Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du 26 mai 2020 à 9h30
Questions orales — Donation au dernier vivant

Olivier Dussopt :

Madame la sénatrice Guidez, permettez-moi d’excuser Mme la garde des sceaux, qui est retenue, et qui m’a demandé de vous apporter les éléments de réponse suivants.

La situation du conjoint survivant est régie par les régimes matrimoniaux auxquels s’ajoutent des dispositions relatives au droit des successions. La loi du 3 décembre 2001 a déjà fait du conjoint survivant un héritier légal de premier ordre ; en l’absence de testament, il vient à la succession, aux côtés des enfants du défunt, et reçoit, soit le quart de la succession en pleine propriété, soit l’usufruit de l’intégralité de la succession, le reste revenant aux enfants.

Si le défunt souhaite l’avantager de façon plus importante, la loi du 23 juin 2006 lui a permis d’en faire un héritier privilégié. Ainsi, le conjoint défunt peut lui laisser jusqu’au quart en pleine propriété du patrimoine, et trois quarts en usufruit. Le conjoint survivant peut alors jouir de l’ensemble du patrimoine successoral, et s’il ne souhaite pas une propriété partagée avec les enfants, il peut demander que son usufruit soit converti en rente viagère.

Cette faveur faite au conjoint survivant peut-être mise en œuvre très simplement, et à un coût réduit, voire nul – ce qui me paraît répondre à l’une de vos interrogations –, soit par le biais d’une donation au dernier vivant passée devant notaire, donation dont les frais sont fixes et encadrés par l’État, soit par le biais d’un simple testament, qui est gratuit.

J’ajouterai que la loi fiscale est très avantageuse pour le conjoint survivant comme pour le partenaire pacsé, puisqu’ils sont complètement exonérés de droits de succession.

Aller plus loin dans la faveur faite au conjoint survivant comme vous le proposez ne nous semble justifié ni d’un point de vue juridique ni au regard des évolutions de la société : renforcer les droits du conjoint, c’est inévitablement porter atteinte aux enfants, notamment à ceux issus d’une précédente union.

Lorsque les enfants sont communs, l’atteinte à leur droit pourrait être considérée comme tolérable, puisqu’ils récupéreront le patrimoine successoral au décès du deuxième parent. En revanche, les enfants non communs n’hériteraient pas du conjoint survivant, et ils perdraient alors définitivement tout héritage si le conjoint hérite en premier.

Il n’est donc pas envisagé à ce stade d’accroître encore davantage les droits successoraux du conjoint survivant, déjà très favorisé par la législation actuelle. Cela serait source d’un déséquilibre trop important au détriment des enfants, actuellement protégés par la réserve héréditaire.

Le rapport sur la réserve héréditaire remis à la garde des sceaux le 13 décembre dernier par un groupe de travail constitué d’universitaires et de praticiens du droit étudie cette question et permet de nourrir la réflexion sur l’évolution du droit en la matière. Mme la garde des sceaux et ses services restent à votre disposition pour échanger sur ces préconisations.

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