Intervention de René-Paul Savary

Réunion du 26 mai 2020 à 14h30
Diverses dispositions liées à la crise sanitaire à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du royaume-uni de l'union européenne — Discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de René-Paul SavaryRené-Paul Savary :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais évoquer deux sujets qui ont concerné la commission des affaires sociales : le droit du travail et les retraites.

Nous avions abordé ces questions en affirmant un principe et en exprimant un regret.

Un principe : légiférer dans l’urgence, certes, mais pas au-delà de ce que commande la situation de crise, et dans la mesure du possible en toute connaissance de cause. Il faut bien reconnaître qu’un certain nombre d’études d’impact manquaient au dispositif. Nous avons donc exclu les habilitations trop larges, les dispositifspermanents et les chiffrages par trop approximatifs.

Un regret : voir légalisées, en responsabilité, bien sûr, certaines décisions déjà prises. Celles-ci ont parfois un fort impact financier, alors même que les textes d’urgence n’ont pas manqué, comme l’a brillamment rappelé notre collègue Muriel Jourda.

Comme le Gouvernement aime à le souligner, le dispositif d’activité partielle, qui devrait animer nos débats une bonne partie de l’après-midi et de la soirée, a été l’un des plus généreux d’Europe ; nous l’avons tous bien entendu.

Or ce dispositif, qui a permis rapidement de maintenir jusqu’à présent un certain statu quo sur le front de l’emploi, incite peu à la reprise d’activité. Il faut donc en sortir de manière très progressive et ciblée, faute de quoi les sommes considérables qui ont été engagées n’empêcheront pas, demain, les licenciements.

Le présent projet de loi habilite le Gouvernement à prévoir des règles différentes d’un secteur à l’autre, afin de cibler au mieux le soutien public sur les entreprises les plus en difficulté. Toutefois, même celles qui ne connaissent pas de gros problèmes devront continuer à être encadrées.

En revanche, les paramètres d’indemnisation des salariés en activité partielle et de remboursement par les pouvoirs publics relèvent du décret. C’est par ce moyen que le Gouvernement a décidé de compenser intégralement la rémunération des salariés, à hauteur de 70 %. Il a d’ores et déjà annoncé vouloir réduire, également par voie de décret, cette couverture pour certaines activités à compter du 1er juin.

Les différents amendements que nous examinerons et qui tendent à reporter dans le temps la possibilité pour le Gouvernement d’adapter ces règles relatives à l’activité partielle n’atteindront peut-être pas l’objectif recherché par leurs auteurs. Nous aurons l’occasion d’en discuter.

Il faut permettre une adaptation à plusieurs vitesses du dispositif, en fonction de la situation et descaractéristiques des entreprises, de manière à inciter à un retour à l’activité très important tout en limitant les impacts sociaux de la crise économique.

Nous resterons bien sûr vigilants, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, sur la mise en œuvre de ces mesures. Il reste à ce stade nombre d’interrogations sur les paramètres qu’il est envisagé de modifier, et surtout sur l’impact attendu de ces mesures. Nous attendons des précisions de la part du Gouvernement.

Sur l’initiative de la commission des affaires sociales, plusieurs habilitations en matière de droit du travail ont été inscrites en clair dans le projet de loi, concernant l’indemnisation du chômage, la représentation des travailleurs indépendants, le prêt de main-d’œuvre, ainsi que, conjointement avec la commission des lois, le mandat des conseillers prud’hommes et la représentation des salariés des TPE. Ces mesures, le plus souvent ponctuelles, ne justifiaient pas une habilitation à légiférer par ordonnance.

La commission s’est par ailleurs attachée à clarifier la rédaction des articles visant à assouplir les règles relatives aux contrats courts, d’une part, et aux contrats d’insertion et contrats aidés, d’autre part, en veillant notamment à bien limiter dans le temps la possibilité de déroger par accord d’entreprise aux règles de renouvellement des CDD.

La commission des affaires sociales a été saisie, notamment, de trois points relatifs aux retraites.

Le premier porte sur l’usage d’une partie des réserves des régimes complémentaires des indépendants, pour soutenir les cotisants. Bien qu’il ne soit pas dans la vocation de ces réserves de financer de telles aides, au vu du contexte exceptionnel que nous connaissons, la commission a validé une situation de fait, l’aide de 1 milliard d’euros ayant déjà été versée et financée sur les réserves du régime complémentaire des indépendants, et destinée aux artisans et commerçants actifs. Nous avons d’ailleurs laissé cette souplesse, également, pour les caisses complémentaires, comme celles des professions libérales, notamment des avocats.

Le second point concerne la validation des périodes d’activité partielle au titre de la durée d’assurance permettant l’ouverture des droits à la retraite. La commission a choisi de limiter strictement le champ du dispositif à la période de la crise sanitaire. Elle l’a fait pour deux raisons : le chiffrage de la mesure est, pour le moment, impossible et sa pérennisation pourra se faire avec beaucoup plus de visibilité dans le cadre d’un prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

Enfin, troisième point, la commission a souhaité donner une base légale aux règles de cumul entre emploi et retraite pour les soignants.

Voilà les quelques précisions que je souhaitais apporter, au nom de la commission des affaires sociales.

J’en terminerai avec deux réflexions personnelles. D’une part, le Parlement n’est pas là que pour régulariser ; n’en prenez pas trop l’habitude, monsieur le ministre ; nous comprenons vos motivations, mais tout de même !

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