Mes chers collègues, Monsieur le directeur général, Bpifrance est plus que jamais en première ligne pour soutenir les entreprises dans la crise que nous traversons. La banque fait partie des organismes publics qui se sont mobilisés dès les premiers jours du confinement afin de soulager, entre autres, la trésorerie des entreprises, et de tenter dans la mesure du possible de freiner la baisse des investissements particulièrement préjudiciable à notre économie ainsi qu'à la reprise de l'activité.
Bpifrance agit selon deux canaux principaux : d'une part, elle garantit à 90 % un certain nombre de prêts bancaires demandés par les entreprises. Ces demandes ont représenté jusqu'à présent plus de 50 milliards d'euros et ont concerné près de 350 000 entreprises. D'autre part, Bpifrance octroie directement des prêts pour les PME et les ETI. Vous pourrez nous indiquer les détails de ce soutien, notamment les avantages et inconvénients des différentes solutions, les modalités de la relation entre Bpifrance et les territoires, notamment les régions, ainsi que des détails quantitatifs et qualitatifs concernant les bénéficiaires de ces aides. Sur ce dernier point, il sera intéressant de connaître l'état des lieux du PGE pour les entreprises qui ne sont pas des PME mais des grandes entreprises, et pour qui le fonctionnement du prêt est un peu différent.
Au-delà de la nécessité d'accompagner nos entreprises durant cette crise, l'action publique doit réfléchir aux modalités, à moyen-terme, de la relance économique. Nous aimerions connaître votre point de vue sur le rôle que pourrait jouer Bpifrance dans ce processus de relance - je le répète : au-delà du soutien à la trésorerie qu'apporte Bpifrance aujourd'hui afin d'éviter la cessation de paiement. Vous pourrez également nous indiquer les mesures économiques qui devraient être mises en oeuvre, selon vous, afin de relancer la demande et l'investissement des entreprises dès cet été ou cet automne. En particulier, quel partage des rôles en la matière voyez-vous entre les régions et l'État ?
Je vais rapidement brosser le tableau des actions et instruments déployés par la BPI pour gérer cette crise et préparer la relance. Dès la semaine du 9 mars au 15 mars, nous avons senti les choses s'aggraver et nous nous sommes préparés à lancer notre plan de crise le lundi 15 mars au matin. Pendant le week-end end précédant l'intervention du Président de la République, nous avons commencé à appeler massivement nos clients pour leur annoncer que nous serions à leur côté avec ce plan. Celui-ci a consisté, en premier lieu, à reporter de six mois le paiement des intérêts et du capital de nos prêts : ce geste significatif représente environ 2 milliards d'euros de liquidités.
Alors que le prêt garanti par l'État (PGE) n'existait pas encore, nous avons également lancé une gamme de prêts sans garantie, les « prêts Atout », que nous avons placés auprès de 1 800 entreprises pour un montant global de 3 milliards d'euros dans le mois qui a suivi. Ces prêts Atout varient entre 10 000 et 30 millions d'euros avec des différés de remboursement de 7 ans et surtout des taux assez faibles de 2 % initialement, et 2,5 % aujourd'hui.
De plus, nous avons annoncé que les fonds de garantie dont nous disposons et qui sécurisent les banques françaises seraient étendus aux entreprises de taille intermédiaire et garantis à 90 %. Je précise que ces fonds sont connus sous l'appellation « fonds de lignes de crédits confirmés » : ils permettent de transformer des prêts de trésorerie en prêts à moyen terme.
Nous avons aussi, dans les premiers jours de la crise, mis en place un numéro vert et traité 80 000 appels au cours des deux premières semaines. Parmi nos 3 200 salariés, il faut rendre hommage aux 500 personnes appartenant aux divers services de la BPI qui se sont portées volontaires pour gérer des fichiers de 100 à 200 entrepreneurs, en communiquant avec eux de 8 heures du matin à minuit et en absorbant leur anxiété.
Parallèlement, nous avons commencé à travailler sur trois fronts : avec l'État sur le PGE, avec les régions sur le Prêt Rebond et avec la commission européenne sur plusieurs sujets portant sur l'éligibilité des entreprises en difficulté.
Le Prêt Rebond a été rapidement lancé avec les régions : sa durée est de 6 ans avec un différé de remboursement de 2 ans et les régions ont souhaité que son taux soit égal à zéro grâce à une bonification. Son montant qui va de 10 000 à 300 000 euros permet à ce prêt d'être complémentaire de celui de Bpifrance et du PGE. Le Prêt Rebond a été déployé dans quasiment toutes les régions et nous travaillons particulièrement aujourd'hui à le diffuser en Île-de-France. Pour ce faire, les régions ont librement doté nos fonds : 5 millions d'euros pour certaines tandis que d'autres ont apporté 50 millions d'euros. Une des régions a consenti une dotation importante en souhaitant multiplier les tickets d'entrée pour les petites entreprises ; nous avons donc mis en place une plateforme digitale permettant à un entrepreneur d'obtenir un prêt sans avoir à passer par un intermédiaire ou un contact humain. Nous sommes très satisfaits de cette plateforme « full digital » qui est opérationnelle depuis jeudi 30 avril dernier et a d'ores et déjà permis d'enregistrer 250 demandes.
Au total, l'encours des prêts Rebond avoisine aujourd'hui 250 millions d'euros avec un potentiel maximal qui est de 550 millions d'euros. Nous disposons donc encore de marges de manoeuvres pour distribuer ces prêts, en particulier dans les trois régions qui ont le plus doté les fonds Bpifrance : la région Grand-Est, qui a apporté 29 millions d'euros, Auvergne-Rhône-Alpes (50 millions d'euros) et l'Île-de-France (35 millions d'euros).
Pour sa part, le PGE a été lancé en urgence afin d'absorber les premières demandes dont le niveau global se situe à 3 milliards d'euros. Nous travaillons sur la base du plan garanti par l'État : son concept s'apparente exactement aux prêts sans garantie Bpifrance mais ces prêts sont distribués par les banques avec une prise de risque limitée à 10 % puisque la garantie de l'État couvre 90 % de ces prêts.
Le rôle de BPI dans ce dispositif est double. Il s'agit, d'une part, de s'assurer que les entreprises ne font pas de double demande : cela passe par la délivrance d'une attestation et d'un numéro unique sur le site de la BPI, ce qui nous permet d'ailleurs de disposer de statistiques quotidiennes très précises. D'autre part, c'est par la BPI que transite la garantie de l'État. Près de 350 000 entreprises bénéficient d'un pré-accord de PGE et nous avons donc des listings d'un même nombre de lignes de demandes de garanties : nous les avons gérées pour le compte de l'État. Cette gestion par la BPI s'inscrit dans la durée puisque ces prêts à un an sont renouvelables pendant 5 années supplémentaires. Il faudra faire face aux hypothèses de défaut de l'emprunteur, auquel cas les banques feront appel à la BPI pour activer la garantie de l'État. Je précise qu'il ne s'agit pas d'une garantie à première demande, ce qui impose à la BPI de vérifier que des diligences suffisantes ont été engagées par la banque pour tenter de récupérer les fonds remboursables, avant de solliciter l'argent de l'État.
Par ailleurs la BPI distribue en direct à ses clients des prêts - elle figure dans ce domaine parmi les treize plus grandes banques françaises - et en particulier des PGE. Lorsqu'un client a plusieurs banques, la règle fixée depuis le lancement de ce produit est que les banques se partagent le PGE au prorata de leur emprise sur les encours de prêts de l'entreprise.
Il faut souligner que les banques françaises ont accepté, dès la première semaine de confinement, de consentir un geste très fort en mettant à la disposition de la solidarité nationale la totalité de leur réseau - 17 000 agences bancaires distribuent aujourd'hui le PGE - et en acceptant de supporter, sur leurs fonds propres, 10 % du risque induit par ces prêts. Ces derniers s'apparentent à une sorte d'avance sur recette autant que possible égale à la perte engendrée par l'épidémie : le prêt est donc calibré sur la crise sanitaire qui a conduit à la fermeture administrative de pans entiers de l'économie. Concrètement, la discussion s'engage lorsque l'entrepreneur vient voir son banquier en indiquant que la crise du covid lui coûte un à trois mois de chiffre d'affaires et demande un prêt correspondant à ce montant. Lorsqu'il obtient un montant de prêt égal ou inférieur à cette demande, selon le chiffre négocié avec sa banque, l'entrepreneur rejoint la BPI pour obtenir son numéro unique et son prêt peut alors être décaissé. S'agissant du chiffrage global, la demande de PGE dans les réseaux bancaires atteint aujourd'hui 83 milliards d'euros et 57 milliards d'euros de prêts sont de facto décidés au profit de 350 000 entreprises : 90 % sont des TPE et celles-ci sont destinataires de la moitié des 57 milliards de crédits. On recense également de nombreuses PME et ETI parmi les emprunteurs ainsi que plusieurs grands groupes comme la FNAC ou Europcar PGE ; d'autres demandes de PGE d'un montant d'un milliard d'euros émanant de grandes entreprises sont aujourd'hui à l'instruction. Je précise que l'instruction de ces dossiers importants fait intervenir trois acteurs : non pas une simple agence bancaire mais le siège, Bpifrance et la direction du Trésor ; la décision finale est prise par le ministre qui signe un arrêté nominatif pour chaque entreprise.
Le rythme de croissance du PGE est stable et augmente de 2 à 3 milliards par jour. Beaucoup d'entreprises n'ont pas encore sollicité de PGE et se posent sans doute la question d'y recourir. Sur les 80 000 clients actifs à BPI, une majorité n'a pas demandé de prêt - PGE, Prêt Atout ou Prêt Rebond. Certaines n'en ont pas besoin, d'autres hésitent à augmenter leur endettement et il y a celles qui ont attendu et vont présenter une demande. C'est pourquoi l'encours de PGE va certainement dépasser 100 milliards d'euros d'ici la fin de l'année 2020.
En ce qui concerne votre question sur les relations entre les régions et l'État dans ce processus, je fais observer que nous assurons ici des prêts PGE, qui représentent des montants budgétaires considérables. Il est très difficile de les évaluer avec précision mais si on essaye de faire un calcul sommaire « de coin de table », il faut d'abord se souvenir que, pour la crise de 2008-2009, la sinistralité a été beaucoup plus faible que prévu mais la situation était différente et l'économie dite « présentielle » n'était pas aussi bouleversée qu'aujourd'hui, avec des risques de cessation d'activité définitive importants pour un certain nombre d'acteurs. À supposer que l'enveloppe de PGE atteigne 100 milliards d'euros et que dans un « schéma de guerre », selon l'expression du Président de la République, on enregistre 10 % de pertes, cela coûterait 10 milliards d'euros dont 9 à l'État et un milliard aux banques. Je ne pense pas du tout que nous en arriverons là mais tel est le schéma pour un scenario très grave.
Par comparaison, les prêts Rebond, avec les dotations que nous ont accordées les régions, représentent 170 millions d'euros : il y a donc une différence d'échelle avec les engagements de l'État.
Ceci dit, pour garantir à 90 % le risque attaché aux prêts Atout, à l'affacturage et à la transformation des crédits de trésorerie en prêts à moyen terme, il faudrait, selon nos estimations, 600 millions d'euros supplémentaires.
Ces considérations portent sur le volet bancaire des dispositifs de soutien mais il faut également mentionner les Fonds Résistance qui sont en train d'être déployés dans toutes les régions, le premier ayant été créé dans le Grand-Est. Ces fonds sont alimentés à hauteur de 2 euros par habitant par les régions, les départements, les intercommunalités les métropoles ainsi que la Caisse des Dépôts. Au total, les dotations des conseils régionaux à ces fonds atteignent de 30 à 50 millions d'euros. On est donc loin des ordres de grandeurs en milliards d'euros qui relèvent du niveau national et je rappelle par ailleurs que le coût du chômage partiel s'élève à 12 milliards d'euros par mois pour l'État.
Tout cela permet d'éclairer la réponse à votre interrogation sur « qui peut faire quoi ». Dans cette crise cataclysmique mais éphémère, seul le budget de l'État peut prendre en charge le coeur de la dépense : les régions apportent cependant des compléments indispensables pour combler les inéluctables « trous dans la raquette » des grands dispositifs nationaux.
Très honnêtement, je considère que le système mis en place fonctionne plutôt bien et je suis à l'écoute de vos appréciations sur ce point. Je m'attendais, en matière de PGE par exemple, à des taux de refus bien supérieurs aux 3 à 5 % qu'annoncent aujourd'hui les banques, avec peut-être une sous-estimation due au fait que certains entrepreneurs n'obtiennent pas de réponse et je ne sais pas s'ils sont alors comptabilisés dans les refus.
Au total, je souligne que les banques ont vraiment « mouillé la chemise » et poursuivent activement leur effort : en témoigne, par exemple, le fait que la Société générale a traité en un mois 15 milliards d'euros de PGE - ce qui représente un an de production crédit à moyen terme en période normale - et la BNP 12 à 13 milliards d'euros. Les agences bancaires sont ainsi focalisées sur les PGE ainsi que sur les reports d'échéance. Il y a donc là une mobilisation dans l'intérêt du pays qu'illustre bien le terme d'union sacrée et c'est la première fois dans l'histoire bancaire française que les réseaux des banques privés deviennent, pour une période limitée, des sortes de petites BPI distribuant des prêts garantis par la puissance publique : je trouve cela formidable.
Avant tout, sachez combien nous nous félicitons de l'action que vous menez depuis plusieurs années et qui a amélioré le climat financier pour les entreprises.
Je m'inquiète pour l'avenir : comment va-t-on pouvoir recentrer les entreprises dans leurs secteurs et les accompagner pour éviter la prédation par des opérateurs extérieurs, en provenance, par exemple, des États-Unis ? Pour cela, il me parait indispensable de mettre en place des systèmes de co-financement à long terme avec les grands groupes. Je pense à des filières comme l'automobile et l'aéronautique où des fonds ont été mis en place, comme Aerofund, mais qu'il conviendrait de renforcer. Je souligne l'enjeu que représente la sauvegarde des sous-traitants des grands groupes et le rôle majeur que pourraient jouer de tels fonds.
Merci pour votre intervention très claire. Je rappelle que dès avant l'épidémie, nos entreprises connaissaient des difficultés pour investir et aujourd'hui, l'impératif de transition énergétique va les mettre face à un « mur d'investissement ». Mon rapport d'information sur la filière sidérurgique préconise la mise en place d'un prêt spécifique transition énergétique pour renouveler les outils de production et déplore la clôture du prêt vert intervenue en 2018 faute de financement du programme d'investissement d'avenir. La BPI est-elle prête à déployer de nouveaux prêts en faveur des entreprises pour décarboner notre industrie, comme le préconise le commissaire européen Thierry Breton ? L'État vous paraît-il prêt à soutenir de telles initiatives, et sinon, quels autres outils alternatifs vous paraissent appropriés - crédits d'impôt suramortissement... ?
Ma question est précise. Elle porte sur la signification de l'article 6 de l'arrêté du 23 mars 2020 accordant la garantie de l'État aux établissements de crédit et sociétés de financement se termine par la phrase suivante : « En cas de survenance d'un événement de crédit dans les deux mois suivant le décaissement du prêt, la garantie de l'État ne peut pas être mise en jeu. » Cela signifie-t-il que l'État ne garantit pas le prêt dans les deux premiers mois, ce qui expliquerait la difficulté pour les banques d'accepter de consentir des prêts à des entreprises fragiles risquant la faillite dans les deux mois de l'encaissement du crédit ? Pourquoi, dans ces conditions, communiquer sur une garantie d'État qui ne prend effet, dans la réalité, que deux mois après le décaissement du prêt ?
Pour répondre à Alain Chatillon, j'indique tout d'abord que nous allons tenter de lever des fonds pour redimensionner le fonds consacré à l'industrie automobile : cela nous paraît indispensable. Pour l'aéronautique, nous travaillons à la mise en place d'un fonds Aerofund IV devrait avoir une taille supérieure à celle d'Aerofund III. La société ACE Management qui gérait ce fonds a été rachetée par Tikehau et nous sommes en train de coopérer avec les équipes de cet organisme sur des projets très ambitieux, à juste raison.
Il y aura donc non seulement un plan pour les filières automobile et aéronautique, qui ont besoin de très gros montants de fonds propres, mais aussi un plan pour le tourisme que nous venons de soumettre à nos deux actionnaires ainsi qu'aux fédérations professionnelles de ce secteur.
Par ailleurs, de nombreuses entreprises qui n'appartiennent à aucun de ces trois secteurs nécessitent une recapitalisation. C'est pourquoi nous avons lancé un plan « 1000 tickets » pour investir entre mai 2020 et mai 2021 dans mille entreprises. Cela n'avait jamais été fait et suppose d'intervenir à un rythme élevé, tout en prenant beaucoup de risques, par le biais d'augmentations de capital et surtout d'obligations convertibles.
Nous avons également un important plan qui porte sur les fonds propres des entreprises avec des interventions directes des équipes de la BPI et indirectes en coopérant avec les fonds partenaires que nous finançons, ce qui représente 200 équipes privées.
L'intervention de Valérie Létard m'amène à rappeler que nous avions mis en place un Plan climat avant l'épidémie et prévu de le lancer avec une manifestation organisée le 4 avril avec mille entrepreneurs. Ce plan, qui est plus que jamais d'actualité, prévoit un déploiement de masses importantes de crédits, sans garantie ou avec prise de collatéral, en doublant nos flux de prêts dédiés à la transition énergétique entre 2020 et 2025. Cela suppose que nous trouvions des fonds pour doubler le prêt vert car celui-ci est alloué sans garantie. L'Ademe, bien convaincue de l'efficacité de ce prêt, a décidé de nous doter de 15 millions d'euros ce qui va nous permettre de lancer une première tranche de 150 millions d'euros de crédits. Ce n'est pas encore à la hauteur des besoins et c'est pourquoi nous demandons une dotation de 150 millions d'euros, ce qui nous permettrait de proposer 1,5 milliards d'encours de prêts verts dans les quatre années qui viennent. Nous en discutons - même si les négociations sont un peu reportées en raison de l'actualité - avec les diverses parties prenantes et dans le cadre de la quatrième génération du Plan d'Investissement d'Avenir.
En réponse à M. Laurent Duplomb, je précise que lorsque l'État garantit un prêt il y a toujours un délai de carence. Concrètement, il s'agit d'éviter qu'une entreprise se révèle en cessation de paiement deux jours après l'attribution d'un prêt, auquel cas le prêteur perd tout dans les procédures collectives. Ménager une certaine visibilité est donc primordial et c'est pourquoi les prêts sont distribués par l'intermédiaire des réseaux bancaires qui sont armés pour accomplir un certain nombre de diligences. Le délai de carence normal est de quatre à six mois et le délai de deux mois retenu pour le PGE est une mesure exceptionnelle.
On constate que les banques sont en passe de distribuer près de 100 milliards de prêts, majoritairement à des TPE, ce qui montre qu'elles sont allées au bout de la logique du plan gouvernemental, même si certaines entreprises n'obtiennent pas de réponse positive. Les cas de refus d'octroi de PGE doivent être traités avec d'autres mécanismes : avant tout, l'entrepreneur doit impérativement s'adresser au médiateur du crédit qui doit jouer son rôle. Par ailleurs, deux dispositifs de rappel peuvent être cités : d'une part, les fonds « résilience » ou « résistance » - l'appellation varie selon les régions - et, d'autre part, les avances remboursables de l'État distribuées par les Codefi dans les départements. Ces avances remboursables ont été prévues par la dernière loi de finances rectificative : le FDES a été doté d'un milliard d'euros, dont la moitié doit financer des secours aux petites entreprises qui n'auraient pas obtenu de PGE ; on a utilisé le terme de « 10 000 tickets » pour qualifier ce système d'avances remboursables de faible montant.
Je tiens à souligner que la BPI est véritablement à la hauteur de la situation dans un contexte particulièrement difficile. Que peut faire votre établissement dans le cas où une entreprise comme la General Electric, dans son implantation située à Belfort, après avoir obtenu un prêt BPI demande à tous ses sous-traitants de baisser leurs prix de 20 % ? Cela suscite une levée de bouclier de la part des PME qui soulignent qu'une telle demande place les sous-traitants dans une position intenable. Quelles peuvent être les conséquences d'une telle situation, en particulier au regard des cautionnements BPI ?
En second lieu, les contraintes d'éligibilité à l'obtention des prêts, assez fortes au début, se sont assouplies quand on a accepté de faire sauter le verrou des fonds propres négatifs. C'est une avancée très positive pour certaines entreprises qui connaissaient des causes de fragilité structurelles.
Enfin, à l'hibernation économique que nous connaissons va succéder une phase de transition énergétique : comment allez-vous aider les entreprises à faire face au « mur d'investissement » qu'implique cette transition avec de très gros dossiers comme celui de l'hydrogène ?
Notre cellule de suivi des PME-TPE a recueilli des témoignages globalement positifs sur la mise en oeuvre des PGE. Cependant des difficultés concrètes persistent sur le terrain. On constate l'hétérogénéité des exigences requises par certains réseaux bancaires de distribution de ces crédits, avec certaines demandes excessives de visites médicales, de documents prévisionnels d'activité ou de cautions personnelles. Un fort besoin d'harmonisation des pratiques et des documents à transmettre se manifeste donc sur le terrain. Seriez-vous favorable à une telle harmonisation, et quel rôle Bpifrance pourrait-elle y jouer ?
Quel est votre point de vue sur un éventuel rehaussement du niveau de la garantie de l'État - de 90 à 100 % du prêt - pour éviter un certain nombre de faillites consécutives à des refus de crédit ? Par ailleurs, pouvez-vous détailler le rôle que pourrait jouer la BPI dans le sauvetage de certaines entreprises stratégiques budgétisé à hauteur de 20 milliards d'euros : allez-vous participer à des montées au capital ou à des prêts d'actionnaires ?
Je m'interroge sur la méthode de calcul du taux de refus que vous annoncez à 3 % : par exemple, une entreprise qui demande 100 000 euros et n'en obtient que 50 000 est-elle considérée comme satisfaite ?
Ma seconde question porte sur les alternatives que vous avez citées ; à mon sens, il en manque une : la BPI ne pourrait-elle pas prêter directement aux entreprises qui ont fait l'objet d'un refus de crédit ?
En réponse à l'intervention de Martial Bourquin : tout d'abord, je ne sais pas si General Electric a obtenu un PGE à Belfort. Si tel est le cas, il s'agit d'un prêt qui s'adresse aux grandes entreprises, instruit par la direction du Trésor et signé par arrêté du ministre. En tout état de cause, la révélation d'une politique brutale et unilatérale de baisse des prix imposée aux sous-traitants pose incontestablement problème. Soucieux de ne pas sortir de mon rôle, j'imagine cependant la teneur et le ton de l'intervention du ministre si celui-ci devait répondre à votre question.
S'agissant de la suppression de la condition de fonds propres négatifs pour l'éligibilité au prêt, les mailles du filet ont été effectivement assouplies : les discussions avec la direction du Trésor ont été assez longues sur ce point mais le dialogue avec la commission de Bruxelles a été très productif. Je vous envoie désormais à la foire aux questions figurant sur le site de Bercy et de Bpifrance qui encadre le dispositif du PGE : le seul critère qui exclut une entreprise souhaitant obtenir un PGE est celui d'une cessation de paiement intervenue avant le 31 décembre 2019.
Comme vous le soulignez, nous allons passer de l'hibernation économique à la transition énergétique : en réalité, toutes les transitions s'accélèrent et vont s'emboîter.
Les autres critères habituels de classification d'une entreprise en difficulté (fonds propres négatifs ou divisés par 2) ne sont pas pris en compte pour l'octroi du PGE. On va passer de l'hibernation à une grande transition. Toutes les tendances s'accélèrent par ailleurs (transition énergétique, digitale), représentant des investissements très importants pour les entreprises. C'est tout l'objet du Plan Climat de Bpifrance, qui est très ambitieux tant dans son aspect crédit (avec ou sans garantie) que dans son aspect fonds propres (equity, quasi-equity, mezzanine).
En tout état de cause, il nous faut déclencher des effets multiplicateurs, pour que toute la société française se mette en mouvement. À cet égard, les Français sont des grands financeurs de la transition énergétique. Mais le financement du digital, dans cette transition, pose davantage problème. C'est en effet un domaine dans lequel on ne peut pas présenter de sûreté, de collatéral, à l'appui d'une demande de financement ; il faut donc des prêts sans garantie.
Certaines banques ont en effet demandé des cautions personnelles ; or il est clairement indiqué dans la FAQ relative au PGE que cette demande est interdite. Demander un prévisionnel d'activité n'est pas raisonnable dans le contexte du confinement ; en revanche, à partir du 11 mai, les entreprises hors tourisme, hôtellerie et événementiel vont pouvoir renouer avec une forme de prévisibilité. Par ailleurs, la quasi-totalité des assurances font de l'assurance-emprunteur simplifiée, à l'image de CNP qui a transformé ses procédures, et ne demande pas de visite médicale pour un PGE.
En Allemagne, la garantie a été portée à 100 %, mais dans des cas limitatifs : elle est réservée aux entreprises qui présentent un résultat opérationnel positif en moyenne depuis 3 ans. Cela interroge, dès lors que les entreprises qui en ont le plus besoin sont plutôt celles en difficulté... En outre, le métier du chargé de clientèle est d'estimer le risque et de prendre des décisions d'octroi de prêt la base de cette estimation. S'il distribue uniquement de l'argent, sans évaluer le risque, pourquoi dès lors passer par ce canal ? Une garantie à 100 % ne semble pas nécessaire, au regard notamment du faible nombre de refus.
L'enveloppe de 20 milliards d'euros est fléchée vers l'Agence des participations de l'État pour financer des opérations comme celle annoncée pour Air France. Bpifrance participe aux réunions de coordination avec l'APE qui concernent les plus gros dossiers, ceux qui nécessitent d'utiliser les fonds de cette enveloppe budgétaire (equity ou prêts d'actionnaire), mais l'enveloppe et les opérations afférentes ne concernent pas pour l'instant le portefeuille de Bpifrance (qui inclut Orange, PSA, ST Microelectronics, Eutelsat, Vallourec, etc.). Nous ne demandons pas l'accès à cette enveloppe pour ces entreprises ; elles sont par ailleurs suffisamment liquides aujourd'hui et disposent d'une bonne trésorerie.
Concernant le calcul des 3 % de refus, il est effectivement exact qu'un prêt accordé pour un montant inférieur à celui demandé n'est pas considéré comme refusé. Cela peut en effet minorer le taux de refus. Il faut toutefois rappeler que les entrepreneurs peuvent demander leur PGE en plusieurs fois. En effet, à partir du 1er mai, ils peuvent solliciter une tranche n° 2 du PGE, dans la limite du plafond maximal autorisé.
je remercie vos équipes pour l'immense travail réalisé. Un entrepreneur, vous le savez, n'est jamais entièrement satisfait... Concernant l'accès au PGE, il semblerait que la moitié des acteurs économiques du secteur du tourisme n'ait pas réussi à obtenir de PGE en raison de la cotation Banque de France, ou du fait que la société est en plan de continuation, ou a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire. Qu'envisagez-vous pour ces entreprises ?
Par ailleurs, les mesures exceptionnelles mises en place pour les filiales étrangères de sociétés françaises peuvent-elle être étendues à nos compatriotes installés à l'étranger mais dont l'entreprise n'est pas une filiale de telles sociétés françaises ? Beaucoup de nos entrepreneurs à l'étranger, en effet, sont dans une situation critique. Peut-on envisager un fonds pour leur consentir des prêts leur permettant de traverser la crise ?
je souhaite vous indiquer deux cas qui nous été relayés dans le cadre de la cellule tourisme. Premièrement, nous avons été alertés sur le cas d'entreprises détenant plusieurs hôtels et à qui il a été indiqué que la souscription au PGE pouvait se faire via leur holding puis, dans un second temps, qu'une souscription par ce biais n'était pas possible. C'est en effet bien plus pratique via la holding car, d'une part, la procédure est plus simple et, d'autre part, d'éventuels refus liés à la situation financière de tels ou tels hôtels seraient ainsi évités.
Autre cas de figure qui nous a été signalé : un groupe en Bourgogne Franche-Comté à qui Bpifrance aurait indiqué que la mise en place d'un fonds de renforcement des fonds propres devait se faire à l'échelle inter-régionale. Or non seulement la région n'y semble pas favorable, mais les banques ne souhaitent pas non plus que leurs fonds soient utilisés dans une autre région.
Enfin, pensez-vous que certaines entreprises profitent du PGE pour el détourner de son objectif et procéder, par exemple, à des rachats d'actions grâce aux fonds ainsi octroyés ?
un entrepreneur souhaitant souscrire à un prêt Rebond doit-il au préalable formuler une demande pour un PGE ? Les deux sont-ils cumulables ou alternatifs ?
trois régions ont été citées dans votre propos concernant les prêts Rebond (Auvergne-Rhône-Alpes, Île-de-France, Grand-Est). D'autres régions souhaitent-elles s'engager dans ce dispositif ?
les sociétés en plan de continuation sont éligibles au PGE. Les entreprises qui se trouvent dans une sorte de zone grise, entre la cessation de paiement mais avant la décision du juge, ne sont, elles, pas éligibles au PGE. Enfin, les entreprises qui ont des fonds propres négatifs ou qui ont été divisés par deux sont également éligibles.
Concernant les cotations Banque de France : le PGE n'est pas automatiquement refusé à une entreprise du fait d'une cotation 5 ou 6. De 15 à 20 % des entreprises ayant cette cotation ont obtenu leur PGE. Vous avez indiqué que 50 % des acteurs du tourisme n'ont pas réussi à obtenir leur PGE. Pourriez-vous m'indiquer la méthode de calcul ? En effet, il me semblait que le taux de refus d'octroi du PGE dans le monde du tourisme est grosso modo identique au taux moyen. Par exemple, environ cinquante mille restaurants et huit mille hôtels bénéficient du dispositif à ce jour. Au total, le secteur du tourisme s'est ainsi vu octroyer 3,5 milliards d'euros de PGE, ce qui est loin d'être négligeable, ce chiffre continuant par ailleurs d'augmenter, eu égard à la part que représente le tourisme dans le PIB français.
La question de savoir si la Bpifrance pourrait devenir une banque de la diaspora française est fondamentale. Elle s'est posée, par ailleurs, en matière de soutien aux start-ups françaises lancées à l'étranger. Nous n'avons pas les moyens d'aller suivre l'importante diaspora française qui a fait le choix de s'installer à l'étranger. Lorsque la société est incorporée en dehors du territoire français, l'entrepreneur a choisi de quitter un « pays de cocagne du soutien à l'innovation » et doit désormais rechercher et souscrire aux dispositifs du pays qu'il rejoint (Québec, Californie, Asie).
Concernant le cas d'une holding détenant plusieurs hôtels, le problème est désormais résolu : une holding est éligible au PGE. Concernant les fonds à cheval sur plusieurs régions, nous avons, lorsque nous avons créé nos fonds d'amorçage, recommandé que leur version régionale regroupe au moins deux régions, afin d'augmenter leur taille. En effet, si le fonds est trop petit, il est plus difficile de trouver des investisseurs de qualité pour assurer la gestion du fonds dans la durée (10 ans, par exemple). Il faut un minimum de masse critique.
maintenant que la Franche-Comté a été intégrée à la région Bourgogne Franche-Comté, le fonds a atteint une taille suffisante.
pour obtenir un numéro unique sur le site de Bpifrance afin de bénéficier d'un PGE, l'entrepreneur doit signer une déclaration sur l'honneur attestant que le prêt n'a pas pour objet de rembourser un ancien crédit, de racheter des actions et que les articles du code de commerce relatifs aux délais de paiement seront respectés. Il y aura forcément une minorité de profiteurs. Personnellement, je pense que la France a réussi à échapper à une tentation naturelle, celle de prévoir tous les cas de distorsion possibles, ce qui conduit d'ordinaire à élaborer des dispositifs très complexes. La valeur fondamentale, dans notre secteur, est la vélocité. Les cathédrales de complexité que l'on construit en temps normal coûtent très cher en matière de suivi, de contrôle, et aboutissent à des documents de dizaines de pages... là où le document pour un PGE est composé de trois pages seulement. Certains cas ne seront pas prévus, mais il nous faut l'accepter, afin de gagner en efficacité et de rester centré sur les besoins de nos clients qui sont, eux, toujours dans l'urgence.
Concernant le prêt Rebond, il est préférable d'effectuer prioritairement une demande de PGE avant de solliciter un tel prêt. Dans certaines régions, la dotation pour ce prêt a été consommée trop rapidement, par des entreprises qui n'ont pas, au préalable, demandé de PGE. Les conseils régionaux doivent alors apporter une nouvelle dotation pour financer ce prêt, ce qui a eu des conséquences budgétaires importantes. A contrario, en Auvergne-Rhône-Alpes, Grand-Est et Ile-de-France, ce prêt a été très largement doté, même s'il sera probablement rapidement consommé en Auvergne-Rhône-Alpes du fait du succès rencontré par la plateforme digitale de souscription.
Toutes les régions ont mis en place un prêt Rebond, sauf la région Aquitaine.
vous êtes très impliqué en matière de transition énergétique et sur les problématiques relatives à notre souveraineté énergétique. Pouvez-vous nous indiquer le nombre de dossiers reçus d'entreprises oeuvrant dans le domaine du nucléaire ou de l'environnement en général ? Par ailleurs, estimez-vous que l'impact de la crise est positif ou négatif pour le secteur de l'énergie ?
Enfin, je voudrais également vous remercier pour votre travail dans les régions. En particulier, je préside le comité d'engagement du fonds « Résistance » dans la région Grand-Est, qui traite de dossiers concernant de moindres montants ou des jeunes entreprises. Certaines d'entre elles ne devraient pas soumettre un dossier à ce fonds, mais plutôt bénéficier d'un PGE. Or ce dernier leur a été refusé ; je souhaite attirer votre attention sur l'importance de l'impact territorial si ces petites entreprises, petits artisans, ferment. En économie, ce qui est petit peut devenir grand...
je vous félicite pour votre action importante auprès des acteurs économiques. En particulier, des entrepreneurs de la filière du décolletage m'ont exprimé leur satisfaction quant à la qualité des relations de travail qu'ils entretiennent avec Bpifrance.
La filière automobile connaît des mutations importantes (par exemple, baisse annoncée du moteur thermique, émergence de la voiture autonome, développement de l'électrique). Bpifrance a lancé fin 2018 un appel à projet dans le cadre du dispositif « Projet d'industrie d'avenir » intitulé « Innovation et diversification d'entreprises spécialisées dans le diesel ». Je tiens à vous signaler des difficultés importantes en matière de mobilisation des fonds qui y sont liés. Des dossiers réunissant pourtant toutes les conditions pour être éligibles ont été rejetés inexplicablement. Or ce fonds destiné à nos entreprises doit être mobilisé le plus rapidement possible.
je vous remercie pour votre présentation. La mobilisation des régions que vous évoquez, notamment celle de la région Auvergne-Rhône-Alpes, est amenée à croître encore dans les mois qui viennent, notamment sous la forme des prêts Rebond. Persistent cependant des trous dans la raquette. Des petites TPE, notamment dans le secteur de la sous-traitance, indiquent qu'elles vont subir des difficultés en cascade, du fait de l'arrêt des commandes. Y a-t-il des mesures spécifiques prévues pour ce secteur ?
Plus largement, une politique de grands travaux semble de plus en plus nécessaire. Au-delà des débats politiques que nous pouvons avoir entre nous sur leur pertinence, envisagez-vous des évolutions de vos dispositifs ou une réflexion sur de nouveaux outils allant dans ce sens ?
vous avez présenté vos perspectives en matière de soutien à la transition énergétique. Je voudrais maintenant savoir ce que vous envisagez en matière de transition numérique, notamment au regard des opportunités que présente le déploiement de la 5G. Pouvez-vous nous donner des éléments sur les capacités financières que vous pouvez engager, à l'image des 150 millions d'euros que vous mobilisez pour la transition énergétique ?
Plus largement, concernant la relance, pensez-vous qu'une réactivation du dispositif d'IR-PME afin de mobiliser davantage l'épargne privée soit une bonne opportunité ? Plusieurs start-ups ou entreprises de l'innovation numérique nous ont souligné ce point au cours de nos échanges. Enfin, les entreprises qui n'ont pas pu bénéficier d'un PGE ou ne sont pas éligibles aux différents fonds peuvent-elles avoir accès au FDES ? Ce dernier peut-il intervenir sous forme d'avances (par exemple à hauteur de 3 mois de charges) pour des entreprises en grande difficulté ? Il s'agit d'une problématique évoquée notamment par l'ordre des experts comptables lors de nos entretiens.
Bpifrance est un acteur essentiel du financement des start-ups et alimente une centaine de fonds de capital-risque. Notre écosystème de financement des start-ups était en train de se normaliser au regard des économies comparables. Certains observateurs semblent relever une forme de panique chez les investisseurs qui se traduirait par des pratiques discutables, avec des pressions pour réviser leurs accords ou l'adoption de comportements prédateurs. Un tel comportement serait d'autant moins acceptable que les pouvoirs publics ont investi des millions d'euros pour établir un écosystème viable de financement des start-ups. Bpifrance peut-elle conditionner son aide dans le futur au comportement responsable de l'investisseur durant la crise ? Il me semble que nous pouvons attendre des investisseurs qu'ils prennent leur part de responsabilité.
Dans le cadre du plan de soutien aux jeunes pousses technologiques, le Gouvernement a annoncé le maintien des soutiens aux entreprises innovantes versés par Bpifrance. Or, vous le savez, les concours de l'État aux aides à l'innovation de Bpifrance ont fondu comme neige au soleil depuis ces dernières années. J'avais d'ailleurs déposé un amendement soutenu par mes collègues de la commission pour limiter la casse l'année dernière. Savez-vous ce qu'il en sera cette année ? J'espère que la crise sera l'occasion d'une prise de conscience, car sacrifier les aides à l'innovation, c'est sacrifier l'avenir !
En Bretagne aussi, l'action de Bpifrance est globalement bien appréciée. Vous parlez de vélocité, on en a besoin ! Vous dites qu'il peut y avoir de la fraude, mais que c'est marginal. Une suggestion sur ces points : annoncer, dès le départ, des sanctions extrêmement lourdes en cas de carence.
Une question sur le cas d'une jeune entreprise qui connaît des difficultés et fait état d'un besoin de financement de 250 000 euros. La banque a d'abord refusé, mais suite à l'intervention du médiateur, de Bpi Bretagne et de la Direccte, l'entreprise a obtenu un prêt de 150 000 euros. Vous annoncez qu'une deuxième tranche est possible. Même si j'ai du mal à comprendre comment la banque pourrait revenir sur son appréciation initiale, ce serait une bonne nouvelle. Est-ce que les petites avances remboursables dans le cadre des 500 millions d'euros déjà évoqués pourraient être mobilisées dans ce cadre ?
On entend assez peu les start-ups s'exprimer : sollicitent-elles Bpifrance ? Si oui, quelle est leur situation ?
Il me semble que le programme « TPE-PME gagnantes sur tous les coûts » élaboré avec l'Ademe pour diminuer l'empreinte environnementale tout en gagnant sur les coûts de production et en améliorant les marges serait bienvenu au moment de la reprise. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
Comment voyez-vous le rôle de Bpifrance dans les prochains mois dans le cadre de la reprise et de la relance ? Comment comptez-vous accompagner encore davantage les TPE, qui constituent l'essentiel du tissu économique français, notamment pour les aider à se numériser ? Cela permettrait de faciliter la vie de nombreux dirigeants de TPE.
Je souhaite vous poser une dernière question de la part de Viviane Artigalas. Le 24 avril dernier, le Gouvernement s'est engagé à mettre en place un « fonds d'investissement », notamment en faveur du tourisme. On entend depuis parler d'un plan de soutien à l'investissement dans le secteur touristique à hauteur de deux milliards d'euros, dont Bpifrance et la Caisse des dépôts seraient les opérateurs. Pouvez-vous nous faire part plus précisément des discussions en cours ? Nous plaidons vivement pour un soutien à l'investissement. Nous avons notamment préconisé le recours massif au prêt tourisme et la mobilisation du fonds tourisme social investissement de la Caisse des dépôts.
Monsieur Gremillet, nous avions deux fonds : un fonds transition énergétique et un fonds nucléaire. Le premier, sur fonds propres de Bpifrance pour l'essentiel, se déploie très bien. Il porte des dizaines de participations, essentiellement des petits développeurs de la transition énergétique dans les territoires. Le fonds nucléaire, créé il y a des années, n'a jamais vraiment trouvé sa place. Il était financé par Areva et EDF, avec une gouvernance compliquée. Nous l'avons donc interrompu. Il n'a presque pas fait d'investissements.
Les fonds résistance ou résilience sont effectivement essentiels. Je ne doute pas que des entreprises qui n'ont pas obtenu de PGE sollicitent ces fonds résistance. C'est une excellente initiative de la région Grand-Est qui a ensuite été dupliquée dans plusieurs régions.
Madame Noël, vous évoquiez le cas de dossiers rejetés dans le cadre de l'appel à projets la direction de l'innovation de Bpifrance autour de la diversification des entreprises de la filière automobile. J'en prends bonne note et vais me renseigner. Sur ce point, je signale que nous intervenons en tant qu'opérateur du programme d'investissement d'avenir : nous instruisons les demandes, mais les décisions sont prises par un jury dans lequel il n'y a pas que des collaborateurs de Bpifrance. C'est donc un sujet partagé entre nous et les équipes du programme d'investissement d'avenir.
Madame Cukierman, je suis conscient des nombreux trous dans la raquette. Le fonds Rebond de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui est le plus important de tous les fonds mis en place par les régions, est évidemment bienvenu. Vous avez dit quelque chose de fondamental, et qui sera malheureusement le problème auquel nous allons être confrontés désormais. Le problème n'est plus la fermeture administrative de l'économie mais plutôt que certaines TPE et PME vont se retrouver à court de commandes. Nous y sommes très attentifs, et les outils qui sont à notre disposition sont à peu près toujours les mêmes : le crédit, les fonds propres, et l'accompagnement. Je reviens sur ce dernier point que nous n'avons pas cité jusque-là : Bpifrance est devenue une structure de conseils importante - 52 écoles et 400 consultants travaillent pour nous. Il faudra faire feu de tout bois avec les filières, notamment automobile - nous les voyons demain - et aéronautique.
Nous ne sommes pas invités à discuter de la relance d'une politique de grands travaux avec l'État. Je ne sais pas d'ailleurs s'il existe une cellule qui y travaille au sein de l'État. En revanche, nous travaillons sur le PIA 4, qui sera absolument fondamental en sortie de Covid. Nous travaillons aussi sur un plan de relance. Sur ce point, pour nous, la vraie actualité du moment, c'est le plan tourisme.
Madame Artigalas, BpiFrance propose un plan tourisme d'1,5 milliards d'euros, avec la Banque des territoires, soit 3 milliards d'euros au total. C'est une sorte de banque publique du tourisme, avec deux moitiés : l'une en charge des entrepreneurs - c'est Bpifrance, l'autre qui traite des foncières, des infrastructures et des murs - c'est la Banque des territoires. Nous travaillons tous les jours ensemble. Ce plan est sur la table du ministre et des professionnels. Les décisions seront prises au comité interministériel du tourisme du 14 mai. Ces 3 milliards s'ajoutent aux 3,5 milliards d'euros du PGE d'aujourd'hui, qui deviendront peut-être 5 milliards avec le temps. Ce plan sera ambitieux. Il s'articulera d'abord autour de prêts : le prêt tourisme, qui est notre prêt le plus long, à dix ans, avec deux ans de différé de remboursement, qui s'avère très utile pour les professions hôtelières - il sera mobilisé à hauteur de 500 millions d'euros, peut-être plus ; un prêt pour les entreprises du secteur événementiel - dit prêt dit « industries créatives », de l'ordre de 100 millions. S'y ajouteront environ 400 petits tickets en fonds propres investis directement - nous ferons donc beaucoup d'obligations convertibles distribuées par nos 52 agences régionales, au plus proche du terrain et dans un esprit de vélocité. Nous avons invité les conseils régionaux à investir dans le fonds d'obligations convertibles de Bpifrance.
Madame Loisier, le prêt industrie du futur « French Fab » a été arrêté, faute de dotations budgétaires. C'est dommage car il avait trouvé sa place et prouvé son efficacité en termes de déclenchement des investissements en numérisation des entreprises. Plus on numérise une entreprise, plus on la décarbone ! Nous essayons de convaincre l'État de doter Bpifrance pour que nous puissions relancer ces prêts « French Fab ».
Pour ce qui est des petites entreprises, nous lancerons, à la veille de l'été, les prêts « numérique » dits « France numérique », chantier historiquement lancé par M. Mahjoubi et aujourd'hui repris par Agnès Pannier-Runacher. Ils sont financés par une dotation européenne en provenance de la Banque européenne d'investissements et du Fonds européen d'investissements. Ce dispositif permet de faire de nombreux petits prêts « numérique » aux TPE et PME, distribués par les banques françaises et Bpifrance. Ce dispositif important arrive à point nommé. Il a mis du temps à être peaufiné en raison de nombreuses interrogations juridiques, notamment sur l'articulation de la garantie européenne et de la garantie nationale. Ce prêt FranceNum peut désormais être déployé.
Faut-il réactiver l'IR-PME pour mobiliser l'épargne privée vers les start-ups numériques ? Pour être franc, je n'en suis pas totalement convaincu ! Il existe aujourd'hui, dans les fonds de capital-risque français, de la « poudre sèche » - c'est-à-dire du capital prêt à être déployé - à hauteur de 13 milliards d'euros : il y a donc beaucoup d'argent dans les fonds aujourd'hui ! Il n'est pas nécessaire de monter des dispositifs fiscaux compliqués pour en rajouter. Les dispositifs fiscaux ont l'intérêt de donner l'impression aux citoyens qu'ils contribuent directement à un investissement. Mais en termes de volumétrie, cela n'est pas une nécessité du moment. J'en profite pour vous dire que Bpifrance avait prévu en avril une opération très importante qui a dû être reportée, et qui répond à votre préoccupation. Elle consiste à proposer aux Français d'investir dans le portefeuille de Bpifrance au travers d'un fonds que nous avons créé et que nous commercialiserons au détail auprès des Français, avec un ticket minimum de 5 000 euros. Ce fonds contiendra 3 000 PME et start-ups françaises. Pour 5 000 euros, un investisseur met donc 1,5 euro par entreprise, ce qui est peu risqué. Nous pensons lever 200 millions d'euros, que nous réinjecterons dans les PME. Cette opération a dû être reportée à une date encore indéterminée - peut-être l'automne ou le printemps 2021. Elle répond à votre souci de permettre aux Français d'investir dans des start-ups, et ce au travers d'un tiers de confiance très avisé. Nous le faisons sans avantage fiscal ! Un tel avantage était justifié par le fait qu'on demandait à des personnes physiques d'investir dans une ou deux entreprises, ce qui est très risqué. Quand on investit d'un coup dans 3 000 entreprises, cela n'est plus vraiment risqué, il n'y a donc plus besoin de carotte fiscale. Nous avons privilégié cette voie à celle de la réactivation de l'IR-PME.
Le FDES va évidemment intervenir pour des entreprises en difficulté au sens européen du terme, car il est conçu pour cela. Il sera particulièrement lié à la Médiation du crédit, aux Codefis et aux administrateurs judiciaires dans les départements.
Monsieur Daunis, oui, Bpifrance finance 90 à 95 fonds de capital-risque, donc ce faisant, de facto, nous imposons une charte de comportement. Nous sommes très attentifs à la manière dont nos clients de second rang - les start-ups - sont traités par les fonds de capital-risque que nous finançons. Il est certain qu'il y a eu des baisses de valorisation pour les levées en cours. Elles sont légitimes pour un grand nombre de cas puisque le monde a changé depuis le 15 mars. Ce n'est pas un comportement de prédation. S'il y a des comportements de prédation, n'hésitez pas à m'écrire.
Monsieur Moga, s'agissant des concours du programme 192, nous souhaitons qu'il soit intégré au PIA 4 et sanctuarisé dans la durée. Il nous a semblé, collectivement, avec les services du Premier ministre, que c'est la meilleure façon de sanctuariser ces concours. Ces travaux avancent.
Monsieur Labbé, il est certain que l'entrepreneur concerné aura du mal à revenir vers son banquier en demandant 100 000 euros de prêts après l'intervention de la médiation. Cela dit, tout est possible : la sortie de crise va s'écrire semaine par semaine, il n'est donc pas exclu que l'entreprise parvienne à convaincre son banquier. Si ce n'est pas le cas, elle pourra aller chercher un prêt Rebond de la région Bretagne. Elle pourra aussi tenter d'aller voir son Codéfi pour obtenir une avance remboursable du FDES, mais celui-ci est conçu pour les entreprises qui ont les besoins les plus critiques et n'ont pas pu recourir au PGE.
Madame Lamure, oui, on entend peu les start-ups. C'est plutôt une bonne nouvelle, et c'est parce qu'elles sont très bien traitées ! Elles ont reçu beaucoup de PGE innovation distribué par les banques et reçoivent beaucoup de PGE innovation distribué par Bpifrance. Nous avons créé un fonds French Tech Bridges permettant de sauver les levées de fonds importantes qui étaient en train d'échouer en mars et en avril, et sans lesquelles les entreprises concernées risquaient de mourir. Tous les autres instruments de Bpifrance fonctionnement pleinement : les instruments subventionnés du PIA, les avances remboursables du programme 192, le plan French Tech Seed... Enfin, il faut savoir que les start-ups avaient constitué des volants de liquidités importants : en moyenne, sur le portefeuille de Bpifrance, elles avaient douze mois de trésorerie d'avance. Tous nos efforts depuis des années se traduisent donc par une forte liquidité du monde de l'innovation français. Il n'est donc pas surprenant que les start-ups soient peu vocales car elles sont bien traitées.
S'agissant du programme « TPE-PME gagnantes à tous les coûts », nous avons signé un partenariat avec l'Ademe, et nous déploierons ce programme dans les 55 accélérateurs de Bpifrance à partir de septembre.
Madame Estrosi Sassone, dans les prochains mois, nous serons le grand banquier de la relance mais en mettant l'accent sur quelques secteurs : le plan tourisme, le plan automobile, le plan aéronautique, le plan climat, et le plan 1000 tickets - consistant en une injection méthodique et systématique de fonds propres et de quasi-fonds propres dans les PME françaises. Ces activités s'ajouteront à nos activités habituelles.
Enfin, dans le plan tourisme, il y a les initiatives de fonds propres. Bpifrance va créer trois fonds : le fonds France investissement tourisme, qui investira en capital, atteindra 300 millions d'euros ; un fonds en obligations convertibles avec environ 90 tickets entre 400 000 et 1 million d'euros par ticket ; et un fonds de petites obligations convertibles de 150 000 à 250 000 euros par ticket - c'est celui que j'évoquais tout à l'heure, pour lequel nous accueillerons très volontiers la participation des conseils régionaux afin de pouvoir faire des centaines de petits tickets d'obligations convertibles dans les territoires. L'ensemble de ces fonds devrait représenter 500 millions d'euros. La Caisse des dépôts devrait mettre de l'ordre de 700 millions d'euros. Ce qui représente une sorte de grand fonds de capital-investissement dans le tourisme supérieur au milliard d'euros. Des petites équipes spécialisées agiront concomitamment, il n'y aura pas une seule structure.
Monsieur le Directeur général, vous nous avez annoncé la possibilité pour les Français d'investir dans un fonds commercialisé par BPI. À un moment où nous allons devoir mobiliser l'épargne des Français, qui a augmenté durant la crise, c'est un dispositif très intéressant. Je regrette presque que l'objectif ne soit que de 200 millions d'euros ! Merci à vous et à l'ensemble de vos équipes.
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