Intervention de Emmanuel Faber

Commission des affaires économiques — Réunion du 6 mai 2020 à 9h30
Audition de M. Emmanuel Faber président-directeur général de danone en téléconférence

Emmanuel Faber, président-directeur général de Danone :

Ces questions sont passionnantes.

Cher Alain, en effet, il faut absolument que la DGCCRF fasse son travail. Des sanctions et des audits sont prévus. Ils doivent donc être appliqués, à plus forte raison dans la présente situation.

J'ai signé une lettre sur la relance verte et l'Union européenne est en train de se doter avec le green deal d'un dispositif qui va lui permettre de prendre en compte le schéma carbone de l'agriculture. Nous discutons avec le commissaire à l'agriculture, le marché intérieur, etc. de l'intérêt de mettre en place un dispositif d'intervention carbone aux frontières de l'Union Européenne.

Effectivement, la capacité de stockage est fondamentale. De ce point de vue, la coordination entre la France et l'Europe a très bien fonctionné pendant cette crise, puisque l'aide au stockage privé a été déclenchée par l'Union européenne voici une dizaine de jours pour de nombreux produits agricoles, comme les pommes de terre, le lait, la poudre de lait, etc.

En ce qui concerne la réduction des emballages, il ne faut pas ralentir. Chez le consommateur, le suremballage est perçu comme une nuisance, puisqu'il consiste en des opérations de tri supplémentaires. Il n'en demeure pas moins qu'il assure une forme de sécurité alimentaire en évitant la dégradation et le gaspillage des produits sur les palettes. Il faut que la législation continue à aller dans le bon sens. Je voudrais profiter de cette tribune que vous m'offrez pour dire que je regrette que le système de consigne des bouteilles en plastique en France ne soit pas au rendez-vous des engagements de la France ni du souhait des Français (88 % d'entre eux sont favorables à la consigne). Il s'agit là d'un rendez-vous manqué et je vous invite à saisir la prochaine possibilité en la matière, car la consigne est fondamentale.

De même, il ne faut surtout pas interdire les emballages biosourcés. Pour l'heure, il n'y a pas de filière en la matière, du fait de l'absence de recherche. Si nous commençons à favoriser la recherche dans ce domaine, une filière existera sous dix ans. Il s'agira même là de la filière du futur, qui permettra de sortir du fossile. Chez Danone, nous avons même pris l'engagement de ne plus utiliser de polystyrène pour nos pots de yaourt sous cinq ans. Pour travailler sur le recyclage de nos bouteilles, nous avons besoin de la consigne. La France vient de rater une opportunité dans ce domaine. Aucun pays sans consigne n'a atteint 90 % de taux de recyclage. Un malentendu a été entretenu en France relativement au coût de la mise en place de cette disposition, mais nous savons parfaitement financer les 150 à 200 millions d'euros de manque à gagner des collectivités locales liés à la mise en place de la consigne.

Je suis très favorable aux circuits courts, qui sont l'un des éléments de résilience de notre modèle. En France, il existe des programmes alimentaires territoriaux, excellents outils, mais insuffisamment utilisés, qui permettent de décider collectivement de la stratégie alimentaire d'un territoire. Ces programmes donnent un cadre qui permet une action collective. Il est donc possible de modifier les règles de sécurité alimentaire. La résilience correspond ainsi à la gestion du risque. Le circuit court fait en effet prendre davantage de risque en matière de sécurité alimentaire mais favorise des modes de production traditionnels et artisanaux.

Effectivement, l'activité agroalimentaire a été caractérisée comme essentielle. Le Gouvernement fournit un travail remarquable. La filière s'est particulièrement bien coordonnée à la grande distribution, aux syndicats agricoles et aux industriels, avec des contacts quotidiens avec le ministre de l'agriculture et le ministre de l'économie pendant les trois premières semaines de la crise. Aujourd'hui, nous avons le sentiment d'être soutenus et entendus dans les aménagements qu'il a fallu effectuer pour nous adapter à la situation.

Concernant le risque de prédation, je suis mal placé pour en parler. Danone est présent dans une quarantaine de pays. En Indonésie, nous avons deux grandes marques, l'une dans l'alimentation infantile et l'autre dans l'eau. Toutes deux sont présentes dans ce pays depuis 50 ans pour l'une et 70 ans pour l'autre. Il s'agit de marques indonésiennes, avec des équipes indonésiennes. D'une façon générale, nous travaillons ainsi avec des équipes locales. La question de la prédation pose celle de la forme d'économie que nous construisons. Nous avons la volonté d'être une entreprise à mission et il me semble fondamental de réécrire le logiciel de l'économie en France en Europe pour inscrire la responsabilité sociale, sociétale et environnementale au coeur de l'économie. C'est d'ailleurs le cas avec la loi PACTE. Dans ce contexte, la question de la prédation se pose beaucoup moins. En Indonésie, sommes-nous prédateurs de la marque avec laquelle nous travaillons depuis des décennies ? Je ne le crois pas. Ces sujets posent la question du type d'acteurs que nous accueillons en France. Il est en effet possible que les acteurs internationaux favorisent une certaine forme d'unification et de dialogue dans un monde qui se fragmente.

Monsieur Gremillet a raison de souligner la diversité raciale des animaux en France. La Holstein représente 70 % du cheptel, mais, depuis plusieurs années, les autres races sont de nouveau en croissance, notamment en Haute-Normandie, du fait d'une initiative de la Région.

Il est sans doute encore trop tôt pour l'affirmer, mais nous devrions effectivement assister à l'émergence de nouveaux comportements, y compris issus de la néo-ruralité. Des zones urbaines devraient s'en trouver déconcentrées, ce qui devra s'accompagner d'une réorganisation de la distribution et d'autres services.

Il est suicidaire pour la filière de rechercher les prix les plus bas. Nous avons été les pilotes du système Nutriscore, qui se marie mal avec cette recherche. Danone s'est donné pour mission de proposer une alimentation construisant la santé dans le temps, ce qui, nécessairement, représente un coût. Même pour les ménages les plus modestes, nous nous dirigeons vers un réaménagement des arbitrages budgétaires. L'État doit jouer un rôle incitatif sur ce sujet, notamment en agissant sur le plan règlementaire. Nous devrons nous demander si nous avons besoin d'un smartphone hyper perfectionné et fabriqué en Chine ou si nous voulons mieux manger, en valorisant le rôle de la chaîne alimentaire. Il me semble d'ailleurs que la crise actuelle aura contribué à revaloriser ce rôle dans l'imaginaire collectif des Français.

Sur le contrôle des prix, la DGCCRF doit faire son travail. La recherche du prix le plus bas ne doit pas se traduire par de la sous-valorisation alimentaire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion