Intervention de Jean-Baptiste Lemoyne

Réunion du 19 mai 2020 à 14h30
Français établis hors de france — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jean-Baptiste LemoyneJean-Baptiste Lemoyne :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, la France est véritablement, me semble-t-il, un « pays monde », et ce à un double titre : par ses territoires, qui s’étendent sur l’ensemble des continents, du Pacifique à la Caraïbe en passant par l’océan Indien, et par ces plus de 3 millions de Français établis à l’étranger. « Il n’est de richesses que d’hommes », écrivait à juste titre Jean Bodin.

La crise que nous connaissons a, je le crois, montré l’existence d’un lien permanent, direct et fluide entre le Gouvernement, les parlementaires, l’Assemblée des Français de l’étranger et nos compatriotes établis à l’étranger.

Au mois d’octobre, lors de la dernière session de l’AFE, je m’étais engagé à renforcer les prérogatives des élus des Français de l’étranger et à leur donner plus de visibilité. Parole a été tenue au travers de la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, qui comportait par anticipation un certain nombre de mesures figurant dans la proposition de loi du président Retailleau.

Je pense à la nouvelle dénomination de ces élus de terrain que sont les conseillers consulaires, qui deviendront, à l’issue du prochain renouvellement, des « conseillers des Français de l’étranger ». Cela me paraît de nature à dissiper d’éventuelles ambiguïtés ou confusions avec les agents des consulats ou les consuls honoraires.

J’ai également souhaité que la présidence des conseils consulaires revienne dorénavant aux élus, et non plus aux chefs de poste. Cela peut sembler une évidence, mais tous ceux qui suivent les questions relatives aux Français de l’étranger savent que la partie était loin d’être gagnée d’avance. Il a fallu qu’une volonté politique claire s’exprime. J’ai tenu bon, et je me réjouis de l’équilibre auquel nous sommes parvenus, en créant ce binôme constitué du chef de poste, qui aura un rôle de rapporteur général et sera chargé de la préparation d’un certain nombre de dossiers et de l’enregistrement des décisions, et de l’élu qui présidera le conseil consulaire.

Enfin, le droit à la formation des conseillers des Français de l’étranger se voit affirmé ; il est normal que ces derniers bénéficient, en la matière, des mêmes possibilités que les élus locaux. Ce droit pourra s’exercer en présentiel, lors des sessions de l’Assemblée des Français de l’étranger, ou bien à distance, puisque nous venons tous de découvrir les vertus – et parfois les travers – du virtuel.

Il me semble important que le lien entre les conseillers des Français de l’étranger, les parlementaires, qui ne sont plus membres de l’AFE, et le Gouvernement soit plus direct et plus fluide. Les travaux de l’Assemblée des Français de l’étranger doivent pouvoir être relayés auprès de l’ensemble des membres du Gouvernement. En effet, les problématiques relatives aux Français de l’étranger concernent bien évidemment le Quai d’Orsay, mais également les ministères de la santé, de l’action et des comptes publics, etc. En outre, les commissions permanentes des assemblées parlementaires doivent pouvoir s’emparer pleinement des travaux de l’AFE, afin que ceux-ci trouvent un prolongement ou une suite et ne restent pas à l’état de résolutions ou de pétitions de principe.

C’est dans cet esprit que j’ai installé la commission permanente des Français de l’étranger, qui nous réunit chaque trimestre. Sa dernière session n’a malheureusement pas pu se tenir, mais il s’agit d’un outil très précieux pour améliorer les mesures à destination des Français établis hors de France.

Au-delà, un travail de fond a naturellement été mené pour essayer d’apporter un certain nombre d’améliorations concrètes.

Il a ainsi été clairement indiqué que les postes consulaires pourraient continuer à délivrer les certificats de vie en l’absence de solution locale de proximité. Cela étant, la délivrance de ces certificats par des autorités locales peut être source d’un gain de temps précieux. Lors de mon déplacement en Suisse voilà quelques mois, certains de nos compatriotes établis dans ce pays m’ont indiqué préférer largement s’adresser à l’équivalent de la mairie plutôt que de faire des kilomètres pour se rendre au consulat. Je pense donc que nous avons trouvé un bon équilibre sur ce sujet.

Par ailleurs, un précieux outil de dématérialisation et de mutualisation a été mis en place au mois de novembre 2019. Les retraités peuvent désormais télécharger le certificat de vie et le délai pour l’adresser à la caisse de retraite a été porté à trois mois. Nous avons en outre saisi le GIP Union Retraite, depuis le début de la crise sanitaire, pour mettre en place un certain nombre de mesures. Il est ainsi possible de retourner le justificatif complété et signé jusqu’au 1er juillet 2020 sans que le versement de la pension de retraite soit interrompu. J’ai en effet été témoin de situations particulièrement anxiogènes, où les caisses de retraite opposaient un mur administratif à des retraités, ce qui n’était clairement pas acceptable.

Concernant le notariat, les temps de crise ont la vertu d’inciter à recourir à des pratiques que l’on n’osait pas expérimenter auparavant. Nous avons besoin d’un retour d’expérience sur certains dispositifs, comme la visioconférence, pour pouvoir, le cas échéant, les pérenniser et assurer ainsi non pas moins de services, mais un meilleur service. Les agents consulaires, pour formés qu’ils soient à ces matières, ne disposent pas forcément du même bagage que les professionnels du droit, notamment les notaires. Au terme du travail qui a été mené avec le Conseil supérieur du notariat, les nombreuses possibilités de passer des conventions avec les ordres nationaux locaux ont permis d’apporter des réponses et, surtout, une sécurité juridique pour un certain nombre d’actes.

Les Français établis hors de France sont bien évidemment eux aussi confrontés à l’épisode épidémique que nous connaissons. Nous avons pu, avec Jean-Yves Le Drian et les sénateurs représentant les Français de l’étranger, leur apporter des réponses fortes, notamment au travers du plan global de 220 millions d’euros, qui comporte trois volets.

Tout d’abord, en ce qui concerne le volet relatif à la santé, trois avions de différentes jauges sont disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, pour évacuer à tout moment des Français qui seraient frappés par la maladie et en difficulté. Nous avons déjà procédé à sept opérations d’évacuation sanitaire depuis le début de la crise. Ces mesures représentent au total 20 millions d’euros. En outre, comme vous le savez, les postes consulaires ont également mis en place des plans sanitaires locaux.

Ensuite, s’agissant du volet social, la précarisation d’un certain nombre de Français établis hors de France qui ont perdu leur emploi ou se trouvent dans des situations compliquées nous a amenés à mobiliser 50 millions d’euros supplémentaires. Cela permet, je le crois, de faire face à ce stade aux conséquences de la crise économique qui suit la crise épidémique.

Le troisième sujet, qui n’est pas le moindre, concerne l’école.

Nous avons prévu un plan en trois parties pour préserver et sauvegarder ce réseau d’écoles et de lycées français unique au monde, dans lequel sont scolarisés les enfants de Français établis hors de France, mais qui est également un outil d’influence, puisque de nombreux jeunes ressortissants des pays d’accueil fréquentent ces établissements.

La réponse que nous donnons prévoit l’attribution de 150 millions d’euros : 50 millions d’euros au titre de bourses scolaires exceptionnelles, afin de permettre aux enfants des familles françaises en difficulté de poursuivre leur scolarité, et 100 millions d’euros de trésorerie destinés à l’AEFE.

Nous avons demandé très clairement à l’Agence de proposer à chaque catégorie d’établissements, qu’ils soient partenaires ou conventionnés, des dispositifs leur permettant consentir des gestes de soutien aux familles étrangères. Nous avons en effet besoin de préserver ce réseau dans la perspective de la prochaine rentrée scolaire.

Toutes ces mesures trouveront à s’appliquer très prochainement, et l’AEFE travaille à leur mise en œuvre ; nous nous en sommes entretenus voilà une dizaine de jours avec les parlementaires représentant les Français établis hors de France. Les 220 millions d’euros prévus au total permettront de faire face avec détermination à toutes les difficultés susceptibles de se poser.

Le débat qui s’ouvre nous permettra d’aborder tous ces sujets et sera l’occasion pour le Gouvernement de préciser sa position. Je sais que, au-delà des points de divergence relatifs à la lettre du texte, qui portent sur des nuances et seront exposés au cours de la discussion, nous sommes tous unis s’agissant de son esprit, à savoir améliorer sans cesse le service rendu à nos compatriotes. À cette fin, il importe d’avoir des élus de terrain.

Je conclurai mon propos sur la question électorale, qui a été évoquée par le président Retailleau. Il est très clair que les élections consulaires doivent se tenir dans le monde entier, et il ne saurait être procédé au vote uniquement par internet. La possibilité d’un vote à l’urne doit être offerte.

Nous avons pris connaissance il y a quelques instants de l’avis du conseil scientifique, qui a dit très clairement qu’il paraissait opportun de reporter ces élections. Elles ont déjà été reportées une première fois. On pourrait tout à fait imaginer de les reporter de nouveau, pour qu’elles puissent se tenir dans les meilleures conditions possible.

Il reste à trouver le meilleur calendrier, et nous devons ouvrir un dialogue avec les différentes forces politiques. On peut envisager la prolongation d’un an des mandats ou un report des élections en décembre. Tout dépend également des conditions sanitaires. Et il n’est pas certain que nous disposions aujourd’hui de la réponse portant sur le moment idoine.

La non-tenue des élections au mois de juin prochain pourrait avoir un impact sur le calendrier sénatorial des Français établis hors de France, six sénateurs étant renouvelables. Là encore, nous devons dialoguer. Si les élections consulaires étaient reportées, il faudrait prévoir un report portant sur la partie du corps électoral concerné ; cela nécessite de prendre une mesure organique et de tenir un débat, qui aura lieu en temps utile.

Telles sont les précisions que je puis vous apporter à cet instant. Ce propos est aussi un appel aux différentes forces politiques, pour débattre de ce sujet et trouver la meilleure solution. Il est bien entendu que ce qui nous anime, les uns et les autres, c’est non pas l’esprit partisan, mais la volonté de permettre à nos compatriotes de s’exprimer au travers du scrutin.

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