Pourquoi la Chine n'apparaît-elle pas sur les cartes que je vous ai montrées ? Tout simplement, les indicateurs utilisés pour les dresser ne tiennent pas compte de la chasse ou de la consommation de produits extraits de la diversité biologique.
Les pratiques de chasse sont toujours liées aux populations les plus pauvres du monde. Elles peuvent être à l'origine d'un trafic plus ou moins fructueux.
Dans les cartes produites dans la littérature scientifique internationale, la Chine, à l'exception du sud de la Chine, ne figure pas dans les hotspots de diversité biologique en maladies infectieuses émergentes.
S'agissant de la biodiversité, vous l'avez bien compris, toutes les interfaces que nous produirons en tant que société humaine, les usages de la biodiversité, seront toujours des pratiques à risque. Je serais bien prétentieux de répondre seul, la solution devant être organisée aux niveaux national et international. Toutefois, selon moi, il convient de créer des sanctuaires de diversité biologique et d'éviter au maximum les expositions.
La médecine a oublié ce qu'est un risque : il s'agit de la multiplication de menaces ou dangers avec des expositions dans le cadre d'une vulnérabilité. En effet, si vous n'êtes pas exposé à un danger, il n'y a pas de risque.
Il faut donc éviter les expositions dans le cadre, en particulier, de la pratique de la chasse mais aussi du tourisme. Ainsi, des virus de la rougeole, transmis par le biais de touristes, ont-ils exterminé des populations entières de grands singes. Le phénomène fonctionne donc dans les deux sens.
Comment lutter contre la déforestation ? Il s'agit d'un sujet majeur non seulement pour la problématique du changement climatique, mais aussi pour le développement de l'agriculture et de l'élevage. On en revient là à la création de grands espaces naturels sanctuarisés.
C'est moins la consommation de viande de brousse boucanée que les contacts avec les animaux chassés qui expliqueraient les transmissions infectieuses de l'animal à l'humain. Les blessures, les expectorations ou les fluides - urine, bave - peuvent provoquer la contamination du chasseur.
Les deux virus responsables du sida, HIV1 et HIV2, proviennent respectivement du chimpanzé et du singe vert d'Afrique de l'Ouest. On dit qu'ils auraient été transmis à l'humain par la consommation de viande de brousse. En réalité, nous n'en savons rien ! Lors des premières contaminations par le virus du sida dans les années 1920 au sud-est du Cameroun, personne n'était là pour faire une photo de l'événement.
D'ailleurs, d'après toutes les études réalisées sur ce sujet, notamment à l'Institut de médecine tropicale d'Anvers, la viande saisie dans les aéroports bruxellois et français n'a rien révélé s'agissant de la présence de virus. Cela signifie non pas que ces particules virales n'existent pas, mais que les techniques moléculaires utilisées ne les révèlent pas si elles sont à des densités extrêmement faibles.
Quant au trafic d'animaux sauvages, il s'agit d'un problème réel. Je pense notamment à l'utilisation de certains organes, des os ou des écailles entrant dans la pharmacopée traditionnelle chinoise. Je pense aussi aux trafics d'animaux sauvages - petits rongeurs, écureuils de terre - destinés à alimenter les nouveaux marchés des animaux de compagnie. Ils ont été responsables de l'introduction, dans les années 2003 à Atlanta, du virus de la variole du singe, qui est très pathogène.
La chasse et les trafics d'animaux sont toujours associés à des populations extrêmement pauvres. Il s'agit donc d'une véritable problématique de développement durable, dans la mesure où on ne peut pas interdire la chasse aux populations des forêts africaines ou d'Amérique du Sud et centrale, si on ne trouve pas les moyens de développer une agriculture leur permettant d'assurer leur existence.
Il s'agit d'ailleurs d'un sujet d'anthropologie car je ne suis pas sûr que les populations amérindiennes qui ont une pratique de chasse traditionnelle aient été plus affectées que d'autres populations par des virus ou des bactéries mortelles.
Sur ce qui concerne notre impréparation, nous faisons face au syndrome du nuage de Tchernobyl, qui s'arrête à la frontière germano-française. En médecine, comme dans tout domaine d'activité, il existe des sciences nobles et des sciences moins nobles. Toutes les recherches en matière infectieuse - l'infectiologie, la santé publique, l'épidémiologie - n'ont pas été privilégiées en France ; les sciences plus nobles disposent d'une place hégémonique. On observe la même chose en biologie : un virologue a beaucoup plus de prestige qu'un bactériologiste. Ainsi, au sein même de la médecine, bien des gens n'ont pas cru que nous étions possiblement vulnérables à de nouvelles infections et parasitoses, estimant que nous trouverions les moyens de les arrêter ou de nous guérir. En réalité, pour développer un vaccin, il faut compter de 2 ans à 12 ans, et plutôt 12 ans que 2 ans ! En effet, il faut créer le vaccin, le tester, puis le commercialiser : c'est là que ça achoppe la plupart du temps. Par conséquent, selon la médecine, l'espèce humaine n'est plus du tout vulnérable à ce type de risques, qu'elle a les moyens de stopper voire d'éradiquer.