Nous accueillons aujourd'hui M. Faber, président-directeur général de Danone, et je crois que c'est la première fois que vous vous exprimez devant notre commission.
Nous inaugurons, aujourd'hui, une nouvelle phase de nos travaux, après une première phase très active, portant sur le suivi et le contrôle de l'action du Gouvernement, sur le terrain, département par département, secteur par secteur. Il s'agissait d'entamer un dialogue constructif avec le Gouvernement, dans cette crise inédite. Nous avons d'ailleurs apporté notre pierre, en précisant les champs d'habilitation et en alertant le Gouvernement sur certains points, à la construction des ordonnances et aux différents dispositifs qui ont été déployés.
Nous inaugurons aujourd'hui une phase plus prospective, afin de prendre du recul et de réfléchir à la sortie de crise ainsi qu'à ses enseignements. Cette réflexion porte sur les grandes tendances économiques que nous voyions apparaître avant la crise. Ces tendances ont-elles été confirmées, voire accélérées, la crise jouant un rôle de catalyseur, ou ont-elles plutôt été infirmées ? Vous nous ferez part de votre avis sur cette question.
Parmi les enjeux que nous pressentons, figure évidemment le défi de la résilience, avec des questions relatives à la transition écologique, que vous avez abordées dans une tribune signée avec 90 autres dirigeants d'entreprises. Cette question de la résilience recouvre des enjeux relatifs à la souveraineté économique ainsi qu'à la souveraineté sanitaire et à la souveraineté alimentaire.
Afin d'identifier ces évolutions, il nous a semblé important d'orienter nos travaux dans un sens plus prospectif et d'entendre des penseurs et des acteurs. Nous avons d'ailleurs été marqués par l'expression d'un de vos confrères, dirigeant d'Airbus, disant qu'il « ne faut pas gâcher une crise », c'est-à-dire ne pas perdre l'occasion d'apprendre.
C'est à ce titre que nous avons le plaisir de vous accueillir en tant que président-directeur général du Groupe Danone, immense acteur du monde agroalimentaire, avec 25 milliards d'euros de chiffre d'affaires dans le monde, fort de sa présence dans plusieurs pays. Danone est le premier groupe agroalimentaire français, mais la France n'est pas le premier marché du groupe.
Cela m'amène à une première question : comment votre groupe traverse-t-il cette crise, en France et dans le monde ? Quelles sont vos observations quant aux différences et aux similitudes entre les pays où votre groupe est présent ?
Une autre série de questions portera sur les enseignements à tirer de la crise, notamment pour notre économie agroalimentaire française. Dans votre secteur, l'approvisionnement représente un enjeu de souveraineté et de sécurité. La France semble avoir été résistante en la matière au long de cette crise. Néanmoins, sa dépendance aux importations agricoles s'est accrue depuis 2000 et pourrait fragiliser cette position, dans un contexte de concurrence parfois déloyale entre nos productions agricoles et celles que nous importons. Quelles inflexions notre politique agricole doit-elle dessiner pour demain ?
Un débat porte sur la relocalisation de certaines activités, ayant relancé des idées de délocalisation, de démondialisation, de relocalisation, voire de protectionnisme régional ou microrégional. Il semble toutefois qu'il ne faille pas transformer une légitime quête de souveraineté alimentaire en une fermeture hermétique aux échanges. Nous connaissons en effet l'importance du poids des exportations dans la politique économique de la France.
Enfin, en ce qui concerne les consommateurs, la crise a accéléré de nouveaux modes de consommation. Je pense à la reconstruction des marques, aux nouvelles formes de commerce, à l'attachement des consommateurs et des actionnaires à la responsabilité sociale et environnementale et, bien sûr, aux engagements environnementaux. Danone a toujours été en pointe sur ces sujets. Quels défis les entreprises devront-elles relever à cet égard ? Quelles nouvelles relations devront être dessinées entre consommateurs et fournisseurs ? Ce défi est essentiel à l'heure où l'image de l'industrie agroalimentaire est attaquée alors que cette industrie n'a jamais autant permis de nourrir les Français en quantité et en qualité.
Enfin, j'aurai quelques questions concernant le monde productif, auquel vous êtes profondément attaché. La crise a montré la nécessité de résilience des agriculteurs, ce qui impose de justement les rémunérer. Rencontrez-vous des difficultés pour traduire dans les faits les objectifs partagés lors des États généraux de l'alimentation ? Achetez-vous votre lait en tenant compte des coûts de production différenciés par bassin de production ? Une partie de vos achats se base sur les coûts réels de production et une autre sur la base des marchés spots. Il semblerait que la part de votre prix d'achat lié aux coûts de production ait contractuellement baissé. Est-ce le signe de difficultés à transformer dans les négociations en aval les hausses de prix nécessaires ? Ces considérations pourront-elles encore évoluer ?
Enfin, cette crise a montré la nécessité d'offrir aux Français des produits économiquement abordables.
En résumé, comment l'agriculture et l'industrie agroalimentaire peuvent-elles résoudre ces équations à tant d'inconnues ?