Intervention de Nicolas Dufourcq

Commission des affaires économiques — Réunion du 5 mai 2020 : 1ère réunion
Audition de M. Nicolas duFourcq directeur général de bpifrance en téléconférence

Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance :

Monsieur Gremillet, nous avions deux fonds : un fonds transition énergétique et un fonds nucléaire. Le premier, sur fonds propres de Bpifrance pour l'essentiel, se déploie très bien. Il porte des dizaines de participations, essentiellement des petits développeurs de la transition énergétique dans les territoires. Le fonds nucléaire, créé il y a des années, n'a jamais vraiment trouvé sa place. Il était financé par Areva et EDF, avec une gouvernance compliquée. Nous l'avons donc interrompu. Il n'a presque pas fait d'investissements.

Les fonds résistance ou résilience sont effectivement essentiels. Je ne doute pas que des entreprises qui n'ont pas obtenu de PGE sollicitent ces fonds résistance. C'est une excellente initiative de la région Grand-Est qui a ensuite été dupliquée dans plusieurs régions.

Madame Noël, vous évoquiez le cas de dossiers rejetés dans le cadre de l'appel à projets la direction de l'innovation de Bpifrance autour de la diversification des entreprises de la filière automobile. J'en prends bonne note et vais me renseigner. Sur ce point, je signale que nous intervenons en tant qu'opérateur du programme d'investissement d'avenir : nous instruisons les demandes, mais les décisions sont prises par un jury dans lequel il n'y a pas que des collaborateurs de Bpifrance. C'est donc un sujet partagé entre nous et les équipes du programme d'investissement d'avenir.

Madame Cukierman, je suis conscient des nombreux trous dans la raquette. Le fonds Rebond de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui est le plus important de tous les fonds mis en place par les régions, est évidemment bienvenu. Vous avez dit quelque chose de fondamental, et qui sera malheureusement le problème auquel nous allons être confrontés désormais. Le problème n'est plus la fermeture administrative de l'économie mais plutôt que certaines TPE et PME vont se retrouver à court de commandes. Nous y sommes très attentifs, et les outils qui sont à notre disposition sont à peu près toujours les mêmes : le crédit, les fonds propres, et l'accompagnement. Je reviens sur ce dernier point que nous n'avons pas cité jusque-là : Bpifrance est devenue une structure de conseils importante - 52 écoles et 400 consultants travaillent pour nous. Il faudra faire feu de tout bois avec les filières, notamment automobile - nous les voyons demain - et aéronautique.

Nous ne sommes pas invités à discuter de la relance d'une politique de grands travaux avec l'État. Je ne sais pas d'ailleurs s'il existe une cellule qui y travaille au sein de l'État. En revanche, nous travaillons sur le PIA 4, qui sera absolument fondamental en sortie de Covid. Nous travaillons aussi sur un plan de relance. Sur ce point, pour nous, la vraie actualité du moment, c'est le plan tourisme.

Madame Artigalas, BpiFrance propose un plan tourisme d'1,5 milliards d'euros, avec la Banque des territoires, soit 3 milliards d'euros au total. C'est une sorte de banque publique du tourisme, avec deux moitiés : l'une en charge des entrepreneurs - c'est Bpifrance, l'autre qui traite des foncières, des infrastructures et des murs - c'est la Banque des territoires. Nous travaillons tous les jours ensemble. Ce plan est sur la table du ministre et des professionnels. Les décisions seront prises au comité interministériel du tourisme du 14 mai. Ces 3 milliards s'ajoutent aux 3,5 milliards d'euros du PGE d'aujourd'hui, qui deviendront peut-être 5 milliards avec le temps. Ce plan sera ambitieux. Il s'articulera d'abord autour de prêts : le prêt tourisme, qui est notre prêt le plus long, à dix ans, avec deux ans de différé de remboursement, qui s'avère très utile pour les professions hôtelières - il sera mobilisé à hauteur de 500 millions d'euros, peut-être plus ; un prêt pour les entreprises du secteur événementiel - dit prêt dit « industries créatives », de l'ordre de 100 millions. S'y ajouteront environ 400 petits tickets en fonds propres investis directement - nous ferons donc beaucoup d'obligations convertibles distribuées par nos 52 agences régionales, au plus proche du terrain et dans un esprit de vélocité. Nous avons invité les conseils régionaux à investir dans le fonds d'obligations convertibles de Bpifrance.

Madame Loisier, le prêt industrie du futur « French Fab » a été arrêté, faute de dotations budgétaires. C'est dommage car il avait trouvé sa place et prouvé son efficacité en termes de déclenchement des investissements en numérisation des entreprises. Plus on numérise une entreprise, plus on la décarbone ! Nous essayons de convaincre l'État de doter Bpifrance pour que nous puissions relancer ces prêts « French Fab ».

Pour ce qui est des petites entreprises, nous lancerons, à la veille de l'été, les prêts « numérique » dits « France numérique », chantier historiquement lancé par M. Mahjoubi et aujourd'hui repris par Agnès Pannier-Runacher. Ils sont financés par une dotation européenne en provenance de la Banque européenne d'investissements et du Fonds européen d'investissements. Ce dispositif permet de faire de nombreux petits prêts « numérique » aux TPE et PME, distribués par les banques françaises et Bpifrance. Ce dispositif important arrive à point nommé. Il a mis du temps à être peaufiné en raison de nombreuses interrogations juridiques, notamment sur l'articulation de la garantie européenne et de la garantie nationale. Ce prêt FranceNum peut désormais être déployé.

Faut-il réactiver l'IR-PME pour mobiliser l'épargne privée vers les start-ups numériques ? Pour être franc, je n'en suis pas totalement convaincu ! Il existe aujourd'hui, dans les fonds de capital-risque français, de la « poudre sèche » - c'est-à-dire du capital prêt à être déployé - à hauteur de 13 milliards d'euros : il y a donc beaucoup d'argent dans les fonds aujourd'hui ! Il n'est pas nécessaire de monter des dispositifs fiscaux compliqués pour en rajouter. Les dispositifs fiscaux ont l'intérêt de donner l'impression aux citoyens qu'ils contribuent directement à un investissement. Mais en termes de volumétrie, cela n'est pas une nécessité du moment. J'en profite pour vous dire que Bpifrance avait prévu en avril une opération très importante qui a dû être reportée, et qui répond à votre préoccupation. Elle consiste à proposer aux Français d'investir dans le portefeuille de Bpifrance au travers d'un fonds que nous avons créé et que nous commercialiserons au détail auprès des Français, avec un ticket minimum de 5 000 euros. Ce fonds contiendra 3 000 PME et start-ups françaises. Pour 5 000 euros, un investisseur met donc 1,5 euro par entreprise, ce qui est peu risqué. Nous pensons lever 200 millions d'euros, que nous réinjecterons dans les PME. Cette opération a dû être reportée à une date encore indéterminée - peut-être l'automne ou le printemps 2021. Elle répond à votre souci de permettre aux Français d'investir dans des start-ups, et ce au travers d'un tiers de confiance très avisé. Nous le faisons sans avantage fiscal ! Un tel avantage était justifié par le fait qu'on demandait à des personnes physiques d'investir dans une ou deux entreprises, ce qui est très risqué. Quand on investit d'un coup dans 3 000 entreprises, cela n'est plus vraiment risqué, il n'y a donc plus besoin de carotte fiscale. Nous avons privilégié cette voie à celle de la réactivation de l'IR-PME.

Le FDES va évidemment intervenir pour des entreprises en difficulté au sens européen du terme, car il est conçu pour cela. Il sera particulièrement lié à la Médiation du crédit, aux Codefis et aux administrateurs judiciaires dans les départements.

Monsieur Daunis, oui, Bpifrance finance 90 à 95 fonds de capital-risque, donc ce faisant, de facto, nous imposons une charte de comportement. Nous sommes très attentifs à la manière dont nos clients de second rang - les start-ups - sont traités par les fonds de capital-risque que nous finançons. Il est certain qu'il y a eu des baisses de valorisation pour les levées en cours. Elles sont légitimes pour un grand nombre de cas puisque le monde a changé depuis le 15 mars. Ce n'est pas un comportement de prédation. S'il y a des comportements de prédation, n'hésitez pas à m'écrire.

Monsieur Moga, s'agissant des concours du programme 192, nous souhaitons qu'il soit intégré au PIA 4 et sanctuarisé dans la durée. Il nous a semblé, collectivement, avec les services du Premier ministre, que c'est la meilleure façon de sanctuariser ces concours. Ces travaux avancent.

Monsieur Labbé, il est certain que l'entrepreneur concerné aura du mal à revenir vers son banquier en demandant 100 000 euros de prêts après l'intervention de la médiation. Cela dit, tout est possible : la sortie de crise va s'écrire semaine par semaine, il n'est donc pas exclu que l'entreprise parvienne à convaincre son banquier. Si ce n'est pas le cas, elle pourra aller chercher un prêt Rebond de la région Bretagne. Elle pourra aussi tenter d'aller voir son Codéfi pour obtenir une avance remboursable du FDES, mais celui-ci est conçu pour les entreprises qui ont les besoins les plus critiques et n'ont pas pu recourir au PGE.

Madame Lamure, oui, on entend peu les start-ups. C'est plutôt une bonne nouvelle, et c'est parce qu'elles sont très bien traitées ! Elles ont reçu beaucoup de PGE innovation distribué par les banques et reçoivent beaucoup de PGE innovation distribué par Bpifrance. Nous avons créé un fonds French Tech Bridges permettant de sauver les levées de fonds importantes qui étaient en train d'échouer en mars et en avril, et sans lesquelles les entreprises concernées risquaient de mourir. Tous les autres instruments de Bpifrance fonctionnement pleinement : les instruments subventionnés du PIA, les avances remboursables du programme 192, le plan French Tech Seed... Enfin, il faut savoir que les start-ups avaient constitué des volants de liquidités importants : en moyenne, sur le portefeuille de Bpifrance, elles avaient douze mois de trésorerie d'avance. Tous nos efforts depuis des années se traduisent donc par une forte liquidité du monde de l'innovation français. Il n'est donc pas surprenant que les start-ups soient peu vocales car elles sont bien traitées.

S'agissant du programme « TPE-PME gagnantes à tous les coûts », nous avons signé un partenariat avec l'Ademe, et nous déploierons ce programme dans les 55 accélérateurs de Bpifrance à partir de septembre.

Madame Estrosi Sassone, dans les prochains mois, nous serons le grand banquier de la relance mais en mettant l'accent sur quelques secteurs : le plan tourisme, le plan automobile, le plan aéronautique, le plan climat, et le plan 1000 tickets - consistant en une injection méthodique et systématique de fonds propres et de quasi-fonds propres dans les PME françaises. Ces activités s'ajouteront à nos activités habituelles.

Enfin, dans le plan tourisme, il y a les initiatives de fonds propres. Bpifrance va créer trois fonds : le fonds France investissement tourisme, qui investira en capital, atteindra 300 millions d'euros ; un fonds en obligations convertibles avec environ 90 tickets entre 400 000 et 1 million d'euros par ticket ; et un fonds de petites obligations convertibles de 150 000 à 250 000 euros par ticket - c'est celui que j'évoquais tout à l'heure, pour lequel nous accueillerons très volontiers la participation des conseils régionaux afin de pouvoir faire des centaines de petits tickets d'obligations convertibles dans les territoires. L'ensemble de ces fonds devrait représenter 500 millions d'euros. La Caisse des dépôts devrait mettre de l'ordre de 700 millions d'euros. Ce qui représente une sorte de grand fonds de capital-investissement dans le tourisme supérieur au milliard d'euros. Des petites équipes spécialisées agiront concomitamment, il n'y aura pas une seule structure.

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