèche, qui, une fois ouverte, ne pourra que se creuser davantage, dans le principe du droit au maintien dans les lieux, évolution qui pourrait rapidement concerner des catégories plus modestes.

En ce qui concerne les logements sous-occupés, qui sont la cible de différents articles du texte, je ne saurais vous faire part du nombre de particuliers et d’associations de locataires qui nous ont saisis de leur désarroi depuis qu’ils ont pris connaissance de votre texte en juillet dernier. Ils font écho aux associations auditionnées. Tous nous disent que la conception du ménage type sur laquelle se fonde votre proposition n’est absolument pas adaptée à la réalité quotidienne des foyers.

Madame la ministre, un logement n’est pas seulement une affaire de chiffres ; c’est aussi une histoire familiale, la construction de l’équilibre de chacun, et la projection d’une vie et, souvent, d’une petite retraite dans la tranquillité. Vous devriez être sensible à cette dimension.

Il y a une différence entre « pouvoir » et « devoir » changer de logement. Puisque vous prenez régulièrement pour exemple ceux qui souhaitent déménager pour un logement plus petit, pourquoi ne pas avoir introduit cette nuance législative dans votre texte ? Vous pourriez ainsi laisser une certaine latitude aux organismes pour procéder de gré à gré.

À l’opposé de la stigmatisation injuste de ceux que vous dénoncez comme les « fraudeurs » et les « profiteurs » du parc locatif, …

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

Je n’ai jamais dit cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

… deux points devraient susciter votre inquiétude.

Tout d’abord, votre texte ne garantit pas que les habitants des futurs quartiers de centre-ville ne seront pas « exclus » de chez eux une fois leur logement rénové. Ensuite, aucune mesure n’est proposée pour lutter sévèrement contre les véritables profiteurs de la précarité et de l’exclusion des plus fragiles, à savoir les marchands de sommeil.

Mme Gisèle Printz applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

J’en viens à votre tentative de mise à mal de l’article 55 de la loi SRU.

Madame la ministre, pourquoi proposez-vous de sabrer le principe de solidarité territoriale en tentant une nouvelle fois de supprimer l’objectif de l’article 55 de la loi SRU ?

Je m’en souviens, en décembre 2000, vous étiez au nombre des parlementaires qui avaient saisi le Conseil constitutionnel pour qu’il censure cet article 55. Aujourd’hui, vous êtes ministre du logement et de la ville, et responsable à ce titre de la solidarité nationale. Il faut vous projeter dans cette fonction différente, en oubliant vos combats passés.

Vous savez pertinemment que la catégorie des ménages qui peuvent prétendre à l’accession à la propriété, même « aidée », ne correspond pas à celle de la majorité des locataires du parc locatif social, qui ne peuvent pas envisager l’acquisition d’un logement. Certes, il est indispensable d’aider encore plus l’accession à la propriété et d’accompagner les parcours résidentiels pour ceux qui le souhaitent, mais cela ne doit pas empêcher le développement du parc locatif, qui fait l’objet de l’article 55 de la loi SRU.

Là aussi, une fois la brèche ouverte, il sera impossible de maintenir l’objectif de développement du parc locatif social dans les communes peu volontaires, pour accueillir une population socialement diversifiée. Le résultat, c’est que cette mesure ne fera qu’entamer une fois de plus les moyens de mettre en œuvre une véritable mixité dans nos quartiers.

Dois-je vous rappeler, madame la ministre, les termes qu’a employés l’abbé Pierre, intervenant à l’Assemblée nationale, le 24 janvier 2006, pour contrer « l’amendement Ollier », …

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Ne faites pas de cinéma ! Laissez-le reposer en paix ! Ce n’est pas digne !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

… lequel amendement, monsieur le rapporteur, ne devait finalement pas survivre à son examen par le Sénat, d’ailleurs grâce à certaines voix de l’UMP ?

Ce jour-là, l’abbé Pierre, dans sa dernière déclaration, avait évoqué l’« honneur de la France ». Précisément, n’allez pas le remettre en cause, madame la ministre, en tentant une fois de plus de saper ce pilier du patrimoine législatif républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Et vous, vous n’êtes pas l’honneur du Parlement !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

C’est pour eux un outil du quotidien, un outil qui permet à la solidarité de s’exercer sur leurs territoires.

Madame la ministre, puisque vous voulez, avec nous, avancer sur ces sujets, acceptez l’amendement que nous proposerons et dont l’objet est de créer un droit de préemption au profit du préfet pour les communes qui font l’objet d’un constat de carence au regard de l’article 55 de la loi SRU. C’est de cette manière que vous ferez vraiment avancer les choses !

Pour conclure, ce projet de loi sera perçu comme un simple « pansement », malheureusement bien inadapté à l’ampleur de la crise. Nous ne pourrons pas continuer de grignoter, de détricoter la politique publique du logement en proposant des ressources provisoires sous prétexte que le déficit public ne peut supporter d’être alourdi.

Des solutions de court terme ne sauraient permettre de faire face à l’ampleur de la crise actuelle. Nous pouvons proposer mieux qu’une épée de bois pour nous battre contre une telle crise, mieux que de l’hébergement provisoire en guise de véritable « chez-soi », mieux que des bungalows pour répondre à la situation des sans-logis.

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

Vous préférez qu’ils soient dehors ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Madame la ministre, un projet de loi de « mobilisation » pour le logement digne de ce nom, loin de stigmatiser les organismes HLM ou les locataires du parc social, devrait plutôt prévoir un investissement suffisant en faveur du logement, qui manque cruellement aujourd’hui dans l’ensemble de nos territoires. Si vous persistez dans votre voie – mais le pire n’est jamais sûr ! –, en ignorant le fait territorial, en diminuant les moyens du secteur HLM, en vous emparant du 1 % logement et des fonds propres des organismes, vous ne parviendrez qu’à deux résultats : tout d’abord, décourager les politiques volontaristes en faveur du logement abordable sur des territoires solidaires ; ensuite, soutenir le niveau trop élevé des prix de l’immobilier dont la première victime est le pouvoir d’achat des ménages, ces mêmes ménages qui consacrent déjà au logement un quart de leurs ressources au minimum.

Vous appelez à une mobilisation des acteurs du logement. J’ai le sentiment, madame la ministre, que vous allez être entendue au sein du Sénat.

Les acteurs du logement social et les parlementaires, notamment ceux de la gauche de cet hémicycle, mais pas exclusivement, seront au rendez-vous de la mobilisation. Nous serons en effet présents pour donner des réponses à la crise à laquelle nous sommes confrontés, crise que votre loi « molle » ignore à cet instant du débat.

Comme le nouveau président du Sénat le disait tout à l’heure, « faire de la politique, c’est respecter l’opposition ». Selon moi, c’est également admettre que l’on n’a pas toujours raison du seul fait que l’on est majoritaire et que, dans la gestion des territoires, les expériences des uns comme celles des autres doivent être prises en compte avec la même ouverture d’esprit.

Si vous saisissez l’occasion de ce premier texte de la nouvelle session ordinaire pour mettre en pratique la réhabilitation souhaitée du travail effectué dans cet hémicycle, nous pouvons alors avoir l’espoir que nos amendements s’inscriront in fine dans la loi que le Parlement adoptera.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

M. Thierry Repentin. Ce serait alors une double réhabilitation, celle du Parlement, et celle de la politique du logement, qui ne peut se satisfaire du petit texte au squelette chétif aujourd’hui soumis au Sénat.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le nombre de lois examinées depuis une dizaine d’années montre, si besoin était, d’une part combien les questions de logements sont cruciales, d’autre part combien elles peinent à être résolues. La pénurie d’offres, la crise du foncier, l’inadéquation entre le type de logements disponible et le public prioritaire, l’absence de financement, l’augmentation des prix sont autant de facteurs qui ont un impact direct sur la crise que traverse la France depuis plusieurs années.

Par les lois successives qu’ils ont présentées, vos prédécesseurs, madame la ministre, ont tenté d’améliorer la situation, tantôt en considérant le problème dans son ensemble, tantôt en l’envisageant sous un angle précis : programme de construction de grande ampleur, modification de règles d’urbanisme, renforcement des outils de planification, libéralisation du foncier, mobilisation du parc privé, notamment.

Si les mesures ont été nombreuses, nous savons que le problème n’est toujours pas réglé, malheureusement.

Des efforts importants ont été accomplis, des améliorations sont à noter, mais la situation est telle que nous sommes une nouvelle fois amenés à discuter d’un texte dont l’objectif annoncé est de mobiliser l’ensemble des acteurs pour le logement et de lutter contre l’exclusion.

La situation est d’autant plus préoccupante que le contexte actuel est loin d’être favorable, marqué par la crise financière et le repli de 9, 5 % des mises en chantier, qui passent sous la barre symbolique des 400 000 logements pour un objectif de 500 000, dont 100 000 logements sociaux, au lieu des 120 000 prévus dans le budget 2008.

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

Ce n’est pas ma faute ! L’argent est disponible !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

À ce point de la discussion, il me semble important d’insister sur la nécessité pour la politique du logement dans son ensemble, y compris les nouvelles normes adoptées en la matière, d’être toujours guidée par une logique d’équilibre. Car la question du logement est, me semble-t-il, de nature structurelle. La réussite en la matière, madame la ministre, passe par le respect de grands équilibres tels que l’équilibre entre l’offre et la demande, l’équilibre entre les différents types de logements sociaux, l’équilibre entre le locatif et l’accession à la propriété, l’équilibre entre les opérateurs publics et privés, l’équilibre entre les financements et, enfin, la recherche de l’équilibre social dans les quartiers.

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

Exactement !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Certes, madame la ministre, je ne nie pas tous les efforts entrepris, mais je crains que notre politique du logement ne soit appréhendée de façon trop parcellaire, alors que nous savons qu’elle doit être menée de manière globale pour atteindre ses objectifs.

Le groupe de l’Union centriste souscrit à l’ensemble des objectifs et des mesures ici proposés : construire plus de logements, favoriser l’accession sociale à la propriété, permettre l’accès du parc HLM à davantage de personnes et lutter contre l’habitat indigne. Pour autant, madame la ministre, nous n’approuvons pas dans leur totalité les dispositions que vous nous proposez.

Je souhaite m’arrêter plus spécialement sur trois points : l’article 17 de votre projet de loi, qui modifie l’article 55 de la loi SRU, le 1 % logement et la rotation dans tous les logements HLM.

J’évoquerai premièrement l’article 17, qui a déjà fait l’objet de nombreux commentaires, en particulier de mon collègue Dominique Braye, dont je dois saluer une fois de plus la qualité du travail.

Je parlais tout à l’heure de l’importance de trouver des équilibres. Or la mixité sociale correspond bien à ce souci d’avoir une répartition équilibrée du logement social sur l’ensemble du territoire et, ainsi, de répondre à une demande grandissante.

La modification de l’article 55, non seulement compromet l’efficacité de la loi SRU, mais rompt aussi avec son esprit. En effet, l’objectif de la loi du 13 décembre 2000 consiste, d’une part, à inciter les communes à produire davantage de logements locatifs sociaux et, d’autre part, à encourager leur répartition équilibrée sur tout le territoire.

La situation actuelle exige que l’on atteigne l’objectif de 20 % de logements locatifs sociaux, et j’insiste sur l’adjectif « locatifs ». Nous ne sommes pas opposés aux actions en faveur de l’accession à la propriété, mais il ne faut pas mélanger les genres, ni les objectifs. Ce n’est pas en dénaturant la loi du 13 décembre 2000 que l’on parviendra à atteindre cet objectif d’équilibre.

L’accession sociale à la propriété ne doit pas se substituer à la construction de logements locatifs sociaux tant que des centaines de milliers de demandes resteront en attente.

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

C’est certain !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Tout est question d’équilibre, madame la ministre. Vous comprendrez donc qu’en ce qui concerne cet article, nous suivrons l’avis de M. le rapporteur.

S’agissant deuxièmement du 1 % logement, vous proposez de modifier en profondeur son organisation, son fonctionnement et sa gouvernance, tout en recentrant les missions de chacun des acteurs et en renforçant la présence de l’État. Je sais que la Cour des comptes vient de rendre un rapport qui met en lumière des améliorations dans la gestion du « 1 % », mais est-ce une raison pour dénaturer sa mission et son principe de fonctionnement ?

Je rappelle que le « 1 % » est d’origine patronale, qu’il est géré de façon paritaire entre partenaires sociaux et qu’il constitue, en dépit de son caractère obligatoire pour les entreprises de plus de vingt salariés, une contribution volontaire des entreprises à la politique du logement, en faveur des salariés. Au-delà des actions menées en faveur de l’accès au logement des salariés, le « 1 % » participe, par voie contractuelle, à l’effort de solidarité nationale pour le logement, en subventionnant, par exemple, la rénovation des quartiers en difficulté. Depuis 1997, l’engagement d’une nouvelle politique conventionnelle entre l’État et les partenaires sociaux a permis de moderniser et d’élargir son champ d’intervention. Ainsi, le « 1 % » accompagne les salariés tout au long de leur parcours résidentiel : 4 milliards d’euros sont ainsi engagés dans la politique du logement par le « 1 % », compte tenu des retours sur emprunts.

Or, nous le voyons bien, les mesures proposées visent à « casser » cet équilibre. Mais il y a pire et je m’interroge, madame la ministre, sur la réelle intention du Gouvernement. N’y a-t-il pas, en effet, une volonté de « récupérer » une partie des ressources du « 1 % » pour faire face au désengagement budgétaire de l’État ?

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

Je vais vous répondre sur ce point, monsieur le sénateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Si tel est le cas, l’État ne créerait pas une ressource supplémentaire mais, au contraire, amputerait l’enveloppe totale consacrée aux politiques du logement d’une ressource non négligeable, en l’occurrence 1, 5 milliard issu du « 1 % ». Il y aurait là, madame la ministre, je me permets d’insister, un détournement d’objet : ces fonds sont en effet réservés aux salariés modestes, très souvent exclus de toutes les aides sociales. Il y aurait quelque chose de choquant et d’inéquitable à priver l’ensemble des salariés de cet outil efficace.

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

Absolument ! C’est pourquoi nous avons conclu un accord avec les partenaires sociaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Cette solution de financement ne peut être que provisoire pour l’État, car il y a, à terme, un vrai risque que certaines interventions du « 1 % logement » disparaissent, comme les prêts Pass-travaux ou les prêts classiques à l’accession, qui sont, eux, financés par les retours d’emprunts.

Il faut, par ailleurs, que les partenaires sociaux ne soient pas totalement déconnectés du processus de décision, notamment dans la détermination des catégories d’emploi des ressources issues de la participation des employeurs.

Nous allons à cet égard défendre un certain nombre d’amendements qui tentent de diminuer l’effet de ces mesures. Il y va pour nous de la pérennité du « 1 % logement », qui se trouve aujourd’hui menacé par les décisions de l’État.

Enfin, troisièmement, je souhaitais intervenir sur les dispositions qui encouragent la sortie de certaines catégories de ménages du parc locatif social.

Il s’agit de deux dispositions de l’article 20 du projet de loi : celle qui facilite la libération d’un logement sous-occupé et celle qui supprime le droit au maintien des occupants du parc HLM lorsque leurs ressources sont au moins deux fois supérieures aux plafonds d’attribution des logements locatifs sociaux.

Notre groupe n’est pas du tout hostile à l’idée de fluidifier davantage les parcours HLM. Cela me paraît effectivement nécessaire. Il existe toutefois de vrais risques, madame la ministre, et vous le savez bien.

Tout d’abord, si nous appliquons demain ces règles dans tous les quartiers, quels que soient leurs caractéristiques et l’état du marché locatif local, nous risquons de ne jamais en finir avec les quartiers ghettos. On sait pertinemment que la mixité dans ces quartiers se fait par le haut, et on irait ainsi à l’encontre de la politique qu’entend mener l’ANRU à l’égard des zones urbaines sensibles.

Ensuite, on risque réellement de voir les organismes HLM se paupériser. On a su faire hier des quartiers ghettos ; évitons demain de faire des entreprises HLM ghettos en leur demandant d’aller secourir les quartiers en zones urbaines sensibles qui sont eux-mêmes des ghettos !

Pour ces raisons, nous proposerons un certain nombre d’amendements visant à exclure du dispositif les locataires situés dans les zones urbaines sensibles.

Madame la ministre, permettez-moi également d’évoquer un sujet qui me tient à cœur. Il s’agit des contraintes liées aux fouilles archéologiques. Certes, ce sujet ne concerne pas directement l’objet du texte que vous présentez aujourd’hui, mais la question des fouilles archéologiques constitue, dans de nombreux cas, un obstacle à la construction de logements sociaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

C’est d’autant plus regrettable lorsque ce sont des projets volontaristes en faveur du logement social qui se retrouvent bloqués.

Je peux d’ailleurs en témoigner très personnellement. En tant que président d’une communauté de communes, je mène en effet une politique active de logements locatifs et j’ai actuellement un programme de dix-huit logements qui est ainsi suspendu : les fouilles préventives ont en effet conclu à la nécessité de procéder à des fouilles approfondies, mais il n’y a ni archéologue ni financement public permettant de les engager !

Je pourrai prendre également l’exemple de l’OPAC d’Amiens, qui connaît exactement la même difficulté avec cent logements dont il ne peut engager la construction.

En effet, dès lors qu’on prend un arrêté de fouilles, soit on attribue les moyens nécessaires à son exécution, soit on l’annule passé un certain délai !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Nous donnerons un avis favorable à votre amendement, mon cher collègue !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Je voudrais, pour conclure, insister sur la nécessité d’avoir des objectifs clairement territorialisés en utilisant au mieux les outils de planification qui peuvent parfaitement répondre à ce besoin. En ce sens, les critères des conventions d’utilité sociale doivent être adaptés aux spécificités des parcs HLM des organismes, tout en prenant en compte les besoins affinés des territoires, qui doivent participer à l’élaboration de ces conventions.

Des efforts considérables restent à accomplir, madame la ministre, notamment en ce qui concerne la production de logements très sociaux. La diminution du budget est, à cet égard, un facteur inquiétant, et ce d’autant plus que le contexte économique est peu favorable au secteur. Je regrette sincèrement que l’État ne fasse pas plus dans ce domaine.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la France connaît actuellement une crise financière grave et profonde, et l’on sent également les prémices d’une crise immobilière de grande ampleur, ces deux crises étant causées par les abus hautement condamnables du capitalisme financier, défendu par les gouvernements de droite.

Face à ce marasme économique et financier, le gouvernement français et le Président de la République cherchent à défendre prioritairement les intérêts des banques, des assurances, des gros investisseurs, des grandes entreprises du bâtiment, des bailleurs privés et des promoteurs immobiliers.

Les dirigeants politiques témoignent de leur incapacité à faire face aux dysfonctionnements d’un système qu’ils ont encouragé. Ainsi, les déclarations se multiplient, souvent vagues, comme l’achat de 30 000 logements issus de programmes arrêtés sur lesquels, d’ailleurs, nous aimerions bien avoir des précisions. Mais, plus grave encore, tout est fait pour conforter la crise du logement en maintenant les loyers et les valeurs immobilières foncières à leurs niveaux actuels, alors qu’ils n’ont jamais été aussi élevés et qu’ils rendent l’accès au logement impossible pour une grande part de la population.

Loin d’anticiper et d’apporter des réponses socialement équitables au mal-logement et au non-logement en France, le projet de loi, dont l’intitulé veut laisser croire en une mobilisation de l’État, marque en réalité un désengagement historique de l’État et met en place des réformes régressives.

La parole d’hier est désormais bien lointaine !

Pourtant, en 2007, le Parlement français inscrivait dans la loi le droit à un logement opposable. Le Premier ministre montrait même tout l’intérêt qu’il portait à la question en confiant à Étienne Pinte une mission parlementaire sur l’hébergement d’urgence…

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

Sur ma proposition !

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

…et l’accès au logement des personnes sans abri et mal logées.

Les propositions contenues dans le rapport remis à l’issue de cette mission sont aujourd’hui ignorées. Le gouvernement de M. Fillon soutient une politique qui va à l’encontre de l’esprit même de ce rapport !

Puisque le Gouvernement reste sourd aux appels de détresse des populations, des associations et des élus, je rappellerai encore une fois les chiffres de la misère, qui attestent l’urgence de la situation : 7 millions de travailleurs pauvres, 3, 5 millions de mal-logés, 1, 5 million de foyers en attente de logements sociaux, 100 000 personnes sans abri, 900 000 personnes sans domicile personnel, 600 000 logements indignes.

Madame la ministre, vous connaissez ces chiffres, que le rapport Pinte mentionne, comme il insiste sur « l’indispensable maintien de l’effort de l’État ». Mais imaginez-vous un seul instant la précarité et la souffrance qu’ils signifient pour tous ceux qui sont en attente d’un toit, toutes ces vies brisées, d’hommes, de femmes et d’enfants ?

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

Bien sûr, que je l’imagine !

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Mme Odette Terrade. Avoir un toit est réellement la clé de tous les autres droits.

Mme la ministre approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Vous n’en avez certainement pas idée, sans quoi, face à cette crise historique du logement que connaît notre pays, vous n’accepteriez pas une diminution sans précédent du budget du logement dont vous êtes responsable.

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

Arrêtez !

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Celui-ci baisse de 7 %, alors même que l’intervention de l’État ne représentait déjà que 1, 11 % du produit intérieur brut en 2007, au moment même où un effort à hauteur au moins de 2 % du PIB serait nécessaire pour répondre à la demande.

Les aides à la pierre inscrites au budget de l’État ont également baissé de 30 % entre 2000 et 2007, tandis que les aides aux plus démunis ont stagné.

Dans le même temps, les prélèvements fiscaux et parafiscaux sur le secteur du logement progressent très rapidement. Depuis 2002, on le sait, l’État prélève plus sur le logement qu’il ne redistribue. Le député Jean-Yves Le Bouillonnec, dans un rapport remis à l’Assemblée nationale en mars 2008, indiquait que, « grâce au logement et à la hausse des prix, l’État a perçu 7, 6 milliards d’euros de plus entre fin 2001 et fin 2005, qu’il n’a ni réinvestis ni redistribués aux ménages. Avec cette somme, il aurait pourtant pu financer 380 000 logements sociaux supplémentaires ou augmenter de 20 % les aides au logement sur toute la période. »

Votre politique du logement et ce projet de loi s’inscrivent dans ce désengagement chronique de l’État !

Comment pouvez-vous défendre, par exemple, madame la ministre, un budget qui voit disparaître les crédits de la prime à l’amélioration des logements à usage locatif sociaux et nous faire croire que tout va être mis en œuvre pour la rénovation et la réhabilitation d’un parc social qui en a malheureusement souvent besoin ?

Ce désengagement financier de l’État, qui rompt avec l’une de ses principales missions sociales, montre à quel point le droit au logement opposable reste du domaine déclaratif.

L’opposabilité se mesure à la hauteur des obligations ; tel est son sens. Or ce projet de loi exonère l’État de ses obligations et assouplit les contraintes en termes de construction de logement social, au sens de l’article 55 de la loi SRU.

Avant d’aborder plus en détail les dispositions de ce projet de loi, je voudrais isoler deux articles qui mettent en lumière l’idéologie dont il est sous-tendu.

L’article 17, qui revient sur la règle des 20 % de logements sociaux en incluant dans le décompte les logements Pass-foncier et les prêts sociaux de location-accession, les PSLA, dénature profondément la loi SRU, dont l’effet est pourtant décisif sur le niveau actuel de construction des logements.

Dans son dernier rapport, le comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable fait de la conciliation du droit au logement et de la mixité sociale un des enjeux des politiques en matière de logement. À ce titre, il note très justement que, l’État étant exposé à une condamnation pour l’absence de mise en œuvre du DALO, il « ne doit pas tolérer que certaines collectivités ne respectent pas leurs propres obligations ».

Alors que les auteurs du rapport recommandent la fermeté de l’État à l’égard des communes défaillantes, au risque, dans le cas contraire, que sa faiblesse démobilise les autres communes, vous décidez, madame la ministre, d’assouplir les règles ! Or près de la moitié des communes concernées n’ont pas respecté les obligations fixées par la loi SRU !

Cette volonté de ne rien faire qui pourrait gêner les communes dans l’illégalité, cette attitude laxiste et antirépublicaine des pouvoirs publics au regard de l’effectivité d’un droit inscrit dans la loi, est confirmée par la disparition initialement prévue du droit de préemption urbain.

Cette déresponsabilisation de l’État s’accompagne paradoxalement d’un renforcement de l’autoritarisme étatique.

Outre les manœuvres sémantiques, reflet des annonces mensongères du Gouvernement, je voudrais aborder plus particulièrement l’article 3 du projet de loi.

Cette disposition, qui mobilise les acteurs en démobilisant l’État, emporte des conséquences financières très graves pour le logement.

En effet, l’article 3 confirme, sans ambiguïté aucune, le désengagement financier de l’État. Il met ainsi en coupe réglée les fonds du 1 % logement en permettant leur ponction au gré de la seule politique menée par l’État. La ponction annoncée cet été d’une partie des ressources du « 1 % » d’au moins un milliard d’euros, soit un quart de ses ressources annuelles, est intolérable, même si l’on nous déclare maintenant qu’elle sera en réalité quelque peu inférieure.

Dans ce contexte, il ne faut pas s’étonner que ce projet de loi, sous couvert d’assainir la gouvernance du 1 % logement, renforce le contrôle de l’État, notamment sur l’utilisation des ressources, afin de substituer en toute tranquillité les fonds du « 1 % » aux fonds publics ! Ce texte risque ainsi de mettre en péril un système qui fonctionne. Rappelons que, au moment où le budget de l’État diminue, les dépenses en faveur des salariés sont passées, entre 2001 et 2007, de 600 millions d’euros, accordés sous forme de prêts, à 1, 8 milliard d’euros.

En matière d’autoritarisme étatique, le projet de loi ne s’arrête pas là. Ainsi, le chapitre Ier dénature profondément l’intervention des organismes bailleurs sociaux. Le conventionnement global, préconisé en 2007 et aujourd’hui rendu obligatoire avec la convention d’utilité sociale, crée des lieux d’habitation en fonction des revenus des ménages et des prestations servies. C’est un logement à plusieurs vitesses que l’on instaure, ce qui va à l’encontre de la mixité sociale.

Le projet de loi essaie de banaliser le logement social et de « marchandiser » le parc social sans se soucier du bien-être des populations concernées. En témoigne la vente forcée des logements sociaux, qui ne manquera pas de poser des problèmes : copropriétés dégradées, incapacité de rembourser les emprunts, faillite personnelle.

Quant à l’article 2, qui prévoit que les organismes dotés de ressources financières importantes seront taxés pour alimenter la Caisse de garantie du logement locatif social, on voit ici que l’État saisit l’occasion de se désengager discrètement du financement de la construction de logements neufs en renvoyant dos à dos les organismes riches et les organismes pauvres.

En ce qui concerne le développement de l’offre nouvelle de logements, le projet de loi encourage les formes de partenariats public-privé.

Je voudrais maintenant faire quelques remarques plus particulièrement sur l’article 15.

Cet article présente un certain intérêt, puisqu’il revient en partie sur des dispositifs incitatifs à l’investissement immobilier en fait contreproductifs.

Rappelons que, du fait de ces exonérations fiscales, l’État consacre dans son budget en moyenne 33 000 euros à chaque logement dit « Robien », ce qui coûte chaque année environ 400 millions d’euros. À titre de comparaison, il consacre tout au plus 20 000 euros à la construction d’un logement social.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Votre projet de loi prend acte de l’échec des programmes « Robien » sans contrepartie sociale. Cependant, il ne faudrait pas que l’État paie deux fois en rachetant aujourd’hui ces logements. Malgré cet échec patent, vous persistez et recentrez le dispositif en laissant croire qu’il aura ainsi des conséquences différentes. C’est une aberration, et ce ne sera pas sans conséquences sur les finances de l’État comme sur celles du contribuable.

Dans son chapitre IV, relatif à la mobilité dans le parc de logements, le projet de loi tente également d’opposer les locataires entre eux et de culpabiliser une frange, au demeurant infime, de la population des HLM.

Ainsi, tout est fait pour rendre plus contraignantes les obligations des locataires, par le durcissement des conditions de maintien dans les lieux et une augmentation importante du surloyer en cas de dépassement du plafond de ressources. Ces mesures n’apportent en rien une réponse à la question du déficit de logements sociaux. Nous nous opposons fermement à cette remise en cause de la mixité sociale du parc HLM, qui transforme les cités en zones de relégation des familles les plus modestes et oblige les classes moyennes à aller habiter ailleurs, quittes à s’endetter lourdement.

En cas de « sous-peuplement », les locataires pourraient être contraints d’accepter des logements qui ne leur conviennent pas à des loyers encore plus élevés. Ceux qui, aujourd’hui, parvenaient encore à assumer un loyer risquent de se retrouver eux aussi en grande difficulté.

Alors que le rapport Pinte, mais également le comité de suivi du DALO et de nombreuses associations qui défendent le droit au logement, pointe la nécessité de mettre en œuvre une politique de prévention des expulsions, les auteurs du projet de loi ne trouvent rien de mieux que de raccourcir les délais d’expulsion en ignorant totalement et volontairement la question du relogement des personnes placées dans de telles situations de détresse.

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

C’est vous qui le dites !

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Le peu de temps dont je dispose dans la discussion générale m’a conduite à n’aborder que certains volets du projet de loi. Ses autres dispositions, sur lesquelles nous reviendrons plus en détail, sont tout aussi néfastes pour le devenir du droit au logement.

Si l’on veut que l’intérêt général soit au cœur des préoccupations en matière de logement, il faut que l’État soit à nouveau en situation de jouer pleinement son rôle, sans discrimination ni recherche de pure opportunité. Or ce projet de loi entend régler les défaillances de l’État en matière d’offre de logement social en réduisant artificiellement le nombre de personnes pouvant prétendre y accéder, sans jamais proposer de solutions aux personnes exclues du parc social.

Madame la ministre, votre projet de loi montre à quel point l’État a renoncé à sa mission sociale et abandonne nos concitoyens mal logés, sans logement ou logés dans des conditions insupportables.

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

Oh ! Devoir entendre cela…

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Mme Odette Terrade. Pis encore, ce projet de loi va aggraver la situation de bon nombre d’entre eux. Vous comprendrez dès lors pourquoi les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen s’opposeront fermement à ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, compte tenu de l’importance du sujet, mais conscient de la situation actuelle, je vais m’efforcer d’introduire une note plus positive dans ce débat.

Depuis maintenant cinq ans, la politique du logement constitue une priorité nationale ; cinq lois successives en témoignent. Le rythme de l’évolution de notre législation dans ce domaine pourrait nous conduire à aborder le texte qui nous est proposé aujourd’hui avec une certaine réserve et à nous interroger, comme d’autres, sur la nécessité de légiférer de nouveau sur le logement.

C’était aussi votre interrogation, madame la ministre, il y a moins d’un an.

En réalité, quel constat peut-on dresser aujourd’hui ? Il est simple : malgré un effort historique de construction de 435 000 logements en 2007, chiffre jamais atteint depuis vingt-cinq ans et qui traduit une augmentation de 40 % depuis 2000, de nombreux blocages persistent qui empêchent d’atteindre les objectifs du plan de cohésion sociale.

Aussi, dans un contexte de crise du marché de l’immobilier, il est indispensable d’offrir de nouveaux outils opérationnels pour répondre au besoin vital de logement dans notre pays.

Ce projet de loi s’avère donc bien indispensable et arrive à point nommé.

Il répond en effet à plusieurs priorités actuelles : construire plus de logements, notamment des logements sociaux, en mobilisant tous les acteurs ; favoriser l’accession sociale à la propriété, à laquelle chacun doit pouvoir prétendre ; faciliter l’accès au parc de logements HLM ; lutter efficacement contre l’habitat indigne, encore bien trop présent dans notre pays, notamment dans beaucoup de quartiers anciens.

Pour ne pas être trop long, je me contenterai d’aborder quatre points précis et ferai deux remarques complémentaires.

En premier lieu, le recours à la vente en l’état futur d’achèvement en faveur des bailleurs sociaux sera extrêmement utile dans la situation de crise que connaît actuellement l’immobilier.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Cette disposition devrait permettre de débloquer de nombreuses opérations et de placer rapidement sur le marché de nouveaux logements sociaux, notamment dans les secteurs les plus tendus.

Cependant, compte tenu de ce nouveau contexte, il faudra veiller, dans les cas où le recours à la mise en concurrence ne serait pas imposé, à s’assurer d’une offre qualitative dont les coûts seront maîtrisés, car les collectivités, qui participent de plus en plus au financement des programmes de logements sociaux, n’auront pas la possibilité de constituer les variables d’ajustement au regard des coûts plafonds imputables aux sociétés HLM.

Par ailleurs, ces opérations entrant dans le cadre des politiques publiques locales du logement, l’avis du maire paraît justifié pour assurer une parfaite cohérence avec les programmes en cours sur la commune.

J’ajoute que ce dispositif est particulièrement intéressant, car il encouragera les partenariats public-privé au service du logement social et, surtout, il sera générateur de plus de mixité sociale, notamment dans les quartiers résidentiels.

En deuxième lieu, je veux évoquer le renforcement de la portée opérationnelle des programmes locaux de l’habitat.

Cette planification, plus encadrée et étendue à de nouvelles communes, sera sans aucun doute plus efficace. Pour cette raison, elle va dans le bon sens.

En effet, doter chaque commune d’un programme d’action détaillé aura l’avantage de permettre de planifier, sur l’ensemble du territoire intercommunal, la politique de l’habitat. On pourra alors tenir compte dans chaque commune de la présence des transports, des équipements et des services, par exemple, pour fixer des objectifs réalistes en matière d’habitat. Par conséquent, cette mesure contribuera à une meilleure intégration de la politique du logement dans l’urbanisme de la ville comme dans l’urbanisme intercommunal.

De la même façon, le renforcement du rôle du préfet dans l’élaboration du programme local de l’habitat apportera la garantie que seront pris en compte les besoins réels de la population en matière de logement, gage d’une plus grande mixité sociale.

Il serait d’ailleurs parfaitement légitime que les objectifs de mixité sociale, notamment en matière de logements locatifs sociaux et de logements en accession sociale à la propriété, soient clairement identifiés dans le programme local de l’habitat. Cela constituerait un moyen efficace de concilier les impératifs réglementaires en matière de logement social sur chaque commune avec une vision territoriale élargie, et sans doute mieux adaptée à la réalité des territoires.

J’en viens à l’article 17 du projet de loi, qui élargit à l’accession sociale à la propriété les logements pris en compte dans le décompte des 20 % de logements sociaux prévus par l’article 55 de la loi SRU.

Le Sénat a déjà longuement débattu de ce sujet. Nous avons toujours considéré que l’article 55 ne saurait être modifié tant que toutes les communes concernées ne le respecteraient pas.

Il est vrai que, dans certains cas, on peut considérer que le public accédant social à la propriété est le même que celui qui est éligible au logement social.

Il est non moins vrai qu’il faut encourager fortement l’accession sociale à la propriété, et ce texte va y contribuer, sous votre impulsion, madame la ministre.

Pour autant, il faut bien reconnaître que la situation de ces familles au regard de l’emploi est différente. La priorité reste donc bien, à mon sens, d’offrir un logement aux personnes qui ne peuvent envisager de se fixer dans l’immédiat sur un territoire et qui peinent à trouver un logement locatif adapté à leur besoin.

C’est pourquoi je considère, comme M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, qu’il est prématuré de modifier le champ de l’article 55 de la loi SRU.

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

Prématuré ? C’est donc un problème de maturité !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Lorsqu’il y aura suffisamment de logements sociaux, on pourra le modifier !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

C’est une position constante que j’ai déjà défendue en qualité de rapporteur de la loi portant engagement national pour le logement, puis lors de l’extension de l’application de l’article 55 dans la loi instituant un droit opposable au logement, dite loi DALO.

Il convient de donner de nouvelles prérogatives aux préfets, notamment le droit de préemption, afin que cet article puisse être pleinement appliqué.

J’en viens au programme national de requalification des quartiers anciens dégradés.

Cette initiative, particulièrement intéressante et ambitieuse, est à la hauteur de la situation particulièrement difficile que l’on rencontre dans de nombreux quartiers anciens.

En effet, au fil du temps, les centres-villes ont connu des mutations sociales et économiques profondes qui aboutissent à un état souvent très dégradé de l’habitat et encore trop souvent des espaces publics qui y sont associés.

Les causes sont multiples, notamment la délocalisation progressive du commerce de proximité et des services, mais aussi l’attrait des familles pour les secteurs périurbains.

C’est bien la cohésion sociale de ces quartiers qui est en jeu aujourd’hui.

Ce programme permettra, à partir d’un diagnostic social et urbain, d’engager un projet global de requalification des quartiers dans un double objectif de mixité sociale et de développement durable.

Il s’appuiera sur les dispositifs existants au titre des opérations programmées d’amélioration de l’habitat menées par l’Agence nationale de l’habitat, qui ont fait la preuve de leur efficacité dans notre pays, en secteur urbain comme en milieu rural.

Dans ce cadre nouveau, il faudra veiller à la prise en compte de la diversité des territoires dans les critères de sélection des programmes, car les enjeux, les situations, donc les réponses à apporter, varient beaucoup d’un territoire à l’autre.

De la même façon, la mobilisation de tous les acteurs locaux constitue un gage de réussite de cette reconquête dans les quartiers anciens. Dans ce sens, la possibilité offerte par le projet de loi de créer des fonds locaux de l’habitat est déterminante.

Elle est déterminante parce que les financements d’État constitueront des leviers indispensables à l’engagement, par voie contractuelle, des différentes collectivités locales et des partenaires potentiels.

Elle est déterminante aussi parce que le conventionnement de chaque programme favorisera l’adaptation des règles à la diversité du terrain.

Elle est déterminante enfin parce qu’elle ouvre des perspectives de gestion des programmes au plan local, par le biais de délégations au porteur de projet communal ou intercommunal qui en aura la compétence.

Je considère, une fois encore comme M. le rapporteur, que l’ouverture des fonds locaux de l’habitat aux OPAH sur tout le territoire est un facteur de réussite de la requalification des quartiers anciens.

Je terminerai mon propos par deux observations.

La première concerne l’amélioration de la constructibilité en tissu urbain constitué.

Certes, la possibilité de dépassement du coefficient d’occupation des sols ou la dérogation aux règles de hauteur des constructions peuvent contribuer efficacement à la lutte contre l’étalement urbain et faciliter l’agrandissement ou l’aménagement de nouveaux logements.

Toutefois, cette mesure ne peut résulter d’une disposition d’ordre général, car la qualité architecturale et paysagère d’une ville comme sa forme urbaine relèvent de règles d’urbanisme spécifiques, adaptées à chaque contexte. C’est pourquoi, et je suis une nouvelle fois en accord avec la commission des affaires économiques, il serait préférable de laisser à chaque conseil municipal le pouvoir de déterminer lui-même les périmètres éventuels sur lesquels seraient autorisées ces dérogations.

Mme la ministre acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Ma seconde observation concerne le recentrage des dispositifs d’aide à l’investissement locatif.

Si leur resserrement sur les zones « tendues » est parfaitement justifié, il n’en est pas de même pour les zones de revitalisation rurale, dans lesquelles le soutien aux investissements locatifs doit être absolument poursuivi. Il n’existe en effet pas de tension foncière sur ces territoires et leur attractivité est conditionnée par une offre locative réelle, indispensable pour accueillir de nouvelles populations. Or les investisseurs ne s’y bousculent pas.

Le maintien de la déduction fiscale instituée par la loi relative au développement des territoires ruraux représente donc un levier certain pour développer l’offre locative, notamment en milieu ancien.

Madame la ministre, mes chers collègues, dans le contexte actuel, il y a urgence. Le présent projet de loi contribuera à répondre à la crise du logement. C’est un texte pragmatique et opérationnel qui offrira des outils nouveaux et concrets pour accélérer les mises en chantier. N’est-ce pas d’abord ce qu’attendent toutes les familles qui cherchent un logement ?

C’est donc bien volontiers que, sous le bénéfice de ces observations, je soutiendrai ce projet de loi, aux côtés des membres du groupe UMP.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur certaines travées de l ’ Union centriste.

Debut de section - Permalien
Christine Boutin, ministre

Je vous en remercie, monsieur Jarlier.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt-et-une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.