Séance en hémicycle du 26 mai 2020 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Philippe Dallier.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, demain, le Parlement sera saisi d’une déclaration du Gouvernement sur la mise en place de l’application StopCovid suivie d’un vote dans chaque assemblée en vertu de l’article 50-1 de la Constitution.

Comment ne pas être surpris de la réapparition de ce petit serpent de mer, alors que beaucoup tenaient ce projet pour enterré, car trop tardif, inutile et efficace ?

Comment, surtout, ne pas s’élever contre la place réservée au Parlement dans la mise en œuvre de ce système numérique, qui soulève de lourds problèmes en matière de libertés publiques ?

Il nous sera demandé de nous prononcer demain soir, alors que le Gouvernement a déjà annoncé que l’application était prête à être mise en œuvre dès ce week-end.

Certes, M. Cédric O conditionne cette mise en œuvre au vote du Parlement, mais il exerce dans le même temps une pression difficilement acceptable en tentant de présenter le vote comme acquis et la mise en place de StopCovid comme évidente.

Monsieur le président, nous l’avons déjà constaté après le vote négatif du Sénat sur le plan de déconfinement, les votes qui ne sont que de simples avis, à la différence du vote de confiance à l’Assemblée nationale, importent peu à l’exécutif. Il est paradoxal de constater que l’accord de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) apparaîtra sans doute plus important que celui du Sénat.

Le 13 mai, M. le Premier ministre indiquait dans un courrier que la « décision n’était pas encore prise » et « qu’elle le sera après les nécessaires débats qui seront organisés au Sénat ».

Pourquoi donc annoncer avant même les débats la mise en œuvre de StopCovid dès vendredi soir ? Pourquoi une telle obstination, une telle précipitation de dernière minute, alors que beaucoup estiment qu’elle n’a pas d’utilité ? La vérité est peut-être ailleurs…

Selon Cédric O, l’application « pourrait être disponible dans les magasins Apple et Android dès ce week-end ». Vraiment, le naturel de la « start-up nation » revient toujours au galop ! Le commerce avant tout, le commerce toujours, avec la promotion, une fois de plus, des géants du numérique, alors qu’il s’agit d’une mission régalienne de protection de la santé publique !

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

La parole est à M. le rapporteur général, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

C’est un rappel au règlement pour lequel je suis mandaté par la commission des finances, qui vient de se réunir à l’instant et souhaite exprimer un certain agacement, monsieur le ministre.

Nous nous sommes réunis il y a plus d’un mois, les 21 et 22 avril derniers, pour examiner un projet de loi de finances rectificative d’urgence. Le Gouvernement nous a expliqué qu’il fallait agir sans tarder, qu’un certain nombre de mesures étaient attendues. Le Sénat a joué le jeu dans les délais extrêmement réduits qui lui étaient impartis. Nous avons fini d’examiner ce texte à trois heures du matin et nous sommes parvenus à un accord en commission mixte paritaire, comme vous le savez.

Le Sénat avait voté à la quasi-unanimité un amendement prévoyant, sur mon initiative, un taux de TVA réduit à 5, 5 % sur les masques de protection, sur les gels hydroalcooliques et non hydroalcooliques de protection, ainsi que sur les équipements de protection. Nous sommes le 26 mai et, de manière très étonnante, le texte réglementaire définissant la liste des équipements de protection n’est toujours pas paru.

Cela signifie concrètement que les collectivités, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), et les différents utilisateurs de ces équipements de protection continuent à payer une TVA de 20 %, ce qui n’est évidemment pas la volonté du Parlement. On nous explique qu’il y aura par la suite des régularisations de TVA.

À l’instant, notre collègue Philippe Adnot m’a cité l’exemple d’une usine qui se voit appliquer par une direction de l’État un taux de TVA à 5, 5 % et par une autre direction de l’État un taux de TVA à 20 % !

Ma question est très simple : pourquoi, plus d’un mois après, alors que le texte était justifié par l’urgence et que nous nous réunissons de nouveau pour examiner d’autres dispositions d’urgence, les services de l’exécutif sont-ils incapables de publier un arrêté visant à prévoir les conditions dans lesquelles le taux de TVA à 5, 5 % s’applique ?

Il existe certes des règles européennes, mais bizarrement un arrêté a déjà été pris pour les dons de ces équipements. La définition que nous avions retenue était donc déjà conforme aux principes fixés au niveau européen.

J’ai appelé tous les services de l’exécutif, j’avoue mon étonnement, voire mon exaspération. La volonté du Parlement est-elle respectée ? On peut en douter.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – MM. Vincent Éblé et Franck Menonville applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne (projet n° 440, texte de la commission n° 454, rapport n° 453, avis n° 444 et 451).

Notre séance se déroule dans les conditions de respect des règles sanitaires mises en place depuis le mois de mars.

Je rappelle que l’hémicycle fait l’objet d’un nettoyage et d’une désinfection avant et après chaque séance. Il en est de même pour les micros après chaque intervention. J’invite chacune et chacun à veiller au respect des distances de sécurité. Les entrées et les sorties de la salle des séances, pour les sénateurs, devront exclusivement s’effectuer par les portes situées au pourtour de l’hémicycle.

Je rappelle également que tous les orateurs, y compris le Gouvernement, s’exprimeront depuis leur place, sans monter à la tribune.

Enfin, monsieur le ministre, mes chers collègues, afin de limiter la circulation de documents, vous êtes invités à utiliser vos tablettes et la fonctionnalité « En séance » sur notre site internet pour prendre connaissance du dérouleur et des amendements, même si ces documents demeurent à votre disposition.

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà maintenant un peu plus de deux semaines que la France sort progressivement du confinement.

Pendant longtemps, nos concitoyens ont attendu avec inquiétude ou espoir, parfois même les deux, la date fatidique du 11 mai. Ils sont désormais dans l’attente des futures étapes de ce déconfinement.

Nombreux sont ceux qui veulent savoir si les restrictions apportées à la liberté de circulation seront levées ou allégées, si les bars, les cafés, les restaurants rouvriront leurs portes et s’ils pourront partir en vacances cet été. Retrouver ce qui fait au fond le sel de la vie sociale, reprendre une vie plus normale, tel est aujourd’hui le souhait de nos concitoyens.

Nous devons nous réjouir de ces impatiences qui manifestent un puissant désir de retrouver le vivre ensemble. Dans le même temps, nous ne pouvons pas ignorer que cette période est source de contraintes, voire d’angoisses. Il est vrai que, pour un certain nombre de nos concitoyens, le confinement a pu paraître protecteur à bien des égards : d’un point de vue économique, puisqu’un salarié sur deux a été placé en chômage partiel ; d’un point de vue social, puisque d’importants filets de sécurité ont été mis en place pour accompagner les plus fragiles ; et d’un point de vue sanitaire enfin, puisque chacun était appelé à rester chez soi, loin du virus.

Au désir de se retrouver répond donc l’inquiétude du jour d’après. Y aura-t-il une seconde vague ? Les entreprises seront-elles suffisamment résilientes ? Les emplois seront-ils préservés ? La sécurité de tous sera-t-elle toujours assurée ?

Face à ce paradoxe auquel chacun d’entre nous est confronté, nous devons avancer sur une ligne de crête, ajuster les dispositifs et faire preuve d’agilité. Souvenons-nous que se précipiter signifie étymologiquement tomber la tête en avant. Faisons preuve de prudence, c’est ce que souhaite le Gouvernement, et de pragmatisme. Telle est la philosophie de ce projet de loi. Il vise à répondre à une multitude de questions et d’impératifs, ce qui explique son caractère singulièrement protéiforme.

Il s’agit tout d’abord d’un projet de loi qui vise à garantir la continuité du service public. Tel est le sens des mesures tendant au maintien en service d’un certain nombre de militaires ou encore de l’augmentation du plafond de jours de mobilisation des réservistes de la police nationale. Je pourrais aussi citer la possibilité d’engagement de la réserve civique auprès des entreprises chargées d’une mission de service public.

Ce projet de loi contient aussi des mesures destinées à permettre à l’administration de mener à bien des réformes que vous avez votées. Vous ne l’ignorez pas, l’administration a dû suspendre un certain nombre de ses activités en raison du confinement, parce qu’elle a notamment réorienté ses moyens vers la gestion de la crise sanitaire. Je pense ici au ministère des solidarités et de la santé.

C’est la raison pour laquelle certaines réformes telles que celles du divorce, du versement des pensions alimentaires ou encore de la justice pénale des mineurs doivent être reportées pour être mises en œuvre dans de bonnes conditions. Il en va de même pour certaines réformes intéressant Mayotte, la Martinique et la Guadeloupe, mais aussi la Polynésie française. Je sais que la ministre des outre-mer s’en est expliquée.

Par ailleurs, ce projet de loi a pour objectif de faciliter la reprise de notre vie économique et sociale, tout en s’attachant à maintenir les droits des salariés. Tel est le sens des mesures visant à simplifier le recours au prêt de main-d’œuvre ou encore la possibilité pour les travailleurs saisonniers de demeurer trois mois supplémentaires sur le sol national.

La commission des affaires sociales a également adopté des amendements visant à limiter dans le temps les dispositifs dérogatoires tendant à assouplir les règles relatives au contrat d’insertion, aux contrats aidés ou aux contrats courts.

C’est cette même logique de protection qui avait conduit le Gouvernement à rendre possible la validation de droits à la retraite de base au titre de l’activité partielle ou encore l’intéressement dans les entreprises de moins de onze salariés, de même que le maintien des garanties de protection sociale complémentaire pour les salariés en chômage partiel pour une durée pouvant aller jusqu’à six mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire. La commission des affaires sociales du Sénat a introduit dans la loi la possibilité de déroger aux règles de cumul emploi-retraite que pratiquent les caisses de retraite en faveur des personnels soignants pendant la période épidémique. Le Gouvernement est favorable à cette mesure.

Certaines dispositions dont l’urgence n’est pas totalement décorrélée de la crise du Covid-19 ont été placées au sein de l’article 2, ou transformées en articles additionnels, à l’Assemblée nationale ou au Sénat en commission. Elles sont relatives à l’indemnisation des victimes d’essais nucléaires, au statut des volontaires internationaux en ambassade ou encore à la gestion des fonds européens par les régions.

Les incertitudes pesant sur le calendrier parlementaire nous ont conduits à privilégier ce vecteur pour vous les présenter. L’ordre du jour du mois de juin est particulièrement contraint. Il est soumis à l’évolution de la situation sanitaire. Des projets de loi électoraux vous seront vraisemblablement soumis, de même qu’un troisième PLFR qui comprendra d’importantes mesures de relance. Enfin, à l’automne, vous le savez comme moi, il n’y a guère de temps à consacrer à autre chose qu’au budget. Nous saisissons donc l’occasion de ce vecteur pour un nombre limité de mesures dont nous avons besoin.

En outre, certaines de ces mesures avaient déjà été examinées par le Sénat au moment de la discussion du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP). Je pense au Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen), ou au seuil de revente à perte.

L’article 3 visait à habiliter le Gouvernement à prescrire la centralisation du dépôt sur le compte du Trésor des disponibilités des personnes morales soumises aux règles de la comptabilité publique et d’organismes privés chargés d’une mission de service public. Malgré la précision introduite par les groupes LaREM, MoDem et Les républicains à l’Assemblée nationale, qui a exclu de ce dispositif les organismes gérant un des régimes de retraite, la commission des finances du Sénat a supprimé cet article.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Je comprends qu’il s’agit là avant tout d’une opposition à la méthode retenue par le Gouvernement plus qu’au fond de la mesure. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement propose que cet article soit rétabli.

L’article 4 du projet de loi concerne le Brexit. Des explications plus approfondies vous seront données par ma collègue Amélie de Montchalin.

Enfin, l’article 5 vise à prévoir un mécanisme de contrôle parlementaire des mesures réglementaires prises sur le fondement des habilitations prévues dans ce projet de loi.

Après ces explications sur le fond des mesures présentées dans ce projet de loi, permettez-moi de dire quelques mots sur la méthode.

Vous l’aurez compris, ce projet de loi concerne un très grand nombre de périmètres ministériels, ce qui n’était pas arrivé depuis les lois Warsmann de simplification du droit. C’est donc une chose assez rare et qui me permet, même si plusieurs de mes collègues nous rejoindront au cours des débats, de répondre au nom du Gouvernement à vos questions et à vos amendements.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Certains se sont émus et regretteront encore que ce projet de loi soit un texte « fourre-tout », selon l’expression qui a été utilisée en commission des lois. Mais je ne suis pas sûr que le dépôt de seize textes particuliers, soit autant de projets de loi que de périmètres ministériels, eût été préférable en termes de lisibilité !

De plus, et je m’exprime en tant que ministre chargé des relations avec le Parlement, organiser le calendrier d’examen de seize textes par l’Assemblée nationale et le Sénat eût été pour moi une véritable gageure !

S’agissant du recours aux habilitations, je n’ignore pas la sensibilité particulière qui s’attache au recours à l’article 38 de la Constitution. Je la comprends d’autant mieux que j’étais parlementaire – il pourrait m’advenir de le redevenir –, mais ce recours aux ordonnances est pleinement justifié par l’incertitude entourant l’évolution de la situation économique, sociale, sanitaire et administrative de notre pays à court terme. C’est sur ce fondement que le Conseil d’État, dans son avis rendu public, a validé le procédé.

Le Gouvernement aurait pu se contenter, d’ailleurs, de mettre « en dur » les habilitations portant sur des dispositions législatives brèves et dont la rédaction est simple ou déjà avancée, comme l’y invitait le Conseil d’État. Il a pourtant veillé à aller plus loin, comme il s’y était engagé.

Sur les 40 habilitations à légiférer par ordonnances, 16 ont été mises « en clair », si vous me permettez cette expression, à l’Assemblée nationale. Au stade de l’examen en commission, le Sénat a poursuivi ce travail précieux, puisque le projet de loi ne comporte plus que 10 habilitations, certes au prix de quelques suppressions, s’agissant par exemple de l’article 3. Nous allons continuer ce travail en séance avec la transformation de l’habilitation sur la réserve civique, les instances consultatives des agences régionales de santé (ARS), le droit au chômage partiel des intermittents du spectacle, ou encore le maintien des garanties collectives de protection sociale complémentaire pour les salariés placés en position d’activité partielle.

Le Gouvernement, conscient de la nécessité de préserver les droits du Parlement pendant la période de l’habilitation à légiférer par ordonnances, ne s’est pas opposé à la mise en place d’un dispositif ad hoc de contrôle à l’article 5 du projet de loi.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Certes, il demande que le délai prévu pour prendre les ordonnances prévues aux articles 1er et 2 soit à nouveau de six mois, et non pas de trois mois, comme vous le proposez. Ce délai est justifié, là encore, par l’incertitude entourant l’évolution économique dans les prochains mois et par le calendrier de négociation du futur budget européen. Je ne doute pas que nous aurons l’occasion de revenir plus précisément sur un certain nombre de ces points.

Enfin, je n’ignore pas que ce projet de loi suscite des divergences entre le Gouvernement et votre assemblée. C’est d’ailleurs la vertu du débat parlementaire, auquel je suis, comme vous, très attaché.

Je me réjouis de la qualité des travaux menés par vos commissions. Je voudrais saluer en particulier les trois rapporteurs, Mme Jourda, MM. Savary et de Montgolfier, qui ont chacun permis d’enrichir le texte et de confirmer sans les modifier plus de 13 dispositions votées par l’Assemblée nationale. Je forme donc le vœu que les débats soient l’occasion de trouver un compromis sur un certain nombre de dispositions restant en suspens.

Debut de section - Permalien
Amélie de Montchalin

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui vous est soumis comporte des dispositions visant, comme vient de le dire Marc Fesneau, à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances diverses mesures nécessaires pour tirer les conséquences de la fin de la période de transition dans le contexte de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.

Avant d’en venir au détail des dispositions, je souhaiterais rappeler d’où nous venons et où nous souhaitons aller, car j’ai bien conscience de la difficulté que nous éprouvons tous à suivre le feuilleton du Brexit, qui dure maintenant depuis plus de trois ans.

L’accord sur le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, entré en vigueur le 1er février dernier, marque l’aboutissement de plus de deux ans de négociations difficiles conduites par le négociateur en chef au nom de l’Union, Michel Barnier. Cet accord préserve en particulier les droits acquis des citoyens britanniques et européens, notamment leurs conditions de séjour et de travail. C’était la première de nos priorités.

Les citoyens français qui résidaient au Royaume-Uni avant la fin de la période de transition pourront continuer à y vivre, travailler et étudier dans les mêmes conditions que celles qui prévalent actuellement. Réciproquement, les citoyens britanniques qui résidaient déjà sur le territoire français bénéficieront des mêmes droits qu’aujourd’hui.

Notre mobilisation est totale pour la construction du futur partenariat avec le Royaume-Uni. Nous avons engagé le 2 mars dernier, toujours sous l’égide de Michel Barnier, une nouvelle négociation qui doit aboutir d’ici à la fin de la période de transition prévue par l’accord de retrait. Celle-ci doit s’achever le 31 décembre, mais elle peut être prolongée, à la demande du Royaume-Uni et avec l’accord de l’Union, d’un an ou de deux ans.

Durant cette période de transition, l’accord de retrait prévoit que le droit de l’Union continue de s’appliquer au Royaume-Uni dans sa quasi-totalité. C’est un élément important de protection pour nos entreprises et nos concitoyens, qui permet de se préparer à une situation nécessairement différente de celle d’aujourd’hui. À la fin de cette période, seuls continueront en effet à s’appliquer l’accord de retrait et, si la négociation aboutit, l’accord sur la relation future.

Notre objectif dans cette négociation est clair : nous souhaitons conclure avec le Royaume-Uni un accord ambitieux et équilibré qui couvre un vaste champ – entre autres, le commerce, la pêche, les transports ou la sécurité –, tout en préservant les principes et les intérêts de l’Union.

Construire une telle relation ambitieuse et équilibrée prend du temps, nécessite des compromis et comporte son lot d’incertitudes et de difficultés. Je me dois de vous dire à ce jour que, si notre mobilisation est totale et si les Vingt-Sept sont unis, les incertitudes n’ont jamais été aussi grandes, et d’abord sur le calendrier.

Les Britanniques nous placent face à une contrainte de temps inédite pour négocier et ratifier l’ensemble du futur partenariat. Il nous reste désormais six mois de discussions, si nous devons nous en tenir à la fin prévue de la période de transition, laquelle doit s’achever le 31 décembre. Le refus, à ce stade, de toute prolongation de la période de transition n’est pas de notre fait, mais bien de celui des Britanniques.

Le défi est majeur, tant les sujets sont complexes et nombreux. À cela s’ajoute l’épidémie du coronavirus, qui nous a fait perdre un temps de négociation précieux, puisque les sessions ont été suspendues pendant près de deux mois. Elles ont repris depuis quelques semaines, mais uniquement par vidéoconférences, dans des conditions très différentes de celles qui prévalent en ce genre de circonstances ; mais les contraintes sanitaires s’imposent à tous. Ce n’est pas sans conséquence sur le rythme des négociations.

Le deuxième bloc d’incertitudes concerne le fond du dossier. Ces négociations sont d’autant plus difficiles à mener que les points de départ étaient éloignés. Les échanges de ces dernières semaines entre l’équipe de négociation dirigée par Michel Barnier et les Britanniques ont été peu constructifs – et je le dis en termes diplomatiques…

Les Britanniques ont en effet rendu publiques la semaine dernière leurs propositions précises, qui sont par de nombreux aspects très éloignées du mandat que nous avons confié à Michel Barnier. Les sujets de divergences sont toujours la pêche, la gouvernance de l’accord et les conditions de concurrence équitable.

L’objectif demeure, Michel Barnier l’a confirmé, de tout faire pour défendre le mandat que les États membres lui ont confié le 25 février. Il est, selon nous, absolument inacceptable et hors de question de céder à l’approche sélective des Britanniques. Nous voulons nous assurer, au contraire, que les négociations progressent au même rythme sur tous les sujets, et pas uniquement sur ceux qui relèvent des seuls intérêts des Britanniques.

Je vous le dis clairement, nous ne pouvons pas sacrifier les intérêts de nos pêcheurs, de nos agriculteurs, de nos entreprises, de nos concitoyens, sous prétexte de trouver un accord dans les délais et aux conditions imposés par les Britanniques. C’est pourquoi il est plus que jamais de notre devoir de nous préparer, comme nous l’avions fait pendant la phase de négociation de l’accord de retrait, à tous les scénarios et en particulier à une absence d’accord à la fin de la période de transition. Tel est l’objet de la demande d’habilitation présentée par le Gouvernement à l’article 4 du présent projet de loi.

Avant d’en venir au contenu des dispositions, je souhaite vous présenter l’approche que le Gouvernement a retenue pour cette demande d’habilitation.

En premier lieu, le dispositif proposé se fonde sur le modèle, que vous connaissez, de ce que nous avions prévu dans le cadre de la loi d’habilitation de janvier 2019 pour préparer l’hypothèse d’une sortie sans accord.

L’habilitation que nous demandons aujourd’hui tient bien évidemment compte de l’évolution du contexte, qui n’est plus le même, et des différences tenant principalement à l’entrée en vigueur de l’accord de retrait.

Les dispositions qui vous sont proposées à l’article 4 permettent de traiter trois types de situations : d’abord, celles qui ne sont pas couvertes par l’accord de retrait ; ensuite, celles qui apparaîtraient en cas d’absence d’accord sur la relation future à l’issue de la période de transition, et qui sont du domaine bilatéral ; enfin, les situations particulières qui n’ont pas été identifiées jusqu’à présent, mais pourraient se présenter, et que nous envisageons par précaution dans le but de protéger nos concitoyens et les personnes qui se trouvent aujourd’hui sur notre sol.

En tout état de cause, je tiens à le rappeler, la démarche de la France est pleinement respectueuse des compétences et des actions de l’Union européenne, dans le cadre de la négociation conduite au niveau européen. Les échanges que nous avons avec Michel Barnier sur ces dispositions sont, bien entendu, positifs, et nous n’entravons en rien sa capacité à négocier en notre nom.

Certains sur ces travées – j’ai pu suivre vos échanges en commission – s’interrogent sur la nécessité de légiférer par ordonnances sur certaines de ces dispositions. Je veux leur dire que l’habilitation est nécessaire, car il convient d’adopter rapidement les mesures qui s’imposent dans un contexte très incertain, évoluant rapidement, notamment compte tenu des contraintes qui pèsent sur le déroulement de la négociation. Une incertitude pèse ainsi sur la date de fin de la période de transition.

Nous répétons souvent, à l’heure actuelle, que gouverner c’est prévoir. Or prévoir, c’est aussi anticiper. Le Gouvernement se doit donc d’être en mesure de protéger sans délai les personnes et les entreprises qui pourraient pâtir de l’effet couperet de la fin de la période de transition. Personne, je crois, ne peut contester ce besoin de protection.

Le Parlement aura, bien sûr, l’occasion d’exercer son contrôle et continuera d’être très régulièrement informé de l’état des négociations avec le Royaume-Uni. Je fais cet effort en me rendant disponible, aussi souvent qu’il est nécessaire, afin d’être auditionnée au sein des différentes commissions et en particulier à votre invitation, monsieur le président Bizet.

La durée de l’habilitation a fait l’objet d’un long débat, il y a une dizaine de jours, à l’Assemblée nationale. Je le dis très solennellement, car j’ai moi-même été parlementaire, à l’instar de Marc Fesneau : je sais combien il importe au Parlement de ne pas être dessaisi de ses prérogatives, auxquelles vous connaissez mon attachement. Vous savez aussi quelle importance j’accorde au travail parlementaire et à nos échanges. Vous connaissez enfin mon engagement à défendre les intérêts de tous les Français dans cette négociation. Mais on ne saurait passer de bon accord dans la précipitation !

Nous préférons signer un bon accord dans dix-huit ou trente mois, plutôt que conclure un accord à tout prix, coûte que coûte, à la fin de l’année. Si nous agissions de la sorte, vous pourriez légitimement nous interroger sur le rôle que nous avons tenu pour protéger les pêcheurs, les agriculteurs et les entrepreneurs des départements dont vous êtes originaires.

Vous le savez, le choix d’étendre la période de transition revient aux Britanniques. Compte tenu de l’état d’avancement de la négociation, et en dépit du fait que les Britanniques s’y refusent pour le moment, personne ne peut exclure que cette période sera allongée. Il s’agit de trouver un juste équilibre entre les deux objectifs du Gouvernement : d’une part, limiter au maximum la période d’habilitation dans un esprit de consensus avec le Parlement et, d’autre part, maintenir une cohérence entre la négociation et la durée de la période de transition.

Dans cet esprit de compromis, j’avais proposé, lors de la première lecture du texte à l’Assemblée nationale, que le Gouvernement bénéficie d’une habilitation pour une durée de dix-huit mois, jusqu’au 31 décembre 2021. Les députés ont décidé de réduire cette période à quinze mois. Ce compromis me semble répondre aux exigences parlementaires et préserver en partie l’hypothèse d’une première extension limitée de la transition, qui est le principal message politique que nous devons envoyer aujourd’hui aux Britanniques, avec le soutien unanime du Parlement français.

L’habilitation doit en effet permettre d’anticiper dès à présent les mesures nécessaires dans la perspective d’une fin de période de transition repoussée, mais aussi de réagir à d’éventuelles nouvelles problématiques ou à des situations inédites. Je vous propose d’approuver ce compromis, adopté dans une démarche qui se voulait constructive et attentive aux inquiétudes du Parlement.

J’en viens aux dispositions de l’article 4.

Elles concernent, premièrement, la circulation des personnes et des marchandises. Nous souhaitons en particulier nous assurer, quelles que soient les conditions retenues, que le tunnel sous la Manche continue de fonctionner et qu’il ne ferme pas.

Le deuxième point s’attache à la continuité de la circulation de certains matériels de défense exportés vers le Royaume-Uni, qui sont soumis à une autorisation préalable. La fin de la période de transition nous obligera, en vertu du droit de l’Union européenne, à transformer nos licences dites « de transfert » en licences d’exportation. Nous vous proposons de l’autoriser dans un délai raisonnable.

Troisième point, nous vous demandons de nous permettre d’anticiper des problématiques ciblées dans une perspective de stabilité financière et de protection des assurés et des épargnants, et pour la bonne exécution des contrats en cours, notamment en matière d’assurance vie et de gestion des plans d’épargne en actions (PEA), pour lesquels est imposée une certaine proportion d’actifs de l’Union européenne. Il serait dommageable pour les épargnants de devoir liquider rapidement ces actifs souvent illiquides, en particulier s’agissant des PEA-PME.

Enfin, le projet de loi prévoit des dispositions protectrices pour les ressortissants britanniques qui vivent en France, afin de leur permettre de poursuivre leurs activités dans notre pays. Or la suppression de cet alinéa a été votée par la commission. Je veux y revenir, très brièvement.

La rédaction de ces dispositions, qui s’inspire de celle retenue pour la loi d’habilitation de janvier 2019, permet de couvrir des situations qui n’ont pas encore été identifiées. En effet, même si nous avons fait un énorme travail afin que la grande majorité des sujets soient traités dans l’accord de retrait ou bien, nous l’espérons, dans le cadre de l’accord sur la relation future, nous ne pouvons pas exclure aujourd’hui l’émergence de sujets résiduels, qui pourraient nécessiter une intervention au niveau national, mais qui, par définition, ne sont pas encore connus.

Cette habilitation permettra, par exemple, à certaines professions soumises à des conditions d’exercice liées à l’appartenance à l’Union – avocats, experts-comptables, architectes, médecins – de poursuivre leur activité si l’accord trouvé n’était pas assez protecteur pour elles ou s’il n’y avait pas d’accord. Ladite habilitation doit être considérée non comme un blanc-seing accordé au Gouvernement, mais comme l’application d’un principe de prudence.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes engagés dans une négociation sans précédent. Grâce à nos efforts collectifs et à votre soutien, nous avons franchi une première étape, celle de la sortie ordonnée du Royaume-Uni de l’Union européenne.

Le Gouvernement n’a pas eu besoin de faire usage de l’habilitation que vous lui aviez confiée en janvier 2019. Avec vous, je forme le vœu que nous puissions de nouveau trouver un accord ambitieux avec le Royaume-Uni d’ici à la fin de la période de transition, et que nous n’ayons pas à faire usage de l’habilitation que je vous demande de nous accorder aujourd’hui.

Je le dis très solennellement, il faut nous préparer à toutes les éventualités et notamment à protéger les Français face à l’incertitude du Brexit. Le Gouvernement rendra compte devant le Sénat. Vous le savez, je suis prête à venir devant vous aussi souvent que vous le jugerez utile pour vous tenir informés de l’état d’avancement de ces négociations.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’intitulé de ce projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne est difficile à retenir, tant sont divers les sujets qu’il traite.

Vous avez évoqué l’un et l’autre, madame le secrétaire d’État, monsieur le ministre, le fondement légal de ce texte : l’article 38 de la Constitution. En effet, le projet de loi qui est arrivé sur le bureau de l’Assemblée nationale comportait exclusivement des demandes tendant à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances, sur le fondement de cet article. En le découpant en alinéas, on dénombrait pas moins de 40 demandes !

Nous avons trouvé, dans un premier temps, quelque peu désobligeant pour le Parlement ce projet de loi fondé sur l’urgence, sur l’incertitude liée à la crise sanitaire et sur celle du calendrier parlementaire. Ces arguments présentés au début de la crise, nous les avons entendus !

Il est plus difficile d’entendre le Gouvernement développer ces éléments à ce moment du débat parlementaire, dans la mesure où le Parlement a toujours été présent et à la hauteur, me semble-t-il, des enjeux de cette crise. Il s’agit en effet du sixième projet de loi dont nous sommes saisis depuis le début de la crise sanitaire, après deux projets de loi d’urgence, un projet de loi organique et deux projets de loi de finances rectificative.

Parfois saisi de ces textes dans des conditions d’extrême rapidité, le Parlement, je le répète, a toujours répondu présent. Le Sénat a trouvé un accord avec le Gouvernement et nos collègues de l’Assemblée nationale. J’ajoute que le dernier projet de loi d’urgence est passé sous les fourches caudines du Conseil constitutionnel précisément en raison des garanties qui avaient été introduites par le Sénat sur l’initiative de son rapporteur, qui n’est autre que le président de la commission des lois, Philippe Bas.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Ce sont ces garanties qui ont permis au Conseil constitutionnel de confirmer la constitutionnalité de ce projet de loi ! Le Parlement n’a donc jamais failli. Vous cherchez à l’enjamber en le dessaisissant des pouvoirs et des compétences qui sont les siens, pour que le Gouvernement puisse prendre des décisions dont il rendra compte a posteriori… Cela nous a paru, je le répète, quelque peu désobligeant.

Ce caractère désobligeant et vexatoire était accentué par le fait que l’intégration dans la loi d’un certain nombre de ces dispositions ne posait guère de difficultés. Le Conseil d’État estime en effet que des dispositions simples, ou dont la rédaction est suffisamment avancée, peuvent parfaitement être intégrées dans le processus législatif, et donc directement dans la loi, sans en passer par l’habilitation.

Le Gouvernement a parfaitement entendu ce que je viens de dire. Ayant vous-même été parlementaire, monsieur le ministre, comme vous l’avez rappelé, vous savez que le Parlement peut être chatouilleux non par esprit de susceptibilité, mais tout simplement parce que le débat démocratique se déroule au Parlement.

L’Assemblée nationale a fait la même analyse que nous. De 40 habilitations à légiférer par ordonnances, nous sommes donc passés à 24, puis, après le passage du texte en commission au Sénat, à 10 habilitations. Après ce débat, comme vous l’avez indiqué, ce nombre sera encore moindre, ce qui nous permettra de faire notre travail parlementaire.

Comment avons-nous fait ce travail au sein de la commission des lois, mais aussi de la commission des affaires sociales et de celle des finances, dont parleront respectivement mes collègues René-Paul Savary et Albéric de Montgolfier ? Nous avons simplement appliqué les règles posées par l’article 38 de la Constitution.

Premièrement, dès lors qu’une disposition pouvait être inscrite « en clair » dans la loi, nous l’avons fait.

Deuxièmement, nous avons eu à cœur de vérifier que les habilitations demandées étaient précises. Lorsque le Parlement se dessaisit de ses pouvoirs, il doit en effet savoir sur quels pans du droit il le fait.

Lorsque les termes n’étaient pas précis, parce que l’habilitation demandée nous paraissait trop large ou que son périmètre était trop indéfini, le Gouvernement ou nous-mêmes les avons précisés – nous aurons l’occasion d’en reparler –, quand nous n’avons pas écarté purement et simplement ces demandes.

Enfin, nous avons eu à cœur de limiter dans le temps ces habilitations. Le projet de loi initial prévoyait des durées de six à trente mois, qui sont passées de six à quinze mois lors de l’examen à l’Assemblée nationale, puis aujourd’hui de trois à sept mois. Le délai pour déposer le projet de loi de ratification est quant à lui passé de trois à deux mois.

Je vous ai parlé de méthode de travail, de l’article 38 de la Constitution, et j’ai bien conscience de n’avoir pas encore abordé le fond du texte.

Monsieur le ministre, vous avez employé pour qualifier ce texte l’expression « fourre-tout », que la commission des lois n’a fait que reprendre. Certains ont même parlé d’un projet de loi « gloubi-boulga », c’est-à-dire constitué d’ingrédients divers et variés dont on se demande ce qu’ils font ensemble et qui donnent un résultat assez indigeste…

Nous digérerons très bien ce projet de loi, rassurez-vous

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Certaines mesures sont directement en lien avec l’épidémie, comme la fin anticipée des saisons sportives, dont nous débattrons, l’adaptation des compétences dans les fédérations de chasse, la prolongation du versement d’allocations – je pense à l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) –, et la réorientation des procédures pénales, certaines n’ayant pas pu faire l’objet d’un examen pendant la crise du Covid-19.

Les autres mesures visent à reporter l’examen de textes, comme celui portant réforme de la justice, ou celui relatif à l’extinction des agences « des cinquante pas géométriques », que certains d’entre vous découvriront à l’occasion de la discussion du présent projet de loi.

D’autres mesures, enfin, sont prises du fait de l’interruption de la navette, comme celles prévues dans le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, ou encore celles liées à la méthodologie d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, au seuil de revente à perte, à l’encadrement des promotions, autant de textes importants dont la discussion s’est arrêtée en cours de route. Je pense aussi à la loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne, dite loi Dadue, aux textes relatifs au Brexit et au droit de la consommation.

La commission des lois a apporté un soin particulier à l’examen des dispositions relatives à la justice, comme le fera l’ensemble du Sénat.

La justice est le marqueur de notre État de droit, lequel est un ensemble de règles acceptées par tous, qui s’appliquent et sont sanctionnées de façon uniforme sur l’ensemble du territoire.

Pour ne pas demeurer à l’état de principe, la Justice, avec un grand J, doit aussi s’incarner dans un système judiciaire qui doit fonctionner correctement. Ainsi les principes que nous souhaitons voir appliquer demeureront-ils crédibles.

Au moment d’engager cette discussion, nous sommes à la croisée des chemins, car le système judiciaire est dysfonctionnel ; c’est un point sur lequel nous pourrions longtemps nous attarder, mais tel n’est pas l’objet de ce projet de loi. Pendant la crise sanitaire, le plan de continuation de l’activité des juridictions n’ayant permis que de traiter les urgences, le stock de dossiers est désormais extrêmement important.

Il y va de la crédibilité de la justice d’apurer ce stock dans des conditions raisonnables, ce qu’il ne faut pas faire au mépris des principes sur lesquels repose notre État de droit. Nous aurons cette discussion, car, sous des dehors quelque peu techniques, elle porte sur nos principes mêmes.

Nous aborderons ainsi le sujet des cours criminelles, qui remplacent les cours d’assises à titre expérimental, au moment où le Gouvernement nous demande de tripler cette expérimentation sans aucune évaluation, ce à quoi la commission s’est opposée.

Nous discuterons également du report de l’entrée en vigueur de l’ordonnance relative au code de la justice pénale des mineurs, un débat qui n’a jamais eu lieu devant le Parlement. Or les règles sont acceptées seulement dès lors qu’elles ont fait l’objet d’un débat démocratique ; c’est l’essence de ce que nous faisons dans cet hémicycle !

Tels sont les éléments que je souhaitais évoquer rapidement ; pour le reste, nous aurons l’occasion de nous expliquer longuement au cours du débat.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais évoquer deux sujets qui ont concerné la commission des affaires sociales : le droit du travail et les retraites.

Nous avions abordé ces questions en affirmant un principe et en exprimant un regret.

Un principe : légiférer dans l’urgence, certes, mais pas au-delà de ce que commande la situation de crise, et dans la mesure du possible en toute connaissance de cause. Il faut bien reconnaître qu’un certain nombre d’études d’impact manquaient au dispositif. Nous avons donc exclu les habilitations trop larges, les dispositifspermanents et les chiffrages par trop approximatifs.

Un regret : voir légalisées, en responsabilité, bien sûr, certaines décisions déjà prises. Celles-ci ont parfois un fort impact financier, alors même que les textes d’urgence n’ont pas manqué, comme l’a brillamment rappelé notre collègue Muriel Jourda.

Comme le Gouvernement aime à le souligner, le dispositif d’activité partielle, qui devrait animer nos débats une bonne partie de l’après-midi et de la soirée, a été l’un des plus généreux d’Europe ; nous l’avons tous bien entendu.

Or ce dispositif, qui a permis rapidement de maintenir jusqu’à présent un certain statu quo sur le front de l’emploi, incite peu à la reprise d’activité. Il faut donc en sortir de manière très progressive et ciblée, faute de quoi les sommes considérables qui ont été engagées n’empêcheront pas, demain, les licenciements.

Le présent projet de loi habilite le Gouvernement à prévoir des règles différentes d’un secteur à l’autre, afin de cibler au mieux le soutien public sur les entreprises les plus en difficulté. Toutefois, même celles qui ne connaissent pas de gros problèmes devront continuer à être encadrées.

En revanche, les paramètres d’indemnisation des salariés en activité partielle et de remboursement par les pouvoirs publics relèvent du décret. C’est par ce moyen que le Gouvernement a décidé de compenser intégralement la rémunération des salariés, à hauteur de 70 %. Il a d’ores et déjà annoncé vouloir réduire, également par voie de décret, cette couverture pour certaines activités à compter du 1er juin.

Les différents amendements que nous examinerons et qui tendent à reporter dans le temps la possibilité pour le Gouvernement d’adapter ces règles relatives à l’activité partielle n’atteindront peut-être pas l’objectif recherché par leurs auteurs. Nous aurons l’occasion d’en discuter.

Il faut permettre une adaptation à plusieurs vitesses du dispositif, en fonction de la situation et descaractéristiques des entreprises, de manière à inciter à un retour à l’activité très important tout en limitant les impacts sociaux de la crise économique.

Nous resterons bien sûr vigilants, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, sur la mise en œuvre de ces mesures. Il reste à ce stade nombre d’interrogations sur les paramètres qu’il est envisagé de modifier, et surtout sur l’impact attendu de ces mesures. Nous attendons des précisions de la part du Gouvernement.

Sur l’initiative de la commission des affaires sociales, plusieurs habilitations en matière de droit du travail ont été inscrites en clair dans le projet de loi, concernant l’indemnisation du chômage, la représentation des travailleurs indépendants, le prêt de main-d’œuvre, ainsi que, conjointement avec la commission des lois, le mandat des conseillers prud’hommes et la représentation des salariés des TPE. Ces mesures, le plus souvent ponctuelles, ne justifiaient pas une habilitation à légiférer par ordonnance.

La commission s’est par ailleurs attachée à clarifier la rédaction des articles visant à assouplir les règles relatives aux contrats courts, d’une part, et aux contrats d’insertion et contrats aidés, d’autre part, en veillant notamment à bien limiter dans le temps la possibilité de déroger par accord d’entreprise aux règles de renouvellement des CDD.

La commission des affaires sociales a été saisie, notamment, de trois points relatifs aux retraites.

Le premier porte sur l’usage d’une partie des réserves des régimes complémentaires des indépendants, pour soutenir les cotisants. Bien qu’il ne soit pas dans la vocation de ces réserves de financer de telles aides, au vu du contexte exceptionnel que nous connaissons, la commission a validé une situation de fait, l’aide de 1 milliard d’euros ayant déjà été versée et financée sur les réserves du régime complémentaire des indépendants, et destinée aux artisans et commerçants actifs. Nous avons d’ailleurs laissé cette souplesse, également, pour les caisses complémentaires, comme celles des professions libérales, notamment des avocats.

Le second point concerne la validation des périodes d’activité partielle au titre de la durée d’assurance permettant l’ouverture des droits à la retraite. La commission a choisi de limiter strictement le champ du dispositif à la période de la crise sanitaire. Elle l’a fait pour deux raisons : le chiffrage de la mesure est, pour le moment, impossible et sa pérennisation pourra se faire avec beaucoup plus de visibilité dans le cadre d’un prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

Enfin, troisième point, la commission a souhaité donner une base légale aux règles de cumul entre emploi et retraite pour les soignants.

Voilà les quelques précisions que je souhaitais apporter, au nom de la commission des affaires sociales.

J’en terminerai avec deux réflexions personnelles. D’une part, le Parlement n’est pas là que pour régulariser ; n’en prenez pas trop l’habitude, monsieur le ministre ; nous comprenons vos motivations, mais tout de même !

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

D’autre part, soyons attentifs ; il y aura, avant la fin des débats, des annonces relatives au déconfinement, donc ne traitons pas différemment les départements en fonction de la couleur qui leur est attribuée ;…

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

… aux départements verts, il serait tout permis, et les départements rouges seraient montrés du doigt !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Vous pourrez vous exprimer à l’occasion du débat, monsieur le rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Donc, finissons-en avec ce type de mesures !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre collègue Muriel Jourda vient de le souligner, ce projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne peut être qualifié de texte « fourre-tout ».

Quelques-unes de ses dispositions intéressent la commission des finances. Je veux notamment citer celles qui sont liées au risque juridique qu’entraînerait la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, en particulier pour ce qui concerne la sécurisation des contrats d’assurance vie pour les ressortissants français et l’introduction de règles adaptées pour la gestion des placements collectifs et pour les plans d’épargne en actions.

Toutefois, je souhaite concentrer mon propos sur l’article 3 du texte, délégué au fond par la commission des lois à la commission des finances, qui n’est pas sans poser un certain nombre de difficultés. Cet article habilite le Gouvernement à prendre par ordonnances, dans un délai de douze mois, les mesures relevant du domaine de la loi pour prescrire le dépôt, sur les comptes du Trésor, des disponibilités non seulement des personnes morales soumises aux obligations de la comptabilité publique, mais également des organismes publics ou privés chargés d’une mission de service public.

Certains organismes, dont les collectivités, que nous connaissons bien ici, ont d’ores et déjà l’obligation de déposer leurs fonds auprès du Trésor ; je pense aux établissements publics de santé ou à certaines personnes morales de droit privé ou public, et l’article 26 de la loi organique relative aux finances publiques (LOLF) prévoit une obligation similaire pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics. Pour vous donner un ordre de grandeur, les dépôts des différents organismes qui déposent leurs comptes auprès du Trésor représentaient 128, 4 milliards d’euros au 31 décembre 2019.

Je le rappelle, puisqu’il y a, à ce sujet, des amendements et des inquiétudes chez certains collègues : la centralisation de ces trésoreries ne revient pas à une appropriation, par l’État, de ces dépôts ; simplement, l’État joue, en quelque sorte, le rôle de teneur de compte, comme une banque le fait pour un particulier.

Par ailleurs, cette obligation de centralisation souffre quelques aménagements : ces organismes peuvent demander une dérogation, si, par exemple, ils requièrent des services que l’Agence France Trésor ou que la direction générale des finances publiques ne pourraient leur fournir.

En outre, la centralisation des dépôts me semble présenter un certain nombre d’avantages, en matière de gestion des deniers publics, notamment celui de réduire le coût des émissions de titres de financement par l’État. Ce sujet, celui de la dette, est sensible cette année, puisque, je vous le rappelle, l’État devra emprunter – j’espère que, contrairement à moi, vous êtes bien assis – 324, 6 milliards d’euros sur les marchés… Ainsi, le fait de pouvoir centraliser un certain nombre de dépôts diminue ipso facto le coût de l’endettement de la France.

Néanmoins, il y a des interrogations. La commission des finances ne s’oppose pas sur le fond ou par principe à la centralisation des dépôts, mais, pas plus que les rapporteurs qui viennent de s’exprimer, elle ne valide la méthode employée par le Gouvernement pour introduire ce dispositif dans le projet de loi.

Tout d’abord – cela a été dit par Muriel Jourda –, le champ de l’habilitation est beaucoup trop large, puisqu’il fait référence aux « organismes publics ou privés chargés d’une mission de service public ». C’est tellement large que, même à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a dû se défendre en expliquant qu’il n’incluait pas les fédérations sportives – il valait mieux l’écrire que le dire – ni les ordres professionnels ; il a même dû exclure expressément du champ de l’article 3 la trésorerie des caisses de retraite.

L’habilitation est donc beaucoup trop large et le Gouvernement n’est pas en mesure de citer – peut-être le ministre pourra-t-il le faire – ne serait-ce qu’un organisme visé au travers de cette centralisation des trésoreries.

En conséquence, il n’est pas possible de savoir dans quelle mesure une ordonnance doit être prévue et, dans un certain nombre de cas, on peut même se demander s’il s’agit d’une mesure réglementaire ou législative.

Enfin, il me semble prématuré d’inscrire ces dispositions dans le présent projet de loi, puisque, manifestement, le Gouvernement n’a pas encore commencé les concertations indispensables avec les différents organismes. Il serait donc sans doute plus utile de profiter d’un prochain texte. On nous annonce un projet de loi de finances rectificative (PLFR) ; il faudrait sans doute attendre ce texte ou, à tout le moins, avoir commencé les consultations nécessaires, avant de prévoir une ordonnance, sur le fondement d’une habilitation qui est, je le répète, beaucoup trop large.

Tous ces éléments expliquent la position de la commission des finances en faveur de la suppression de l’article 3. Peut-être le ministre pourra-t-il nous convaincre, en citant les organismes visés, de le garder et nous expliquer pourquoi une mesure législative est nécessaire, mais, à ce stade et faute d’explications, nous ne pouvons que vous proposer la suppression de cet article.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains – Mme Sylvie Vermeillet et M. Jean-Marc Gabouty applaudissent également.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Monsieur le rapporteur pour avis de la commission des finances, vous m’avez interrogé sur un arrêté portant sur le taux de TVA applicable aux masques et aux gels hydroalcooliques. Peut-être ne parlons-nous pas de la même chose, mais un arrêté a été pris…

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Vous m’avez bien parlé des masques ? Or un arrêté a été publié le 7 mai dernier à ce sujet.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Je me renseignerai sur ce point, mais j’avais cru comprendre que vous me parliez des masques et des gels hydroalcooliques, et je ne voulais pas laisser un rappel au règlement sans réponse : un arrêté a donc bien été publié voilà plus de trois semaines sur les gels hydroalcooliques et sur les masques.

Je me renseignerai sur la deuxième partie de votre question.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Je suis saisi, par MM. Kanner, Sueur, Kerrouche et Marie, Mme Lubin, MM. P. Joly, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mmes de la Gontrie et Harribey, MM. Leconte, Sutour et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe, MM. Raynal, Botrel, Carcenac et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Lalande et Lurel, Mme Taillé-Polian, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. M. Bourquin et Boutant, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz et Duran, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mme Guillemot, MM. Houllegatte et Jacquin, Mmes G. Jourda et Lepage, MM. Lozach, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont, Préville et S. Robert, MM. Roger, Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, d’une motion n° 1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne (454, 2019-2020).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 7, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Éric Kerrouche, pour la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « nous pensons que la vie démocratique doit reprendre tous ses droits ». Cette affirmation, prononcée vendredi dernier par M. le Premier ministre, nous la partageons. Oui, la démocratie doit reprendre tous ses droits et, en l’espèce, la démocratie parlementaire aussi. Or ce n’est pas l’image donnée par ce texte, qui se prive ainsi des conditions de la confiance.

Les crises ont un pouvoir révélateur, du meilleur comme du pire. Cette crise épidémique donne une image crue de la pratique de votre pouvoir, monsieur le ministre. En matière de vie démocratique, force est de constater que, depuis le 23 mars dernier, les parlementaires sont devenus des acrobates de haute voltige. Ils légifèrent dans la précipitation, parfois à l’aveugle, sans pouvoir procéder à des auditions, voire sans pouvoir amender afin d’adopter, quoi qu’il en coûte, le texte conforme. En outre, les délibérations se font, par nécessité, à effectif limité et ce sont autant de voix en moins qui résonnent dans cet hémicycle.

Pourtant, même et surtout en temps de crise, le Parlement est bien, au sens étymologique du terme, l’endroit où l’on parle. Dans cette enceinte, on débat pour faire la loi, l’expression de la volonté générale à laquelle tous les citoyens ont le droit de concourir, personnellement ou par leurs représentants.

En définitive, sur quoi, dans ce texte, les parlementaires seraient-ils autorisés à parler, donc à légiférer ? Ce texte était, initialement, truffé de 40 demandes d’habilitation à légiférer par ordonnance ; ce recours massif ne relève pas uniquement de l’urgence, il traduit à l’envi le refus du débat contradictoire par le Gouvernement. Ces 40 habilitations se seraient ajoutées aux précédentes, dont on verra in fine si la ratification est inscrite à l’ordre du jour. Chaque alinéa de ce texte était donc un blanc-seing ; chaque article était un cavalier législatif, dont le caractère urgent était plus que relatif.

Si certaines habilitations sont directement liées à la crise, d’autres viennent tout simplement pallier le retard pris par le Gouvernement – c’est le cas pour ce qui concerne le code de la justice pénale des mineurs – ou servent à recycler des dispositions insérées dans des textes en cours de navette. C’est, par exemple, le cas du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dit ASAP, ou du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, dit DDADUE, en méprisant, la plupart du temps, les travaux du Sénat.

Ainsi, dans cette enceinte où l’on parle, nous serions surtout autorisés par ce gouvernement à nous taire…

Faut-il le rappeler, l’habilitation n’est pas une délégation du pouvoir législatif : le Parlement conserve, avec le référendum, le monopole de faire la loi. Il s’agit juste d’une extension momentanée du pouvoir réglementaire ; il faut constamment le garder à l’esprit. Or les délais d’habilitation à légiférer retenus par le Gouvernement dans ce texte étaient anormalement longs pour des mesures dites « d’urgence ».

Par ailleurs, Guy Carcassonne le rappelait – je ne peux que citer sa pensée –, les ordonnances ont souvent « rendu un […] grand service : [elles ont] prouvé que […], pour faire de bonnes lois, on n’a pas encore inventé mieux que le Parlement. Les ordonnances […] sont […] comme des projets qui deviendraient directement des lois. Ce sont généralement des textes défectueux, dont les malfaçons ne se révèlent qu’a posteriori, là où se serait sans doute trouvé un parlementaire pour soulever, fût-ce ingénument, le problème qui ne s’est découvert qu’après, à l’occasion de contentieux multiples. Le tamis parlementaire a des vertus intrinsèques. À qui pourrait les oublier, cette législation de chefs de bureau que sont les ordonnances le rappelle [utilement]. Elles sont à n’utiliser qu’avec modération ». Une modération, que, manifestement, le Gouvernement ne connaît pas.

Fort heureusement, Mme la rapporteure l’a dit, les 40 demandes d’habilitation ont été ramenées à 10, au moyen notamment de transpositions en clair, par l’Assemblée nationale et par la commission des lois du Sénat. Il s’agissait également, en la matière, de recommandations du Conseil d’État. Les 4 articles initiaux du projet de loi ont ainsi été multipliés quasi par 8.

Malgré ce « tamis parlementaire », ce texte demeure comme la créature de Frankenstein : les juxtapositions ne lui donnent pas vraiment de corps. Par ailleurs, son absence de ligne directrice et de cohérence complexifie son examen. En outre, le Gouvernement fait la preuve de la mauvaise qualité initiale du texte : il dépose des amendements de séance kilométriques et en quantité industrielle – non moins de 30 amendements sur un texte qui contenait, je le rappelle, 4 articles –, ajoutant encore – seringue sur le gâteau, si j’ose dire – une habilitation relative au dopage, jugée, heureusement, irrecevable.

Un texte comme le projet de loi ASAP était de la même veine ; il comportait 40 articles et avait fait l’objet de 23 amendements de séance du Gouvernement. Le projet de loi relatif à la bioéthique comportait 44 articles et avait fait l’objet de 22 amendements gouvernementaux de séance.

Cette façon de légiférer n’a jamais été satisfaisante ; elle l’est encore moins en temps de crise. Or mal légiférer parce que le texte initial est médiocre et parce que les conditions ne sont pas réunies pour son bon examen, c’est nuire à la qualité de la loi, qui touche le quotidien des Français ; donc c’est nuire au quotidien des Français.

En définitive, la pratique actuelle de l’exécutif, même si elle a pu, initialement, se justifier, n’est que l’exacerbation de sa pratique antérieure, fondée sur une pensée teintée de libéralisme : la concentration du pouvoir, qui se justifierait par un Parlement immature et manquant de réactivité.

Pour s’extraire de la délibération et du débat contradictoire, les moyens sont toujours les mêmes : procédure accélérée, devenue procédure « LGV » – loi à grande vitesse –, texte fourre-tout, qui noie le Parlement, tout en glissant çà et là une nouvelle dose de dérégulation du droit social, texte troué par des ordonnances et même refus de consultation quand la démocratie sociale est jugée superflue, ce dont s’offusque même le Conseil d’État. Le texte que nous examinons en est une confirmation ; espérons que les dispenses de consultation obligatoire ne soient pas rétablies en commission mixte paritaire (CMP).

Ce que nous souhaitons exprimer, au travers de cette motion tendant à opposer la question préalable, c’est que la crise n’autorise pas le dessaisissement du Parlement, même si la tentation des pleins pouvoirs est forte sous la Ve République.

Puisque, comparativement à d’autres, notre Parlement est l’un des plus faibles parmi les démocraties occidentales, il faut que les pratiques gouvernementales ne le dessaisissent pas encore un peu plus. Le Parlement a fait la démonstration – vous l’avez constaté, monsieur le ministre – de sa capacité extrême d’adaptation, parce que les circonstances l’exigeaient ; il a assumé pleinement ses responsabilités.

L’économie ne devait pas et ne doit pas s’effondrer, c’est vrai, mais la démocratie parlementaire, non plus. Petit à petit, un phénomène d’accoutumance à la marginalisation du Parlement s’installe : ce qui était l’exception devient la règle et l’anormalité devient une nouvelle normalité. Comme s’il était contaminé, lui aussi, par un étrange virus, le Parlement s’atrophie. C’était d’ailleurs la perspective de votre révision constitutionnelle. Or, quand le Parlement est malmené, c’est la démocratie qui s’abîme.

Il y a, dans l’histoire, des contrastes. Certains ont récemment tissé une métaphore martiale autour de la période exceptionnelle que nous vivions. Soit, mais, en temps de guerre, le Parlement n’a pas toujours été marginalisé, voire muselé. Je ne partage pas ses orientations idéologiques, mais Churchill a toujours souhaité, peut-être parce qu’il vivait dans le berceau de la démocratie parlementaire, maintenir les prérogatives du Parlement. Chacune de ses décisions était soumise à débat. Comme le disait André Pierre, il voulait apporter à l’Angleterre et au monde la preuve que l’on pouvait faire la guerre et vaincre sans porter atteinte aux libertés du peuple et que le courant de confiance mutuelle existant entre le Gouvernement et les élus de la Nation était l’un des plus sûrs garants de la victoire.

Nos institutions sont le socle de notre démocratie, monsieur le ministre, et leur bon fonctionnement contribue à la confiance collective et, tout simplement, à notre pacte républicain. Parce que nous sommes plus qu’attachés aux droits du Parlement, en ce qu’ils garantissent la délibération, le débat, la contradiction, nous lançons une alerte et nous demandons le rejet de ce texte, au travers de l’adoption de cette motion tendant à opposer la question préalable.

La crise sociale sans précédent que nous traversons, que nous devrons surmonter, trouvera ses solutions non dans la verticalité, dans la mise en sourdine du Parlement, mais dans la vitalité démocratique, dans la dialectique des chambres, dans la consultation des corps intermédiaires. C’est une question de confiance.

Jamais Créon ne pourra gouverner sans Antigone. Vous avez raison, monsieur le ministre, oui, il est temps que la démocratie reprenne tous ses droits !

Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Y a-t-il un orateur contre la motion ?…

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la motion de nos collègues du groupe socialiste et républicain ne manque pas, je dois le dire, de fondement et d’arguments en sa faveur.

Elle résonne dans notre hémicycle, me semble-t-il, comme un coup de semonce. Si l’on ne peut pas dire que ce projet de loi soit, au travers de l’interprétation très extensive qu’il fait de l’article 38 de la Constitution, contraire à celle-ci, on doit tout de même admettre qu’il y a une distance considérable entre la pratique des habilitations législatives qui s’est instaurée depuis quelques années et le sens que les constituants ont entendu donner à cette faculté dérogatoire.

Rappelons-nous l’article 38 : on y souligne, dès les premiers mots, que c’est « pour l’exécution de son programme » que le Gouvernement peut demander au Parlement de l’habiliter à prendre, par ordonnances, des mesures législatives. Le mot « programme » n’est pas dénué de portée dans la Constitution, car on le retrouve dans l’une des dispositions les plus importantes de notre loi fondamentale : celle de l’article 49. Le programme, ce sont les engagements sur lesquels le Gouvernement engage sa responsabilité devant le Parlement.

Or nous voilà saisis de multiples dispositions législatives qui sont, à l’évidence, à la périphérie du programme du Gouvernement et qui ne justifieraient bien évidemment pas que celui-ci engageât sa responsabilité ; on se dirait qu’il a des choses tout de même plus importantes à réaliser que la mise en œuvre de ces habilitations législatives. En outre, le Gouvernement lui-même présente nombre de ces mesures comme des dispositions d’ordre technique.

C’est la raison pour laquelle j’ai, pour ce qui me concerne, longuement hésité avant de prendre la parole pour m’opposer à votre motion, mes chers collègues. En effet, tout aurait dû m’orienter vers cette solution.

Néanmoins, dans un instant de raison, je me suis dit que, si nous adoptions votre motion, alors le Gouvernement, dans un dialogue singulier avec l’Assemblée nationale – dialogue qui ressemble parfois à une sorte de monologue à plusieurs voix, si l’on peut s’exprimer ainsi

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Exclamations amusées sur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Monsieur le ministre, vous êtes entré dans cet exercice parlementaire avec 37 habilitations ; l’Assemblée nationale les a elle-même ramenées à 24 ; notre rapporteur s’apprête à vous proposer de les faire descendre à 10. Eh bien, mes chers collègues, je voudrais que nous obtenions satisfaction, parce que notre position me paraît raisonnable. Il peut se trouver que certaines habilitations soient justifiées ; dès lors, adoptons-les, tout en gardant un droit de regard et en faisant en sorte que leur durée soit limitée et que le Gouvernement ait à revenir devant le Parlement chaque fois qu’il aura besoin que de nouveaux pouvoirs lui soient conférés.

C’est la raison pour laquelle la commission des lois et son rapporteur, qui m’a autorisé exceptionnellement à prendre la parole, à condition que je n’en abuse pas – peut-être est-ce malheureusement déjà le cas ? Non, ce n’est pas le cas, me dit-elle –, ont décidé, non pour être agréable au Gouvernement – mais, si cela lui est agréable, j’en serai ravi – de prendre position contre cette motion.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

J’aurai du mal à parler derrière le président Bas, mais je vais quand même vous donner l’avis du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

J’en ai le droit, mais j’aurai quand même du mal…

Monsieur Kerrouche, je n’adhère pas au terme de « médiocre » que vous avez employé pour qualifier le texte. Je ne suis pas sûr qu’il soit médiocre de s’occuper d’un certain nombre de sujets qui préoccupent les Français ; je pense aux travailleurs saisonniers, aux étudiants, aux Français qui sont au chômage partiel.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Non, ce n’est pas facile ; réellement, il ne me paraît pas médiocre de s’occuper de ces questions.

Je l’ai dit moi-même dans mon intervention, ce texte est protéiforme.

Pourquoi protéiforme ?

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Parce que la crise est protéiforme et que nous devons répondre à un grand nombre de sujets en même temps – nous pouvons au moins nous mettre d’accord là-dessus. Tout l’honneur du débat parlementaire consiste à essayer de régler simultanément un certain nombre de dossiers, tous très complexes et très imbriqués : il y a la question des étudiants, celle des travailleurs saisonniers, celle d’un certain nombre d’organismes qui ne pourraient plus fonctionner si l’on n’adoptait pas certaines dispositions. C’est cela que j’ai essayé de vous dire dans mon intervention liminaire.

Par ailleurs, j’ai souvent entendu, tant dans cet hémicycle qu’à l’Assemblée nationale, l’idée selon laquelle il fallait écouter le Conseil d’État ; mais c’est strictement ce qu’a fait le Gouvernement sur ce texte. Au fond, le Conseil d’État n’a pas remis en cause les principes du texte, il a simplement indiqué qu’il était préférable d’inscrire un certain nombre d’habilitations « en dur » ; c’est ce que nous avons fait. Nous sommes même allés au-delà des recommandations du Conseil d’État sur ce texte, puisque, en début de discussion, nous avions indiqué que nous souhaitions, chaque fois que c’était possible, que l’habilitation soit levée et remplacée par une inscription en dur dans le texte ; je veux à cet égard saluer le travail de l’ensemble des ministères.

C’est le travail qui a été accompli, M. le président de la commission des lois l’a rappelé, à l’Assemblée nationale et par la commission des lois du Sénat, et que nous poursuivrons au cours des débats à venir.

J’aurai peut-être un petit point divergence avec le président de la commission des lois, si je puis me permettre. La vie politique est faite de rapports de force, mais il peut aussi arriver qu’on soit d’accord sans avoir besoin de tels rapports. Sur cette affaire d’ordonnances, il me semble que nous n’étions pas en désaccord quant à l’objectif d’inscrire ces mesures, en dur, dans la loi.

Vous avez salué l’utilité du bicamérisme, monsieur le président Bas. Je partage pleinement l’idée selon laquelle le dialogue permanent entre l’Assemblée nationale et le Sénat est un dialogue utile, pour la qualité de la loi produite et pour le Gouvernement, parce que cela permet d’avoir des regards de nature différente, qui peuvent utilement se compléter. C’est d’ailleurs ce qui a été fait sur ce texte.

Enfin, vous l’avez dit, monsieur Kerrouche, nous vivons une situation exceptionnelle, même si nous en sortons. Vous l’avez indiqué, et je le reconnais bien volontiers, le Parlement a su s’adapter et prendre ses responsabilités. Ce n’est rien de plus que cela que nous essayons de poursuivre, avec des modalités différentes, puisque la plupart de ces habilitations sont transformées en articles. Nous voulons faire en sorte, dans les contingences sanitaires, dont il ne m’appartient pas de discuter – ces contingences sanitaires, imposées au Sénat et à l’Assemblée nationale, ont été mises en application – et dans les contingences d’urgence, de prendre nos responsabilités.

Sur ce point, nous pourrions nous rejoindre, j’en suis sûr : nous avons nos responsabilités à prendre. Vous l’avez fait depuis le début de cette crise et c’est bien ce que l’on doit aux Français.

Ainsi, souhaitant évidemment avoir ce débat pour toutes ces raisons, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cette motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

La motion n ’ est pas adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Didier Marie.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

Monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, disons-le d’emblée, ce projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne ne nous convient pas.

J’évoquerai, tout d’abord, la méthode.

Voilà des mois que le Gouvernement veut un Parlement aux ordres : systématisation de la procédure accélérée, recours massif aux ordonnances, conditions déplorables d’examen des textes. Avec l’état d’urgence sanitaire, ces mauvaises pratiques se sont encore amplifiées. Certes, la crise sanitaire, économique et sociale nécessite d’agir vite, mais pas au prix du mépris du Parlement.

Monsieur le ministre, vous qui êtes chargé des relations avec le Parlement, sachez que nous n’acceptons pas d’être dessaisis de notre capacité de faire la loi ; nous n’acceptons pas de nous satisfaire d’une habilitation puis d’une loi de ratification que, la plupart du temps, nous attendons longtemps ; nous n’acceptons pas qu’il ne nous reste qu’à « encadrer » des ordonnances et à vous laisser gouverner seuls. Nous ne nous habituons pas à ce que vous confiniez le Parlement ; nous sommes là pour faire la loi, pour la nourrir, par le dialogue et l’échange, et pour agir en responsabilité.

Avec ce texte, vous nous livrez la quintessence de votre conception du travail parlementaire : à l’origine, le projet de loi ne contenait pas moins d’une quarantaine de demandes d’habilitation. Le Conseil d’État s’en est ému et l’Assemblée nationale, suivant l’avis de cette institution, les a ramenées à 24.

Sans colonne vertébrale, sans lien entre les articles, ce texte est un fourre-tout, un salmigondis, un enchaînement de cavaliers législatifs dont l’essentiel n’a pas de lien avec la crise sanitaire. Quel rapport entre la justice des mineurs, les chèques-restaurant, les victimes des essais nucléaires, les volontaires internationaux, la situation des doctorants, la réglementation des ventes à perte ou encore le Brexit ? Un véritable inventaire à la Prévert…

La commission des lois du Sénat a fait, comme à l’accoutumée, son travail avec sérieux. Je salue les options proposées par sa rapporteure pour ramener le nombre des habilitations à 10, pour réduire la durée de celles-ci, pour transposer certaines dispositions dans le dur de la loi et pour supprimer un certain nombre de dispositions. À cet égard, je souligne l’initiative unanime de la commission des finances de proposer la suppression de l’article 3, par lequel le Gouvernement s’apprêtait à faire main basse sur la trésorerie de toute une série d’institutions, dont on ne connaît d’ailleurs même pas la liste.

Si, sur la forme, les avancées sont significatives, nous regrettons que la commission ne nous ait pas suivis sur le fond, car l’esprit de ce texte reste préoccupant. Au détour de mesures anecdotiques se tapissent un certain nombre de mauvais coups, avec, je le regrette, l’assentiment de la majorité sénatoriale.

Ainsi, l’article 1er decies porte subrepticement atteinte aux droits des travailleurs en assouplissant les règles d’encadrement des contrats à durée déterminée et de contrats de mission, favorisant ainsi une plus grande précarité.

Autre exemple, pour répondre au besoin de main-d’œuvre agricole, le Gouvernement porte la durée de séjour des travailleurs saisonniers étrangers de six à neuf mois, mais sans droits nouveaux, et il autorise les étudiants étrangers à travailler jusqu’à 80 % du temps sans prévention pour la qualité de leurs études. Voilà une main-d’œuvre bon marché : vous appelez cela « pragmatisme » ; nous répondons : « utilitarisme » !

Dernier exemple – nous aurons l’occasion d’en citer d’autres –, l’utilisation des volontaires internationaux pour remédier aux lacunes en ressources humaines du ministère des affaires étrangères.

D’autres sujets nous préoccupent, notamment en matière de justice, comme l’extension de l’expérimentation des cours criminelles sans évaluation ni recul, alors que, dans le même texte, on souhaite mobiliser plus de jurys populaires. De même, nous nous inquiétons de l’absence de débat parlementaire sur la réforme de la justice des mineurs et du report de sa mise en œuvre.

Enfin, nous proposons de supprimer l’article 4 relatif aux conséquences du Brexit, considérant que ce sujet nécessite à lui seul un débat approfondi et plus large que les seuls sujets abordés dans ce texte, dès que le Royaume-Uni aura fait connaître, le 1er juillet prochain, son intention de prolonger ou non la période de transition.

Monsieur le ministre, ce texte, que vous aviez intitulé, à l’origine, « projet de loi portant diverses dispositions urgentes » n’a rien d’un texte d’urgence pour répondre aux conséquences de la crise du Covid-19.

Pour notre part, nous avions déposé un certain nombre d’amendements pour répondre à cette crise : prolongation du chômage partiel, gratuité des masques, confirmation du droit à l’interruption volontaire de grossesse, protection des jeunes vulnérables, sécurisation du droit au séjour, soutien aux collectivités locales, sécurisation des parcours d’insertion, maintien du versement des pensions alimentaires par les CAF, etc. Nous regrettons que la commission ait, une fois de plus, fait un usage extensif de l’article 45 de la Constitution, nous privant d’un débat sur bon nombre de ces sujets.

Monsieur le ministre, pour nous, l’urgence est sociale. Ce projet de loi est malheureusement vide de mesures pour y répondre.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, vous pardonnerez autant que vous comprendrez, je l’espère, que je revienne sur la forme de ce projet de loi, celle-ci étant indissociable de son fond.

Ce texte se présente à l’évidence comme une compilation de dispositions disparates, qui visent largement à habiliter le Gouvernement à prendre des ordonnances dans les domaines les plus divers. Les conséquences du Brexit côtoient les contrats de travail, et les pouvoirs des fédérations sportives les titres-restaurant, pour ne citer que ces quelques exemples.

Cela a déjà été dit, mais il faut bien y revenir, la cohérence et la clarté qui manquent à ce projet de loi ont des conséquences directes sur la qualité de la délibération parlementaire. Si l’on y ajoute les délais d’examen du texte – un problème que le seul contexte sanitaire ne saurait justifier –, on ne peut s’empêcher de penser que ce projet de loi condense en lui-même tous les défauts que l’on adresse couramment aux évolutions, néfastes, de la procédure législative : recours quasi systématique à la procédure accélérée, délai pour le dépôt des amendements incompatible avec une réflexion poussée, habitude de légiférer par ordonnances, pratique malheureuse des lois fourre-tout, qui évoque le triste souvenir des lois Warsmann. Les conditions extrêmes d’examen de la loi du 11 mai dernier n’ont apparemment pas permis d’inverser la donne.

Bien sûr, les circonstances actuelles exigent certains accommodements. Nous en convenons tous. Aussi le Sénat a-t-il réorganisé ses travaux comme l’imposait la crise sanitaire, mais les modalités d’examen de ce projet de loi traduisent une forme de déconsidération et ne doivent en aucun cas constituer un précédent.

Pour toutes ces raisons, il est malaisé de se forger une opinion aboutie sur ce texte. Puisqu’il m’est impossible d’en traiter dans ses détails comme dans sa globalité, je ne relèverai que quelques points saillants.

Concernant les conséquences de la crise sanitaire, nous nous réjouissons des dispositions qui protègent ceux qui en ont le plus souffert, par l’incertitude qui plane désormais sur leur situation ou la précarité qui les touche. La prolongation des titres de séjour, le maintien des garanties de protection sociale complémentaire pour les salariés en activité partielle et l’adaptation des règles relatives aux contrats d’insertion s’inscrivent tous dans cette lignée. Nous nous en félicitons. Il en va également ainsi de la mobilisation des réserves des caisses complémentaires des indépendants, de la prise en compte des périodes d’activité partielle pour les droits à la retraite et de la dérogation aux règles de cumul emploi-retraite pour les soignants.

Les conséquences que cette crise emporte sont multiples et probablement, pour certaines, encore inconnues. Il est heureux que l’action de l’État réduise ses effets néfastes, en s’adaptant dans chaque domaine. Je pense particulièrement au fonds de soutien aux restaurateurs et à la singularité de son mode de financement.

Il importe cependant de veiller à ce que certains remèdes ne s’inscrivent pas dans le droit commun. Il est raisonnable que les circonstances actuelles, qui conjuguent incertitude et nécessité d’une reprise économique, exigent une adaptation par accord d’entreprise des règles relatives aux contrats courts, mais il serait regrettable que celle-ci devienne la norme. C’est à raison que la commission des affaires sociales du Sénat a prévenu un tel glissement, en fixant un terme à son application.

Concernant l’habilitation relative au Brexit, on ne peut, en premier lieu, que se satisfaire de la réduction de sa durée d’application. Il faut observer, dans un second temps, que, si la plupart des domaines en cause relèvent de questions techniques qui justifient, compte tenu de l’urgence, le recours aux ordonnances, ce n’est pas le cas de tous. Le maintien des licences et des autorisations de transfert vers le Royaume-Uni de produits et matériels de défense comme les problèmes que soulèvent certains contrats d’assurance et plans d’épargne en actions demandent une solution juridique pour laquelle les ordonnances sont adaptées.

En revanche, la désignation de l’autorité nationale chargée de la sécurité du tunnel sous la Manche et la définition du régime des ressortissants britanniques sur le territoire national ne justifient en rien une telle habilitation. C’est là se priver inutilement des vertus de la délibération parlementaire.

Enfin, le groupe RDSE soutient les amendements que Mme la rapporteure de notre commission des lois a apportés au texte : la réduction du délai d’habilitation, la suppression d’un potentiel effet rétroactif et l’amélioration du dispositif d’information des parlementaires garantissent à raison le bon exercice par les chambres de leur mission constitutionnelle de contrôle. Il en va également de la sécurité juridique de notre droit, principe qui a été éprouvé au cours des derniers mois et qu’il nous importe de réhabiliter au mieux et au plus vite. La qualité de la loi dépend de celle du dialogue entre le Gouvernement et le Parlement. Plus qu’une question de légistique ou une observation pratique, c’est un impératif démocratique.

C’est pour cette raison que le groupe RDSE sera très attentif aux débats, qui lui permettront d’éclairer son jugement et de décider de son vote. Nous devons dès maintenant poser les premiers jalons de la méthode que nous appliquerons pour conduire l’action de l’État dans la gestion d’une crise qui survivra à son volet sanitaire. La transparence, le dialogue institutionnel et la délibération parlementaire sont des éléments essentiels, voire tout bonnement nécessaires à la réussite de toute politique.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Sylvie Vermeillet applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre pays traverse depuis plus de deux mois une crise sanitaire sans précédent, qui a des conséquences considérables et diverses en matière économique, sociale, administrative et sanitaire.

C’est la raison pour laquelle, ces dernières semaines, nous avons été appelés, pour y faire face, à effectuer les aménagements nécessaires à notre cadre juridique, au travers de l’examen et du vote de plusieurs projets de loi. Nous sommes aujourd’hui de nouveau réunis pour nous prononcer sur une série de mesures qui viendront compléter ces dispositifs.

Sur la forme, il est vrai que les délais d’examen ont été courts. Comme l’ensemble des Français, nous privilégions autant que faire se peut le télétravail, ce qui complexifie notre activité, celle de l’administration du Sénat et de nos collaborateurs, mais l’urgence de la situation et son caractère inédit commandent que l’on légifère plus rapidement et que l’on adapte nos conditions de travail. Nous sommes en capacité de le faire.

Par ailleurs, ce texte contenait initialement un certain nombre – pour ne pas dire un nombre certain – d’habilitations à légiférer par ordonnances. Comme tout parlementaire, je n’en suis pas friand, même si je reconnais que le recours aux ordonnances peut s’avérer utile lorsqu’il est mû par l’urgence et la technicité des mesures. Toutefois, grâce au travail réalisé par nos collègues députés, puis au sein de notre Haute Assemblée – j’en profite pour rendre hommage à Mme la rapporteure et à MM. les rapporteurs pour avis –, un très grand nombre de dispositions ont été inscrites « en dur », « en clair » – autrement dit, quel que soit le vocabulaire retenu, elles figureront directement dans le texte. Le Conseil d’État s’était prononcé en faveur d’une telle démarche pour les dispositions brèves dont la rédaction était simple ou déjà très avancée ; le Gouvernement comme le Parlement ont épousé cette voie. Ce travail devrait se poursuivre aujourd’hui en séance, dans une démarche commune de clarification que nous pouvons saluer.

Pour finir sur les débats de forme, il me semble important de rappeler que le contrôle du Parlement sur la préparation et la mise en œuvre des quelques ordonnances restantes, introduit à l’Assemblée nationale et dont la rédaction a été précisée par le Sénat, permettra d’achever de rassurer ceux qui craignent un hold-up démocratique. Le rôle du Parlement a bien été préservé.

J’en viens maintenant au fond du texte.

Certains ont qualifié ce projet de loi de « fourre-tout ». Je retiendrai, pour ma part, un texte très dense, certes, mais qui se justifie par la multitude des secteurs touchés. Il vient répondre à plusieurs attentes de la population, exposée à des difficultés économiques et à des incertitudes sur l’avenir, et accompagne les conditions d’une relance de l’activité.

Je pense aux droits à la retraite au titre des périodes d’activité partielle. Notre groupe a d’ailleurs déposé un amendement sur ce sujet, afin de revenir à la rédaction de l’Assemblée nationale, qui nous semble plus protectrice.

Je pense également à l’augmentation de la durée de travail annuel maximale autorisée pour les étudiants étrangers, à la sécurisation des parcours d’insertion ou encore à la neutralisation de l’effet de la crise sanitaire sur la transformation des CDD en CDI dans la fonction publique.

Je pense, enfin, à la prise en compte de l’impact de la crise sur les entreprises dans l’adaptation du dispositif d’activité partielle, dont nous souhaitons nous assurer qu’elle intègre une attention aux secteurs qui dépendent de l’activité d’entreprises fermées du fait de la crise sanitaire.

En tant que commissaire aux lois, je ne peux pas ne pas m’arrêter un instant sur les dispositions relatives au fonctionnement de la justice.

Des réserves ont été émises en commission sur l’extension à trente départements de l’expérimentation de la cour criminelle. Elles s’expliquent par la sensibilité de ces sujets, confrontée aux incertitudes liées à la période particulière de crise que nous continuons à traverser. J’espère que nous trouverons, dans la suite de l’examen du texte, des points d’accord sur ce dispositif, qui a fait l’objet, à titre expérimental, de notre approbation dans le cadre de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

Je veux également saluer le report opportun de l’entrée en vigueur de plusieurs réformes civiles et pénales, qui n’a pas été remis en cause par la commission. Il devrait notamment permettre à l’autorité judiciaire d’être prête pour l’application de réformes indispensables et à notre Haute Assemblée de pouvoir mener, dans des délais raisonnables, le débat parlementaire envisagé sur le nouveau code de la justice pénale des mineurs. Les auditions ont d’ailleurs commencé, monsieur le président de la commission des lois.

Je veux enfin saluer les dispositions relatives aux territoires d’outre-mer, qui n’auraient pas trouvé rapidement de véhicules législatifs dans lesquels s’insérer, alors même qu’elles sont très attendues localement. Je pense à la prolongation d’un an de l’activité des agences des cinquante pas géométriques de la Guadeloupe et de la Martinique et, par conséquent, au report du transfert des espaces concernés aux collectivités territoriales. Je pense également à la prolongation de deux ans de l’activité de la commission d’urgence foncière de Mayotte, chargée d’aider les particuliers dans leurs démarches de régularisation foncière, avant qu’elle ne soit transformée en groupement d’intérêt public.

Pour compléter ces adaptations particulièrement bienvenues, nous présenterons tout à l’heure un amendement qui permet de maintenir l’échéance de la création du conseil de prud’hommes de Mayotte.

Mes chers collègues, je crois sincèrement que le texte dont nous débattons aujourd’hui a fait et continuera de faire l’objet d’un travail de réflexion commune, dans une démarche de clarification partagée, auxquels ont consenti et participé les commissions saisies.

Certes, des points de divergence demeurent à ce stade concernant la durée des habilitations d’abord, notamment s’agissant du Brexit. Les délais ont été jugés trop longs et contradictoires avec l’urgence du projet de loi. J’attire cependant votre attention sur le fait que nous n’avons absolument aucune visibilité quant à la reprise d’une activité « normale ». Ce temps supplémentaire permettrait de tenir compte de cet état de fait, pour une meilleure organisation du travail du Gouvernement, face, notamment, concernant les mesures relatives au Brexit, à l’incertitude profonde sur la durée de la période de transition. Nous en débattrons dans les prochaines heures.

Nous aurons également à débattre de la centralisation des trésoreries publiques, qui permettrait de réduire l’endettement et l’appel aux marchés de l’État, dans un contexte de forte sollicitation du Trésor.

Je veux croire, mes chers collègues, que notre Haute Assemblée saura dépasser ces divergences, afin d’avancer sur des sujets essentiels pour accompagner la reprise, dans l’intérêt de notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Herzog

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’article 3 du projet de loi transmis au Sénat habilite le Gouvernement, pour une durée de douze mois, à renforcer la centralisation des trésoreries publiques.

Cette demande d’habilitation pose problème, car elle élargit l’obligation de dépôt au Trésor public pour plusieurs organismes, particulièrement les collectivités territoriales. Or, en transférant leurs trésoreries sur le compte du Trésor public, non seulement celles-ci perdront une autonomie de gestion, mais elles seront également privées des ressources financières procurées par les intérêts.

Par ailleurs, cette centralisation s’appliquerait aussi aux organismes chargés d’une mission de service public, notamment ceux qui interviennent dans des secteurs essentiels tels que le transport, l’eau, l’énergie ou l’assainissement. Le moment est mal choisi pour les priver d’une gestion autonome, qui leur permet d’agir de manière plus souple et de déployer des capacités d’investissement plus que jamais nécessaires.

Dans la crise que nous traversons actuellement, cette perte de recettes constituerait un frein supplémentaire à l’autonomie fiscale des collectivités. Elle viendrait s’ajouter – faut-il le rappeler – à la baisse continue des dotations de l’État et à la suppression récente de la taxe d’habitation. Enfin, les pertes budgétaires ont encore été alourdies par la gestion de l’épidémie du Covid-19, qui a entraîné des coûts supplémentaires imprévus.

Un tel contexte ne peut que fragiliser les collectivités, au moment où elles ont un rôle majeur à jouer dans le soutien et la relance du tissu économique local.

Pour toutes ces raisons, je soutiens sans réserve la suppression de l’article 3, adoptée dans le texte de la commission des lois. C’est une condition indispensable de l’adoption de ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui est, si je puis dire, une énième illustration d’une désinvolture assumée du Gouvernement à l’égard du Parlement et de la démocratie parlementaire.

Monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, vous profitez de l’état d’urgence sanitaire pour demander à la représentation nationale de se dessaisir de ses droits, en faisant de la législation par ordonnances la règle, alors même que, comme l’a souligné Mme la rapporteure, le Parlement a démontré sa réactivité face à la crise sanitaire.

Vous demandez au Parlement une délégation de son pouvoir législatif dans des domaines aussi variés que le droit social, le droit de la consommation, les finances publiques, le droit pénal, le droit d’asile, le droit européen, le code de la défense, le code de l’environnement, sans lien avec la gestion de la pandémie, aux seules fins de faire l’économie d’un débat de fond et d’éviter d’avoir à justifier vos choix devant les députés et les sénateurs.

Dans sa version initiale, ce projet de loi prévoyait 40 ordonnances, que le Gouvernement entendait prendre dans un temps extrêmement resserré, faisant fi du principe constitutionnel de clarté de l’élaboration de la loi. La seule ligne directrice de ce texte sans cohérence est de pallier le retard pris par le Gouvernement en amont de la crise sanitaire, reprenant des dispositions éparses de textes en cours de navette parlementaire.

Comment pourrions-nous accepter, en cette période d’incertitude et d’inquiétude, en cette période de défiance profonde de la population à l’égard de l’exécutif, le blanc-seing que vous demandez, alors qu’une cinquantaine d’ordonnances plus anciennes doivent encore être ratifiées ? Comment pourrions-nous accepter l’instrumentalisation de l’urgence sanitaire pour nous départir de notre pouvoir législatif pour un temps anormalement long, les délais des habilitations prévues initialement variant entre six et quinze mois à compter de la publication de la loi ? Nous saluons, à cet égard, le travail de la commission des lois, qui a réduit le champ et la durée de nombreuses ordonnances et qui a rappelé que le Gouvernement devrait présenter les projets de loi de ratification de ces dernières dans un délai de deux mois.

Comment accepter que, dans ce brouillard législatif, le Gouvernement puisse profiter de la confusion et de l’inquiétude générale pour prendre des mesures qui vont nuire aux Français ? Ne nous y trompons pas : si certaines mesures sont directement liées à l’épidémie de Covid-19 – il y va ainsi des règles applicables au chômage partiel, de la fin anticipée des saisons sportives, de la prolongation du versement de l’allocation pour les demandeurs d’asile et des contrats aidés –, d’autres, en revanche, et non des moindres, sont des attaques en règle contre le droit du travail ou le pouvoir judiciaire, ou encore en faveur d’intérêts particuliers, voire purement électoraux.

Pour illustrer mon propos, quelle urgence y a-t-il à favoriser l’ouverture de la saison de la chasse, alors que nos concitoyens sont encore limités dans leur liberté d’aller et venir et doivent se soumettre aux gestes barrières afin d’éviter une seconde vague ? Que dire de la possibilité laissée aux employeurs de multiplier les contrats à durée déterminée hors de toute contrainte et de déroger au nombre de vacations dans toute une série de missions publiques ? Nous le savons, l’assouplissement des règles relatives au CDD et à l’intérim s’est toujours accompagné d’une précarisation des conditions d’emploi pour les travailleurs concernés, sans effet significatif en termes de relance économique, d’autant que cette mesure a été aggravée par la commission des affaires sociales, qui ne souhaitait pas que les dérogations aux règles de renouvellement des CDD existantes soient neutralisées par la durée de trente-six mois prévue à l’article 1er bis A. Il s’agit des contrats conclus dans le cadre des parcours emploi compétences, en particulier des contrats uniques d’insertion.

Quelle urgence y avait-il à inscrire dans ce texte une mesure du projet de loi ASAP permettant aux entreprises de moins de onze salariés de mettre en place un dispositif d’intéressement par décision unilatérale de l’employeur et de prévoir sa reconduction tacite, alors que, dans le même temps, nous savons que de nombreuses familles risquent de voir leurs revenus diminuer à partir de juin si les enfants ne retournent pas à l’école ?

Que dire encore de l’allongement de la durée de séjour des travailleurs étrangers afin de disposer d’une main-d’œuvre peu contraignante et corvéable à merci ? Si la mesure est de bon sens, rien n’est prévu sur leurs conditions de travail et de rémunération. Or il semble que les contraintes sanitaires renforceront le caractère inacceptable des conditions de travail de ces travailleurs, pourtant essentiels. Dans le même temps, rien ou presque n’est prévu pour les travailleurs saisonniers.

La plupart de ces affaiblissements pourront se prolonger plusieurs mois après la fin de l’état d’urgence. Au lieu de proposer un grand plan de relance, avec des droits sociaux nouveaux et des filets de sécurité pour tous, ce texte ne fait qu’étendre la précarité et la casse des conquis sociaux.

De même, comment justifier l’élargissement de l’expérimentation des cours criminelles – rejeté en commission –, à rebours des engagements pris par le Gouvernement au moment du débat sur la réforme de la justice ?

Malgré le travail sénatorial et la réduction du nombre d’habilitations de 24 à 10, le recours aux ordonnances participe de la dégradation du Parlement. Cela n’est pas acceptable. Le Parlement n’est pas une institution qu’il faudrait occuper afin de se donner bonne figure. Dans cette période d’entre-deux, entre confinement et perspectives de déconfinement total, nous refusons d’être infantilisés et revendiquons le respect de notre légitimité démocratique. Renoncer encore et toujours à nos compétences, c’est oublier que le mandat qui nous a été confié par les Françaises et les Français doit être respecté. C’est oublier que, si, à l’instar de la vie économique, sociale et culturelle, la démocratie a été percutée de plein fouet par la crise que le pays traverse, elle doit rester debout, ne pas être malmenée, bafouée, bâillonnée, sous peine de faire violence aux valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité, auxquelles nous sommes très majoritairement ici attachés.

L’urgence ne justifie pas la précipitation. Elle ne justifie pas que le Parlement soit entravé dans sa capacité d’analyse et de décision éclairée. C’est pourquoi nous voterons contre ce projet de loi, qui n’a d’urgent que le titre.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Martine Filleul applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Menonville

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ces dernières semaines ont mis un coup d’arrêt à notre économie.

Notre PIB s’est contracté de 5, 8 % au premier trimestre, un record depuis 1949. Nous savons que nous allons devoir faire face, dans les prochains mois, à une crise économique d’une ampleur considérable et préoccupante. Nous devons l’anticiper et nous y préparer.

Ce texte que nous examinons comporte plusieurs mesures en ce sens. Il s’agit d’assurer la pérennité des entreprises fragilisées par la crise. Pour cela, l’État a largement activé le régime de chômage partiel, permettant de mettre en sommeil bon nombre d’entre elles. L’économie redémarre doucement, sans doute trop lentement encore et, pour l’accompagner, nous devons apporter aux entreprises la flexibilité dont elles ont besoin.

Le confinement a engendré d’importantes pertes d’activités qui ne sont pas sans conséquences sur les contrats de travail. Dans les six prochains mois, les CDD, les contrats de mission ou encore les contrats uniques d’insertion pourront être conclus ou renouvelés pendant une durée de trente-six mois, contre vingt-quatre mois auparavant. Il faudra cependant les encadrer par des accords d’entreprise et, bien évidemment, comme c’est prévu dans le texte, les limiter dans le temps.

Autre mesure à destination des TPE, un régime d’intéressement pourra être mis en place pour une durée maximale de trois ans. Le groupe Les Indépendants croit beaucoup à l’intéressement, qui lie l’intérêt des entreprises à celui des salariés. C’est, à nos yeux, un dispositif juste, qui permet de partager le fruit de l’activité avec ceux qui contribuent à la faire naître. Cette mesure contribuera aussi à relancer l’économie.

Toutefois, avant de parler d’intéressement, il faut préalablement qu’il y ait création de richesses. À cet égard, notre groupe voulait proposer que les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), déjà très mobilisés en faveur des entreprises de leur territoire, puissent octroyer et gérer eux-mêmes les aides aux entreprises en difficulté, bien évidemment en complémentarité avec les régions. Je regrette que l’amendement en ce sens de mon collègue Emmanuel Capus ait été rejeté au titre de l’article 40 de la Constitution. L’exécutif recourt beaucoup – beaucoup trop – aux ordonnances, mais nous nous bridons parfois nous-mêmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Menonville

Il est aussi prévu que les salariés concernés par une activité partielle disposeront des mêmes droits à la retraite que s’ils avaient été employés à plein temps. C’est là une mesure importante dans le contexte actuel.

Le secteur privé n’est pas le seul à devoir s’adapter aux circonstances exceptionnelles de cette crise que nous traversons. La fonction publique a elle aussi besoin de souplesse. Ainsi, les militaires et les chercheurs pourront voir leurs droits et contrats prolongés. Par ailleurs, nous nous félicitons des dispositifs permettant le cumul des pensions civiles et militaires avec les revenus liés aux activités dans les hôpitaux publics et privés, au plus fort de la crise. C’est bien là le minimum que nous devions à toutes celles et à tous ceux qui se sont mis au service de la santé de nos concitoyens durant le pic de l’épidémie.

La situation des travailleurs étrangers en France a aussi été impactée par la pandémie. Elle a besoin d’être clarifiée. Le plafond d’activité des travailleurs saisonniers étrangers présents en France au 16 mars sera relevé de six à neuf mois ; bien évidemment, cette mesure est limitée dans le temps. Ces travailleurs sont particulièrement nécessaires dans les secteurs agricoles et viticoles, entre autres. À cet égard, je soutiens l’inscription par la commission du correctif à la loi Égalim (loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous). Ces mesures sont nécessaires au secteur agricole, déjà très fragilisé avant cette crise et encore plus aujourd’hui.

Les étudiants étrangers seront également autorisés à travailler de manière dérogatoire – jusqu’à 80 % –, en attendant la reprise effective des cours.

Tout comme l’économie, l’ensemble de l’activité sociale doit reprendre. C’est absolument indispensable.

Je pense notamment à la justice. Le retard accumulé en la matière est considérable. Pour faire face à cet afflux, les tribunaux vont devoir employer des moyens exceptionnels. Nous souhaitons cependant que cela ne nuise pas au respect des règles et des procédures les plus élémentaires, en particulier au tirage au sort des jurés d’assises. Il est impératif que le public puisse assister à ces procès. Nous vous proposerons de voter des amendements en ce sens, car c’est véritablement, à nos yeux, la base du principe républicain.

Le projet de loi comporte des dispositions très diverses. En effet, près de 40 sujets différents y sont abordés. En raison de l’urgence, le Gouvernement a demandé à être largement habilité à légiférer par ordonnances. L’Assemblée nationale puis notre commission des lois ont fortement contribué à réduire le nombre d’habilitations, passé de 24 à 10. Nous le saluons.

Les dispositions correspondantes ont été intégrées au texte. Elles seront ainsi débattues, dans le respect des impératifs de l’urgence, par le Parlement, qui a fait preuve d’une grande réactivité ces derniers mois, notamment depuis le début de la crise. En effet, cinq lois ont été votées depuis la fin du mois de mars.

Aujourd’hui, l’heure est à la relance. Nous devons tous être mobilisés pour favoriser un retour à la normalité progressive et continue dans notre pays, tout en gardant à l’esprit que nous devrons apprendre à vivre ensemble avec le virus. Pour autant, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, le Gouvernement ne doit pas contourner le débat parlementaire par un recours excessif aux ordonnances.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, pour la première fois depuis plus de douze semaines, nous avons le plaisir d’examiner un projet de loi dans des délais, non pas raisonnables, mais qui permettent à chacune des deux assemblées d’y apporter son regard, son expérience et, donc, de l’améliorer.

La crise sans précédent que nous avons traversée justifie naturellement l’urgence et la rapidité d’examen des différents textes auxquels le groupe Union Centriste a toujours apporté un appui constructif et bienveillant, car notre pays avait besoin de mesures urgentes, qu’elles soient sanitaires, économiques ou sociales.

Avec deux lois, une organique et une ordinaire, une loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire et deux lois de finances rectificatives, le Parlement s’est largement mobilisé, même dans des conditions matérielles difficiles.

Le Gouvernement, afin de pouvoir agir vite, devait légitimement bénéficier du soutien préalable des législateurs que nous sommes, mais sous l’œil des parlementaires soucieux du contrôle de l’action gouvernementale que nous ne sommes pas moins.

Si l’état d’urgence sanitaire est toujours déclaré, nous sommes arrivés aujourd’hui dans une temporalité différente : après la période de confinement qui a nécessité de légiférer rapidement, et donc le plus souvent par ordonnances, nous sommes désormais dans une période de déconfinement progressif, qui doit être celle non pas du maintien de l’état d’exception, mais de la préparation du retour à l’état ordinaire, habituel, pour toute prise de décision démocratique.

Ainsi, le recours massif aux ordonnances, tel qu’il était prévu par le projet de loi initial, ne se justifie plus, comme l’a d’ailleurs signifié le Conseil d’État. Ce positionnement a d’abord été repris par nos collègues députés, puis par notre commission des lois. Sous l’impulsion des parlementaires, ce sont entre trois et quatre fois moins d’habilitations à légiférer par ordonnances qui figurent aujourd’hui dans le texte. Les 10 habilitations restantes s’ajoutent d’ailleurs aux 57 ordonnances déjà prises en application de la loi d’urgence du 23 mars dernier.

Au passage, il est illusoire d’imaginer que ces dernières seront ratifiées par le Parlement. C’est regrettable, car une habilitation n’a de sens que s’il y a contrôle de son utilisation par la ratification. C’est aussi dommageable à la qualité de la norme, ce que nous constatons d’ailleurs dans ce texte : nombre d’amendements viennent en quelque sorte combler les manquements, les oublis ou les erreurs des ordonnances déjà présentées par le Gouvernement. Je pense notamment aux difficultés rencontrées pour certains contrats dans les structures d’insertion ou aux oubliés de l’apprentissage.

Au-delà de l’urgence et de la méthode, que nous avons malgré tout suivie, il est toujours difficile pour un parlementaire d’accepter de se dessaisir de son pouvoir de législateur au profit du pouvoir exécutif. Ce n’est pas dans nos gènes, et encore moins, ici, au Sénat. La notion d’urgence doit donc être prise avec gravité et j’invite chacun d’entre nous à l’utiliser avec parcimonie.

J’aimerais, à ce stade, saluer le travail d’analyse et de proposition de nos trois rapporteurs, respectivement de la commission des lois, de la commission des affaires sociales et de la commission des finances, qui ont travaillé avec des objectifs communs que nous partageons : écrire « en clair » un maximum de dispositions ; restreindre le champ des habilitations tout en les inscrivant dans des délais raisonnables, c’est-à-dire réduits, par rapport au texte initial ; rétablir les consultations obligatoires ; et limiter au maximum les mesures du texte à des dispositifs dérogatoires en réponse à l’état d’urgence sanitaire.

Le projet de loi qui nous est soumis contient des mesures très diverses, voire trop, qui présentent un caractère parfois d’urgence, parfois de rattrapage et parfois d’opportunité. C’est entre ces trois qualificatifs qu’il a fallu choisir pour enrichir et resserrer le texte. Il nous faut néanmoins envisager les dispositions proposées à l’aune d’un double impératif : répondre à la crise par des mesures dont la plupart prolongent des décisions déjà prises et anticiper certaines décisions nécessaires à l’action.

Sur le fond, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, nous partageons une grande partie de vos objectifs. Ce projet de loi vise à accompagner la reprise du pays à la sortie du confinement dans toutes ses dimensions tout en le préparant aux échéances futures, comme le Brexit.

Face à un risque de récession inédite, il est essentiel de relancer notre pays, aujourd’hui à l’arrêt. Les enjeux sont d’importance : il s’agit d’assurer la continuité des services publics et l’organisation des pouvoirs régaliens, de réamorcer la pompe en relançant notre économie tout en évitant que les difficultés des entreprises ne se traduisent par un chômage de masse et par un accroissement des difficultés de nos concitoyens. C’est un enjeu immense.

Nombre de mesures proposées nous paraissent nécessaires, qu’elles touchent à la prorogation de divers mandats en dehors du champ politique, à la continuité des missions dans lesquelles nos forces armées sont engagées ou encore à diverses mesures sectorielles touchant, par exemple, aux domaines de la recherche ou du sport.

Ce projet de loi répond aussi à un souci de protection des salariés. Je pense notamment aux mesures qui favorisent la reprise de l’activité des entreprises tout en offrant un cadre plus sécurisant aux salariés.

En revanche, certaines mesures, comme celles qui sont contenues à l’article 3 et prévoient une mutualisation de la trésorerie de nombreux acteurs publics au sein du Trésor, nous paraissent manquer de préparation et de précision. Les objectifs d’une telle mutualisation peuvent être entendus, mais il faut travailler à un meilleur encadrement et à une meilleure définition de son périmètre si vous souhaitez la rendre acceptable. En effet, elle pourrait priver plusieurs organismes publics, ainsi que les collectivités territoriales, de ressources induites en rigidifiant leurs mouvements et besoins de trésorerie au seul profit de l’État. Nous devons pouvoir mesurer précisément son impact. Le rapporteur général et de nombreux groupes ont ainsi souhaité sa suppression dès le stade de la commission. Il faut la maintenir.

À titre plus personnel, je me réjouis, avec Catherine Di Folco, ma corapporteure du projet de loi de transformation de la fonction publique, que nous ayons pu faire adopter plusieurs amendements visant notamment l’élargissement, hors état d’urgence sanitaire, de la mise à disposition à titre gratuit des agents territoriaux ou hospitaliers auprès des hôpitaux ou des Ehpad, selon la volonté des employeurs publics, ou encore à la « neutralisation » des effets de l’état d’urgence sur la transformation de CDD en CDI dans les trois versants de la fonction publique.

En conclusion, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, sans entrer davantage dans le détail de ce texte, vous aurez compris que les membres du groupe Union Centriste soutiennent les orientations de ce projet de loi et voteront donc en sa faveur, tout en conservant un regard naturellement attentif sur sa mise en œuvre.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

M. le président. La parole est à Mme Catherine Di Folco.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Di Folco

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous entamons l’examen d’un projet de loi que tout le monde qualifie d’assez particulier.

Dans son avis, le Conseil d’État constatait assez pudiquement que ce projet de loi traitait d’une grande variété de domaines. Mme le rapporteur de la commission des lois a utilisé, non sans humour, un terme plus « casimiresque » que juridique, qui décrit pourtant judicieusement la structure de ce texte.

C’est par cet aspect que je commencerai mon propos. De tels textes rendent forcément plus difficiles le travail parlementaire, l’enrichissement de la loi, le contrôle de l’action du Gouvernement. Le rapport de la commission des lois a qualifié ce texte de « projet de loi le plus hétérogène depuis le début des années 2010 ».

En outre, le Conseil d’État a constaté que l’étude d’impact se bornait à fournir des indications très parcellaires sur certaines habilitations.

Même si nous pouvons comprendre les particularités des circonstances actuelles, nous condamnons cette méthode qui nous oblige à discuter, pêle-mêle, des réservistes de la police, des tickets-restaurant, de la justice pénale, des compétitions sportives ou encore des suites des essais nucléaires dans le Pacifique.

Comme l’ont souligné tous les orateurs, le projet de loi initial était constitué en tout et pour tout d’une quarantaine d’habilitations à légiférer par ordonnances. Elles portaient parfois sur des durées qui ne justifiaient guère l’urgence. Je pense, par exemple, aux dispositions concernant le Brexit. Il y a vraiment de quoi rester perplexe.

Malgré tout cela, à partir du texte déjà amendé dans le bon sens par l’Assemblée nationale, nos commissions des lois, des affaires sociales et des finances ont réalisé un travail considérable et remarquable. Elles ont équilibré les mesures, réduit les durées d’habilitation et amélioré les rédactions juridiques.

Pour ces raisons, nous tenons à remercier nos rapporteurs : Mme Jourda, M. Savary et M. de Montgolfier. Ils ont joué le jeu et ont été suivis par leurs commissions dans cette démarche, fidèles à ce qui a toujours été l’un des principaux soucis du Sénat : enrichir et améliorer la loi.

Toutefois, malgré cet effort salutaire, il faut bien reconnaître que nous faisons souvent pour le mieux avec ce que l’on nous donne. Une fois le texte promulgué, on s’interrogera sans doute sur sa lisibilité pour nos concitoyens. Même maintenant, ce projet de loi ne brille ni par sa clarté ni par son intelligibilité.

Au-delà de ces questions de forme, qu’en est-il du fond du texte ? Nombre de choses, que je ne pourrais guère résumer ici sans risquer de vous ennuyer par un inventaire à la Prévert, qui ne serait qu’une répétition imparfaite de ce qui a déjà été dit. Je ne m’arrêterai donc que sur quelques points, parmi beaucoup qui auraient pu être soulevés.

Parfois, le recours aux ordonnances se justifie indéniablement. C’est la raison pour laquelle nous avons voté de larges habilitations le 23 mars dernier. Mais nous ne pouvons que nous interroger face au dépôt d’un texte qui ne comprenait initialement que des ordonnances, alors que nombre d’entre elles pouvaient aisément être immédiatement inscrites dans la loi. Il ne doit pas y avoir de glissement vers un recours systématique à l’ordonnance – à plus forte raison lorsque la procédure allant de l’habilitation à la ratification finit parfois par être plus longue que la procédure législative ordinaire.

C’est donc avec satisfaction que je constate que les habilitations ne sont plus qu’au nombre de 10, complétant un processus entamé à l’Assemblée nationale. Il s’agit non pas d’une simple suppression, mais bien d’un enrichissement, car certaines mesures objectivement abouties ont pu être utilement inscrites « en clair » dans la loi. Je pense, par exemple, aux durées d’engagement des militaires, au temps de travail des adjoints de sécurité et volontaires de la gendarmerie ou encore au prolongement de l’expérimentation du relèvement du seuil de revente à perte.

La commission des affaires sociales, pour sa part, a inscrit dans la loi les habilitations portant sur le prêt de main-d’œuvre, sur l’indemnisation du chômage et sur la représentation des salariés des TPE.

La commission des lois a néanmoins été plus circonspecte sur certains dispositifs. C’est en particulier le cas de l’extension à trente départements de l’expérimentation des cours criminelles. Comme l’a expliqué Mme le rapporteur, ce dispositif fait courir le risque de détourner de son objet cette expérimentation pour en faire un simple outil de gestion du stock d’affaires. Laissons donc de côté cette extension problématique afin de pouvoir, le moment venu, procéder à une évaluation rigoureuse de cette expérimentation en fonction de ses seuls mérites.

Enfin, l’article 3 a été supprimé par la commission des finances. Il habilitait le Gouvernement, pour une durée d’un an, à prendre par ordonnances des mesures relevant du domaine législatif en vue de renforcer la centralisation des fonds détenus par certaines personnes morales sur le compte unique du Trésor.

La commission des finances n’avait pu obtenir d’informations précises sur les organismes concernés, ce qui n’est pas satisfaisant quand il est question d’une habilitation de longue durée, prise dans l’urgence. Le Gouvernement a déposé un amendement pour restaurer cet article : nous attendrons donc des explications plus détaillées de sa part. Le rapporteur général de la commission des finances a d’ailleurs émis de nombreuses réserves sur ce rétablissement dans son intervention.

Pour conclure, nous avons donc affaire à un projet de loi assez baroque, qui interroge presque plus par sa forme que par son fond. Néanmoins, nous estimons que le travail effectué par les commissions a permis de le bonifier et de le toiletter suffisamment pour le rendre acceptable. C’est sur cette base que groupe Les Républicains votera ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains – M. Loïc Hervé applaudit également.

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi nous interpelle à la fois par ce qu’il contient et par ce qu’il ne contient pas.

Je commencerai, bien évidemment, par ce qu’il contient.

Nous traversons une crise d’une exceptionnelle gravité, qui impose des mesures tout aussi exceptionnelles. Vous en avez pris certaines, comme le chômage partiel qui a probablement évité des faillites en nombre et leur corollaire, les pertes d’emplois – tout du moins pour le moment. Au fur et à mesure qu’apparaissent les difficultés, vous avez besoin d’adapter les différents dispositifs.

Si nous comprenons que vous devez agir dans l’urgence, nous n’admettons pas la mise à mal du travail parlementaire, pas plus que celle du dialogue social. Cette frénésie d’habilitations qui mène, entre autres, à une mise aux enchères moins-disantes du code du travail ne peut durer plus longtemps.

Ce projet de loi a notamment pour objectif de modifier le régime des contrats à durée déterminée, à rebours de ce qui avait été acté en 2017 : depuis les ordonnances Travail, les entreprises ne pouvaient retoucher ces contrats qu’à la seule condition d’offrir des garanties au moins équivalentes à celles des accords de branche. Si ce texte était adopté en l’état, ce ne serait plus le cas : jusqu’à la fin de l’année, les conventions d’entreprise pourront fixer le nombre maximal de renouvellements d’un contrat de travail à durée déterminée, fixer les modalités de calcul du délai de carence entre deux CDD et prévoir les cas dans lesquels ce délai n’est pas applicable. Dans cette nouvelle configuration, les dérogations pourraient être négociées au sein de l’entreprise pour tous les contrats courts signés avant la fin de l’année. Or nous savons que les syndicats peinent à se faire entendre à cet échelon.

Alors que la démocratie sociale est déjà fragilisée, vous engagez les salariés vers le risque d’un quasi-tête-à-tête avec leurs employeurs, ce qui peut s’avérer très compliqué en cette période. Vous affirmez vouloir protéger les salariés les plus précaires et, dans le même temps, vous gravez dans le marbre la libéralisation du régime des CDD.

Vous ouvrez aussi la porte à une modification du fonctionnement des comités sociaux et économiques (CSE) et vous permettez l’utilisation des réserves de certains régimes de retraite à des fins d’aides sociales. Certes, le tout pour un temps a priori déterminé et dans le but, encore une fois, de pallier l’urgence. Promis, nous dites-vous, ça s’arrêtera là. Vous savez pourtant que l’enfer peut être pavé de bonnes intentions…

Venons-en maintenant à ce que ce projet de loi ne contient pas.

Depuis le 11 mai dernier, notre pays revient peu à peu à la vie. Lentement, prudemment, mais – espérons-le – sûrement. Ce retour à la vie, comme il est de mise après un cataclysme, est saisissant de contrastes. Celui que je relève en premier et auquel je ne peux m’empêcher de faire référence, c’est le changement de discours du Président de la République : après avoir fustigé sur le quai d’une gare « ceux qui ne sont rien », il rend hommage à ces femmes – fort nombreuses – et à ces hommes qui ont tenu le pays depuis le 15 mars dernier en continuant leur travail. Puissent ceux qui les croisent sans jamais les regarder se le rappeler.

Autre contraste, celui de pans de notre économie hier florissants, comme l’aéronautique, le tourisme ou l’automobile, qui se retrouvent, du jour au lendemain, plongés dans l’incertitude la plus totale.

Qu’il s’agisse de ceux qui nous ont maintenus en vie, au sens propre comme au sens figuré, ou de ceux qui, demain, seront menacés de dépression économique, il nous faut tracer des perspectives. Pas des perspectives pour après-demain, ni même pour demain, mais des perspectives immédiates. Or ce projet de loi qui arrive au début du déconfinement ne déconfine pas grand-chose. C’est qu’il vous faut, si vous voulez prendre au mot le Président de la République, détricoter à peu près tout ce que vous avez tricoté depuis trois ans, à savoir votre politique fiscale pour remettre enfin un minimum de justice sociale dans ce pays, à savoir votre vision très élitiste de la société, où seule avait droit de cité la « start-up nation », à savoir votre réforme du chômage, qui s’avérait déjà fort injuste et qui s’avérera inique dans les circonstances actuelles si vous n’y mettez fin, à savoir votre discours lénifiant sur l’égalité femmes-hommes, qui ne trouvait aucune concrétisation réelle.

En fait, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, nous n’avons pas besoin d’un acte de contrition télévisé dont nous doutons d’ailleurs terriblement de la sincérité. Nous voulons des mesures propres à remettre au cœur de la société ceux qui la maintiennent au quotidien et ceux qui en sont exclus. Le tout par une réforme fiscale courageuse et après un vrai débat parlementaire.

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi est un texte fourre-tout, qui pose de sérieuses questions de principe quant aux droits du Parlement. Comme plusieurs d’entre nous l’ont rappelé, la crise sanitaire ne justifie pas tout.

Je concentrerai mon intervention sur l’article 4, qui traite du Brexit et que j’ai examiné avec un intérêt particulier en tant que rapporteur de la loi du 19 janvier 2019, dont cet article est en quelque sorte le « petit frère ». La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, bien qu’elle ne soit pas saisie pour avis, en a débattu par visioconférence la semaine dernière.

Il s’agit aujourd’hui d’habiliter le Gouvernement à combler les vides juridiques susceptibles d’apparaître à l’issue des négociations en cours entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, notamment si ces négociations devaient échouer. L’hypothèse d’un no deal n’est pas une simple vue de l’esprit : les négociations, cela n’aura échappé à aucun d’entre nous, se passent très mal. Des blocages de fond demeurent sur des sujets cruciaux tels que la pêche ou l’équité des conditions de concurrence. Les tensions demeurent vives sur les sujets théoriquement résolus des contrôles à effectuer en mer d’Irlande, des droits des citoyens et des droits de douane. L’impasse devient évidente, les Britanniques ne souhaitant pas prolonger la période de transition.

C’est la raison pour laquelle je ne suis pas hostile à une habilitation symétrique de celle que nous avions accordée au Gouvernement l’an dernier. Je vous rappelle, mes chers collègues, que toutes les majorités ont, de tout temps, eu recours aux ordonnances à un moment ou un autre.

Le texte transmis par l’Assemblée nationale était toutefois très insatisfaisant. Nous ne pouvons accepter des habilitations « balai » permettant au Gouvernement de combler d’éventuels oublis, alors que cela fait maintenant presque quatre ans, comme vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État, que nous sommes prévenus qu’il y aura un Brexit.

Le Gouvernement demandait initialement un délai d’habilitation de trente mois, que l’Assemblée nationale a ramené à quinze mois. C’est mieux, mais c’est encore trop.

Sur ces deux points, le texte élaboré par la commission des lois, grâce au travail de son rapporteur, Muriel Jourda, me satisfait pleinement. Il comporte les deux amendements que j’avais envisagé de déposer au nom de notre commission. J’apporte donc mon entier soutien à la nouvelle rédaction de l’article 4 issue des travaux de la commission des lois, en particulier au délai d’habilitation réduit à sept mois.

En conclusion, mes chers collègues, la crise sanitaire ne doit pas nous faire perdre de vue le Brexit. Les citoyens doivent s’y préparer. Je voudrais redire ici que les ressortissants britanniques restent tout à fait bienvenus sur notre territoire, contrairement à certaines déclarations entendues de l’autre côté de la Manche, vendredi soir dernier. Il doit en aller de même pour les citoyens français au Royaume-Uni.

Toutefois, madame la secrétaire d’État, je demande l’application de la règle de la réciprocité : si les Anglais veulent nous appliquer une quarantaine de deux semaines en arrivant au Royaume-Uni, je demande l’application de la même quarantaine aux Anglais qui souhaiteraient venir chez nous.

Enfin, mes chers collègues, n’oublions pas que les entreprises aussi doivent se préparer, car les conséquences du Brexit viendront malheureusement s’ajouter au cataclysme économique qui s’annonce.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Mesdames, messieurs les sénateurs, je ferai quelques réponses rapides avant d’entamer l’examen des articles.

Monsieur Marie, vous avez dit de ce texte qu’il était profondément antisocial. Il s’agit pourtant de prolonger un certain nombre de mesures de protection des salariés, notamment au travers du dispositif de chômage partiel. J’avoue être quelque peu étonné de cet argument.

Par ailleurs, vous dites que l’article 3 viserait à faire main basse sur l’argent de je ne sais quelle structure. Comme l’a souligné le rapporteur général, cela fait une vingtaine d’années que les collectivités locales participent à un dispositif de ce type, à hauteur de 130 milliards d’euros. Et je réponds aussi en cela à Mme Herzog. Nous ne faisons pas main basse sur l’argent de qui que ce soit. N’employons pas de mots qui fassent peur. Aucune collectivité n’est jamais venue se plaindre de ce dispositif. J’ai été maire et je vous prie de croire que je l’aurais fait si tel avait été le cas.

Madame Assassi, je ne crois pas que nous profitions de l’état d’urgence sanitaire. Personne n’en profite et personne ne peut s’en réjouir – ce n’est d’ailleurs pas votre cas. Nous essayons d’adapter des dispositifs en fonction de notre situation sanitaire, qui est aussi celle de la plupart des pays du monde.

Il est d’ailleurs paradoxal que vous reconnaissiez que certaines de ces mesures sont intéressantes tout en souhaitant le rejet global de ce texte. Nous aurons l’occasion d’en reparler au cours du débat. Vous voudriez aller plus loin sur certains sujets, mais ce n’est pas une raison pour occulter ceux que nous essayons de résoudre étape par étape.

Enfin, madame Assassi, vous connaissant, je ne crois pas qu’il y ait le moindre risque pour que la démocratie soit bâillonnée et j’ai plutôt tendance à m’en réjouir.

Monsieur Mohamed Soilihi, je remercie votre groupe de son soutien constant et de votre vigilance sur certains sujets, en particulier l’outre-mer. Nous aurons l’occasion d’en débattre.

Monsieur Menonville, vous avez souligné les questions de l’intéressement et du statut des salariés à temps partiel et vous nous avez invités à nous mobiliser sur la relance. Muriel Pénicaud, qui nous a rejoints, et moi-même ne manquerons pas d’y revenir lors de la discussion de l’article concerné. Je tiens à redire l’importance du débat parlementaire.

Monsieur Hervé, vous avez rappelé à juste titre que ce projet de loi visait à prolonger un certain nombre de dispositifs votés en mars dernier. Vous appelez à la vigilance, comme tous les orateurs, sur les projets de loi d’habilitation. Mais nous y avons déjà répondu, d’une certaine façon, au travers de ce qu’a souhaité le Gouvernement et de ce qu’ont souhaité l’Assemblée nationale et la Haute Assemblée. Tout cela me paraît aller dans le bon sens et je tiens à vous remercier de vos mots.

Madame Costes, vous avez appelé à la vigilance de votre groupe et précisé que vous vous détermineriez à l’issue du débat, ce qui est une lourde charge à assumer pour nous tous. J’espère que votre vote sera un bon juge de paix de la qualité de nos échanges. Je comprends votre appel à la vigilance, rien de plus normal dans un débat parlementaire.

Madame Di Folco, il s’agit effectivement d’un texte qui aborde pêle-mêle beaucoup de sujets et j’ai apprécié la mesure de vos propos. Je n’ai d’ailleurs pas essayé d’éluder la question.

Si nous avons devant nous autant de sujets, c’est que la crise emporte des conséquences sur l’ensemble du tissu social et économique de la société et sur son organisation. Elle est non pas sectorielle, mais totale, d’où le côté pêle-mêle de ce texte. Je comprends les difficultés que cela peut représenter en termes de lisibilité pour nos concitoyens. Le président Bas a dit qu’il s’agissait, pour l’essentiel, de dispositions techniques. Nos compatriotes ont besoin qu’on réponde à leurs sollicitations, notamment ceux d’entre eux qui sont en CDD et voient leurs contrats arriver à leur terme sans solution, ceux qui sont en situation de chômage partiel ou ceux qui s’inquiètent pour l’avenir de leur entreprise ou de telle ou telle structure.

Nous devons répondre concrètement à ces interrogations immédiates. Je comprends votre logique et la nécessité d’une vision plus globale, mais il s’agit de l’étape suivante, celle du plan de relance, qui sera aussi celle de la grande visibilité.

Au travers du présent projet de loi, nous nous efforçons de répondre très concrètement aux sujets évoqués par les uns et par les autres.

Madame Lubin, je voudrais vous remercier de votre regard plutôt « acceptable » sur ce texte, notamment grâce au travail du Sénat que je tiens à saluer.

Vous avez dit de ce projet de loi qu’il allait accroître la précarité. Nous en débattrons dès l’article 1er, mais je crois au contraire que ce texte permet de limiter la précarité. J’aurais aimé, même si rien n’est jamais parfait, que vous saluiez les mesures prises dans la loi du 23 mars dernier. Il s’agit ici de les prolonger sous d’autres formes. C’est bien un gage de notre volonté collective de préserver les plus fragiles. Ces dispositions visent toutes à limiter les conséquences économiques, et donc sociales, de cette crise qui est encore pleinement devant nous.

Monsieur Poniatowski, je laisserai Amélie de Montchalin vous répondre sur la question européenne, n’étant pas un éminent spécialiste du sujet.

Vous avez souligné, comme d’autres, que la crise sanitaire ne justifiait pas tout, y compris en termes de procédure parlementaire. Nous partageons d’autant plus volontiers votre point de vue que nous avons inscrit le maximum de dispositions en dur. Mais la crise nécessite beaucoup de choses et notamment d’avancer clairement sur un certain nombre de sujets. Je ne préjuge pas de l’article 4, dont nous débattrons.

Debut de section - Permalien
Amélie de Montchalin

Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite à mon tour répondre à certaines de vos allusions et interventions.

Monsieur Marie, vous auriez souhaité un débat dédié après le 1er juillet. Mais la crise sanitaire nous empêche d’organiser les débats parlementaires comme nous le souhaiterions. En outre, le calendrier est souvent particulièrement chargé à l’automne. Dès lors, il nous semblait dangereux de ne pas prendre certaines des dispositions que nous pouvions prendre dès maintenant et qui visent à protéger nos concitoyens. Les questions d’assurance vie, d’épargne ou celles qui sont liées au tunnel sous la Manche inquiètent les acteurs et les épargnants.

Il nous semblait difficile, alors que le contexte financier n’est pas bon, de pousser les épargnants à liquider dans les pires conditions leur épargne, par manque de visibilité sur la protection que nous pourrions leur apporter. C’est pourquoi il était pour nous important d’agir maintenant sur ce sujet. Certes, nous y verrons sans doute un peu plus clair le 1er juillet, je vous le concède. Pour autant, je ne suis pas sûre que nous aurions le temps, entre le 1er juillet et le 31 décembre, de prendre toutes les dispositions que nous vous présentons.

Madame Costes, vous m’avez demandé pourquoi le Gouvernement voulait légiférer par ordonnances s’agissant du tunnel sous la Manche et des ressortissants britanniques.

Pour ce qui concerne le tunnel sous la Manche, nous ne souhaitons pas arriver à la conclusion qu’il faudrait deux autorités ferroviaires dans le tunnel. Nous cherchons à négocier avec les Britanniques, pour justement conserver le caractère dual, mais unifié, de la commission intergouvernementale sur la sécurité ferroviaire. L’ordonnance n’interviendrait qu’en dernier recours, c’est-à-dire si tout échoue. Il paraît donc nécessaire de pouvoir légiférer par ordonnances « au cas où ».

La réduction du délai d’habilitation à sept mois ne me paraît pas satisfaisante. Selon moi, nous avons intérêt, politiquement, en tant que Parlement uni derrière le Gouvernement, à indiquer aux Britanniques que nous sommes prêts à négocier douze mois de plus, s’ils souhaitent aller dans cette voie. Nous devons faire preuve d’une grande ouverture, parce que, je le répète, un accord coûte que coûte n’est pas ce que nous cherchons.

Madame Assassi, vous avez parlé de « désinvolture », soulignant qu’il n’y avait pas d’urgence. Or, s’il y a un sujet sur lequel nous ne sommes pas désinvoltes et où il y a urgence, c’est bien le Brexit.

Debut de section - Permalien
Amélie de Montchalin

Nous ne pouvons pas laisser penser aux entreprises, aux pêcheurs ou aux agriculteurs que nous serions prêts à leur faire subir une double peine, celle de la crise économique et sociale qui s’annonce et celle du choc du Brexit. Le fait de présenter au Parlement un texte nous permettant d’anticiper, de prévoir et de protéger est l’opposé d’une attitude désinvolte !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

C’est vous qui êtes désinvolte, je n’ai pas parlé du Brexit !

Debut de section - Permalien
Amélie de Montchalin

Monsieur Hervé, vous avez considéré comme opportuniste le fait d’introduire les problématiques du Brexit dans ce texte. Je le répète, il y a urgence à rassurer, à protéger et à amener tous les Français à se préparer, comme l’a dit M. Ladislas Poniatowski.

Ce texte montre que le Gouvernement prévoit un certain nombre de choses, mais que, pour autant, de nombreux aspects ne dépendent pas de nous. Ainsi, accord ou pas, la situation sera différente après le Brexit, pour ce qui concerne les contrôles et les procédures, que nous souhaitons les moins invasifs possible. J’y insiste, un accord de libre-échange ne signifie pas « zéro contrôle ». D’ailleurs, nos entrepreneurs, nos agriculteurs et nos pêcheurs nous demandent de contrôler ce qui entrera sur le territoire du marché intérieur, parce qu’il y va de la crédibilité européenne.

Monsieur Poniatowski, selon vous, une habilitation de quinze mois est trop longue. Vous incitez ainsi à la vigilance sur les mesures « balai ». Entre l’accord de retrait et le large accord commercial auxquels nous travaillons, nous voyons apparaître des angles morts. Je pense notamment aux conditions d’exercice d’un certain nombre de professions libérales, qui ne seront peut-être pas couvertes par l’accord commercial et qui ne sont pas concernées par l’accord de retrait.

Certains pourraient vous dire que nous n’avons pas besoin de texte. Je préfère, au nom du Gouvernement, donner aux personnes concernées une sécurité juridique absolue sur le fait qu’elles pourront continuer à exercer leurs activités. C’est un sujet que nous sommes aujourd’hui capables d’identifier.

Ces sujets d’angle mort ou de frottement apparaîtront si l’accord commercial ne couvre pas tout le champ permettant de préserver la capacité des ressortissants britanniques à exercer leurs activités chez nous. Nous devons être capables de leur dire que nous ne mettrons pas de barrières à la poursuite de leur activité en France : c’est un signal politique fort, que vous souhaitez également envoyer.

Permettez-moi de revenir sur la question du délai de quinze mois. Si vous pensez que nous sommes en capacité d’avoir un bon accord dans sept mois, je vous suis et le délai d’habilitation de quinze mois n’est effectivement plus opportun. Mais Michel Barnier le dit avec insistance, nous n’avons pas, aujourd’hui, réuni les conditions d’une bonne négociation nous permettant de préserver nos intérêts, y compris après avoir fait du chemin, et de nous assurer que, sur la gouvernance, la pêche et des conditions de concurrence équitables, cet accord nous permet, pour les dix ou vingt ans à venir, d’envisager les choses avec confiance.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement, pour ne pas revenir devant vous avec la même disposition dans six mois, vous propose de nous faire confiance pour les quinze prochains mois, sur les quatre sujets dont nous parlons.

Bien sûr, nous souhaiterions pouvoir négocier douze mois de plus avec les Britanniques. Ni Michel Barnier ni moi-même n’avons aujourd’hui le pouvoir d’imposer ce point de vue. Il est donc important que le Parlement envoie un signal politique fort.

Au fond, il y a deux discussions parallèles : comment le Gouvernement français échange-t-il avec son Parlement ? quel signal le Parlement envoie-t-il à son Gouvernement en termes de confiance ? Il s’agit de nous donner douze mois de plus pour trouver un meilleur accord que ce que les Britanniques veulent nous proposer sous la contrainte du temps. C’est un débat utile, qui permettra d’envoyer un signal diplomatique. Je le concède, il n’est pas de même nature que les demandes d’habilitation traditionnelles, ce qui rend peut-être les choses plus difficilement lisibles.

Je suis ici parfaitement honnête en vous disant qu’il y a là non pas une manigance, mais la volonté de nous mettre tous ensemble dans une position de force face aux Britanniques, pour soutenir Michel Barnier.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Et sur la quarantaine décidée par les Britanniques, madame la secrétaire d’État ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Je suis saisi, par Mme M. Jourda, au nom de la commission des lois, d’une motion n° 269.

Cette motion est ainsi rédigée :

Constatant que les amendements n° 154, 223, 40, 161, 213 et 148 visent à étendre le champ d’une habilitation à légiférer par ordonnances et qu’ils sont contraires au premier alinéa de l’article 38 de la Constitution, le Sénat les déclare irrecevables en application de l’article 44 bis, alinéa 10, de son Règlement.

En application du dernier alinéa de l’article 44 bis, alinéa 10, du règlement, ont seuls droit à la parole l’auteur de la demande d’irrecevabilité, un orateur d’opinion contraire, la commission saisie au fond – chacun disposant de deux minutes et demie –, ainsi que le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à Mme le rapporteur, pour la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Je l’ai indiqué dans la discussion générale, l’article 38 de la Constitution obéit à un certain nombre de règles. Ainsi, le Parlement ne peut pas se voir imposer le transfert de ses pouvoirs par une habilitation trop large ou trop longue. Il ne peut pas non plus se mettre dans une situation de servitude volontaire, c’est-à-dire demander une extension de l’habilitation à légiférer par ordonnance qu’il aurait donnée au Gouvernement. Or tel est justement l’objet des amendements visés par cette motion.

Je vous demande donc, mes chers collègues, d’adopter la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, sur le double fondement de l’article 38 de la Constitution et de l’article 44 bis de notre règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Y a-t-il un orateur contre la motion ?…

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Le Gouvernement partage l’analyse de la commission, qui constate que ces amendements tendant à élargir le champ d’une habilitation à légiférer par ordonnance et qui sont donc, par conséquent, contraires à l’article 38 de la Constitution.

Il ne peut donc être que favorable à l’adoption de la motion proposée par la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Je mets aux voix la motion n° 269, tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

La motion est adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

En conséquence, les amendements n° 154, 223, 40, 161, 213 et 148 sont déclarés irrecevables.

I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de trois mois à compter de la publication de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi et, le cas échéant, les étendre et les adapter aux collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution :

Supprimé

2° Afin, face aux conséquences de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, d’assurer le maintien des compétences et des moyens humains nécessaires à la continuité de l’exercice des missions militaires et de service public ou à la poursuite de l’activité économique :

a et b)

Supprimés

c) Étendant, pendant l’état d’urgence sanitaire déclaré en application de l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face l’épidémie de covid-19 et prorogé par l’article 1er de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions, à l’ensemble des personnes morales chargées d’une mission de service public la possibilité de recourir à la réserve civique, pour la seule exécution de ladite mission de service public et à l’exclusion de toute autre ;

d) Permettant, pendant l’état d’urgence sanitaire déclaré en application du même article 4 et une durée n’excédant pas six mois à compter de son terme et afin de limiter les fins et les ruptures de contrats de travail, d’atténuer les effets de la baisse d’activité, de favoriser et d’accompagner la reprise d’activité, l’adaptation des dispositions relatives à l’activité partielle, notamment en adaptant les règles aux caractéristiques des entreprises en fonction de l’impact économique de la crise sanitaire sur ces dernières, à leur secteur d’activité ou aux catégories de salariés concernés en tenant compte notamment de la situation particulière des artistes à employeurs multiples ;

e à h)

Supprimés

i) Permettant, pour les saisons sportives 2019/2020 et 2020/2021, d’adapter les compétences et les pouvoirs des fédérations sportives et des ligues professionnelles afin de modifier le régime applicable aux contrats des sportifs et entraîneurs professionnels ;

j)

Supprimé

k) Permettant aux autorités compétentes pour la détermination des modalités d’organisation des concours et sélections pour l’accès à l’enseignement militaire, ainsi que des modalités de délivrance des diplômes et qualifications de l’enseignement militaire, d’apporter à ces modalités toutes les modifications nécessaires pour garantir la continuité de leur mise en œuvre, dans le respect du principe d’égalité de traitement des candidats ;

l à o)

Supprimés

3° Ainsi que les mesures :

a)

Supprimé

b) Permettant, pour les salariés placés en position d’activité partielle, le maintien de garanties de protection sociale complémentaire applicables, le cas échéant, dans l’entreprise, nonobstant toute clause contraire des accords collectifs ou des décisions unilatérales et des contrats collectifs d’assurance pris pour leur application, pour une durée n’excédant pas six mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire déclaré en application de l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 précitée, ainsi que l’adaptation des conditions de versement et du régime fiscal et social des contributions dues par l’employeur dans ce cadre ;

c à e)

Supprimés

II. –

Supprimé

III. – Pour chacune des ordonnances prévues au présent article, un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de deux mois à compter de sa publication.

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

Lors de l’examen de cet article 1er, nous aurons notamment à débattre du dispositif de l’activité partielle.

Je souhaite appeler votre plus grande attention sur la situation exceptionnelle que connaissent de nombreux acteurs du champ artistique et culturel, notamment les établissements publics de coopération culturelle. Alors qu’il leur avait été assuré, mi-avril, qu’ils pouvaient bénéficier du dispositif d’activité partielle, l’ordonnance du 22 avril 2020 les en exclut. Dès le lendemain et à plusieurs reprises les semaines suivantes, le ministre de la culture déclarait : « Nous sommes en train de faire en sorte que toutes ces mesures soient applicables aux établissements publics à vocation industrielle et commerciale relevant des collectivités territoriales. » Le 5 mai, il précisait qu’ils pourraient « désormais bénéficier des aides de l’État ».

Or, une semaine plus tard, un certain nombre d’établissements se sont vu signifier par leur Direccte (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) qu’ils n’étaient pas éligibles à ces dispositifs.

Ces atermoiements et ce manque de clarté sont une source de difficultés supplémentaires pour un secteur fragile et qui a perdu l’essentiel de ses recettes.

De plus, sur le fond, ce choix, s’il était confirmé, marquerait une rupture économique majeure pour ces établissements, dont les budgets auront à supporter sur plusieurs années les effets du confinement et leur exclusion des dispositifs du chômage partiel.

Si l’État ne venait pas en aide à ces structures, il imposerait également une charge supplémentaire aux collectivités territoriales.

Enfin, vous ne pouvez ignorer la portée non seulement économique, mais aussi symbolique d’une telle disposition pour un pays profondément attaché aux activités culturelles.

Aussi, dans le prolongement des démarches de la présidente de la commission de la culture, Mme Catherine Morin-Desailly, je tiens à appeler votre bienveillance, au-delà des clivages politiques, sur les amendements n° 55 et 263 portés par Sylvie Robert, dont l’adoption permettrait de sécuriser l’emploi artistique et culturel. Ils sont le reflet du travail de fond des groupes mis en place par la commission de la culture, inquiète face à un vrai risque d’écroulement de pans entiers de la culture dans notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Dans sa forme première, l’article 1er n’avait d’autre but que d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur plus d’une trentaine de thématiques.

Les sujets étaient aussi divers et variés que les règles ayant trait aux CDD, à la prolongation des mandats des conseillers prud’homaux, à l’organisation de la défense française, ou encore aux prérogatives des fédérations sportives pendant la pandémie. Aucun de ces sujets n’est sans importance et la plupart auraient mérité un projet de loi, afin que le Parlement n’ait pas à se délester en urgence de sa compétence à amender les décisions gouvernementales.

Fort heureusement, l’Assemblée nationale et le travail en commission au Sénat ont permis de vider pour moitié cet article de sa substance. Ainsi, plusieurs sujets, notamment la question primordiale des étrangers, sont revenus dans le champ des compétences législatives du Parlement, sans nécessiter le recours à l’article 38 de la Constitution.

Nous entendons que le droit français offre à l’exécutif la possibilité de légiférer par ordonnance. Toutefois, comprenez que nous sommes en démocratie et que notre système a été bâti sur la capacité du Parlement à contrôler et corriger si nécessaire l’action gouvernementale. Il n’est pas tolérable de nous faire travailler dans ces conditions, sur des sujets disparates, avec une méthode qui bride le législateur dans son pouvoir d’amendement des projets de loi.

Souffrez donc, madame, monsieur les ministres, que nous existions et que nous nous exprimions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je veux revenir sur certains aspects de ce qu’ont excellemment dit mes collègues, notamment Éric Kerrouche, Didier Marie et Monique Lubin, s’agissant de cet article 1er.

Je pense en particulier aux mesures relatives à la justice. Voyez-vous, le jury populaire est une tradition en France. Mais plus qu’une tradition, c’est une forme d’exercice de la justice très importante, et perçue comme telle. La justice est rendue au nom du peuple français, qu’il s’agisse de magistrats professionnels ou d’un jury populaire en présence de magistrats professionnels.

Il a été décidé qu’il y aurait une expérimentation dans quelques départements, pour mettre en œuvre des cours criminelles départementales. L’expérimentation suppose qu’on évalue, au bout d’un certain temps, les conséquences de la mesure. Or voilà qu’à la faveur de l’état d’urgence sanitaire, sans rapport avec la question, il est proposé d’étendre la mesure à trente départements !

Un tel fonctionnement est intolérable et incompréhensible, car non respectueux du droit. Par conséquent, nous soutenons puissamment l’amendement que Mme la rapporteure Muriel Jourda a présenté pour supprimer cette extension d’une expérimentation dont on ne connaît aucun des effets.

Par ailleurs, nous proposerons d’aller plus loin que l’amendement présenté par Mme la rapporteure sur la question de la justice des mineurs. Je serai bref parce qu’il me reste peu de temps.

Mme la garde des sceaux nous a dit que tout cela se ferait par ordonnance, mais dans le cadre d’une immense concertation avec le Parlement. Nous avons répondu : si immense concertation il va y avoir, en quoi est-il nécessaire d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance ? Pourtant, l’ordonnance est toujours d’actualité, et l’on nous dit qu’il faut retarder encore un peu davantage.

À cela nous disons : « non ». Sur ce sujet si important de la justice des mineurs, nous demandons un projet de loi et un débat parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L’amendement n° 200, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Gréaume, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Ce projet de loi est une voiture « balai », pour reprendre la formulation de Muriel Jourda, destinée à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances.

Je veux à mon tour reconnaître le travail de l’Assemblée nationale et du Sénat, qui ont considérablement réduit le nombre et le périmètre des habilitations.

Néanmoins, l’article 1er prévoit une habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnances des dispositions sur des sujets aussi éloignés et importants que : le fait d’assurer le maintien des compétences et des moyens humains nécessaires à la continuité de l’exercice des missions militaires et de service public ou à la poursuite de l’activité économique ; la limitation des fins et des ruptures de contrat de travail ; l’atténuation des effets de la baisse d’activité ; l’accompagnement de la reprise d’activité ; l’adaptation de dispositions relatives à l’activité partielle, des règles, notamment aux caractéristiques des entreprises en fonction de l’impact économique de la crise sanitaire sur ces dernières, de leur secteur d’activité ou des catégories de salariés concernés, en tenant compte de la situation particulière des artistes à employeurs multiples ; ou encore le maintien de la garantie d’une protection sociale complémentaire applicable. On le voit, cette énumération donne le tournis, elle ressemble à une liste à la Prévert.

Vous le savez, mes chers collègues, nous désapprouvons le recours aux ordonnances, qui s’exonèrent totalement du contrôle du Parlement. L’état d’urgence ne peut justifier de confiner la démocratie. Or le recours étendu et quasi illimité aux ordonnances revient à donner un blanc-seing à un pouvoir qui, déjà, concentre de nombreuses prérogatives.

C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article, qui, outre ce recours exponentiel aux ordonnances, si je puis m’exprimer ainsi, n’apporte aucune réponse aux conséquences réelles et profondes de la crise sociale, économique et de santé liée au Covid-19.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Ma chère collègue, j’ai indiqué, avec beaucoup de force – du moins je l’espère – et beaucoup de sincérité – j’en suis sûre – à quel point le texte initial me paraissait très éloigné de ce que devait être un bon usage de l’article 38 de la Constitution.

L’article 1er tel qu’il nous est arrivé de l’Assemblée nationale prévoyait 15 habilitations, que nous avons ramenées en commission à 5. Ce chiffre, qui pourra peut-être même être encore abaissé au cours de notre débat dans l’hémicycle, me paraît désormais raisonnable, de sorte que je ne peux émettre qu’un avis défavorable sur votre demande de suppression de cet article.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Madame la sénatrice, pour les mêmes motifs que Mme la rapporteure, qui a employé le mot « raisonnable » pour évoquer la réduction du nombre d’habilitations à légiférer par ordonnances, je suis défavorable à cet amendement.

Au-delà des sujets de fond sur lesquels nous sommes en désaccord, vous vous appuyez par cet amendement sur votre refus de l’habilitation à légiférer par ordonnances. Sur ce point, nous avons déjà répondu dans la discussion générale. Les uns et les autres, nous avons essayé de réduire au maximum le nombre d’ordonnances. Les sujets encore concernés nécessitent une telle procédure.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 244, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer les mots :

dans un délai de trois mois à compter de la publication de la présente loi

par les mots :

jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire

La parole est à M. Stéphane Ravier.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Sur le fond, peu importe pour le moment. Ce qui pose problème, c’est de mettre en vacances le Parlement au-delà de l’échéance de l’état d’urgence.

Ce texte tend à habiliter le Gouvernement à légiférer seul, car nous sommes en état d’urgence. Vous avez voulu prolonger cet état d’urgence jusqu’au 10 juillet inclus ; ce n’était pas mon choix. Ayez la cohérence de n’accorder cette habilitation exceptionnelle que jusqu’au terme de l’état d’urgence sanitaire.

Je m’étonne que le fait de bafouer ainsi le Parlement ne fasse pas plus bondir les démocrates que vous prétendez être, mes chers collègues ! On ne légifère pas sans le Parlement. La Macronie a perdu la majorité absolue à l’Assemblée nationale, et je comprends qu’elle demande une immunité plus longue que prévu. Mais on ne fait pas la loi sans le peuple, ses représentants et les territoires. Pas de restriction de liberté pour la démocratie représentative.

Ici, dans cette Haute Assemblée, nous représentons les régions, les départements, les EPCI, plus simplement les collectivités territoriales, les communes, leurs habitants, leurs élus et leurs agents. Dans le mot « collectivités », on entend bien commun, intérêt général, proximité et communauté. Dans le mot « territoriales », on entend terroir, terre, identité, attachement et racines.

Entendez-vous et comprenez-vous encore ces deux mots, mes chers collègues ? C’est tout l’inverse de l’individualisme et du progressisme de la « start-up nation ». On comprend dès lors pourquoi ce gouvernement en marche perpétuelle et déraciné cherche à se soustraire au contrôle du Parlement pour plusieurs mois. J’aurais aimé que le Gouvernement, qui nous demande notre aval pour légiférer à tout-va, ait été aussi exemplaire que nos maires dans la gestion de crise. Ces derniers ont fait un travail formidable de proximité et d’efficacité, agissant avec un engagement total.

Nous sommes ici leurs représentants. Ce sont eux qui sont bafoués par ce programme fourre-tout. La confiance, cela ne se décrète pas, cela se gagne. Moi-même, comme des milliers de maires et des millions de Français, je n’ai pas confiance dans ce gouvernement en sursis.

Si vous ne votez pas cet amendement, vous laissez se créer un dangereux précédent pour notre droit. Vous validez un glissement du droit d’exception vers le droit commun. Le monde d’après sera ce que nous en ferons. Là encore, vous serez tenus responsables : ne devenez pas des coupables volontaires !

Ne dévoyez pas notre démocratie, ne cédez pas vos droits et, surtout, vos devoirs de parlementaires, ne laissez pas le pouvoir jacobin prendre les rênes seul, en écartant le peuple et ses représentants.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L’amendement n° 268, présenté par Mme M. Jourda, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

I.- Alinéa 1

Supprimer les mots :

, dans un délai de trois mois à compter de la publication de la présente loi,

II.- Après l’alinéa 15

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

.… – Les ordonnances prévues au présent article sont prises dans un délai de trois mois à compter de la publication de la présente loi. À titre dérogatoire, les ordonnances prévues au d du 2° du I sont prises dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi.

La parole est à Mme le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Si vous le permettez, monsieur le président, j’évoquerai les trois amendements en discussion commune.

Je propose en effet une position quelque peu intermédiaire. Initialement, le Gouvernement nous avait sollicités pour que nous habilitions le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour une période de six mois. En commission, nous avions envisagé un délai de trois mois, tandis que M. Ravier nous propose de faire coïncider ce délai avec la fin de l’état d’urgence. Pour ma part, je défends, mes chers collègues, ce délai de trois mois pour les cinq habilitations qui restent encore prévues à l’article 1er.

Toutefois, s’agissant du chômage partiel, le Gouvernement répond qu’il lui faut davantage de temps, pour adapter les règles à l’évolution de la réalité de la situation économique. Je dois le dire, je suis assez sensible à cette argumentation, tout comme la commission.

Par l’amendement n° 268, je propose donc que nous conservions un délai général de trois mois, à l’exception des dispositions concernant les règles d’activité partielle, pour lesquelles nous donnerions au Gouvernement un délai pour légiférer par ordonnances de six mois, ce qui lui laisserait le temps d’évaluer la situation économique et d’adapter les dispositions.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L’amendement n° 186, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer le mot :

trois

par le mot :

six

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Plutôt que de présenter cet amendement, j’en viens directement à la solution de compromis proposée par Mme Jourda.

Simplement, j’attire votre attention sur le fait que nous vous présenterons un amendement visant à habiliter le Gouvernement à légiférer afin de compléter le dispositif de chômage partiel. Par conséquent, en commission mixte paritaire ou en nouvelle lecture, il faudra vérifier que la solution de compromis envisagée ici couvre bien ce nouveau dispositif relatif au chômage partiel.

Sous cette réserve, je retire donc l’amendement du Gouvernement au profit d’un avis favorable sur l’amendement de Mme la rapporteure.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 122 est présenté par le Gouvernement.

L’amendement n° 191 est présenté par Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 122.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Par cet amendement, il est proposé de supprimer une demande d’habilitation puisque la mesure concernée sera inscrite en dur dans le texte et, partant, l’alinéa 5 de l’article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 191.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Au milieu de la crise que nous connaissons, il faut saluer l’engagement sans faille de tous les professionnels, en première ou seconde ligne, mais aussi de tous les bénévoles qui ont continué à faire vivre la solidarité. Les associations ont pu maintenir leurs activités et redoubler d’efforts, malgré des difficultés importantes d’un point de vue logistique, mais aussi économique. À ce titre, je veux rappeler la situation alarmante d’Emmaüs, qui a dû faire appel aux dons pour la première fois depuis sa création. J’espère qu’il y aura une fin heureuse et un engagement massif de l’État.

Parallèlement, plus de 260 000 personnes se sont inscrites sur la plateforme jeveuxaider.gouv.fr, intégrant de fait la réserve civique. Malheureusement, cet engagement exemplaire est aujourd’hui en train d’être totalement dénaturé. On le sait, un certain nombre d’entreprises ayant une mission de service public ne pourront pas, dans les semaines qui viennent, reprendre leur pleine activité.

L’exposé des motifs du projet de loi évoque notamment La Poste, qui fonctionne à flux tendu depuis des années. Ainsi, l’absence d’un certain nombre de salariés pour des raisons de santé ou de garde d’enfants conduit l’entreprise à de grandes difficultés pour remplir sa mission de service public. La seule solution qu’a trouvée le Gouvernement, c’est de recourir à la réserve civique. Dit autrement, il s’agit de remplacer des salariés par des bénévoles.

Vous le comprendrez, cela nous pose deux problèmes.

Tout d’abord, du côté des salariés, on nie ainsi leur savoir-faire, en les mettant en concurrence avec des personnes bénévoles, d’autant, faut-il le rappeler ici, que ce dumping social est déjà partiellement à l’œuvre, avec l’ouverture toujours plus grande des structures d’accueil du service civique, à tel point que l’Agence du service civique elle-même s’inquiète de la recrudescence des emplois déguisés au sein du dispositif.

Ensuite, du côté des bénévoles, ils se sont inscrits sur la plateforme et se sont engagés dans la réserve pour faire fonctionner la solidarité et venir en aide aux personnes dans le besoin. Il ne s’agissait pas pour eux de faire fonctionner des entreprises en remplaçant des salariés ! Les limitations apportées par la rapporteure en commission sont un premier pas, mais nous semblent encore insuffisantes pour régler vraiment le problème.

Si on reprend l’exemple de La Poste, les réservistes pourraient se retrouver en position de distribuer le courrier ou la presse ou de tenir les guichets de La Banque postale.

Une telle situation pose question, surtout quand on se rappelle la vocation de la réserve civique. C’est la raison pour laquelle il ne nous paraît pas légitime d’aller vers une telle extension.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Ces deux amendements sont parfaitement identiques, alors que leurs motivations diffèrent complètement.

Nous discuterons tout à l’heure du fond de l’article, je le dis pour ma collègue Laurence Cohen, afin qu’elle ne pense pas que je méprise son argumentation.

Le fait de vouloir inscrire clairement ce dispositif dans le projet de loi me paraît tout à fait louable, même si j’apporterai quelques petites réserves à la rédaction proposée par le Gouvernement. Sur le principe, je suis bien sûr favorable à la suppression de cette habilitation.

La commission émet donc un avis favorable sur ces deux amendements identiques.

Les amendements sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 245, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Supprimer les mots :

et une durée n’excédant pas six mois à compter de son terme

La parole est à M. Stéphane Ravier.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Il s’agit tout simplement pour moi de maintenir fermement mon opposition à laisser le Gouvernement légiférer seul pour une durée supérieure à celle de l’état d’urgence. C’est une atteinte manifeste aux droits du Parlement et, donc, aux droits de tous ceux que nous représentons.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L’amendement n° 187, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Après les mots :

article 4 et

insérer les mots :

pouvant entrer en vigueur si nécessaire à compter du 1er juin 2020 pour

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud

Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais profiter de l’occasion qui m’est donnée pour faire un point rapide sur l’activité partielle, ce qui éclairera l’ensemble de nos débats. Le nombre d’amendements témoigne de l’importance de ce sujet.

Tout d’abord, je voudrais m’excuser par avance de mon départ de l’hémicycle vers dix-huit heures, devant me rendre à l’Assemblée nationale pour participer au débat sur la proposition de loi visant à instaurer un congé de deuil de douze jours consécutifs pour le décès d’un enfant mineur, texte que vous aviez adopté à l’unanimité. Je vous rejoindrai plus tard.

Pour ce qui concerne l’activité partielle, qui fait l’objet de plusieurs amendements, vous avez, sur toutes les travées, salué un dispositif massif, inédit et indispensable pour sauvegarder l’emploi et protéger les compétences dans la situation de crise que nous avons connue. Il s’est agi d’une crise brutale, qui ne pouvait être anticipée ni par les entreprises ni par les salariés. Au total, plus d’un million d’entreprises, sur les 1, 3 million ayant des salariés, ont eu recours au dispositif de l’activité partielle, pas forcément pour tous les salariés ou tout le temps. Sur une période de trois mois, 12 millions de salariés auront été concernés à un moment ou à un autre par l’activité partielle, communément appelée « chômage partiel ».

Grâce à l’habilitation du Parlement, nous avons pu élargir le dispositif aux salariés d’entreprises qui n’étaient pas, initialement, éligibles : les VRP multicarte, les travailleurs à domicile, les assistantes maternelles, qui sont au forfait jour, les marins-pêcheurs. La liste était longue des salariés qui n’avaient pas droit à l’activité partielle.

Nous avons apporté, en quarante-huit heures, des réponses visant à sécuriser les employeurs et les salariés. Nous avons réformé les modalités de prise en charge en supprimant le reste à charge pour les entreprises jusqu’à 4, 5 fois le SMIC. Nous avons récemment mis en place, pour une plus grande justice sociale, un système permettant que les périodes d’activité partielle comptent pour la retraite, ce qui n’était pas le cas auparavant.

Bref, nous avons, par un filet de protection, accompagné massivement les salariés et, par voie de conséquence, les entreprises, qui conservent leurs compétences.

Nous avons annoncé hier une évolution du dispositif à partir du 1er juin ; l’objectif est notamment que le dispositif accompagne la reprise de l’activité, puisque nous y sommes, mais sans se substituer à l’activité. Concrètement, cela veut dire que nous ne modifions pas, au 1er juin, la rémunération du salarié, qui est de 84 % du net, 100 % s’il est au SMIC, mais que la prise en charge par l’État et par l’Unédic, qui était intégrale – les 70 % du brut versés par l’entreprise à ses salariés lui étaient à 100 % remboursés –, devient partielle : les entreprises seront désormais remboursées de 60 % du brut.

Mais le sujet que nous voulons évoquer aujourd’hui – j’en viens au présent amendement – est celui de la différenciation sectorielle. On le voit bien : certains secteurs reprennent, et toutes les conditions, conditions de marché et conditions sanitaires, sont réunies pour qu’ils le fassent, même si c’est difficile partout, y compris là où l’on reprend – la mise en place des conditions sanitaires, qui est indispensable, entraîne une moindre productivité. Dans certains secteurs en revanche, la reprise n’est pas possible : à la date d’aujourd’hui, les bars et les restaurants ne sont pas ouverts ; une bonne partie des secteurs du tourisme, de la culture, du sport ne peuvent pas reprendre leur activité.

Il y aura certainement des évolutions dans les jours et les semaines qui viennent, en fonction de la situation sanitaire, mais il est très important pour nous de pouvoir, à compter du 1er juin, différencier sectoriellement. C’est pourquoi nous avons de nouveau besoin, en vue des prochains mois, que vous nous accordiez cette capacité d’action et d’adaptation du dispositif. Le but est que ce dispositif colle au plus près du terrain : filet de protection massif au départ, accompagnement de la reprise dans un deuxième temps, avec certainement des différenciations sectorielles qui n’étaient jusqu’ici pas prévues.

Voilà toutes nos intentions. Je souhaitais vous les expliquer : il est important que vous soyez éclairés concernant cette capacité d’adaptation que nous vous demandons de nous accorder à partir du 1er juin, objet de l’amendement n° 187.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Quel est l’avis de la commission de la commission des affaires sociales ?

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

L’amendement n° 245 de M. Ravier vise à supprimer l’extension à six mois au-delà du terme de l’état d’urgence sanitaire de la faculté accordée au Gouvernement de prendre par ordonnances des mesures d’adaptation des dispositions relatives à l’activité partielle. Nous en avons déjà débattu ; il nous paraît préférable d’accorder une certaine souplesse au Gouvernement. C’est la raison pour laquelle l’avis de la commission est défavorable sur cet amendement.

Quant à l’amendement du Gouvernement, il vise à préciser que lesdites dispositions relatives à l’activité partielle pourraient être adaptées par ordonnance à partir du 1er juin, en prévoyant notamment un reste à charge pour les entreprises et une adaptation selon les secteurs, selon les territoires, selon le type d’activité, selon que l’activité partielle a été ou non imposée.

Nous sommes très vigilants. Des contre-propositions sont faites : plutôt que le 1er juin, certains proposent le 1er septembre, d’autres le 1er octobre ; certains vont même jusqu’au 1er décembre. Nous pensons qu’il est important de pouvoir envisager la reprise des activités – le rebond l’exige. La diminution de l’activité a déjà été telle qu’il ne faut pas que notre pays, comparé à ses voisins européens, se retrouve déstabilisé dans le cadre de cette reprise, s’agissant d’un déconfinement qui, du point de vue de l’évolution de l’épidémie, semble – je touche du bois, comme on dit – se passer le plus correctement possible. Il semblerait en effet que l’épidémie soit finalement en voie d’extinction, même s’il reste des cas sporadiques – il y aura toujours des foyers, ainsi le veut l’épidémiologie, mais il sera possible de les contenir grâce à un certain nombre de mesures.

Nous pouvons accepter la date du 1er juin, c’est clair, c’est net, mais seulement pour certaines activités. Soyons bien d’accord, madame la ministre : il n’est pas question d’une entrée en vigueur définitive pour tout le monde, mais seulement pour certaines activités dont on peut envisager la reprise à partir du 1er juin.

Mme la ministre le confirme.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

C’est la raison pour laquelle nous avons émis un avis favorable sur cet amendement, étant entendu que son adoption ferait tomber, me semble-t-il, monsieur le président, un certain nombre d’autres amendements dont les auteurs proposent des dates différentes.

La question mérite d’être débattue. Personne ne détient la vérité en ce domaine. Notre position consiste plutôt à dire qu’il est temps, désormais, de passer à une reprise des activités économiques, de faire en sorte que reprennent toutes celles qui peuvent reprendre, et d’éviter les effets d’aubaine. Si l’on place un malade sous perfusion, il est bien certain – c’est le médecin qui parle – que c’est pour le sauver ; mais l’acharnement thérapeutique est à proscrire. Il arrive un moment où il faut faire face aux réalités économiques. C’est pourquoi nous choisissons d’emprunter cette voie.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Mes chers collègues, je précise que, si l’amendement n° 187 du Gouvernement, qui a reçu un avis favorable de la commission des affaires sociales, était adopté, ce vote ne ferait pas tomber d’autres amendements – il n’est pas en discussion commune avec les suivants. Il se peut, en revanche, que M. le rapporteur nous dise que ceux-ci sont satisfaits par l’adoption de celui-là.

Je mets aux voix l’amendement n° 245.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote sur l’amendement n° 187.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

Madame la ministre, cet alinéa 6 de l’article 1er nous préoccupe. Tout le monde ici est évidemment favorable à une reprise de l’activité : tout le monde souhaite que notre pays redémarre le plus vite possible. Mais nous savons, les uns et les autres, qu’un certain nombre de pans de l’activité resteront malheureusement en souffrance.

Nous aurions aimé avoir quelques précisions sur la nature des « secteurs d’activité » ou des « catégories de salariés », selon les termes du texte, qui pourraient être concernés. Nous ne voudrions pas, d’une part, que, cet amendement étant adopté, le montant de l’indemnité de chômage partiel baisse pour certaines catégories de salariés, ni que, d’autre part, dans certaines entreprises où l’activité redémarre mais reste encore insuffisante, d’autres salariés ne bénéficient plus de ce dispositif.

Je voudrais que vous répondiez à ces préoccupations de telle sorte que nous puissions voter en conscience, considérant tout de même qu’un certain nombre des amendements suivants, dont l’objet est de reporter cette date à septembre ou à octobre, nous paraissent plus sûrs. Nous pensons même que nous aurions vraisemblablement pu aller encore plus loin dans le temps.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud

Monsieur le sénateur, pour éclairer complètement notre discussion, je vais être un peu plus précise sur les modalités, les secteurs, les catégories de salariés, les types de dispositifs.

Pour ce qui concerne les secteurs, nous avons déjà pris une mesure en vertu de laquelle, à partir du 1er juin, la prise en charge du dispositif par l’État ne sera plus intégrale, sauf pour les entreprises des secteurs qui font l’objet de restrictions exceptionnelles. Après une observation approfondie de l’économie, nous constatons aujourd’hui une reprise dans beaucoup de secteurs. Il faut continuer à accompagner mais, dès lors qu’une entreprise fonctionne à moitié, aux deux tiers, aux trois quarts, il n’est pas choquant qu’une partie du dispositif, 15 % du total, reste à sa charge ; c’est même logique dans le cadre d’un accompagnement de reprise. Nous ne coupons pas le chômage partiel ; nous accompagnons simplement la reprise par une dégressivité de sa prise en charge par l’État.

En revanche – c’est pourquoi la date du 1er juin est importante –, il existe des secteurs pour lesquels il serait dramatique que nous diminuions la prise en charge dès maintenant : les hôtels, les cafés, les restaurants, les entreprises qui en dépendent, le secteur touristique, l’activité culturelle, l’événementiel, les festivals, les grands événements sportifs seraient très profondément pénalisés s’ils subissaient à la fois l’interdiction de fait, pour des raisons sanitaires, de mener leur activité et la disparition d’une partie de la prise en charge.

C’est justement pour cette raison que nous avons besoin de la date du 1er juin : pour pouvoir protéger ces secteurs. La majeure partie des secteurs économiques sont dans une dynamique de reprise importante ; il est normal, pour eux, de prévoir un petit reste à charge. Je vous rappelle que, avant l’entrée en vigueur des mesures que nous avons prises il y a trois mois, l’État ne prenait jamais en charge, au-delà du SMIC, le remboursement des salaires en cas de chômage partiel. Nous sommes désormais à 4, 5 SMIC ! Le reste à charge va donc être très modeste par rapport à ce qui existait dans le passé.

En revanche, il faut évidemment protéger les secteurs que j’ai évoqués.

Concernant par ailleurs les salariés, il faut soulever le sujet des parents qui ne peuvent pas faire garder leur enfant à l’école. Le Premier ministre a confirmé aujourd’hui qu’à partir du 2 juin, soit mardi prochain, et pour les quelques semaines qui restent avant les vacances, si l’école est ouverte, il n’y a pas de raison que l’État se substitue à l’employeur et le chômage partiel au salaire les jours où l’école atteste qu’elle pourra accueillir l’enfant. Nous allons demander à toutes les écoles de fournir une attestation certifiant que l’enfant peut être accueilli tel et tel jour, ou peut l’être complètement, ou ne peut pas l’être du tout. Le chômage partiel sera fonction de ce document : il sera possible les jours où l’enfant n’est pas accueilli. Vous savez que, d’ores et déjà, la moitié environ des salariés en chômage partiel le sont non pas à 100 %, mais en partie seulement. C’est donc quelque chose que les entreprises savent organiser sans problème.

Voilà une autre raison de différencier.

Il y a une troisième raison. Nous rencontrions, ce matin, avec le Président de la République, les partenaires sociaux du secteur de l’automobile. Tout le monde ici est extrêmement conscient de la grave crise que traverse ce secteur, qui était déjà, avant la pandémie de Covid-19, en pleine mutation sur le plan numérique et sur le plan écologique. La crise du Covid-19, avec la chute de la demande et l’impossibilité pour les chaînes de production de continuer à fonctionner, a évidemment donné un coup très dur à notre industrie automobile, qui est très importante pour le pays – fabricants, sous-traitants, mais aussi concessionnaires et garagistes : l’ensemble de la chaîne, amont et aval compris.

Dans ce contexte, nous voudrions, pour certains secteurs concernés par le plan de relance, dont l’automobile, donc, disposer d’une faculté d’adaptation pour mettre en œuvre un système de plus longue durée permettant de ne pas risquer des licenciements dans quelques mois. Au lieu de mettre des salariés au chômage, les entreprises concernées pourraient, sous condition d’un accord d’entreprise et, évidemment, d’une homologation par l’État, bénéficier de mesures, appelées à durer plus longtemps, de réduction du temps de travail assorties, le cas échéant, d’un complément de rémunération apporté par l’État. Cela éviterait des licenciements massifs et permettrait aux entreprises de garder leurs compétences.

Voilà le genre d’adaptations que nous voulons pouvoir faire avant que de grandes vagues de licenciements arrivent, et pour les éviter. D’où l’importance, encore une fois, dans les trois cas, parents d’élèves, secteurs comme celui du tourisme ou aménagements plus pérennes, d’une date du 1er juin pour pouvoir mettre en œuvre ces adaptations.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

Madame la ministre, sera-t-il prévu, dans le dispositif, de donner une certaine latitude aux Direccte ? Y compris au sein d’une même profession, d’un même corps de métier, il peut y avoir des différences.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

Prenez la restauration : un restaurant qui dispose de 50 ou 60 mètres carrés de surface, comme il en existe, aura beaucoup moins de possibilités d’appliquer les mesures qu’un restaurant de 200 mètres carrés. Une certaine souplesse est-elle envisageable, même si, malheureusement, les Direccte n’ont plus assez d’agents ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Mes chers collègues, après vérification, je précise qu’en effet les seize amendements suivants sont incompatibles avec celui-ci : si l’amendement n° 187 est adopté, ils tomberont. Je le dis afin que ceux d’entre vous qui auraient souhaité s’exprimer sur ces amendements puissent le faire maintenant ; après, il sera peut-être trop tard.

La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

J’avais bien compris qu’il en était ainsi, monsieur le président – je devais intervenir pour défendre l’amendement n° 7 rectifié quater.

Madame la ministre, je ne voudrais surtout pas que vous interprétiez mes propos comme une critique de ce qui a été fait par le Gouvernement. Je crois en effet que le système qui a été mis en place a permis aux entreprises de tenir et aux salariés de continuer à percevoir une rémunération correcte, même lorsque la compensation n’était pas intégrale. Le dispositif a été excellent.

Je ferai néanmoins une remarque, eu égard aux propos de notre rapporteur. Une moindre indemnisation ne saurait faciliter le redémarrage de l’activité économique. En dehors peut-être des secteurs marchands où la consommation a été en partie différée dans l’attente du déconfinement, et encore – la reprise y reste très progressive –, dans beaucoup de secteurs la progression est aujourd’hui excessivement lente, tout simplement parce que notre économie a beaucoup trop ralenti – je pense qu’elle aurait dû beaucoup moins ralentir. Quand on voit que certaines grandes entreprises ont tout arrêté, on se dit qu’il faudra peut-être, à l’avenir, s’organiser différemment. Si tout le monde avait continué à tourner à 10 % ou 20 % de sa capacité, le redémarrage aurait sans doute été beaucoup plus facile.

Nous étions, ces derniers jours, au pic du chômage partiel, ou presque ; or il faut gérer cette situation un peu comme la crise sanitaire : ce n’est pas le moment de se relâcher en matière d’aide aux entreprises. Et je crains que des entreprises qui tournaient à 10 % pendant le confinement ne tournent, au mois de juin, qu’à 25 % ou 30 % de leurs capacités. Elles ont besoin d’être accompagnées, surtout dans une période où traditionnellement, en France – et je crains que, malheureusement, cette année ne déroge pas à la règle –, on constate une baisse de l’activité économique, notamment manufacturière. Il aurait été préférable, pour faciliter le redémarrage, de maintenir une prise en charge complète du chômage partiel, peut-être pas, d’ailleurs, jusqu’à 4, 5 SMIC, pour les personnes qui ne travaillent pas pendant cette période.

Naturellement, le budget qui y sera finalement consacré sera fonction du degré auquel l’économie progresse à nouveau ; mais un tel dispositif n’a pas de rôle à jouer dans le déclenchement de la reprise. Je ne voudrais pas que l’on inverse les rôles en arrêtant maintenant le chômage partiel sous prétexte que, dit-on, « il faut travailler ». Il faut travailler, d’accord ; encore faut-il que les entreprises reçoivent des commandes et que le système redémarre.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Kern

Mon collègue Pascal Martin et moi-même sommes sur la même ligne que Jean-Marc Gabouty. Il y a certes des secteurs d’activité – vous les avez cités – qui vont avoir besoin de ce chômage partiel ; mais il y a également des métiers spécifiques, dans des secteurs divers et variés, qui seront contraints de rester en chômage partiel – je ne citerai que le métier de commercial –, tout simplement parce que les entreprises, leurs clients en général, ne leur ouvrent plus la porte, par mesure de précaution, pour des raisons sanitaires.

Madame la ministre, avez-vous dressé une liste des adaptations, ou comptez-vous le faire ? Allez-vous plutôt avancer au cas par cas ? Nous aimerions savoir où l’on va. Vous avez cité un certain nombre de métiers, mais il y en a beaucoup d’autres. Un décret va-t-il fixer une liste ? Je pose la question.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

M. Jérôme Bascher. « Un dispositif de chômage partiel comme on n’en a pas vu en Europe », avez-vous dit, madame la ministre. Certes ! Mais c’est vrai aussi de notre déficit de croissance : on n’en a pas vu de pareil en Europe…

Marques d ’ approbation sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

La critique est aisée mais l’art est difficile, j’en ai bien conscience. Simplement, il faut bien faire attention aux effets pervers quand on prend une mesure économique, notamment quand on prend une mesure que je qualifie volontiers de mise en salariat de la fonction publique de l’ensemble de l’économie française. Il y a là un vrai sujet.

Souvenons-nous du débat sur le PLFR 1 : Albéric de Montgolfier vous avait bien dit, ici même, que les chiffres du chômage partiel étaient très sous-estimés. Il y a eu, depuis, une LFR 2 ; nous attendons maintenant le PLFR 3, certes pas pour avoir les chiffres définitifs. Il est évident que ce dispositif qui a contribué à soutenir la confiance – il faut le dire – a aussi eu ses effets pervers. Il faudra mesurer l’effet, massif, de cette mesure, dont l’histoire dira s’il a été, en définitive, si bénéfique que cela pour l’économie française.

Je voterai cet amendement, mais le chômage partiel laisse pendants un certain nombre de problèmes. En particulier, il ne concerne que le salariat. Or il n’y a pas que des salariés en France, madame la ministre ! Les non-salariés souffrent aussi beaucoup et, en la matière, les dispositifs qui sont prévus pour l’instant risquent de ne pas suffire, tant s’en faut. Vous aurez beau me parler du Fonds de développement économique et social (FDES), etc., ça ne suffira pas. La casse épargnera le salariat et, une fois encore, notre pays se sera habitué au salariat et aux aides d’État. Nous sommes un peu piqués à la dépense publique, dans ce pays !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

J’interviens en lieu et place de Mme Dominique Estrosi Sassone, qui souhaitait que son amendement soit défendu, au regard de la situation touristique de son département, les Alpes-Maritimes, notamment.

Madame la ministre, nous avons bien entendu quelle était votre volonté, et votre discours ne peut être que soutenu. Mais les différents amendements proposés par les sénateurs avaient l’avantage d’être beaucoup plus clairs, notamment de clarifier la situation en proposant une date précise.

La difficulté est que, compte tenu de l’amendement du Gouvernement que nous allons voter, nous allons encore devoir attendre que celui-ci prenne des dispositions claires. Or nous arrivons au mois de juin : les entreprises, notamment dans le domaine du tourisme, ont besoin d’avoir une vision précise de la situation pour essayer d’imaginer leur future organisation dans un contexte extrêmement difficile.

Il est urgent que la décision, quelle qu’elle soit, soit prise ; toutes les entreprises l’attendent. C’est ce qui motivait notre amendement : le besoin de clarification. Nous entendons votre discours ; cette demande forte des entreprises du tourisme doit elle aussi être entendue.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. Michel Vaspart, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaspart

Je ne peux que souscrire à ce qui a été dit par les uns et par les autres. Il y avait deux types d’amendements : l’objet des uns était le maintien du chômage partiel jusqu’au 1er septembre ; celui des autres, peut-être un peu plus précis, se limitait au maintien du dispositif pour les entreprises en difficulté. Cela permettait davantage de clarté.

Avec le présent amendement, c’est sous forme d’ordonnances que le Gouvernement va prendre ses décisions. Nous trouvions qu’il était plus clair d’introduire cette disposition dans le texte de loi. Et le délai du 1er juin me paraît très court compte tenu de la situation économique des entreprises françaises. Le fait de prolonger un peu plus longtemps le chômage partiel permettrait de limiter les dégâts de la crise économique qui est train d’arriver.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Je prends les devants concernant un amendement que j’ai déposé, l’amendement n° 55, qui a trait à une catégorie que vous connaissez bien, à savoir les artistes, intermittents et techniciens du secteur culturel.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Il ne tombera pas, ma chère collègue : vous pourrez le défendre en temps et en heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Merci de cette précision, monsieur le président – nous n’en étions pas sûrs.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Vous voilà rassurée !

La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure Darcos

J’ai moi aussi cosigné l’amendement de ma collègue Dominique Estrosi Sassone.

Au-delà des restaurants et du secteur du tourisme, cette question touche énormément de monde. J’ai reçu une pluie de courriels d’entreprises de mon département de l’Essonne, émanant de secteurs auxquels on ne pense pas, le commerce d’objets publicitaires ou le commerce de gros de fournitures dentaires par exemple – on sait que les dentistes, pendant trois mois, ont été complètement immobilisés.

En plus de tout ce qui est commerce de gros alimentaire, beaucoup de secteurs sont encore aux abois. J’aimerais donc moi aussi que ce dispositif de chômage partiel puisse être prolongé au moins jusqu’au 1er septembre.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. Pascal Martin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Martin

J’ai déposé, avec Claude Kern, l’amendement n° 20 rectifié ter concernant les entreprises les plus en difficulté ; notre objectif était de porter la date au 1er octobre. Il me semblait plus précis, premièrement, de donner une date, le 1er octobre, et, deuxièmement, de viser les entreprises en difficulté.

Je regrette cet amendement. Je citais notamment le secteur de la communication dans son objet, qui a perdu quasiment 100 % de son chiffre d’affaires depuis le 15 mars. Pour les nombreuses entreprises de ce secteur, un véritable problème est à venir.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

J’ai déposé un amendement, l’amendement n° 30, qui allait dans le même sens – il s’agissait de prolonger le dispositif jusqu’au 1er septembre. Il visait plus particulièrement les entreprises de gros, qui permettent aux bars, aux restaurants, aux activités de plein air de fonctionner, et qui devront contribuer à la reprise économique annoncée dans ce secteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

Nous ne voterons pas cet amendement n° 187 du Gouvernement. Il nous semble que cette disposition est trop précoce, nonobstant les explications données par Mme la ministre. Quant à certaines observations qui ont été faites, si ce dispositif représente certes une aide en direction d’une partie substantielle de notre population, je rappelle que, sans ces aides, une partie substantielle de la population, là aussi, pourrait basculer dans la pauvreté. Il faut soutenir cette population au maximum de nos capacités.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. Jean Bizet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Partageant l’état d’esprit qui vient d’être exprimé par Claude Bérit-Débat, je voudrais insister sur les concepts d’amont grossiste et de filière, qui apparaissent peut-être moins précisément dans l’amendement du Gouvernement – mais Mme la ministre pourra certainement fournir cette précision. Derrière toutes les entreprises de l’hôtellerie et de la restauration, il y a toute une logique de filière dont on sait très bien qu’elle remonte jusqu’à des entreprises ou des coopératives agroalimentaires pour atteindre le tissu agricole sur l’ensemble du territoire national.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Je m’associe pleinement aux demandes de mes collègues : il nous faut des précisions, madame la ministre. L’affaire est en effet d’importance.

Ce qui a justifié la position de la commission, qui s’est exprimée en faveur du 1er juin, c’est que la différenciation relève de la législation, tandis que la prise en charge relève du règlement. L’État a choisi, jusqu’à présent, de prendre en charge à 100 % le chômage partiel dans le cadre de la crise. Il rend désormais possible, dans le cadre de la reprise de l’activité, une différenciation, si j’ai bien compris, madame la ministre : après le 1er juin, dans certains secteurs, la prise en charge pourra continuer de se faire à 100 %, mais pas dans d’autres – lesquels, nous ne le savons pas.

Vous nous dites aujourd’hui – nous l’apprenons – que l’État ne prendra plus à sa charge que 85 % des 70 % du brut. Actuellement, l’État assume intégralement l’indemnisation de l’activité partielle. Désormais, pour éviter l’effet d’aubaine, l’employeur aura à sa charge 15 % de cette indemnisation. Mais cela reste peu, et ce n’est pas une obligation. Il est donc plus intéressant d’anticiper dans la fixation d’une date que d’attendre. Si l’on attend, mettons, le 1er septembre, cela veut dire que l’État prend en charge à 100 % jusqu’à cette date, et qu’ensuite on passe automatiquement à un autre dispositif, qui sera moins généreux.

Autant, me semble-t-il, différencier…

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

… et éviter les effets d’aubaine. Partout où l’activité peut reprendre, lorsque c’est économiquement faisable, il faut inciter les entrepreneurs à reprendre.

En revanche, pour d’autres secteurs, ceux qui ont déjà été énumérés notamment – mais nous avons besoin de précisions –, il faut bel et bien continuer cette perfusion de l’État ; à défaut, les salariés de ces secteurs passeront tous par la case chômage.

C’est ce qui a motivé notre avis : le besoin de différenciation. Il faut en arriver à du cousu main !

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

C’est pourquoi, aussi, il faut préciser à qui incombe la responsabilité sur les territoires : le préfet de région ? le préfet de département ? Je pense qu’il faut aller au plus près des territoires afin de prendre en compte les spécificités de chaque entreprise.

Je répète par ailleurs qu’il faut arrêter de différencier les territoires en fonction d’une couleur, verte ou rouge. Si des pénalisations sont ainsi créées, attention aux problèmes de concurrence différenciée – je pense en effet que les choses évoluent.

C’est véritablement, donc, un gage de confiance que la commission a voulu vous donner, madame la ministre. Nous vous demandons de nous tenir informés, de nous rendre des comptes. Aujourd’hui même, avant que nous votions, il faut nous donner des précisions sur les secteurs d’activité – nous en avons tous besoin.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez soulevé beaucoup de questions, et ce sont effectivement celles qui se posent au quotidien.

Avec cette crise sanitaire, nous vivons depuis presque trois mois une situation tout à fait inédite. L’arrêt brutal de l’économie était nécessaire pour endiguer l’épidémie, mais il est survenu comme un coup de tonnerre dans un ciel serein.

Il y a trois mois, on pouvait se réjouir ici même d’une augmentation de 16 % du nombre d’apprentis, d’une baisse du taux de chômage à 8, 1 %, et même à 7, 9 % en métropole : certes, il fallait continuer les efforts, car le chômage restait à un niveau élevé, mais il était au plus bas depuis onze ans. C’était il y a trois mois : cela nous paraît bien loin !

Nous avons apporté un soutien massif et immédiat aux entreprises en veillant à la simplicité des dispositifs. À cet égard, un indicateur est tout à fait intéressant : 60 % des salariés couverts travaillent dans des entreprises de moins de 50 salariés – et je sais combien vous êtes attachés aux PME et TPE. Le chômage partiel a donc bien servi à sauver l’emploi dans nos territoires, car ce sont les TPE et PME qui irriguent notre pays sur les plans de l’économie et de l’emploi.

Toutefois, le temps est venu de faire évoluer le dispositif, car le contexte a changé. Beaucoup de secteurs ont repris. Dans le pays, le taux d’activité est remonté à 65 %. Mais certains secteurs restent à l’arrêt complet, car ils n’ont pas le droit de reprendre. Je pense en particulier aux cafés et restaurants. Or – vous l’avez dit à juste titre à propos des grossistes – beaucoup d’autres secteurs en dépendent directement : eux non plus ne peuvent pas rouvrir aujourd’hui. Si nous voulons différencier, c’est précisément pour que la reprise se poursuive.

Il s’agit tout de même de l’argent des Français ; les montants en jeu sont très élevés – nous en sommes tous conscients – et il faut concentrer l’effort là où l’on en a besoin. Il y a deux mois et demi, on avait besoin d’argent dans tous les secteurs, partout, quelle que soit la taille de l’entreprise. À présent, on en a besoin dans certains secteurs et dans certaines filières pour des raisons structurelles, du fait d’une interdiction plus longue ou de la nature même des métiers exercés.

Par définition, les clients d’un restaurant sont installés les uns près des autres ; ils se retrouvent ensemble, dans la convivialité. Les gestes barrières sont donc plus difficiles à appliquer dans un tel établissement qu’ailleurs. Nous avons élaboré avec les professionnels un guide sanitaire en vue de la réouverture des restaurants et des bars ; ce document sera publié à la fin de la semaine. Mais – on le voit bien –, ces règles seront difficiles à suivre dans la durée.

Il faut coller à la réalité du terrain, en maintenant un effort massif en faveur des secteurs les plus en difficulté tout en accompagnant les autres domaines. Il n’y a aucun couperet ! Nous allons procéder de manière progressive. À mon sens, c’est ainsi que l’État doit assurer la reprise économique en assumant son rôle social.

Concrètement – c’est un paradoxe –, les taux de prise en charge sont définis par voie réglementaire, mais leur différenciation exige un cadre législatif.

Afin d’éviter toute rupture d’égalité, nous allons fixer, par décret, une liste de secteurs sur la base des codes de la nomenclature d’activités française, ou codes NAF. Les bars et les restaurants seront bien sûr inclus, de même que les entreprises qui dépendent complètement d’eux. Un grossiste qui ne vit que parce qu’il alimente les bars doit être pris en compte lui aussi. Les secteurs concernés seront, grosso modo, la restauration, le tourisme, qui est très fortement touché, et de larges pans de la culture et les sports, qui, d’ailleurs, relèvent également du tourisme. Quelques autres secteurs peuvent aussi être concernés.

En procédant par décret, nous pourrons plus facilement nous adapter : selon l’évolution de la situation sanitaire, nous pourrons lever telle ou telle contrainte d’ici à deux ou trois mois, et certaines activités aujourd’hui à l’arrêt pourront reprendre.

La décrue du chômage partiel est amorcée, et heureusement. Depuis le début de la crise, les demandes cumulées des entreprises concernent 12, 8 millions de salariés sur les 20 millions que compte le secteur privé, soit plus de 60 % d’entre eux.

Au mois d’avril dernier, 8, 5 millions de Français ont été effectivement au chômage partiel. En soi, ce chiffre est énorme. Néanmoins, les entreprises ont sollicité le chômage partiel avant de savoir si elles en auraient entièrement besoin. Rassurez-vous : au titre des salariés qui, en définitive, ne sont pas concernés, l’État ne débourse pas un seul centime ! De surcroît, environ la moitié de ces 8, 5 millions de personnes travaillent une partie du temps.

Avec la reprise d’activité, ces situations vont se multiplier. Par exemple, compte tenu des normes sanitaires, tel salon de coiffure ne pourra pas accueillir autant de clients qu’en temps normal : sur ses cinq salariés, trois reprendront le travail et les deux autres resteront quelque temps au chômage partiel.

Il y a quelques jours, je me suis rendue sur un chantier du bâtiment. La semaine dernière, je suis allée, à Valenciennes, sur le site d’une entreprise automobile ; dans ces deux cas, les salariés reviendront en trois vagues.

J’y insiste : c’est important que l’État continue à accompagner les entreprises. Nous n’allons pas, pour toujours, mettre sous perfusion l’économie française. Quand bien même nous en serions capables, cela n’aurait aucun sens, économiquement ou financièrement. En d’autres termes, nous ne nationalisons pas l’emploi !

Après le 1er juin, rien ne changera pour les salariés : leur rémunération restera la même. En revanche, pour les employeurs en dehors des secteurs en difficulté, lesquels conserveront un remboursement à 100 %, l’État remboursera 85 % des sommes dépensées, ce remboursement concernant non plus 70 % du brut, mais 60 %. Les 15 % restants seront à leur charge.

Ainsi, pour un salarié au chômage partiel à temps plein percevant deux fois le SMIC, l’entreprise devra payer 300 euros par mois : l’effort reste donc d’une ampleur très mesurée, mais nous envoyons un signal aux entrepreneurs. Si nous attendons que la situation soit optimale, nous ne pourrons pas redémarrer. Or la France est le pays où l’arrêt de l’économie a été le plus fort.

Il faut repartir ; mais, pour les entreprises, le reste à charge est assez modeste, d’autant que, pour des salariés au SMIC, le chômage partiel demeure intégralement remboursé.

De surcroît, vous avez longuement évoqué l’enjeu de la visibilité et, à juste titre, vous avez beaucoup parlé du tourisme.

La semaine dernière, le comité interministériel du tourisme s’est réuni sous l’autorité du Premier ministre pour défendre notre activité touristique. Vous connaissez ces chiffres par cœur : notre pays accueille, chaque année, quelque 90 millions de touristes étrangers, et le tourisme représente 7 % du PIB en France. Or ce secteur majeur est extrêmement touché par la crise. Nous avons pris, en sa faveur, une série de mesures économiques et sociales, en particulier au titre du chômage partiel : sa prise en charge sera maintenue plus longtemps et à un niveau plus élevé que dans d’autres secteurs, qui, eux, ont pu reprendre.

La visibilité nous impose également d’assurer, pour certains secteurs, un accompagnement spécifique au cours des mois qui viennent, voire pour un ou deux ans dans certains cas.

Je prends de nouveau l’exemple de l’automobile ; ce secteur est en pleine mutation. De surcroît, avec la crise économique et la baisse de la demande, il pourrait subir des plans de licenciements massifs. Le risque est réel.

Vous connaissez la situation de certains de nos constructeurs automobiles ; au moins l’un d’entre eux connaît de graves difficultés. Sa faillite entraînerait à la fois un drame social et, dans des métiers à haute valeur ajoutée, une perte de compétences tout à fait dommageable pour l’avenir.

Nous devons être en mesure d’adapter les dispositifs au cas par cas, selon les entreprises : le cas échéant, au lieu de licencier, il faudra trouver un accord pour que les salariés puissent travailler moins d’heures et que l’État compense en partie le différentiel de temps de travail, afin de limiter la perte du pouvoir d’achat. Pendant les heures « chômées », les salariés pourront bénéficier de formations. Globalement, on accompagnera la mutation de ce secteur, qui, comme le tourisme et la culture, exige de la visibilité. L’aéronautique devra certainement, lui aussi, bénéficier d’un tel plan de relance.

Au-delà des larges filets de protection que nous avons déployés depuis deux mois et demi pour faire face à l’urgence, il va falloir accompagner la relance dans des secteurs appelés à connaître de fortes mutations.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère avoir mieux répondu à vos interrogations. Je précise enfin que le fonds de garantie constitué en faveur des indépendants a été largement sollicité. Son deuxième étage, qui relève des régions, est financé par l’État, les régions et les assureurs.

Rien n’est parfait, mais, quand on se compare, on peut dire que l’on a bien protégé notre économie pendant la première phase. À présent, il faut réussir la deuxième phase, à savoir l’accompagnement de la reprise !

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

En conséquence, les amendements n° 7 rectifié quater, 73 rectifié, 77, 113 rectifié bis, 139 rectifié, 264, 30, 94, 20 rectifié ter, 76 rectifié bis, 91 rectifié bis, 133 rectifié, 138 rectifié bis, 141, 224 et 176 rectifié n’ont plus d’objet.

L’amendement n° 55, présenté par Mme S. Robert, MM. Kerrouche et Marie, Mme Lubin, MM. P. Joly, Kanner, Sueur et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daudigny, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes de la Gontrie, Grelet-Certenais, Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, M. Jomier, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mmes Meunier et Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, MM. Raynal et Roger, Mme Rossignol, M. Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe, M. Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Après la première occurrence du mot :

notamment

insérer les mots :

en permettant aux salariés de démontrer leurs relations contractuelles par tous moyens écrits et

La parole est à Mme Sylvie Robert.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Cet amendement vise à rétablir une précision essentielle pour que les ordonnances relatives à l’activité partielle prennent bien en compte la spécificité des relations contractuelles dans le domaine artistique et culturel. Il faut indiquer que ces dernières peuvent être établies « par tous moyens écrits ».

Mes chers collègues, nous savons que le dispositif d’activité partielle est accessible aux artistes et techniciens du spectacle. Mais, aujourd’hui, son application cause de véritables difficultés dans le secteur culturel, où, selon l’usage, les promesses d’embauche prennent parfois la forme d’un simple courriel, voire d’un SMS.

Ces dispositions ont reçu un avis favorable à l’Assemblée nationale. Eu égard à la situation de la culture dans notre pays, une telle précision est loin d’être inutile : pour les artistes et les techniciens, elle faciliterait grandement le recours à l’activité partielle !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

La commission éprouve, elle aussi, les préoccupations qui viennent d’être exprimées pour ce qui concerne le domaine artistique.

Cet amendement vise à réintroduire une disposition que nous avons supprimée. Il s’agit de permettre aux salariés de démontrer leurs relations contractuelles par tous moyens écrits. Cet objectif est sans doute important ; mais, pour l’atteindre, aucune mesure législative n’est nécessaire. De surcroît, ces dispositions sont satisfaites par la jurisprudence. Nous confirmons donc notre position.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud

En principe, les salariés obtenant une promesse d’embauche sont bien éligibles à l’activité partielle, quelle que soit la modalité écrite retenue, y compris le courriel, et même si le contrat n’a pas commencé. Il convient simplement de respecter un minimum de formalisme pour attester de la réalité de la volonté d’embauche.

Les auteurs de cet amendement relèvent que, dans le secteur culturel notamment, ce formalisme n’est pas toujours observé ; en résultent des zones d’ambiguïté.

M. le rapporteur pour avis le souligne avec raison, la jurisprudence est claire à cet égard ; mais, dans la pratique, les acteurs peinent à s’y retrouver ; en résulte un assez grand volume de contentieux, que l’on peut qualifier de superflus.

En toute rigueur, une telle précision n’est pas indispensable. Mais, dans la pratique – et, par les temps qui courent, j’ai tendance à placer la pratique au-dessus de tout –, elle est la bienvenue pour clarifier le droit applicable : le Gouvernement émet donc un avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

Pour ma part, j’ai de la sympathie pour cet amendement. En effet, le secteur culturel mériterait parfois d’être plus et mieux administré.

J’en ai parlé avec M. le ministre de la culture pas plus tard qu’en fin de matinée : parfois, les établissements publics administratifs, ou encore les établissements publics industriels et commerciaux – autant de démembrements de l’État – recrutent avec un formalisme on ne peut plus léger. Telle personne apprend qu’elle sera employée de telle à telle date, et elle doit signer son contrat le jour même !

Madame la ministre, je pense notamment à la Réunion des musées nationaux – Grand Palais : avec la fermeture de tous les grands musées, les intermittents et les vacataires du patrimoine qui dépendent d’elle sont dans une situation très préoccupante. La pratique de cet établissement public de l’État laisse clairement à désirer, alors même qu’il devrait connaître par cœur la jurisprudence : il est bon d’écrire dans le droit ce qu’une telle institution devrait faire d’elle-même !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Mes chers collègues, nous nous trouvons face à notre responsabilité de législateur.

Bien sûr, nous sommes réunis pour faire du droit et, comme avocate, je peux entendre l’avis de M. le rapporteur pour avis. Mais nous sommes dans une situation de crise ; à l’évidence, un grand nombre de personnes travaillant dans le domaine de la culture ont de graves difficultés à trouver un interlocuteur, puis à faire valoir leurs droits, étant donné le caractère informel de leur recrutement.

Aidons ces professionnels : soyons très précis et pédagogues. Ce texte n’a pas vocation à s’ancrer dans le droit pour l’éternité. Mais, dans la situation actuelle, qui est si particulière, il me semble très utile que cette précision soit énoncée de manière très nette. Ainsi, ces personnes pourront faire valoir leurs droits même si, en lieu et place d’un contrat en bonne et due forme, elles ne disposent que d’une correspondance informelle.

Je tiens donc à contrebattre, de manière très respectueuse, l’avis très rigoureux donné par M. le rapporteur pour avis. En la matière, il faut faire preuve d’un peu de plasticité !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Je mets aux voix l’amendement n° 55.

Je suis saisi de huit amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 100 rectifié bis est présenté par MM. Mohamed Soilihi et Rambaud, Mme Cartron, M. Buis, Mmes Rauscent, Schillinger et Constant, MM. Iacovelli, Lévrier, Richard, Marchand et les membres du groupe La République En Marche.

L’amendement n° 137 rectifié est présenté par M. Raison, Mme Renaud-Garabedian, MM. Perrin, Milon, Cambon et Bonne, Mme Micouleau, M. Grand, Mme L. Darcos, M. Sol, Mme A.M. Bertrand, MM. Bascher et Brisson, Mme Gruny, MM. Bouchet, Mouiller, Bonhomme, Houpert et Hugonet, Mme Richer, M. Piednoir, Mmes Estrosi Sassone et Malet, MM. B. Fournier et Gremillet, Mme Lamure, M. Daubresse, Mme Bruguière, M. Chaize, Mme Duranton, M. de Nicolaÿ, Mmes Deroche et Lassarade, MM. Vogel et Schmitz, Mme Dumas, MM. Babary, Pierre, Saury et Charon, Mmes Morhet-Richaud, Di Folco et Chauvin, M. Chatillon, Mmes Deromedi, F. Gerbaud et Berthet, MM. Longuet, Priou, Kennel, Pointereau et Grosperrin, Mme Troendlé, MM. Bazin et Cuypers, Mme Thomas, M. Rapin, Mme Raimond-Pavero, M. Dallier, Mme Eustache-Brinio, M. Courtial et Mme Giudicelli.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 6

Après les mots :

secteur d’activité

insérer les mots :

, notamment lorsqu’il dépend de l’activité économique d’entreprises fermées administrativement,

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter l’amendement n° 100 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

L’habilitation dont il s’agit tend à autoriser le Gouvernement à apporter des adaptations pour ajuster les dispositions relatives à l’activité partielle, dans le prolongement de l’article 11 de la loi d’urgence du 23 mars dernier. Ainsi, on pourra prévoir la différenciation du dispositif d’activité partielle en fonction des secteurs d’activité pour préserver ceux qui souffrent le plus des effets de la crise sanitaire, comme l’hôtellerie et la restauration.

Nous soutenons cette mesure de bon sens, grâce à laquelle l’État pourra poursuivre son engagement. Depuis le début de la crise sanitaire, celui-ci déploie les dispositifs de protection nécessaires pour éviter des licenciements, préserver l’emploi et conserver les compétences au sein des entreprises.

Si la volonté gouvernementale est de soutenir les entreprises qui, pour l’heure, restent fermées, de nombreuses autres sociétés, sans faire l’objet d’une fermeture administrative, voient leur activité atteinte du fait de leur dépendance économique à ces entreprises. C’est le cas des fournisseurs ou prestataires de l’hôtellerie, de la restauration et du tourisme, qui représentent un certain nombre de TPE et de PME réparties sur l’ensemble de notre territoire. Cet amendement vise à accorder une attention particulière à ces secteurs.

Enfin, je saisis cette occasion pour évoquer l’amendement n° 154, qui a été déclaré irrecevable et qui, lui, avait pour objet les CDD d’insertion. J’espère que ces dispositions seront bientôt reprises, par exemple par le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. Jérôme Bascher, pour présenter l’amendement n° 137 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Les six amendements suivants sont également identiques.

L’amendement n° 21 rectifié est présenté par MM. Savin, Darnaud, Kennel et Brisson, Mmes Noël et Thomas, M. Rapin, Mme Raimond-Pavero, M. Dallier, Mmes Deromedi et Di Folco, MM. Mandelli et Vogel, Mmes Dumas et Micouleau, MM. Regnard, Mouiller, Meurant, Chatillon, Courtial, Schmitz et Bouchet, Mme Gruny, MM. Leleux, Bonhomme, Calvet et Gremillet, Mme A.M. Bertrand, M. Chaize, Mme Lassarade, MM. Pierre et Pointereau, Mmes Imbert, Deroche et Berthet, MM. Forissier, Lefèvre, de Nicolaÿ et Babary, Mmes Ramond et Duranton, MM. Piednoir, Cambon et Genest, Mmes Lopez et L. Darcos, M. Reichardt, Mme M. Mercier, MM. Vaspart et D. Laurent, Mme Richer, MM. de Legge, Panunzi et Cuypers, Mme Chauvin, MM. Bonne, Bascher, Pellevat et Segouin, Mme Eustache-Brinio et MM. Sido, Longuet, Gilles et Priou.

L’amendement n° 90 rectifié bis est présenté par MM. Bizet, Bas et Bazin, Mmes Bonfanti-Dossat et Bruguière, MM. Danesi, Huré et Laménie, Mme Lamure, MM. Magras, Milon et Paul et Mme Troendlé.

L’amendement n° 93 est présenté par Mme de Cidrac.

L’amendement n° 177 rectifié bis est présenté par MM. Duplomb, J.M. Boyer, Karoutchi, Moga, Détraigne et B. Fournier, Mme Vullien, MM. Paccaud, Houpert, Canevet et Frassa, Mmes F. Gerbaud, Billon, Troendlé et Goy-Chavent, M. Hugonet, Mmes Chain-Larché et Bonfanti-Dossat et MM. H. Leroy, Chevrollier et Charon.

L’amendement n° 185 rectifié ter est présenté par Mmes Létard, Vullien, Joissains, Vermeillet et Vérien, MM. Janssens, Henno, Capo-Canellas et Longeot, Mme Morin-Desailly, MM. Kern et Médevielle, Mme Guidez, MM. Prince, Cigolotti, Le Nay et Cadic, Mme Saint-Pé, M. Vanlerenberghe, Mme Gatel et MM. Cazabonne, Maurey, Lafon et L. Hervé.

L’amendement n° 261 rectifié bis est présenté par Mme Morhet-Richaud, MM. Karoutchi, Frassa, Daubresse, Segouin et Cuypers, Mme M. Mercier, MM. Cardoux et Courtial et Mmes Troendlé et Berthet.

Ces six amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

, de celle des activités fermées administrativement ainsi que de celle des entreprises qui les approvisionnent les plus dépendantes de ces activités

La parole est à M. Philippe Mouiller, pour présenter l’amendement n° 21 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. Jean Bizet, pour présenter l’amendement n° 90 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Il est également défendu, monsieur le président. Toutefois, j’insiste sur la notion de logique de filière, car, sur ce sujet, Mme la ministre ne nous a pas répondu. Comme l’a dit M. Bérit-Débat, si l’on ne fait pas attention à l’amont de diverses filières, bon nombre d’entreprises ne connaîtront pas l’après-crise !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L’amendement n° 93 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Michel Vaspart, pour présenter l’amendement n° 177 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à Mme Valérie Létard, pour présenter l’amendement n° 185 rectifié ter.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L’amendement n° 261 rectifié bis n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission des affaires sociales sur les amendements restant en discussion ?

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Comme les nombreux auteurs de ces amendements, nous déplorons un manque de précision sur ce sujet.

Toutefois, nous émettons un avis défavorable sur les amendements identiques n° 100 rectifié bis et 137 rectifié au profit des amendements suivants, rédigés de manière plus précise et auxquels nous sommes donc favorables.

Ces dispositions permettront de traiter la situation spécifique des activités fermées administrativement et des entreprises qui les approvisionnent, celles qui en dépendent le plus.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Il faut véritablement avoir une vision plus large de la situation, considérer l’ensemble des filières et, ainsi, éviter des effets dominos pour des activités qui ne peuvent pas fonctionner l’une sans l’autre. Non seulement cette précision est utile, mais elle a le mérite de ne pas imposer de calendrier.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Nous avons déjà débattu de ces propositions, et je comprends bien leur sens, dans la logique de filière exposée par M. Bizet.

Néanmoins, les dispositions prévues dans le cadre de la rédaction actuelle, que Mme la ministre vient de détailler, couvrent déjà ces cas de figure. Elles permettent de tenir compte des impacts économiques de la crise sanitaire sur les entreprises de ces secteurs : ces précisions ne sont donc pas nécessaires.

Nous sollicitons le retrait de l’ensemble de ces amendements ; à défaut, nous émettrons un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Cela va mieux en le disant, monsieur le ministre. C’est un Normand qui parle : une grande confiance n’exclut pas une petite méfiance !

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Monsieur le ministre, au sujet des salariés du secteur culturel, le Gouvernement vient d’invoquer l’argument opposé… En somme, nous avons inversé les positions !

Nous avons chacun des contradictions à assumer. Mais, en l’occurrence, il me semble que les choses vont mieux en le disant. Certaines entreprises pourraient être exclues des dispositifs de soutien, et la dynamique économique s’en trouverait alors cassée. Le Gouvernement pourrait défendre une vision plus large, comme il l’a fait précédemment.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Comme le souligne M. le rapporteur pour avis, il est nécessaire d’apporter cette précision, car les secteurs connaissent des évolutions différentes. En outre, j’invite le Gouvernement à prendre en compte non seulement certains secteurs bien identifiés, mais aussi tous ceux qui y sont rattachés.

Le secteur de l’hôtellerie et du tourisme est particulièrement affecté : ses recettes sont à zéro, les entreprises sont à l’arrêt, excepté quelques restaurants qui proposent de la vente à emporter. Mais d’autres secteurs associés sont également en grande difficulté, comme les blanchisseries industrielles qui travaillent pour ces établissements et qui, elles aussi, ne fonctionnent plus.

Il faut tenir compte de la réalité des situations. Un critère de perte de 80 % du chiffre d’affaires risque d’exclure des entreprises qui sont, de facto, fragilisées par la crise que nous traversons.

Monsieur le ministre, je le répète, il faut prendre en compte les réalités des filières dans leur ensemble ; prenons garde à ne pas exclure tel ou tel secteur pour de simples motifs administratifs. Il faut soutenir ces entreprises !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Monsieur le ministre, certaines entreprises de mon département, qui sont au bord du dépôt de bilan, ont engagé il y a quelques jours une procédure de sauvegarde auprès du tribunal de commerce.

Or, dans le dialogue entre les juges et les chefs d’entreprise, l’un des enjeux, c’est la visibilité des mesures de soutien. Ces dispositions apportent une réponse claire ; elles permettent de prendre, immédiatement, des décisions vitales pour un certain nombre d’entreprises.

Cette clarification est urgente, et nous avons là une nouvelle occasion de l’apporter. Un certain nombre de filières sont lourdement atteintes par la crise, et beaucoup de personnes attendent des décisions, y compris celles qui sont appelées à examiner la situation des entreprises en difficulté !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

Tout d’abord, je tiens à remercier M. le rapporteur pour avis de sa dernière intervention : c’est notre rôle de préciser, autant que possible, le contenu des ordonnances. C’est tout le sens de ce débat ! Nous l’avons fait au sujet du secteur culturel, et nous nous félicitons de ce que l’amendement n° 55, de Mme Sylvie Robert, ait été adopté. En la matière, il faut faire de même.

Comme M. Mouiller, j’ai en tête un exemple de mon département, celui d’une entreprise de café. On se demande bien quelles difficultés une telle société peut éprouver en ce moment ; mais elle est placée en liquidation judiciaire, car la restauration représente l’essentiel de ses débouchés.

Nous sommes donc bien face à une logique de filière : en précisant ainsi le texte de l’ordonnance, cette entreprise pourra faire valoir ses droits auprès du tribunal de commerce. Nous voterons ces très bons amendements !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

Mes chers collègues, c’est bien beau de dire que l’on va s’intéresser à toutes les filières, dans une logique intégrée. Mais il faut aussi s’intéresser à tous les acteurs des filières !

Je le dis très solennellement. Aujourd’hui, le Président de la République a cru bon d’aller dans le Pas-de-Calais, département d’une région ô combien automobile, pour annoncer un plan de relance pour le secteur. Il s’agit d’un très bon plan ; je n’ai pas de critique à formuler à cet égard. Mais le chef de l’État a oublié que, pour ce secteur, le premier acteur économique régional, c’est le président de la région des Hauts-de-France.

C’est la région qui est compétente en matière de développement économique. À ce titre, elle a beaucoup fait, et Valérie Létard peut le confirmer : si une vice-présidente de la région s’est occupée du secteur industriel dans le Nord-Pas-de-Calais, c’est bien elle !

Mme Valérie Létard sourit .

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

C’est un peu dommage de dire : « On va s’occuper de tout le monde » en oubliant les acteurs de la reprise. C’est un peu dommage que le Président de la République n’ait pas convié le président Bertrand pour qu’il entende ses annonces !

Cette précision étant apportée, à la demande de M. Savary, je retire l’amendement n° 137 rectifié.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Je mets aux voix les amendements identiques n° 21 rectifié, 90 rectifié bis, 177 rectifié bis et 185 rectifié ter.

Les amendements sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L’amendement n° 240 rectifié n’est pas soutenu.

L’amendement n° 263, présenté par Mme S. Robert, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

et en adaptant les règles aux caractéristiques des employeurs mentionnés aux 3° à 7° de l’article L. 5424-1 du code du travail, des établissements publics à caractère industriel et commercial de l’État, des groupements d’intérêt public, des sociétés publiques locales et des établissements publics de coopération culturelle

La parole est à Mme Sylvie Robert.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Les salariés des établissements publics à caractère industriel et commercial de l’État, des groupements d’intérêt public et des sociétés publiques locales peuvent être placés en activité partielle, dès lors que ces employeurs exercent une activité industrielle et commerciale à titre principal, c’est-à-dire que le produit de cette activité constitue la part majoritaire de leurs ressources.

Fort bien, mais cette disposition entrave le recours à l’activité partielle pour nombre d’établissements publics, singulièrement dans les secteurs culturel et touristique. Or, en plus de faire face à de graves difficultés, ces établissements sont soumis à une injonction contradictoire : labels du ministère de la culture pour la plupart – centres dramatiques nationaux et scènes nationales, par exemple –, ils sont incités, comme il est d’ailleurs normal, à honorer les contrats d’artistes et à payer le service non fait – vous savez bien qu’un grand nombre d’activités culturelles, forcément annulées, ont néanmoins été payées.

Résultat : ces établissements sont plongés dans des difficultés majeures, d’autant que les coûts fixes demeurent. C’est pourquoi je propose d’adapter le dispositif d’activité partielle à la réalité économique de chaque établissement public, au lieu de fonder l’accès à l’activité partielle seulement sur un critère de statut juridique, voire de montant de la subvention publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Cet amendement vise à élargir l’applicabilité de l’activité partielle à certains employeurs publics. Or il ne semble pas opportun de prévoir une extension de l’activité partielle dans le cadre d’une habilitation destinée, au contraire, à organiser la sortie progressive du dispositif. C’est la raison pour laquelle l’avis est défavorable.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

À l’argument du rapporteur pour avis, j’ajoute que l’ordonnance du 22 avril 2020 a ouvert le dispositif d’activité partielle aux établissements publics à caractère industriel et commercial de l’État, aux groupements d’intérêt public et aux sociétés publiques locales, à la condition que ces employeurs exercent une activité industrielle et commerciale à titre principal – en d’autres termes, une activité dont le produit constitue la part majoritaire de leurs ressources.

Le Gouvernement considère que cette condition est légitime pour apprécier la prise en charge au titre de l’activité partielle des salariés de droit privé de ces établissements, dans la mesure où ceux-ci bénéficient par ailleurs d’une prise en charge de l’État via les subventions d’équilibre ; ils ne sont donc pas aussi menacés que les autres entreprises commerciales par les difficultés économiques actuelles. Le critère de la part majoritaire des ressources permet de cibler les établissements dont le modèle économique est le plus fortement détérioré. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

Par ailleurs, je salue le souhait des collectivités territoriales, partenaires incontournables, que les structures culturelles locales qu’elles financent majoritairement ou cofinancent avec l’État puissent également participer pleinement à ces solidarités, sans distinction de forme juridique.

À cet égard, madame la sénatrice, le Gouvernement s’est engagé à prendre dans les tout prochains jours toutes les mesures nécessaires pour que les établissements culturels à vocation industrielle et commerciale relevant des collectivités territoriales bénéficient soit d’un dispositif d’activité partielle, soit d’un dispositif ad hoc, afin de protéger l’activité artistique de ces établissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Monsieur le ministre, je comprends de votre réponse qu’une nouvelle disposition sera prise permettant aux établissements publics de coopération culturelle relevant des collectivités territoriales de bénéficier de l’activité partielle. Je m’en félicite, nonobstant l’avis défavorable sur mon amendement, en attendant avec impatience de voir de quel dispositif il s’agira.

Néanmoins, j’insiste : un certain nombre d’établissements culturels, singulièrement les labels de l’État, connaissent déjà de graves difficultés, et il sera difficile pour les collectivités territoriales comme pour le ministère, compte tenu des coûts fixes, de remédier à leur modèle économique dégradé.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L’amendement n° 188, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Permettant la création d’un dispositif alternatif à l’activité partielle permettant d’accompagner les entreprises connaissant une baisse durable d’activité, en contrepartie d’engagements notamment en matière de maintien dans l’emploi ;

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Cet amendement vise à autoriser le Gouvernement à prévoir par ordonnance un nouveau dispositif alternatif à l’activité partielle, afin d’accompagner les entreprises subissant une baisse durable d’activité potentiellement au-delà de la fin de l’année 2020. En effet, alors que, dans certains secteurs d’activité, les entreprises seront durablement affectées par la crise, le dispositif actuel d’activité partielle, prévu pour répondre à une situation d’urgence, n’a pas été conçu pour un tel accompagnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Monsieur le ministre, je m’attendais à ce que vous soyez plus loquace sur cet amendement, déposé hier…

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Il s’agit d’habiliter le Gouvernement à créer par ordonnance un dispositif alternatif à l’activité partielle qui permettrait d’accompagner les entreprises subissant une baisse durable d’activité pendant une période plus longue que la simple crise sanitaire, en contrepartie d’engagements, notamment en matière de maintien dans l’emploi, bien au-delà même de 2020.

Ce dispositif peut paraître intéressant, mais admettez que la rédaction de l’habilitation est bien vague – trop vague.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Nous voulons plus de précisions sur les objectifs du Gouvernement. En attendant, j’émets un avis défavorable. Monsieur le ministre, qu’avez-vous derrière la tête ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

Je vous pose la même question que le rapporteur pour avis, monsieur le ministre : qu’avez-vous derrière la tête ? Nous vous avons vu attraper au vol la chemise qui vous a été préparée et vous contenter de lire l’argumentaire. Peut-être ne savez-vous pas tout à fait ce qu’il y a derrière cet amendement…

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

En tout cas, c’est un fait que vous avez été peu loquace.

Voilà très exactement le type d’amendement qui pose question, surtout venant d’un gouvernement qui s’est fait une habitude de procéder par habilitations. Pourquoi devrions-nous voter aujourd’hui une mesure qui s’appliquera dans plus de six mois, dans une configuration économique que nous ne pouvons absolument pas apprécier, tant nous sommes dans l’inconnu ?

Il est évident qu’un certain nombre d’entreprises auront encore besoin d’être soutenues ; mais lesquelles et dans quelles conditions ? Cette méthode pour en décider n’est vraiment pas très sérieuse.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Cet amendement vient casser tout l’argumentaire que nous avons entendu depuis le début de ce débat et, avec lui la confiance que nous accordions au Gouvernement en matière d’accompagnement du chômage partiel.

Depuis le début, vous faites valoir la sincérité du Gouvernement et la nécessité de prendre des mesures particulières, secteur par secteur, pour apporter dans l’urgence des réponses concrètes aux entreprises. Et voilà que vous nous soumettez une habilitation sans contours, sans délai, sans mesures : le flou est complet ! Si vous pensez rassurer les entreprises de la sorte, vous faites erreur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

Je signalais précédemment que certaines ordonnances comportent des dispositions défectueuses et mal écrites. Nous en avons sous les yeux la parfaite illustration. Il ne suffit pas de dire à la Haute Assemblée : « Aie confiance… » Avoir confiance, comment le pourrions-nous, avec des mesures aussi vagues ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Rien ne va dans cet amendement : ni la méthode, ni le dispositif, ni l’exposé des motifs.

D’abord, il est surprenant que le Gouvernement amende en permanence un projet de loi de ce type, qu’il a quand même eu un peu de temps pour préparer.

Ensuite, le voilà qui nous demande une habilitation à légiférer par ordonnance – une de plus – dans les termes les plus vagues : « un dispositif alternatif », cela ne veut rien dire, absolument rien !

Ce n’est même pas que nous serions suspicieux ; peut-être les arrière-pensées de la ministre du travail et de son cabinet sont-elles inspirées par de bonnes intentions.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Simplement, on ne donne pas même au Parlement, à qui on demande l’autorisation de légiférer par ordonnance, une vague idée du dispositif alternatif qu’on envisage. J’imagine, monsieur le ministre, que vous-même ne le savez pas. C’est bien le problème : Mme la ministre du travail aurait peut-être pu nous répondre si elle n’était pas partie…

Vous assurez la permanence. C’est difficile pour vous, mais, quant à nous, il va de soi que nous voterons contre cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

M. Jean-François Husson. Tiens, te voilà ministre ?

Rires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

Le Gouvernement, depuis tout à l’heure, réclame de la précision.Seulement, le voilà qui revient à sa politique normale : le « en même temps ». Avec une telle politique, on fait forcément tout et son contraire !

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

M. Marc Fesneau, ministre. J’espère que c’est sincère.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Je n’assure pas une permanence, mais, vous le voyez bien, ce texte comporte plusieurs dispositifs ; certains de mes collègues sont plus spécialisés que d’autres.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Elle vous a expliqué qu’elle devait aller à l’Assemblée nationale.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Ne nous faisons pas de griefs. Pour ma part, il est vrai que je ne suis pas un spécialiste de ces questions. Néanmoins, je vais m’efforcer de vous apporter des éléments de réponse ; quand vous aurez mieux saisi la philosophie du Gouvernement, vous ne nous prêterez pas de mauvaises intentions.

Quel est l’enjeu ? Nous devons réfléchir dès à présent – d’où le choix d’une ordonnance – à des dispositifs différents de celui dont vous avez discuté tout à l’heure, le dispositif d’activité partielle classique. De fait, certaines activités économiques vont être affectées durablement, bien au-delà du dispositif prévu. Songeons au secteur aéronautique : nous prenons des dispositions immédiates et d’autres qui porteront à beaucoup plus long terme.

Le Gouvernement vous demande ainsi la possibilité d’engager un dialogue avec les entreprises et les partenaires sociaux, un dialogue qui sera d’ailleurs assez long, en vue de prendre à moyen terme, plutôt d’ici à la fin de l’année, des dispositions répondant à l’exigence d’agir dans la longue durée. Je ne sais pas, monsieur Bascher, si c’est là du « en même temps » ; je ne le crois pas. En même temps, si j’ose dire, nous sommes obligés de réfléchir à la fois à des dispositifs immédiats et aux voies et moyens adaptés au cycle qui suivra.

Il ne s’agira pas du dispositif de chômage partiel, mais d’un autre dispositif, qui n’est pas sur la table. Il n’y a pas d’arrière-pensées. Simplement, nous essayons de réfléchir un peu plus loin…

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

… que ce qui est d’ores et déjà prévu.

Je reconnais volontiers les affaires de forme, sur lesquelles le sénateur Duplomb m’a précédemment alerté.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Reste que, au-delà de l’activité partielle, nous devons réfléchir aux dispositifs qui suivront, et le faire dès à présent. C’est pourquoi le Gouvernement vous demande de l’habiliter à réfléchir avec les partenaires sociaux et les acteurs économiques à de nouveaux dispositifs pour le moyen terme.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Monsieur le ministre, sentez-vous à l’aise : moi non plus je ne suis pas un spécialiste de ces questions ; cela ne me dissuade pas de prendre la parole…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Vous nous assurez que le Gouvernement n’a pas d’arrière-pensées. Je ne demande qu’à vous croire. Seulement, s’il n’a pas d’arrière-pensées, il doit au moins avoir une pensée.

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

S’il s’agit de réfléchir, vous n’avez pas besoin de notre autorisation. Réfléchir avec les partenaires sociaux, fort bien ; nous vous y encourageons. L’objectif est de trouver une solution à moyen terme ? C’est parfait : vous n’êtes donc pas pressé et n’avez pas besoin qu’on vous habilite à prendre des ordonnances dans un délai limité pour écrire des règles dont, pour l’instant, vous n’avez pas idée.

Dès lors, je vous suggère de retirer cet amendement et de revenir nous voir, rue de Vaugirard, 15 ter, où nous sommes à votre disposition. S’il s’agit d’aider des entreprises qui n’auront plus accès au chômage partiel pour éviter qu’elles ne licencient, nous serons évidemment à vos côtés. Vous pourrez compter sur nous.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Je suis quelque peu gêné de prendre la parole après le président de la commission des lois, mais je pensais, monsieur le ministre, que, plutôt que d’aéronautique, vous nous parleriez d’automobile, puisque des mesures doivent être annoncées, avec des contreparties.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

J’aurais pu vous parler d’automobile, en effet !

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

S’il s’agit de mettre en œuvre des engagements qui vont être pris, dites-le-nous !

Au-delà du manque de précision, l’avis défavorable procède de la logique que la commission des affaires sociales a suivie : des mesures exceptionnelles, liées à la crise, ont été prises jusqu’à la fin de l’année, mais, pour ce qui est du moyen terme, il sera intéressant que le Parlement retravaille les mesures d’accompagnement envisagées.

Notre avis n’est donc pas négatif quant à un dispositif alternatif. En revanche, nous entendons que le Parlement soit mieux pris en compte. Il est particulièrement cavalier de présenter des amendements aussi peu précis.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L’amendement n° 147, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Rédiger ainsi cet alinéa :

i) Permettant l’adaptation, pour les saisons 2019/2020 et 2020/2021, du régime applicable aux contrats des sportifs et entraîneurs professionnels salariés ;

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu

Cet amendement vise à corriger l’alinéa 8 de l’article 1er, relatif aux contrats des sportifs et entraîneurs professionnels salariés.

Tel que modifié par les députés, cet alinéa renvoie aux fédérations sportives et aux ligues professionnelles la modification du régime de ces contrats. Or ces questions de droit du travail relèvent non pas de la compétence des fédérations, mais bel et bien de la loi et des dispositions spécifiques au code du sport, ainsi que du dialogue social.

Le Gouvernement propose simplement de corriger cette coquille, pour retrouver le sens initial de l’habilitation sur les contrats des sportifs. Cette disposition permettra d’adapter le régime, en particulier la durée des contrats des sportifs et entraîneurs des clubs français, afin de tenir compte des conséquences de l’arrêt des championnats nationaux et de la poursuite d’autres championnats, notamment au niveau européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Il s’agit bien d’une coquille : avis favorable.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 126 rectifié est présenté par le Gouvernement.

L’amendement n° 201 rectifié est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Gréaume, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 12 et 14

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 126 rectifié.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

L’alinéa 14 de l’article 1er vise à donner au Gouvernement la possibilité d’agir par ordonnance pour maintenir les droits et la protection sociale complémentaire des salariés en cas d’activité partielle. Il n’est plus nécessaire, dans la mesure où le Gouvernement présentera un amendement portant article additionnel après l’article 1er quater A pour inscrire ces dispositions dans le dur de la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 201 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Si cet amendement est identique à celui du Gouvernement, il n’est pas motivé par les mêmes raisons : nous voulons vraiment supprimer cette disposition, pas la réintroduire un peu plus loin dans la loi !

Pour répondre à la crise, le Gouvernement prévoit que les accords d’entreprise pourront déterminer le nombre de renouvellements de contrats à durée déterminée.

Le nombre de renouvellements possibles pour un CDD, le délai de carence entre deux contrats courts et les cas dans lesquels ce délai de carence n’est pas applicable pourraient désormais être fixés par accords d’entreprise – des assouplissements issus d’un amendement gouvernemental.

Les ordonnances Macron de 2017 avaient déjà assoupli le droit en la matière, mais la branche professionnelle restait le verrou. Aujourd’hui, il faut un accord de branche pour déroger au droit du travail, qui prévoit qu’on ne peut renouveler un CDD plus de deux fois.

Ce détricotage supplémentaire du code du travail dégrade la qualité de l’emploi et entraînera une précarisation accrue.

En favorisant les contrats précaires au détriment des contrats à durée indéterminée, le Gouvernement prétend relancer l’économie. En réalité, il va précariser davantage notre société, d’autant que les mesures présentées comme provisoires deviennent bien souvent permanentes – l’excuse a déjà servi par le passé…

Nous sommes particulièrement inquiets d’une disposition qui aggrave les reculs d’une loi que nous avions combattue, la loi El Khomri. L’assouplissement des règles relatives aux CDD et à l’intérim s’est toujours accompagné d’une précarisation des conditions d’emploi pour les travailleurs concernés, sans effet notable en termes de relance économique.

L’argument de la nécessité de s’adapter à la crise est d’autant plus fallacieux que les règles sont déjà largement flexibles et que les employeurs peuvent y recourir facilement pour déroger au principe de l’emploi en CDI.

Pour ces raisons, nous demandons la suppression de l’alinéa 14 de l’article 1er, et nous voterons contre l’amendement du Gouvernement tendant à réintroduire cette disposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

La commission des affaires sociales est favorable à l’amendement du Gouvernement, visant à supprimer une habilitation, transformée en clair par l’amendement n° 125 portant article additionnel après l’article 1er quater A. Il s’agit de prendre des mesures dérogatoires en termes de protection sociale complémentaire pour les salariés placés en activité partielle.

L’amendement n° 201 rectifié étant identique, je ne puis pas lui donner un avis défavorable… Il me semble pourtant, madame Cohen, que l’alinéa visé ne correspond pas exactement à votre intention ; je vous suggère donc de retirer l’amendement.

Les amendements sont adoptés.

L ’ article 1 er est adopté.

Par dérogation aux articles 22 et 24 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture et à l’article 87 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, l’ensemble des mandats des membres du conseil national et des conseils régionaux de l’ordre des architectes qui sont en cours à la date de publication de la présente loi sont prolongés de six mois.

En conséquence et par dérogation aux mêmes dispositions, les renouvellements par moitié des conseils précités devant intervenir à l’extinction des mandats qui sont en cours à la date de publication de la présente loi sont reportés de six mois. –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L’amendement n° 31 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 1er bis AA

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - A. - 1° Les dispositions du présent I sont applicables aux mandats suivants, lorsqu’ils sont arrivés à échéance entre le 12 mars 2020 et la date d’entrée en vigueur du présent I et qu’il n’a pas été pourvu à leur renouvellement ou à leur remplacement à cette date, ou lorsqu’ils arrivent à échéance entre la date d’entrée en vigueur du présent I et le 31 juillet 2020, sauf prorogation de ce délai jusqu’à une date fixée par décret et au plus tard le 30 novembre 2020 :

a) Mandats des représentants des salariés au sein des organes collégiaux d’administration, de surveillance ou de direction des personnes morales de droit privé, lorsque ces représentants sont élus par les salariés ;

b) Mandats des représentants des salariés actionnaires au sein desdits organes ;

2° Le présent article n’est pas applicable aux mandats faisant l’objet d’adaptations particulières par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ou la présente loi ou en application de celles-ci.

B. – Les mandats mentionnés au A du présent I sont prorogés jusqu’à la date de leur renouvellement ou de l’entrée en fonction des nouveaux membres nommés en remplacement et au plus tard le 30 septembre 2020, sauf prorogation de ce délai jusqu’à une date fixée par décret et au plus tard le 31 décembre 2020.

C. – Lorsque le mandat est arrivé à échéance entre le 12 mars 2020 et la date d’entrée en vigueur du présent I, aucune nullité des délibérations n’est encourue du seul fait que le titulaire de ce mandat n’a pas été convoqué ou n’a pas pris part aux délibérations entre la date d’échéance du mandat et la date d’entrée en vigueur du présent I.

II. – Le B du I de l’article 184 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises est ainsi rédigé :

« B. - Pour l’application du A, les modifications statutaires nécessaires à l’élection ou à la désignation des administrateurs et des membres du conseil de surveillance représentant les salariés ou les salariés actionnaires sont proposées lors de l’assemblée générale ordinaire organisée en 2020.

« L’entrée en fonction de ces administrateurs et membres du conseil de surveillance intervient au plus tard :

« 1° Pour les administrateurs et membres du conseil de surveillance représentant les salariés qui sont élus par ces derniers, ainsi que pour les administrateurs et membres du conseil de surveillance représentant les salariés actionnaires, à la plus tardive des dates entre l’expiration d’un délai de six mois après l’assemblée générale portant les modifications statutaires nécessaires à leur désignation et le 30 septembre 2020, sauf report de cette dernière date jusqu’à une date fixée par décret et au plus tard le 31 décembre 2020 ;

« 2° Pour les administrateurs et membres du conseil de surveillance représentant les salariés autres que ceux mentionnés au 1°, six mois après l’assemblée générale portant les modifications statutaires nécessaires à leur désignation.

« Les 1° et 2° du A du présent I entrent en vigueur à l’issue du mandat du représentant des salariés actionnaires en cours à la date de la publication de la présente loi. »

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Le contexte actuel rend difficile la tenue dans des conditions satisfaisantes des élections nécessaires à la nomination de certains représentants des salariés et des représentants des salariés actionnaires dans les organes de gouvernance. Afin d’assurer la continuité de cette représentation essentielle, le présent amendement tend à proroger les mandats des représentants qui ont expiré sans pouvoir être renouvelés ou remplacés en raison du contexte sanitaire.

En outre, pour offrir une souplesse aux entreprises confrontées aux difficultés matérielles d’organisation de ces élections, l’amendement vise à aménager la date limite d’entrée en fonction des représentants qui devront être désignés à la suite du renforcement des obligations de représentation des salariés et des salariés actionnaires par la loi Pacte.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Nous avons précédemment repoussé un amendement trop large, que j’avais qualifié d’« amendement balais », sur tous les mandats non politiques. Cet amendement-ci est précis : avis favorable.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er bis AA.

L’amendement n° 106 rectifié, présenté par MM. Mandelli et Bazin, Mme Lavarde, MM. D. Laurent, Calvet, Sol, Vaspart et Bonhomme, Mmes L. Darcos, Gruny et M. Mercier, MM. B. Fournier et Savin, Mme Estrosi Sassone, MM. Mouiller, Piednoir, Vogel, Milon, Cardoux et Danesi, Mmes Lassarade, de Cidrac, Puissat, Imbert et Deromedi, M. Dallier, Mmes Raimond-Pavero et Di Folco, M. Rapin et Mmes Lamure et Berthet, est ainsi libellé :

Après l’article 1er bis AA

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 20 de l’ordonnance n° 2019-552 du 3 juin 2019 portant diverses dispositions relatives au groupe SNCF est ainsi modifié :

1° Aux premier et dernier alinéas des I et II et aux premier et second alinéas des III et IV, les mots : « jusqu’au 30 juin 2020 » sont remplacés par les mots : « jusqu’au 31 décembre 2020 ou jusqu’à trois mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 si cette date est postérieure au 30 septembre 2020 » ;

2° Au V, les mots : « le 30 juin 2020 » sont remplacés par les mots : « le 31 décembre 2020 ou trois mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 si cette date est postérieure au 30 septembre 2020 ».

La parole est à M. Arnaud Bazin.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Bazin

Il s’agit de prolonger de quelques mois la disposition transitoire prévue en ce qui concerne la composition des conseils d’administration des sociétés SNCF, SNCF Réseau, SNCF Voyageurs et SNCF Gares & Connexions.

Les mesures transitoires faisant suite à la transformation du groupe devaient s’appliquer du 1er janvier au 30 juin 2020, date à laquelle les élections professionnelles devaient avoir désigné les représentants des salariés dans les nouveaux conseils d’administration. Or, comme vient de le signaler M. le ministre, ces élections sont très compliquées à organiser d’ici au 30 juin. Les auteurs de l’amendement proposent donc de repousser l’échéance au 31 décembre 2020 ou à trois mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, si cette date était postérieure au 30 septembre prochain.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Cet amendement est précis et justifié par la crise sanitaire : avis favorable.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Cet amendement de précision est très utile, d’autant que des décisions de gouvernance doivent être prises à la SNCF : avis favorable.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er bis AA.

À compter du 12 mars 2020 et pour une durée n’excédant pas six mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire déclaré en application de l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, peuvent être conclus ou renouvelés pour une durée totale de trente-six mois :

1° Par dérogation au quatrième alinéa des articles L. 5132-5, L. 5132-11-1, L. 5132-15-1 du code du travail, et sans préjudice des dérogations et exceptions prévues aux mêmes articles L. 5132-5, L. 5132-11-1, L. 5132-15-1, les contrats à durée déterminée, conclus en application de l’article L. 1242-3 du même code ;

2° Par dérogation au dernier alinéa de l’article L. 5132-6 dudit code, les contrats de mission des entreprises de travail temporaire d’insertion ;

3° Par dérogation aux articles L. 5134-25-1, L. 5134-23, L. 5134-69-1 et L. 5134-67-1 du même code, et sans préjudice des durées supérieures à trente-six mois et des dérogations prévues aux mêmes articles L. 5134-25-1, L. 5134-23, L. 5134-69-1 et L. 5134-67-1, les contrats uniques d’insertion conclus en application de l’article L. 5134-19-1 du même code et le versement des aides à l’insertion professionnelle qui y sont associées ;

4° Par dérogation au 1 du I de l’article 78 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, les contrats conclus par les employeurs mentionnés à l’article L. 5213-13-1 du code du travail, sans que la durée du renouvellement n’excède le terme de l’expérimentation prévue à l’article 78 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 précitée, soit le 31 décembre 2022.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L’amendement n° 203 rectifié, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Gréaume, Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay, Gontard et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

L’article 1er bis A, introduit par l’Assemblée nationale, permet à titre dérogatoire, pendant la période d’état d’urgence sanitaire et jusqu’à six mois au-delà, de conclure ou de renouveler pour une durée de trente-six mois, au lieu de vingt-quatre en temps normal, les contrats courts signés au titre de la politique de l’emploi et les contrats aidés. La commission des affaires sociales a étendu cette disposition au contrat unique d’insertion.

Nous l’avons régulièrement expliqué : le recours facilité aux contrats précaires ne permettra pas d’améliorer la situation économique du pays. Au reste, ces mesures s’appliquent déjà depuis des années, sans succès. Pour relancer l’économie, il faut au contraire s’appuyer, par exemple, sur le secteur de l’économie sociale et solidaire, mais aussi sur les services publics, ainsi que sur des contrats protecteurs, aux antipodes de ceux visés par cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

La suppression proposée irait à l’encontre de la position de la commission des affaires sociales : avis défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 48, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mme Féret, MM. Daudigny, Kerrouche et Marie, Mmes Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert et Daunis, Mme de la Gontrie, MM. Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud et Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Rédiger ainsi cet alinéa :

À compter du 12 mars 2020 et pour une durée n’excédant pas six mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire, peuvent être conclus ou renouvelés pour une durée totale de trente-six mois :

II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Pour la détermination de l’indemnité d’activité partielle mentionnée au II de l’article L. 5122-1 du code du travail au bénéfice des salariés des structures mentionnées au 3° de l’article L. 5132-4 du même code, les contrats de travail conclus en application du 3° de l’article L. 1242-2 dudit code, sont réputés avoir été conclus en application de contrats de mise à disposition sur la base d’un volume horaire calculé de la façon suivante :

a) Pour les salariés nouvellement inscrits dans l’association intermédiaire en mars 2020, selon une estimation du nombre d’heures qui auraient dû être réalisées ;

b) Selon les prévisions contractuelles quand un volume horaire était prévu dans le contrat de travail ;

c) Selon le nombre d’heures déclarées comme réalisées du plus favorable des trois derniers mois clos avant le début de l’état d’urgence sanitaire.

La parole est à Mme Monique Lubin.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

Cet amendement a pour objet de sécuriser les parcours d’insertion des publics fragiles. Il vise à leur ouvrir la possibilité de bénéficier de l’activité partielle en permettant le renouvellement de leur contrat de travail ou la conclusion d’un nouveau contrat de travail en cas de mise à disposition, même sans mission associée.

Ce dispositif, lié à la particularité des contrats à durée déterminée d’usage, permettra d’adapter et de sécuriser l’accès des publics concernés à l’activité partielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L’amendement n° 246, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer les mots :

pour une durée n’excédant pas six mois à compter de

par les mots :

jusqu’à

La parole est à M. Stéphane Ravier.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

À nouveau, j’estime que, si le Gouvernement souhaite légiférer seul, nous n’avons plus de raison d’être. Le Gouvernement a déjà pris cinquante-sept ordonnances ! Le Parlement lui a déjà accordé de proroger l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet inclus. Dépasser le cadre strict prévu par la loi me semble dangereux pour notre démocratie.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 5 rectifié bis est présenté par Mme N. Delattre, MM. Arnell, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde, M. Léonhardt, Mme Pantel et MM. Requier, Roux, Vall et Cazabonne.

L’amendement n° 13 rectifié ter est présenté par MM. Bonhomme et Mandelli, Mmes Lamure et Micouleau, M. Vogel, Mme Di Folco, MM. Pierre, Bonne et Gremillet, Mmes Billon et Vullien, M. Grosdidier, Mme de Cidrac, MM. Guené et Pellevat, Mme Sollogoub, MM. Brisson et Piednoir, Mme Duranton, M. Vial, Mmes Berthet, Lassarade et Malet, M. Kennel, Mme Bories, MM. de Nicolaÿ, Luche, Gilles et Dallier, Mmes Imbert et Lanfranchi Dorgal, MM. Mouiller, B. Fournier, Bouchet et Sido et Mmes Thomas et Canayer.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.… – À compter du 12 mars 2020 et pour une durée n’excédant pas six mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire déclaré en application de l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, pour la détermination de l’indemnité d’activité partielle mentionnée au II de l’article L. 5122-1 du code du travail au bénéfice des salariés des structures mentionnées au 3° de l’article L. 5132-4 du même code, les contrats de travail conclus en application du 3° de l’article L. 1242-2 dudit code, sont réputés avoir été conclus en application de contrats de mise à disposition sur la base d’un volume horaire calculé de la façon suivante :

a) Pour les salariés nouvellement inscrits dans l’association intermédiaire en mars 2020, selon une estimation du nombre d’heures qui auraient dû être réalisées ;

b) Selon les prévisions contractuelles quand un volume horaire était prévu dans le contrat de travail ;

c) Selon le nombre d’heures déclarées comme réalisées du plus favorable des trois derniers mois clos avant le début de l’état d’urgence sanitaire.

La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Dans la période de crise actuelle, le maintien des salariés en parcours d’insertion revêt un intérêt particulier pour éviter une exclusion durable du monde du travail en conservant un lien avec l’employeur, qui peut poursuivre son action d’accompagnement et de formation dans l’attente de la reprise d’activité.

Le Gouvernement a souhaité faire bénéficier l’ensemble des salariés de la mesure renforcée d’activité partielle afin de préserver l’emploi face à cette crise. Pour autant, en raison de particularités juridiques, les associations intermédiaires et les entreprises de travail temporaire d’insertion voient leur accès à cette mesure de soutien remis en cause en raison d’une insécurité juridique liée à la nature de leurs contrats d’insertion. Le présent amendement, proposé par Mme Delattre, vise donc à adapter l’accès à l’activité partielle à la particularité des contrats à durée déterminée d’usage d’insertion.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. François Bonhomme, pour présenter l’amendement n° 13 rectifié ter.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Le présent amendement vise à sécuriser l’accès à l’activité partielle compte tenu de la période particulière que nous vivons, en attendant – espérons-le – des jours meilleurs qui nous permettront de revenir à un dispositif moins exceptionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Les deux amendements suivants sont également identiques.

L’amendement n° 111 est présenté par Mme Taillé-Polian.

L’amendement n° 117 rectifié est présenté par MM. Capus, Malhuret, Menonville et Guerriau, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Wattebled, Bignon, Chasseing, Amiel, Fouché, Decool, Laufoaulu et A. Marc.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – À compter du 12 mars 2020 et pour une durée n’excédant pas six mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire, pour la détermination de l’indemnité d’activité partielle mentionnée au II de l’article L. 5122-1 du code du travail au bénéfice des salariés des structures mentionnées au 3° de l’article L. 5132-4 du même code, les contrats de travail conclus en application du 3° de l’article L. 1242-2 dudit code, sont réputés avoir été conclus en application de contrats de mise à disposition sur la base d’un volume horaire calculé de la façon suivante :

a) pour les salariés nouvellement inscrits dans l’association intermédiaire en mars 2020, selon une estimation du nombre d’heures qui auraient dû être réalisées ;

b) selon les prévisions contractuelles quand un volume horaire était prévu dans le contrat de travail ;

c) selon le nombre d’heures déclarées comme réalisées du plus favorable des trois derniers mois clos avant le début de l’état d’urgence sanitaire.

La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour présenter l’amendement n° 111.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Taillé-Polian

Le Gouvernement n’a plus qu’à piocher la bonne rédaction parmi ces différents amendements, qui visent tous à permettre que le secteur de l’insertion par l’activité économique bénéficie du chômage partiel. Cette mesure est réclamée sur toutes les travées.

En tant que rapporteurs spéciaux de la mission « Travail et emploi », mon collègue Emmanuel Capus et moi-même avons rédigé le même amendement. Quelle que soit la rédaction retenue, nous souhaitons que l’insertion par l’activité économique puisse bénéficier du chômage partiel. Cela nous semble une bonne chose compte tenu de la crise actuelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. Franck Menonville, pour présenter l’amendement n° 117 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Menonville

Comme vient de le dire notre collègue Sophie Taillé-Polian, ces deux amendements identiques ont été rédigés en commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L’amendement n° 183 rectifié bis, présenté par Mmes Létard et Vullien, MM. Delcros, Longeot, Henno, Janssens, Détraigne, Moga, Le Nay, Prince, Kern, Médevielle, Canevet, Cigolotti, Cadic et Capo-Canellas, Mmes Joissains, Vérien, Guidez, Vermeillet, Morin-Desailly, Perrot, Billon, Saint-Pé et Gatel et MM. Vanlerenberghe, Cazabonne, Lafon et L. Hervé, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. - Pour la détermination de l’indemnité d’activité partielle mentionnée au II de l’article L. 5122-1 du code du travail au bénéfice des salariés des structures mentionnées au 3° de l’article L. 5132-4 du même code, les contrats de travail conclus en application du 3° de l’article L. 1242-2 dudit code, sont réputés avoir été conclus en application de contrats de mise à disposition sur la base d’un volume horaire calculé de la façon suivante :

a) Pour les salariés nouvellement inscrits dans l’association intermédiaire en mars 2020, selon une estimation du nombre d’heures qui auraient dû être réalisées ;

b) Selon les prévisions contractuelles quand un volume horaire était prévu dans le contrat de travail ;

c) Selon le nombre d’heures déclarées comme réalisées du plus favorable des trois derniers mois clos avant le début de l’état d’urgence sanitaire.

La parole est à M. Michel Canevet.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Six de ces amendements en discussion commune visent à inscrire dans la loi le calcul de l’indemnité d’activité partielle pour les associations intermédiaires de l’insertion par l’activité économique, compte tenu de la spécificité de ces structures.

Ces amendements sont satisfaits par la pratique actuelle de la DGEFP, qui est précisée dans une simple foire aux questions du ministère du travail. Cependant, on voit mal pourquoi cette pratique ne serait pas sécurisée juridiquement.

Si tous ces amendements ont le même objet, certains ont une rédaction plus précise que d’autres. C’est pourquoi la commission a émis un avis favorable sur les amendements n° 5 rectifié bis, 13 rectifié ter, 111 et 117 rectifié et un avis défavorable sur les amendements n° 48 et 183 rectifié bis.

Quant à l’amendement n° 246, il vise à supprimer l’extension à six mois au-delà de l’état d’urgence sanitaire des assouplissements prévus par l’article. Compte tenu de l’incertitude actuelle, il est préférable d’accorder cette souplesse au Gouvernement. L’avis est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Conscient de la particularité du secteur de l’insertion, pour lequel il importe de garantir la continuité des parcours individuels et d’éviter toute rupture de prise en charge, le ministère du travail a très tôt indiqué la possibilité pour les structures d’insertion de renouveler à titre exceptionnel les CDDU arrivés à échéance.

Une inscription de cette dérogation dans la loi n’apparaît pas nécessaire, puisque, comme l’indiquait le rapporteur pour avis, elle se pratique déjà. Lorsqu’ils sont apparus justifiés et opportuns, les renouvellements ont eu lieu et ont garanti la continuité des parcours d’insertion.

Le niveau de norme choisi par l’administration paraît adapté pour mettre en œuvre avec souplesse cette dérogation exceptionnelle, tout en prémunissant les acteurs de tout risque lors des opérations de contrôle du recours à l’activité partielle.

Je demande donc le retrait de ces amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Taillé-Polian

Lorsqu’elle était présente en séance, Mme la ministre du travail a émis un avis favorable sur un amendement de Mme Robert qui procédait de la même logique, en indiquant que, même si l’écriture dans la loi du dispositif visé n’apparaissait pas nécessaire, rien n’empêchait de sécuriser ce qui se pratique déjà. Il serait bon que nous procédions à cette sécurisation demandée par les acteurs de l’insertion par l’activité économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Permettez-moi d’évoquer la pratique concernant notamment la reconduction des contrats dans le secteur de l’insertion.

Lorsqu’une situation particulière se présente, comme celle que nous vivons aujourd’hui, les acteurs de ce secteur dialoguent avec la Direccte, qui leur fait une réponse en fonction de la pertinence de la demande, mais, surtout, des budgets disponibles. Le système actuel ne permettant aucune lisibilité quant aux budgets complémentaires qui seront alloués, il n’est donc pas sécurisé.

Les structures d’insertion et tous les acteurs du monde économique et social se plaignent de ce manque de visibilité. Aucune consigne n’étant donnée concernant les budgets complémentaires, ces acteurs sont à la merci d’une décision ou d’une non-décision. C’est pourquoi il est fondamental et urgent de voter ces amendements.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Je mets aux voix les amendements identiques n° 5 rectifié bis et 13 rectifié ter.

Les amendements sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

En conséquence, les amendements n° 111, 117 rectifié et 183 rectifié bis n’ont plus d’objet.

Je mets aux voix l’article 1er bis A, modifié.

L ’ article 1 er bis A est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 239 rectifié bis, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Gréaume, Assassi, Prunaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 1er bis A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos est abrogée.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

L’ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 a ouvert des dérogations dangereuses au droit du travail en matière de congés payés et de jours de repos pour tous les secteurs, ainsi que des dérogations concernant la durée maximale du travail et le repos dominical.

Les entreprises n’ont pas attendu pour mettre en place ces dispositifs, y compris les grands groupes qui bénéficient déjà du chômage partiel et des aides financières de l’État. Je pense à Alstom, qui a imposé à ses salariés de poser avant fin avril onze jours de repos, dont cinq jours de congés payés. Ces salariés n’ont pas eu le choix de leurs jours de congé, qu’ils ont dû prendre pendant le confinement, ce qui, vous en conviendrez mes chers collègues, est loin d’être des vacances.

À la Société générale, un accord a obligé les salariés à poser dix jours de congés payés et de RTT entre mi-mars et fin mai. Chez BNP Paribas, la direction a imposé unilatéralement la prise de dix jours avant fin mai. Cette décision brutale a été extrêmement mal vécue par les salariés.

Certaines entreprises ont également imposé à leurs salariés de réduire ou de déplacer leurs congés d’été. Ainsi, chez PSA, un accord diminue de trois à deux semaines consécutives la durée minimale des congés estivaux. Cette remise en cause brutale des congés d’été est une double sanction pour les salariés, qu’ils aient été confinés ou qu’ils aient continué de travailler sans beaucoup de protection.

Par l’ordonnance de mars 2020, une brèche supplémentaire a été ouverte au socle des droits sociaux de notre pays. Le risque est de voir cette brèche maintenue au-delà du 31 décembre 2020.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous demandons l’abrogation de cette ordonnance.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L’amendement n° 204 rectifié, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Gréaume, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 1er bis A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les quatrième et cinquième alinéas du b du 1° du I de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 sont supprimés.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L’amendement n° 205 rectifié, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Gréaume, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 1er bis A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le sixième alinéa du b du 1° du I de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 est supprimé.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Ces trois amendements tendent à revenir sur les mesures d’urgence en matière de congés et de temps de travail.

L’amendement n° 239 rectifié bis vise à abroger l’ordonnance du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos, qui a été prise sur le fondement de la loi d’urgence du 23 mars.

Les mesures de cette ordonnance relatives à l’adaptation des règles de prise des congés payés ont donné lieu à de nombreux accords collectifs sans susciter d’opposition majeure. Elles permettent aux entreprises de s’organiser en vue de la reprise de l’activité économique. Supprimer ces mesures aujourd’hui poserait un problème de sécurité juridique.

Par ailleurs, les dérogations aux règles de durée de travail n’ont à ce jour donné lieu à aucun décret sectoriel. Aucune entreprise ne peut donc actuellement porter la durée quotidienne du travail à douze heures, par exemple, sans que l’administration ait son mot à dire. Conserver cette facilité pourrait toutefois se révéler utile dans certains secteurs stratégiques.

Les amendements n° 204 rectifié et 205 rectifié visent à supprimer des habilitations sur le fondement desquelles a été prise cette ordonnance pour permettre aux employeurs de déroger respectivement aux règles de prise de congés payés et de jours de repos et aux règles d’ordre public en matière de durée du travail.

L’avis sur ces trois amendements est défavorable.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

L’amendement n° 239 rectifié bis vise à abroger l’ordonnance du 25 mars 2020.

La faculté d’adapter la durée du travail, à la hausse ou à la baisse, selon les cas, permet aux entreprises de faire face aux difficultés économiques liées à la pandémie de Covid-19 et participe ainsi de l’aide indispensable au tissu économique et au maintien de l’emploi des salariés en entreprise.

L’ordonnance encadre le dispositif, qui ne concerne que six jours de congé et dix jours de repos au maximum, garantissant ainsi le maintien d’un repos minimum pour les salariés. Les partenaires sociaux se sont emparés de ce dispositif, comme l’a rappelé votre rapporteur pour avis. De nombreux accords de branches et d’entreprise ont déjà été signés. Le dispositif est donc jugé pertinent et adapté par les forces économiques et sociales sur le terrain.

J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° 239 rectifié bis, ainsi que sur les amendements n° 204 rectifié et 205 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Les réponses qui viennent de m’être faites par le rapporteur pour avis et par le ministre sont incroyables. En cette période de crise qui ébranle la société dans son entier, les salariés ont une grosse crainte concernant leur avenir : ils ont peur de perdre leur emploi. Nous savons que la secousse sera terrible. Or vous me répondez qu’il n’y a pas eu de vague, pas de protestation, et, fort de cet argument, vous proposez de continuer.

Les jours de repos et les congés payés ont été conquis par des luttes. En 2020, grâce à la modernisation de notre société, nous devrions travailler non pas 35 mais 32 heures, voire moins, car c’est possible !

Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Vous pouvez rire ! Pour vous, le jour d’après sera encore pire que celui d’avant. Dès qu’il s’agit de détériorer les conditions de travail des salariés, il y a consensus dans l’intérêt des entreprises. Mais le détricotage du code du travail n’a pas rendu l’économie plus florissante ! Dans cette crise terrible, ce ne sont pas les grands groupes qui engrangent des milliards qui trinquent, mais bien les salariés !

Cela ne semble gêner personne que, sous prétexte de crise sanitaire, les droits soient copieusement remis en cause par voie d’ordonnance. Je suis pourtant certaine, mes chers collègues, que, si l’on vous imposait de telles conditions, vous ne les accepteriez pas de si bonne grâce. Il y a deux poids, deux mesures !

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L’amendement n° 135 rectifié quater, présenté par M. Segouin, Mme Eustache-Brinio, MM. Vaspart, Brisson et B. Fournier, Mme Lavarde, M. Cuypers, Mme Chauvin, M. Danesi, Mme Deroche, M. Lefèvre, Mme de Cidrac, MM. Saury, Regnard et de Nicolaÿ, Mme Deromedi, MM. Bonne et Cambon, Mmes Di Folco et Dumas, MM. Milon, Frassa, Rapin et Piednoir, Mmes Thomas et Chain-Larché, MM. Vogel et Gilles, Mme Morhet-Richaud, MM. Gremillet et J.M. Boyer et Mmes Imbert et Berthet, est ainsi libellé :

Après l’article 1er bis A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Par dérogation aux titres II et IV du livre Ier de la troisième partie du code du travail et aux stipulations conventionnelles applicables dans l’entreprise, l’établissement ou la branche, un accord d’entreprise ou de branche peut autoriser l’employeur à imposer aux salariés placés en activité partielle bénéficiant du maintien intégral de leur rémunération sur le fondement de stipulations conventionnelles, d’affecter des jours de repos conventionnels ou une partie de leur congé annuel excédant vingt-quatre jours ouvrables, à un fonds de solidarité pour être monétisés en vue de compenser tout ou partie de la diminution de rémunération subie, le cas échéant, par les autres salariés placés en activité partielle.

II. – Par dérogation aux titres II et IV du livre Ier de la troisième partie du code du travail et aux stipulations conventionnelles applicables dans l’entreprise, l’établissement ou la branche, un accord d’entreprise ou de branche peut autoriser la monétisation, des jours de repos conventionnels ou d’une partie de leur congé annuel excédant vingt-quatre jours ouvrables, sur demande d’un salarié placé en activité partielle en vue de compenser tout ou partie de la diminution de rémunération qu’il a subie, le cas échéant.

III. – Les jours de repos conventionnels et de congé annuel mentionnés au I et II du présent article susceptibles d’être monétisés sont les jours acquis et non pris, qu’ils aient ou non été affectés à un compte épargne temps.

IV. – Les jours de repos conventionnels mentionnés aux I et II du présent article sont ceux prévus par un dispositif de réduction du temps de travail maintenu en vigueur en application de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, par un dispositif de jours de repos conventionnels mis en place dans le cadre des dispositions prévues aux articles L. 3121-41 à L. 3121-47 du code du travail, et ceux prévus par une convention de forfait conclue sur le fondement la section 5 du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la troisième partie du même code.

V. – Le nombre total de jours de repos conventionnels et de congé annuel pouvant être monétisés en application du I et du II ne peut excéder cinq jours par salarié.

VI. – Les I, II, III et IV s’appliquent à compter du 12 mars 2020 et jusqu’au 31 décembre 2020.

La parole est à M. Michel Vaspart.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaspart

Cet amendement, déposé par Vincent Segouin, a pour objet d’insérer dans le présent projet de loi une mesure permettant par accord collectif la mise en œuvre de deux mécanismes visant à compléter les revenus des salariés dans le cadre d’un placement en activité partielle.

Le premier mécanisme permet à l’employeur d’organiser une solidarité entre les salariés de l’entreprise de façon à monétiser les jours de repos et les jours de congés payés de ceux qui n’ont pas subi de perte de rémunération vers ceux qui ont vu leur rémunération diminuer du fait de leur placement en activité partielle.

Le second mécanisme, qui repose sur le volontariat des salariés, vise à permettre aux salariés qui ont subi une baisse de leur rémunération du fait de leur placement en activité partielle de compléter leurs revenus par la monétisation de jours de repos ou de jours de congés payés.

Dans les deux cas, seuls les jours de repos conventionnels et les jours de congés payés correspondant à la cinquième semaine peuvent faire l’objet d’une monétisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. L’idée de monétiser des jours de congé ou des jours de repos non pris pour maintenir la rémunération des salariés placés en activité partielle semble dans le contexte actuel très positive.

Mmes Laurence Cohen et Sophie Taillé-Polian s ’ esclaffent.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Ce mécanisme fonctionnerait, soit sur l’initiative de l’employeur via un fonds de solidarité, soit sur demande du salarié concerné. Il pourrait trouver à s’appliquer dans de nombreuses entreprises dans lesquelles l’indemnisation de l’activité partielle est variable selon les catégories de salariés.

Le dispositif de fonds de solidarité pourrait être imposé par l’employeur, mais il serait conditionné à la conclusion d’un accord d’entreprise, ce qui constitue une garantie qui nous paraît suffisante. Le droit actuel a déjà permis à de nombreuses entreprises de conclure des accords innovants pour faire face aux conséquences de l’épidémie. Cet amendement peut leur permettre d’aller plus loin. L’avis est donc favorable.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

En cette période où une partie des salariés placés en activité partielle subit des pertes de revenus, cet amendement vise à faciliter les solidarités au sein de l’entreprise.

Le Gouvernement est favorable aux deux mesures proposées, qui permettent l’une et l’autre le maintien de la rémunération des salariés en activité partielle.

La mise en place d’un fonds de solidarité par accord collectif permettra aux partenaires sociaux de déterminer les conditions de mise en œuvre du mécanisme les mieux adaptées à l’entreprise.

La monétisation des jours de repos et exceptionnellement de la cinquième semaine de congés payés, dans le respect des engagements européens, qui prévoient que les quatre premières semaines de congés payés sont prises sous forme de repos, offrira également une souplesse aux salariés en activité partielle qui souhaitent compléter leur rémunération.

L’avis est donc favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Taillé-Polian

Devant un tel élan de générosité, je regrette de ne pas avoir déposé un amendement tendant à permettre aux dirigeants d’entreprise dont le salaire s’élève à un certain nombre de fois le SMIC de faire un don à leur entreprise pour aider les salariés. Vous l’auriez certainement tous accepté, n’est-ce pas ?…

On demande toujours aux mêmes de payer ! Nous en avons ri, avec ma collègue Laurence Cohen, tellement c’est ubuesque. La souplesse, c’est formidable, mais c’est toujours pour les mêmes ! On incite toujours à la grande générosité des autres, c’est-à-dire des salariés. Pensons plutôt à une autre répartition des richesses et sortons de cet état d’esprit.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Évitons que le jour d’après ne soit pire que le jour d’avant !

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er bis A.

(Non modifié)

Afin de faire face aux conséquences des mesures prises pour limiter la propagation de l’épidémie de covid-19, les fédérations sportives délégataires et les ligues professionnelles constituées en application de l’article L. 132-1 du code du sport peuvent prendre, à compter de la déclaration de l’état d’urgence sanitaire et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2020, toute mesure ou décision visant à :

1° Adapter les règles édictées, notamment en application des 1° à 3° de l’article L.131-16 du même code, pour les compétitions sportives qu’elles organisent et à l’issue desquelles sont délivrés les titres nationaux, régionaux ou départementaux ;

2° Adapter les règles et critères leur permettant de procéder aux sélections correspondantes.

Ces mesures peuvent être prises par les instances dirigeantes de la fédération sportive délégataire ou, le cas échéant, de la ligue professionnelle, dans le respect de leurs dispositions statutaires. Ces instances peuvent prévoir qu’elles sont d’application immédiate ou rétroactive.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Kern

Je souhaite revenir sur la décision, annoncée à l’occasion de la présentation de la stratégie nationale de déconfinement du 28 avril dernier, d’arrêter la saison 2019-2020 pour les sports professionnels, notamment pour le football.

Pourquoi avoir pris une décision aussi rapide, sans aucun échange avec les acteurs concernés ? Pourquoi des pays européens qui ont un championnat de football majeur, tels que l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne, ont-ils au contraire décidé de reprendre ? Pourquoi ne pas avoir attendu de connaître l’évolution de la situation sanitaire fin mai ? Au regard des informations dont nous disposons et de l’évolution de la situation sanitaire, d’autres schémas de reprise auraient pu être imaginés.

L’ampleur de la situation incite certes à la prudence et nécessite des prises de décisions rapides. Toutefois, cette décision est désormais lourde de conséquences à long terme et risque d’affaiblir un peu plus la place du sport, particulièrement du football français sur la scène européenne et de le rendre ainsi plus vulnérable face à la concurrence des grands championnats voisins.

Les enjeux sont multiples, notamment économiques. La perte est estimée à plus de 700 millions d’euros. Cette décision provoque donc une certaine incompréhension, d’autant plus que plusieurs pays européens ont fait des choix radicalement différents.

Un sportif de haut niveau a besoin de cinq à six semaines d’entraînement intensif pour être en forme physiquement. Par ailleurs, pour éviter une chute trop brutale du nombre de licenciés, il faut travailler sur des protocoles de reprise par discipline. Permettre à nos jeunes de pratiquer leur activité sportive favorite nous évitera d’assister à des organisations sauvages regroupant illégalement des centaines de personnes comme on a pu le voir ce week-end.

Pour en revenir à l’économie du sport, si le plan Tourisme dévoilé par le Premier ministre le 14 mai dernier comprend un certain nombre de mesures utiles et bienvenues à la préservation de la filière sport, celles-ci doivent cependant être renforcées pour éviter qu’un trop grand nombre de clubs ne soient menacés.

Madame la ministre, merci de nous apporter une réponse claire pour rassurer tous les sportifs, …

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Kern

… les nombreux dirigeants et bénévoles des 360 000 clubs, les 112 000 entreprises du sport et leurs 448 000 salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L’amendement n° 62 rectifié bis, présenté par MM. Kanner, Kerrouche et Marie, Mme Lubin, MM. P. Joly, Sueur et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daudigny, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes de la Gontrie, Grelet-Certenais, Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, M. Jomier, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mmes Meunier et Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Roger, Mme Rossignol, M. Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe, M. Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Pendant la période de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 et pour faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie de covid-19 et répondre aux demandes de mesures prises pour limiter cette propagation, les fédérations sportives mentionnées au chapitre Ier du titre III du livre Ier du code du sport et des ligues professionnelles mentionnées au chapitre II du titre III du livre Ier du même code sont autorisées à procéder à la modification de la réglementation, de la durée et de l’organisation des compétitions et des saisons sportives 2019/2020 et 2020/2021, à compter du 12 mars 2020.

La parole est à M. Patrick Kanner.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

À la suite de la suppression par l’Assemblée nationale d’une partie de l’ordonnance prévue au i du 2° du I de l’article 1er, le présent amendement a pour objet de combler un vide juridique, en donnant une base légale aux décisions d’annulation des compétitions et d’arrêt des saisons sportives prises par les fédérations.

Alors que la crise a déjà beaucoup fragilisé les ligues et les fédérations, cet amendement vise à les protéger des conséquences juridiques et financières – j’y reviendrai lors de la présentation d’un prochain amendement – de la décision brutale prise le 28 avril par le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

J’entends vos arguments, monsieur le président Kanner. Il me semble toutefois que l’article 1er bis B du projet de loi satisfait déjà votre demande. Je vous invite donc à retirer votre amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu

On ne peut que partager les objectifs visés au travers de cet amendement, mais la rédaction actuelle de l’article 1er bis B sécurise déjà les décisions des fédérations et des ligues professionnelles pour les compétitions des saisons 2019-2020 et 2020-2021.

De plus, sachez que cette rédaction a été élaborée en concertation avec les acteurs du sport et qu’elle apporte des précisions supplémentaires par rapport à la proposition que vous faites, puisqu’elle intègre une modification des règles spécifiques aux manifestations de sport amateur et des règles sur les conditions administratives et financières des clubs.

Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Je suis très heureux de la réponse de Mme la ministre. Puisque cet amendement est satisfait par un texte plus complet, je le retire avec plaisir.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L’amendement n° 62 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 84 rectifié quater, présenté par MM. Kern, Lozach, Savin et Rambaud, Mme Jouve, MM. Karam et Laugier, Mme Duranton, MM. Gabouty, Janssens, Vaspart, Prince et Danesi, Mme Lavarde, MM. Regnard, Détraigne, Todeschini et Delcros, Mme Sollogoub, M. Chasseing, Mme Joissains, MM. Moga, Frassa, Reichardt, Mizzon, Lefèvre et de Nicolaÿ, Mmes Saint-Pé et Mélot, MM. Lagourgue et Louault, Mmes N. Delattre et Billon, MM. Grosperrin, Henno, Dufaut et Gremillet, Mme Férat, MM. Bouchet et Kennel, Mmes Goy-Chavent et Gatel, MM. Pointereau, Vogel, Chatillon, Wattebled et P. Martin, Mme C. Fournier et M. L. Hervé, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer les mots :

et à l’issue desquelles sont délivrés les titres nationaux, régionaux ou départementaux

La parole est à M. Claude Kern.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Kern

Cet amendement vise à ne pas limiter le champ d’application du présent article aux seules compétitions délivrant des titres, afin d’intégrer notamment des épreuves qualificatives ou de classement.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Mon cher collègue, la rédaction que vous proposez n’indique pas précisément ce que vous venez d’exposer. En réalité, vous supprimez toute précision. J’avoue ne pas bien saisir les enjeux de votre amendement, qui est beaucoup trop large. J’attends donc avec intérêt l’avis de Mme la ministre des sports. Pour l’heure, je m’en remets à la sagesse du Sénat.

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu

Il s’agit d’un amendement d’ajustement, qui est porté par plusieurs sénateurs qui suivent les questions relatives au sport. La rédaction proposée permettra d’appliquer le dispositif à l’ensemble des compétitions organisées par les fédérations délégataires et les ligues professionnelles, et non simplement à celles à l’issue desquelles sont délivrés des titres de champion. Ce point avait été évoqué lors de la concertation sur le sujet. Cette précision est la bienvenue. Nous y sommes donc favorables.

Je tiens par ailleurs à insister sur l’intérêt majeur de l’article 1er bis B pour le secteur du sport.

Au regard de la situation exceptionnelle que nous vivons, nos fédérations et nos ligues ont été contraintes de mettre un terme définitif à leurs compétitions sportives pour la saison 2019-2020. Environ un tiers des rencontres et des matches qui restaient encore à disputer ont donc été annulés. Au niveau amateur comme professionnel, les ligues et les fédérations ont dû prendre des décisions sur la fin des championnats et sur les dates ou sur les conditions d’accession ou de relégation entre deux divisions, avec des conséquences sportives qui n’ont évidemment pas satisfait tous les clubs, mais aussi des conséquences financières, les financements étant attribués en fonction des classements et du niveau des compétitions.

Ces décisions n’ont pas été faciles à prendre, d’autant que les fédérations ont dû statuer un peu dans l’urgence, sans cadre juridique adapté ni règles prévues d’avance. C’est pourquoi l’objectif de cet article est de sécuriser ces décisions imposées par la crise sanitaire et leurs conséquences pour les fédérations et les ligues.

Je souhaite également lever une ambiguïté, soulevée lors du débat à l’Assemblée nationale, concernant les décisions que les fédérations et les ligues professionnelles pourraient prendre au titre de la saison 2020-2021 et jusqu’au 31 décembre 2020.

Le texte prévoit que leurs instances dirigeantes auront la possibilité de tirer les conséquences d’éventuels forfaits des clubs dans les poules qui seront constituées en début de saison, de tels forfaits pouvant impacter les règles de repêchage ou le format des championnats. En effet, à ce stade, plusieurs clubs, notamment de niveau intermédiaire, sont encore dans l’incertitude quant aux conditions dans lesquelles ils pourront débuter la saison prochaine.

Nous souhaitons laisser la possibilité aux fédérations et aux ligues d’ajuster ces règles en début de saison dans le respect de leur cadre statutaire. La reprise en sera plus simple, et les conséquences, y compris financières, pour les clubs – je ne parle pas là évidemment que du football – en seront moins importantes.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L’amendement n° 242 rectifié bis, présenté par MM. Savin et Buffet, Mmes Di Folco et Lamure, M. Forissier, Mme Procaccia, MM. Charon et Brisson, Mme Lopez, M. Dufaut, Mme Duranton, MM. Vanlerenberghe, Henno et Grosperrin, Mmes Billon et Mélot, MM. Lagourgue et Genest, Mmes Dumas et Deromedi, MM. Wattebled, Longeot, Milon, Rapin et Laugier, Mme Vermeillet, M. Bonne, Mme Chauvin, MM. Houpert, Chatillon et Canevet, Mmes M. Mercier et Gruny, MM. de Nicolaÿ et Mouiller, Mme Morhet-Richaud, MM. B. Fournier et Fouché, Mmes Imbert, de Cidrac et Puissat, MM. Roux, Gremillet, Segouin, Pierre, Chasseing et Moga, Mmes Thomas, Chain-Larché, Noël et Guidez, MM. Danesi et Lefèvre, Mme Goy-Chavent, MM. Mandelli, Bouchet, D. Laurent, Détraigne et Panunzi, Mme Vérien, MM. Théophile, Frassa, Sol, Vaspart, Longuet, Kennel, Dallier, Pointereau, Calvet, Vogel et Decool et Mmes Micouleau et Deseyne, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

Les fédérations sportives délégataires et les ligues professionnelles peuvent décider de reprendre les compétitions professionnelles afin d’achever la saison 2019-2020, si la situation sanitaire le permet et après avis du comité de scientifiques prévu à l’article L. 3131-19 du code de la santé publique.

Elles définissent pour ce faire, sous leur responsabilité, et en accord avec l’État, un protocole sanitaire adapté à la reprise des compétitions qui détermine les conditions dans lesquelles les sportifs, les personnels nécessaires et le public peuvent participer à ces compétitions.

La parole est à M. Michel Savin.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

Depuis l’annonce du 28 avril dernier du Premier ministre de l’arrêt des championnats professionnels, nous sommes nombreux à nous interroger sur la décision qui a été prise.

Quelles sont les raisons qui ont poussé le Gouvernement à faire le choix d’arrêter totalement les compétitions professionnelles ? Pourquoi avoir pris une décision aussi rapide, sans aucun échange avec les acteurs concernés ? Pourquoi ne pas avoir attendu, comme l’ont fait d’autres pays européens, de connaître l’évolution de la situation sanitaire fin mai ?

La situation incite à la prudence et nécessite des décisions rapides. Nous vous avons interrogée en ce sens, madame la ministre, mais de nombreuses questions restent en suspens.

Le sens de mon amendement est clair : il vise à donner la possibilité d’envisager une reprise de la saison actuelle, sous réserve bien sûr d’un avis du comité de scientifiques ainsi que d’un protocole sanitaire adapté.

Rien n’est imposé à personne, et le pouvoir reste tout entier dans les mains des ligues et des fédérations, dont les décisions sont sécurisées par l’article 1er bis B du projet de loi.

Si, dans quelque temps, en pleine crise économique et sociale, on nous demande de voter des aides de l’État – c’est-à-dire des contribuables – d’un montant de plusieurs centaines de millions d’euros pour sauver le foot français, je veux être sûr et certain que les bonnes décisions auront été prises au bon moment et par les bonnes personnes.

Cet amendement vise simplement à donner aux acteurs la possibilité de revoir les choses s’ils le souhaitent au regard de la situation actuelle et en toute transparence.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Cet amendement me semble s’adresser essentiellement au Gouvernement, afin d’obtenir un certain nombre d’explications. Je les attends moi aussi avec impatience. Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu

Monsieur le sénateur, je partage votre souhait d’une reprise rapide des championnats, afin de protéger les intérêts économiques de nos clubs, à condition que les règles sanitaires soient respectées pour protéger la santé des joueurs. Je suis tout à fait d’accord pour soutenir la reprise de la saison 2019-2020 au niveau européen pour les deux clubs qui vont représenter la France en Champions League au mois d’août prochain.

Il va falloir mettre en place les conditions d’une reprise des activités sportives en groupe et des compétitions, en mode dégradé peut-être, c’est-à-dire avec moins de supporters, et ce avant un retour progressif à la normale, on l’espère, dès le mois d’août.

La proposition que le Premier ministre et moi-même avons faite d’arrêter la saison 2019-2020 répondait à une demande des instances. Je ne peux donc pas vous laisser dire qu’il n’y a pas eu de concertation. En tant que ministre, j’ai vocation à parler avec Mme Boy de la Tour, présidente de la Ligue professionnelle de football, avec M. Le Graët, président de la Fédération française de football, mais pas avec les présidents des clubs, même si, évidemment, je les rencontre à d’autres occasions.

C’est bien sûr dans l’intérêt général du football qu’a été évoquée la possibilité d’une reprise du championnat 2019-2020 le 13 juin et d’une fin le 3 août. Nous n’avons fait que répondre aux demandes, après de nombreuses concertations organisées avec l’ensemble des acteurs, y compris les ligues professionnelles et les syndicats de joueurs, qui ont bien sûr été entendus.

Si la compétition doit reprendre au mois d’août, il est clair que les décisions prises par ces instances l’auront été dans l’intérêt général du football. La Ligue, en signant un contrat avec un nouveau diffuseur pour la saison 2020-2021, a cherché à donner des assurances solides à l’ensemble des acteurs du football professionnel, mais aussi à ceux du football amateur, en leur faisant bénéficier d’une manne financière importante, dont ils ont besoin. C’est ce contrat que les instances désiraient sécuriser : elles ne voulaient plus d’un argent qui n’aurait profité qu’à un petit nombre de clubs, sur lequel elles n’auraient eu aucune garantie, et dont le versement aurait pu, comme aujourd’hui pour le championnat 2019-2020, être suspendu par le diffuseur.

Aujourd’hui, je pense que ces considérants n’ont rien à faire dans la loi : c’est au mouvement sportif d’en décider. Ce que nous faisons dans cette loi, c’est de sécuriser les décisions des instances, et non de prendre les décisions à leur place, que ce soit au sujet du déroulement des championnats ou de l’arrêt ou non des compétitions. Les décisions ont été prises de manière démocratique par les instances, et je crois qu’il est de mon devoir, comme du vôtre, de les pérenniser : il est important que les personnes en place, élues selon un processus démocratique, puissent prendre des décisions en toute responsabilité.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

Tout d’abord, madame la ministre, si je vous entends bien, vous êtes d’accord pour soutenir la reprise des compétitions au niveau européen, mais pas au niveau français. C’est un peu surprenant.

Ensuite, il n’est pas question que nous nous immiscions dans les décisions des ligues et des fédérations. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle mon amendement tend à donner la possibilité à ces instances de débattre en interne et de choisir si elles veulent ou non redémarrer les compétitions. Je n’impose rien !

Aujourd’hui, on se focalise sur une ligue qui mobilise l’attention : la Ligue professionnelle de football. On sait que, derrière ce sport, ce sont des millions d’euros qui sont en jeu. Personnellement, je n’ai pas envie que l’argent public serve demain à renflouer le football professionnel – je le dis clairement –, surtout s’il existe d’autres solutions.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

Actuellement, à cause de l’arrêt du championnat, les droits de diffusion ne sont plus versés à la Ligue professionnelle de football. Je ne dis pas que cela pourrait entraîner un arrêt définitif du championnat, mais a-t-on réellement étudié toutes les possibilités pour minimiser l’impact économique de cet événement, qui va peser lourd ?

Les recettes des championnats des autres sports professionnels reposent essentiellement sur la billetterie et le partenariat. Ils ont très peu ou pas de recettes issues des droits télévisés ; ils ne sont donc pas dans la même situation.

Le football disposait, quant à lui, d’une manne financière importante. Or les diffuseurs ont décidé de ne plus verser ces sommes, parce que le championnat s’est arrêté. Je crains – on verra dans quelques semaines si j’ai raison – qu’on ne nous sollicite bientôt collectivement, État et collectivités locales, pour soutenir le football professionnel. C’est pourquoi je propose de nouveau d’offrir aux ligues et aux fédérations la possibilité de décider librement et démocratiquement l’éventuelle reprise des compétitions.

J’aurais retiré mon amendement si vous m’aviez dit que vous proposeriez pour le championnat français ce que vous proposez pour le championnat européen. Dommage…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Le sport professionnel est au point mort depuis le 17 mars dernier. Le 28 avril, le Premier ministre aurait pu annoncer qu’il suspendait les compétitions dans l’attente d’une évolution de l’épidémie et de propositions du conseil scientifique, qui, dans cette affaire, n’est manifestement que purement décoratif. Or, comme l’ont dit nos collègues de la majorité sénatoriale ici présents, la décision a été prise d’arrêter l’ensemble des championnats de manière brutale, autoritaire et inconsidérée. C’est regrettable, parce que, aujourd’hui, nos concitoyens n’ont pas d’autre choix que de suivre la Bundesliga à la télévision et, bientôt, les ligues italienne et portugaise.

Si, dans le domaine du sport professionnel, la France est au point mort, vous en portez la responsabilité, madame la ministre. Il faudra l’assumer : c’est un choix que nous paierons cher dans les compétitions à venir !

Dans ces circonstances, la réponse apportée par la majorité sénatoriale consiste à dire qu’il faut tout arrêter et permettre aux fédérations de se remobiliser, autant que de besoin. Nous voterons à contrecœur contre cet amendement, car il est malheureusement déjà trop tard. Comme l’avait fait le CNO, les fédérations nous écrivent aujourd’hui que l’on ne peut plus revenir en arrière et que l’on est dans la seringue. Cette seringue, c’est vous qui l’avez créée, madame la ministre, jusqu’à atteindre un résultat déplorable pour notre pays sur le plan sportif. Vous en porterez la responsabilité devant les 17 millions de nos concitoyens licenciés, les 17 millions de Français qui pratiquent un sport sans être licenciés, tous ceux qui aiment le sport et qui aiment regarder le sport français à la télévision.

En votant contre cet amendement, nous vous ferons peut-être plaisir, madame la ministre, mais nous agissons en conscience, non pour cautionner votre mauvaise décision, mais pour que vous assumiez vos responsabilités.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. François-Noël Buffet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Je veux ajouter à ce que notre collègue Savin a brillamment exposé, mais aussi aux propos du président Kanner, même si je ne partage pas sa conclusion, que la décision du Gouvernement était, me semble-t-il, hâtive. Bien que j’en comprenne les ressorts, en raison des circonstances, cette décision a été prise de façon définitive sans laisser aucune chance de reprise au championnat de France de Ligue 1 dans la période qui s’ouvre.

Le présent amendement a pour objet de trouver une solution permettant cette reprise. Nous voyons que les championnats étrangers recommencent et que la France, pourtant titrée à deux reprises au plan mondial, est à l’arrêt.

Toutes les décisions prises par le Gouvernement l’ont été sur le fondement d’un avis donné par le conseil scientifique – nous le savons, et nous le comprenons d’ailleurs –, sauf en la circonstance. Pourquoi ne pas permettre aux fédérations de consulter ce conseil, dont l’avis pourrait ne pas varier, mais qui pourrait aussi changer et ainsi faciliter, dans des conditions sanitaires parfaites, une reprise du championnat. Cela contribuerait à donner à ce championnat la fin qu’il mérite.

Sportivement, les choses se feront naturellement. Économiquement, il existe un intérêt évident à ce que le championnat reprenne, car il y a des emplois en jeu dans le monde du football. Prêter de l’argent aux clubs et leur garantir des emprunts signifie qu’ils pourront peut-être passer cette période, mais aussi qu’ils devront rembourser cet argent.

Au moment où on nous demande d’aller voter le 28 juin prochain – sans que l’on puisse faire campagne d’ailleurs : pas de réunions publiques, de tractage, ni de marchés –, au moment où on nous annonce – et c’est heureux – un retour aux terrasses des cafés à partir du 3 juin, la réouverture des cinémas et des théâtres, ainsi que la possibilité de partir en vacances à compter du mois de juillet, au moment où on nous dit que les choses s’arrangent finalement, on constate que le Gouvernement a fait un choix définitif et trop hâtif. Rien ne l’y obligeait pourtant – je ne vais pas entrer dans le détail.

Il ne faudrait pas laisser passer cette chance. Avec cet amendement, c’est finalement une possibilité qui est offerte aux instances, qui décideront de s’en emparer ou pas. Laissez la porte ouverte à cette possibilité !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Kern

J’étais assez tenté de suivre Michel Savin, mais, finalement, je partage la même position que M. Kanner : je crois que l’on ne peut pas revenir en arrière. Aujourd’hui, beaucoup de clubs ont pris acte d’une décision qui, il est vrai, a été brutale. Je pense que ce n’était pas au Premier ministre de faire cette annonce, mais à chaque ligue. Il aurait effectivement pu fixer une orientation sans arrêter de choix.

Aujourd’hui, je le répète, je crois que l’on ne peut plus revenir en arrière. Aussi ne voterai-je malheureusement pas cet amendement.

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu

Évidemment, monsieur Kanner, que j’assume cette décision d’avoir protégé la santé de nos athlètes, comme celle de tout citoyen français. Les athlètes ont eu à se confiner chez eux comme l’ensemble des Français. Du coup, ils ont perdu en qualités physiques, en capacité d’entraînement. Ils doivent revenir progressivement à la compétition.

Même si nous espérons tous la réouverture des stades et des équipements sportifs, on ne peut pas faire une telle annonce du jour au lendemain. On ne peut pas dire le 3 juin : ça y est, les sportifs ressortent et les événements vont pouvoir reprendre. Vous le savez, vous avez été ministre des sports, du moins ministre de la ville exerçant sa tutelle sur un secrétariat d’État aux sports, …

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Ministre de la ville, de la jeunesse et des sports !

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu

… il y a des sportifs derrière les événements sportifs. Il faut respecter le processus de montée en puissance de ces sportifs lors des entraînements.

Il faut aussi que les activités sportives reprennent en groupe. Or les sportifs n’ont pas encore accès aux tests. Certains clubs ont certes pris des initiatives, mais celles-ci ne s’inscrivent pas dans la philosophie défendue par le Gouvernement en matière d’utilisation des tests. Il est pourtant indispensable que les sportifs soient en sécurité pour la reprise de l’entraînement en groupe. Par ailleurs, je le répète, ces athlètes ont besoin d’un certain nombre de semaines pour s’entraîner ensemble avant que les compétitions ne puissent reprendre.

Monsieur Savin, nous militons tous pour que les compétitions redémarrent en France aussi, dès le mois d’août. Simplement, ce que vous évoquez, c’est une reprise du championnat 2019-2020, et non le début de la saison 2020-2021. À vos arguments, qui sont d’ordre économique, puisque vous vous demandez si la France est prête à assumer le fait que l’on soutienne des clubs professionnels, je réponds : oui, évidemment !

J’assume aussi le fait qu’on ait aidé les clubs professionnels, qu’on les ait considérés comme des entreprises qui cotisent tout au long de l’année. D’ailleurs, en calculant ces cotisations, on s’aperçoit qu’il était tout à fait normal que les clubs bénéficient du chômage partiel, qu’ils puissent avoir accès aux PGE. La Ligue professionnelle de football a d’ailleurs bénéficié d’un prêt garanti par l’État qu’elle pourra rembourser dès le mois d’août grâce au contrat qui la lie au diffuseur de la nouvelle saison. C’est ce raisonnement qui a été tenu.

Monsieur le sénateur, ces considérants ont bien sûr été pris en compte. La décision du Premier ministre, la mienne ensuite ont évidemment été prises en concertation avec les instances, sous l’autorité du Haut Conseil de la santé publique. Nous n’avons pas décidé dans notre coin, sans consulter personne. Vous avez dû voir tous les guides que le ministère des sports a publiés : ils sont élaborés avec les fédérations et le Haut Conseil de la santé publique.

On ne peut pas se passer de l’avis des scientifiques, parce que nos deux priorités sont la santé des joueurs et la reprise progressive des activités sportives, qui ont subi un grave choc économique à cause de la crise sanitaire. On a envie que ces activités reprennent le plus rapidement possible, mais pas à n’importe quel prix.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

Madame la ministre, personne dans cet hémicycle, me semble-t-il, n’a reproché au Gouvernement les mesures qu’il a prises concernant le confinement. Nous avons été tout à fait responsables. C’est le déconfinement que vise l’amendement de Michel Savin.

Je ne comprends pas que vous ne laissiez pas aux instances le choix de reprendre les compétitions. Finalement, vous ne faites pas confiance au mouvement sportif pour mettre fin ou non aux championnats, selon des règles et des possibilités propres à chaque activité sportive.

Il faut quand même faire attention à ne pas mettre en péril ces activités. On a beaucoup parlé de football. Je vais me permettre de parler d’un sport qui résonne davantage avec l’accent du sud-ouest.

La survie du Top 14 est en jeu si vous ne montrez pas davantage de souplesse et si vous ne faites pas davantage confiance aux responsables du rugby, confrontés à de graves difficultés. J’entendais récemment le président d’un club de rugby de mon département, la section paloise, dire que, dans le cadre actuel, son équipe ne pourrait jouer que trois matches et pas davantage. Un véritable péril plane sur un sport qui ne bénéficie pas des mêmes droits de télévision que le football.

Si vous ne vous adaptez pas aux réalités de chaque ligue et de chaque fédération, l’avenir du sport en France est en grand péril : faites confiance au mouvement sportif ! En ce qui me concerne, j’espère que Michel Savin maintiendra son amendement, car je veux le voter.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L’amendement n° 243 rectifié, présenté par MM. Savin et Kern, Mme Procaccia, MM. Charon et Brisson, Mme Lopez, M. Dufaut, Mme Duranton, MM. Vanlerenberghe, Henno et Grosperrin, Mmes Billon et Mélot, MM. Lagourgue et Genest, Mmes Dumas et Deromedi, MM. Wattebled, Longeot, Milon, Rapin et Laugier, Mme Vermeillet, M. Bonne, Mme Chauvin, MM. Houpert, Chatillon et Canevet, Mmes M. Mercier et Gruny, MM. de Nicolaÿ et Mouiller, Mmes Di Folco et Morhet-Richaud, M. B. Fournier, Mme Lamure, M. Fouché, Mmes Imbert, de Cidrac et Puissat, MM. Roux, Gremillet, Pierre et Moga, Mmes Thomas, Chain-Larché, Jouve, Noël et Guidez, MM. Danesi et Lefèvre, Mme Goy-Chavent, MM. Mandelli, Bascher, Bouchet, D. Laurent, Détraigne et Panunzi, Mme Vérien, M. Théophile, Mme Berthet, MM. Forissier, Frassa, Sol, Vaspart, Longuet, Kennel, Dallier, Pointereau, Calvet, Vogel et Decool et Mmes Micouleau et Deseyne, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

Au plus tard le 30 juin 2020, le comité de scientifiques prévu à l’article L. 3131-19 du code de la santé publique remet un avis sur les risques sanitaires attachés à la reprise des compétitions sportives professionnelles et amateurs pour la saison sportive 2020/2021.

Le comité de scientifiques examine également les risques sanitaires et les précautions à prendre pour l’organisation matérielle des compétitions et l’accueil du public.

La parole est à M. Michel Savin.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

Cet amendement prolonge l’intervention que vient de faire à l’instant Max Brisson. Il tend à prévoir, au plus tard le 30 juin, la remise d’un avis du comité de scientifiques sur la reprise des compétitions sportives tant professionnelles qu’amateurs, afin d’envisager sereinement le cadre dans lequel cette reprise pourrait se dérouler.

Certaines ligues ou fédérations ont d’ores et déjà annoncé des dates de reprise pour leurs championnats. C’est une bonne chose, mais sur quels fondements ces annonces reposent-elles ? Je n’ai pas entendu parler d’un quelconque avis scientifique sur le sujet, ce qui, au regard de l’enjeu, me semble très important.

L’avis du comité de scientifiques concernera également l’accueil du public dans les enceintes sportives. Le public est un élément central en termes d’ambiance dans les stades, bien sûr, mais également en termes économiques, notamment pour toutes les fédérations et ligues qui ne bénéficient pas ou de très peu de droits de diffusion – je pense aussi au sport féminin. On ne pourrait que regretter que la saison 2020-2021 se joue à huis clos ; mais si les conditions sanitaires l’exigent, nous devrons nous y plier.

Depuis plusieurs jours, les représentants de certaines disciplines font état des très graves difficultés que provoquerait le déroulement des compétitions à huis clos, du fait d’un modèle économique fondé essentiellement sur la billetterie. C’est pourquoi, au regard des enjeux sanitaires et économiques, il me semble déterminant que les décisions du Gouvernement en la matière fassent l’objet d’une véritable analyse scientifique et d’une véritable concertation avec les acteurs concernés.

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu

Je veux encore une fois vous rassurer sur le fait que nous consultons les acteurs semaine après semaine et même jour après jour : les fédérations nous proposent des guides, que nous validons avec le HCSP. Je suis devenue leur meilleure amie, je les connais par cœur ! Chaque décision que je prends est aujourd’hui entérinée par le HCSP.

Ce sont bien entendu les scientifiques qui donneront leur avis. Je serai même encore plus optimiste que vous : dès le 2 juin, les annonces concernant la réouverture des équipements sportifs seront faites en concertation avec les fédérations, les ligues professionnelles, les clubs professionnels de tous les sports et, évidemment, le Haut Conseil de la santé publique. Avant le 30 juin, nous aurons donc un avis de ce Haut Conseil ; nous recueillerons aussi l’avis de tous ces intervenants pour que les compétitions puissent redémarrer.

Comme vous l’avez dit, les activités reprendront dans des conditions dégradées, parce que l’on ne pourra pas tout de suite remplir les stades comme avant. Progressivement, nous essaierons de tendre vers ce chiffre de 4 999 personnes présentes dans une même enceinte, parce que, dans un stade de football, il est possible de gérer les flux, de suivre le parcours des spectateurs, depuis leur domicile jusqu’au moment où ils s’assoient dans l’enceinte sportive.

Notre objectif, c’est la reprise des compétitions. Nous savons bien que de nombreuses entreprises travaillant dans le secteur événementiel sont gravement touchées par la crise sanitaire et que l’activité doit être relancée, mais nous redémarrerons selon les capacités qui sont les nôtres et en fonction de ce que nous imposera le HCSP. Il faudra veiller attentivement à la santé des uns et des autres et favoriser une reprise progressive de l’activité compte tenu du risque de transmission du virus lors de ces événements, qui rassemblent du monde.

Quant à la reprise du championnat 2020-2021, je vous l’ai dit, c’est notre objectif, ainsi que celui des instances fédérales et professionnelles, d’une part, parce qu’elle conditionne la signature d’un contrat économique primordial – on croise tous les doigts pour ce contrat puisse être honoré comme il se doit – et, d’autre part, parce que ce contrat contribue aussi à financer le sport amateur. Je sais que vous êtes attentif à la survie des associations du sport amateur, du football amateur en particulier, qui bénéficieront d’un pourcentage non négligeable des sommes perçues en vertu de ce contrat.

La reprise de la saison 2020-2021 est notre priorité, mais, encore une fois, elle ne se fera pas à n’importe quel prix : nous ne voulons pas mettre en danger la santé des supporters, qui ont évidemment envie de revenir dans les stades. Je sais aussi que le public a envie de revoir du football ou du rugby à la télévision. Les compétitions vont repartir, mais à la vitesse à laquelle elles le peuvent.

Je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, parce qu’il est en réalité déjà satisfait ; à défaut, j’y serai défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

J’en suis désolé, madame la ministre, mais je vais le maintenir.

L’avis du comité de scientifiques est, vous l’avez dit, nécessaire. Inscrire cette mesure dans la loi rassurera l’ensemble des présidents de club, de fédération et de ligue. Vous le savez bien, chaque instance fonctionne différemment, et on ne peut pas traiter le foot, qui se joue dans un stade, comme le basket ou le handball, qui se pratiquent dans des salles fermées, dans lesquelles les spectateurs sont très proches du terrain. Chaque sport doit avoir une réglementation bien spécifique.

La crainte de beaucoup de fédérations et de ligues, c’est que le huis clos tombe comme une sentence. Jouer les compétitions à huis clos serait préjudiciable et catastrophique en termes économiques pour certains sports. C’est la raison pour laquelle le comité de scientifiques doit donner un avis, discipline par discipline, capacité d’accueil par capacité d’accueil.

Si je souhaite maintenir mon amendement, ce n’est pas parce que je doute de vos intentions, c’est parce que, je le répète, je préfère inscrire ce dispositif dans la loi. Ainsi, on s’assure que l’ensemble des fédérations et des ligues en auront connaissance. Elles sont très inquiètes sur les conditions de la reprise et doivent être rassurées.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Kern

Cette fois-ci, je suivrai Michel Savin, parce que son amendement permettra effectivement de rassurer les ligues, les fédérations et les clubs, qui en ont grandement besoin.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

M. Max Brisson. Michel Savin m’ayant passé le ballon avec maestria

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

Mon collègue l’a dit, pour les fédérations et les ligues de certains sports professionnels, comme le rugby, le huis clos entraînera la mort des clubs les plus fragiles. Il faut mettre en place des protocoles pour que chaque ligue et chaque fédération, dans le respect des mesures sanitaires nécessaires, puissent s’organiser.

Dans le monde du rugby, un tiers des recettes provient de ce qu’on appelle les recettes de convivialité. On serait quand même dans une situation surprenante si les restaurants, les cafés, les plages – c’est le cas dans mon département –, les lieux de convivialité rouvraient, mais pas les stades, d’autant que, pour les clubs de rugby, l’essentiel des recettes résulte des ventes dans les stades – elles sont même supérieures au montant des droits de diffusion.

Comme l’a très bien dit Michel Savin, il faut le plus possible laisser les ligues s’organiser, en concertation avec vous, bien sûr, madame la ministre, et en fonction des réalités de chaque sport. Voilà pourquoi je voterai son amendement.

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu

J’ai l’impression que c’est une méthode que vous voulez inscrire dans la loi. Or, je tiens à vous rassurer, c’est exactement cette méthode que nous employons, puisque nous émettons un avis différencié en consultant le HCSP et nous donnons un avis circonstancié à chaque proposition fédérale. Derrière, nous défendons ces positions au sein de la cellule interministérielle présidée par Jean Castex, qui, je le rappelle, est également président de l’Agence nationale du sport. Il est donc très au fait de tous ces sujets, ce qui n’est pas le cas du HCSP.

J’ai peur qu’il ne soit contre-productif d’inscrire dans la loi la nécessité de suivre à la lettre les avis du Haut Conseil. Le risque est justement d’être obligé de jouer à huis clos jusqu’à fin septembre ou fin octobre. Au contraire, nous avons pris la décision, en responsabilité, de demander au mouvement sportif de nous faire part de ses contraintes, de demander aux responsables des équipements sportifs de prévoir la possibilité de gérer des flux de spectateurs à l’intérieur des installations sportives et d’organiser au mieux ces flux.

À la limite, on préférerait ne pas avoir à travailler sur des jauges : on aimerait sortir de ce qui a été préconisé pendant le confinement et dans l’urgence. Aujourd’hui, on aimerait accueillir les personnes en tenant compte de la capacité des installations sportives et en faisant en sorte que les distances entre les spectateurs puissent être respectées.

En fait, on aimerait apporter notre savoir-faire, qui s’appuie sur les connaissances bien précises des fédérations, au HCSP, et non lui laisser la liberté de décider. On a respecté 98 % de ses préconisations jusqu’ici, mais il y a quand même les 2 % restants. Si on lui avait laissé les mains libres, peut-être qu’on ne serait pas là à discuter de la possibilité d’une reprise des compétitions. Il faut effectivement écouter les préconisations, mais le ministère doit aussi pouvoir garder une marge de décision et de proposition.

L ’ amendement est adopté.

L ’ article 1 er bis B est adopté.

(Non modifié)

Jusqu’à la date de reprise effective des cours dans les universités et les établissements d’enseignement supérieur, l’étranger présent en France à la date du 16 mars 2020 et titulaire de la carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » prévue à l’article L. 313-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est autorisé, de manière dérogatoire, à exercer une activité professionnelle salariée dans la limite de 80 % de la durée de travail annuelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L’amendement n° 247, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Stéphane Ravier.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Revenons à la raison d’être de ce texte : habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour répondre au caractère urgent d’une crise sanitaire exceptionnelle. Le reste, c’est du hors sujet ou, en tout cas, il devrait en être ainsi.

Les étrangers ayant une carte de séjour portant la mention « étudiant » continuent à être assistés par les aides de notre pays, qui sait se montrer si généreux avec les autres, sacrifiant trop souvent les siens. Il est de notoriété publique que la précarité étudiante s’aggrave de jour en jour, et pas seulement pour les étudiants étrangers.

Cependant, quand le marché entend le mot « étudiant » ou encore le mot « étranger », il entend « main-d’œuvre à bas coût ». Ainsi, vous voudriez permettre aux étudiants étrangers d’exercer une activité professionnelle salariée dans la limite de 80 % du temps de travail annuel : il s’agit véritablement d’une filière déguisée pour le travail saisonnier étranger et une concurrence de l’intérieur imposée à nos compatriotes.

Cela va peut-être vous surprendre, mais la raison d’être d’un étudiant est d’étudier ! Plutôt que de leur donner le droit de travailler en France, il serait préférable de faire en sorte que les étudiants étrangers obtiennent un diplôme ou une formation leur permettant de travailler dans leur pays et de participer, ainsi, à son développement.

Ce dispositif, soutenu par la droite libérale, constitue une dérégulation supplémentaire du droit du travail, qui vise à faire avancer l’agenda politique de la majorité présidentielle. Sans rapport avec la crise sanitaire, il n’a rien à faire dans ce texte d’urgence. Je demande donc la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Je voudrais d’abord rappeler les circonstances dans lesquelles s’inscrivent les mesures que le Gouvernement a intégrées dans le texte s’agissant de l’immigration.

La crise a engendré plusieurs cas de figure.

Il y a, sur notre territoire, des étrangers en situation régulière qui voudraient, soit repartir chez eux parce qu’ils bénéficient, par exemple, d’un visa de court séjour, soit renouveler leur titre de séjour de façon régulière. Les premiers ne peuvent pas partir du fait de l’arrêt des transports internationaux ; les seconds ne peuvent pas se rendre dans les préfectures, car celles-ci sont fermées.

Il y a aussi des étrangers en situation irrégulière. Qu’ils veuillent ou non rentrer chez eux, le Gouvernement doit normalement les y inviter avec beaucoup de fermeté, jusqu’à l’expulsion. Or on ne peut pas le faire non plus, puisque ces étrangers, présents de fait sur le territoire national, ne peuvent pas repartir, à nouveau faute de transports internationaux.

Ces situations exigent que l’on prenne un certain nombre de décisions, ayant vocation à gérer l’urgence.

En l’occurrence, que propose le Gouvernement ? Pour les étudiants, déjà autorisés à travailler à hauteur de 60 % de la durée de travail annuelle, il propose, alors que les facultés sont fermées et que ces étudiants sont obligés de rester sur le territoire national, de leur assurer des moyens de subsistance en leur permettant de travailler un peu plus – à hauteur de 80 % de la durée de travail annuelle – jusqu’à la reprise des cours. En réalité, on essaie de traiter une situation transitoire, dans laquelle des étudiants se retrouvent désœuvrés et ne peuvent plus rentrer chez eux, même s’ils le souhaitent.

La proposition du Gouvernement m’apparaissant relativement équilibrée, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Je précise que ce dispositif a été introduit par les députés pour les motifs tout juste évoqués par votre rapporteur.

En définitive, monsieur Ravier, on ne fait rien d’autre que de chercher des solutions à des situations concrètes : certaines personnes venues étudier en France souhaiteraient repartir dans leur pays d’origine, mais elles ne le peuvent pas compte tenu des difficultés – elles ne vous auront pas échappé – à se déplacer par-delà les frontières.

Vous ne pouvez pas, à la fois, reprocher que l’on mette les gens en situation d’assistanat – je n’aime pas ce terme, je vous le dis tout de suite – et empêcher par cet amendement la mise en place d’un dispositif permettant à ceux qui connaissent des difficultés de pouvoir travailler un peu plus durant cette période. D’ailleurs, je rappelle que le dispositif est encadré temporellement. Il y a, dans votre argumentation, quelque chose d’assez antinomique. L’avis est défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Une fois n’est pas coutume, le dispositif issu des travaux de l’Assemblée nationale nous semble équilibré. Il tient effectivement compte de la situation très particulière que rencontrent les étudiants étrangers cette année – d’ailleurs, c’est toute l’année qui a été particulièrement compliquée pour eux, et ceux qui découvraient notre pays dans le même temps ont été assez étonnés depuis le début…

Compte tenu de la détresse de nombre de ces étudiants, et alors même qu’ils continuent à étudier à distance et poursuivent leur cursus dans des conditions parfois très complexes, il est important de leur permettre d’avoir quelques moyens complémentaires de subsistance. J’ajouterai que c’est la première année où nombre d’étudiants étrangers ont dû faire face à des frais de scolarité supplémentaires.

Si certains considèrent, à raison, qu’un étudiant doit étudier, accepter uniquement des étudiants étrangers dont les familles sont en mesure de financer l’ensemble de leur séjour sans complément de revenus reviendrait à faire une sélection par l’argent encore pire que celle qui prévaut actuellement. C’est une problématique prégnante de par le monde quand on songe à faire des études en France, même si notre pays est loin d’être le pire en la matière.

Compte tenu de la situation particulière cette année, l’équilibre trouvé dans le présent texte mérite, me semble-t-il, d’être soutenu.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L’amendement n° 219, présenté par Mmes Benbassa, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

À la première phrase du troisième alinéa du I de l’article L. 313-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le taux : « 60 % » est remplacé par le taux : « 80 % ».

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

L’article L. 313-7 du Ceseda prévoit actuellement qu’un étranger titulaire d’une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » est autorisé à travailler à 60 % de la durée de travail annuelle. Par cet article 1er bis, le Gouvernement nous propose d’augmenter cette durée de travail à 80 % de manière dérogatoire jusqu’à la date de reprise effective des cours dans les universités et les établissements d’enseignement supérieur.

Nous ne pouvons, hélas, nier la situation de nombre d’étudiants étrangers. Leur quotidien est précaire et leurs ressources particulièrement faibles.

Ce dispositif est à double tranchant : certes, il pourrait constituer un complément de revenus non négligeable pour les étudiants étrangers, mais il est également représentatif de la manière dont le Gouvernement aborde la question des migrants sur son territoire.

Pour l’exécutif, l’étranger ne saurait bénéficier de véritables droits. Ceux-ci devraient donc être dérogatoires, partiels, temporaires, conditionnés à une conjoncture spécifique et utiles à l’économie française. Nous estimons au contraire que l’État devrait être garant de toutes les personnes touchées par la précarité. Il est donc de son devoir de sécuriser les droits des étudiants étrangers et de ne pas les conditionner à l’urgence sanitaire.

Nous souhaitons, par cet amendement, faire en sorte que le dispositif ici présenté n’ait pas une application limitée dans le temps, mais soit inscrit de manière pérenne et durable dans le Ceseda.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Nous parlons ici d’une dérogation ponctuelle, liée au fait que les étudiants se retrouvent désœuvrés à la suite de la fermeture des universités. Sans cela, effectivement, ils devraient étudier. L’équilibre trouvé, qui leur permet d’étudier tout en travaillant, mais dans une proportion de la durée annuelle de travail raisonnable, ne doit pas être modifié durablement. L’avis est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Effectivement, il n’est pas question pour nous de changer le droit tel qu’il est aujourd’hui. La seule chose qu’il nous revient de faire, c’est de résoudre les situations d’urgence rencontrées par un certain nombre de personnes – ici, il s’agit des étudiants étrangers, mais nous traiterons d’autres cas ultérieurement, comme nous en avons évoqué d’autres en début d’après-midi –, et ce pour ne pas les plonger dans la précarité.

L’équilibre actuellement défini entre temps consacré aux études et temps consacré au travail nous semble le bon. Nous n’avons pas l’intention de le modifier. C’est pourquoi l’avis est défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 1 er bis est adopté.

(Non modifié)

Durant l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 et prorogé par l’article 1er de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions, et dans les six mois à compter du terme de cet état d’urgence sanitaire, l’étranger présent en France à la date du 16 mars 2020 et titulaire de la carte de séjour pluriannuelle portant la mention « travailleur saisonnier » prévue à l’article L. 313-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, est autorisé, de manière dérogatoire, à séjourner et à travailler en France pendant la ou les périodes fixées par cette carte et qui ne peuvent dépasser une durée cumulée de neuf mois par an.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L’amendement n° 248, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Stéphane Ravier.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Tout le temps et en toutes circonstances, tout pour l’immigration !

Le chômage explose, mais votre priorité, c’est d’aider les emplois étrangers. Ce n’est plus illogique, cela devient masochiste ! Au contraire, soutenons les agriculteurs qui emploient des Français, grâce à des primes ou l’incitation fiscale ! Les Français sont courageux, ils sont travailleurs. Arrêtez de les faire passer pour des fainéants, comme l’a si bien et si scandaleusement exprimé Emmanuel Macron !

Encourager l’immigration, c’est encourager le regroupement familial et, donc, laisser s’installer chez nous des gens qui vont profiter de notre modèle social. Nous le savons, celui-ci est le plus généreux et, en conséquence, le plus suicidaire du monde.

Où sont les bonnes résolutions du confinement ? Au plus fort de la tempête, quand le Gouvernement sentait la peur d’être submergé par la vague, nous étions en guerre. Ses membres, en guise de testament, venaient se confesser chacun leur tour. On entendait alors parler de patriotisme, de solidarité nationale, de souveraineté nationale. La frontière devenait bienveillante ; la communauté nationale, une réalité.

L’Union européenne a prouvé qu’elle était une chimère, inutile et inefficace, mais, l’été arrivant, la vision du front s’éloignant, vous voilà à chercher de la main-d’œuvre saisonnière au-delà de nos frontières !

L’article que nous examinons prévoit de prolonger de six à neuf mois la durée de séjour et de travail des étrangers titulaires de la carte de séjour pluriannuelle portant la mention « travailleur saisonnier ». Une seule chose ne m’étonne pas : neuf mois sur douze, c’est 80 % du temps de travail, exactement ce que vous venez de proposer pour les étudiants étrangers à l’article 1er bis, sur lequel je me suis exprimé.

Bref, toujours plus de main-d’œuvre à bas coût, et on ne se donne pas les moyens de remettre en activité des travailleurs français ! Pour vous, ils sont trop chers, trop exigeants et trop protégés par le droit du travail. Mais, que voulez-vous, nos compatriotes souhaitent une rémunération à la hauteur de l’effort fourni. C’est sans doute trop demander pour un certain patronat « en marche » et un système fiscal français devenu le plus socialiste et, donc, le plus confiscatoire du monde. Ou quand on unit le pire de la droite et le pire de la gauche…

La précarité de nombreux Français, accentuée par la crise sanitaire, économique et sociale actuelle, exige que le principe de priorité nationale soit de mise pour le travail saisonnier et que tous les moyens soient employés pour permettre aux travailleurs français en difficulté d’obtenir un emploi. La situation actuelle exige une main-d’œuvre nombreuse dans certains secteurs, …

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

… mais la crise sanitaire nous enseigne aussi l’importance de la solidarité nationale et nous impose le devoir impérieux de revoir notre modèle économique dans ce sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Merci, monsieur le président, de m’accorder les vingt secondes que vous accordez aux autres !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Vous en êtes à quatorze secondes supplémentaires, quinze maintenant…

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Il reste une ligne dans mon intervention, si vous me le permettez.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Vous êtes si pointilleux avec moi ! Vous avez pris la fâcheuse habitude de m’interrompre !

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Vous êtes fidèle à vous-même : la censure !

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Qu’en est-il de la situation, factuelle, qui justifie l’article dont il est demandé ici la suppression ?

Se trouvent actuellement sur le sol français des travailleurs saisonniers – comme leur nom l’indique, ils viennent faire les saisons –, qui sont étrangers. Ils sont autorisés à travailler six mois, mais, de fait, ils ne peuvent pas repartir et ceux qui, au contraire, voudraient entrer sur notre territoire ne le peuvent pas, car les flux internationaux n’existent plus. Il s’agit donc d’autoriser les travailleurs coincés ici à pouvoir travailler trois mois de plus.

Sachant que les travailleurs qui devaient entrer en France pour commencer leur travail saisonnier ne peuvent pas le faire, la décision me semble assez équilibrée, encore une fois pragmatique et de nature à répondre à une situation ponctuelle, engendrée par l’urgence sanitaire.

L’avis est défavorable.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

On n’est jamais ni surpris ni déçu par les arguments que vous développez, monsieur le sénateur Ravier.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Certes, mais il faut rappeler la réalité, comme vient très bien de le faire votre rapporteur.

Des travailleurs saisonniers sont présents à l’intérieur de nos frontières et ne peuvent pas en sortir. Parallèlement, des secteurs ont besoin, comme chaque année, de main-d’œuvre saisonnière pour des raisons de structure de l’emploi ou d’activité économique – ce n’est pas une nouveauté et cela ne vaut pas moins dans votre département que dans d’autres départements de France. Les travailleurs saisonniers auxquels ils avaient l’habitude de recourir ne peuvent pas entrer en France du fait de la fermeture des frontières.

Autrement dit, nous avons des travailleurs saisonniers qui ne peuvent pas repartir, des travailleurs saisonniers qui ne peuvent pas venir et des exploitations qui ont besoin de main-d’œuvre. Nous répondons simplement à cette exigence, en permettant que des personnes qui pourraient travailler ne soient pas empêchées de le faire par le dispositif légal, afin d’occuper des postes difficiles à pourvoir.

Il ne s’agit pas de stigmatiser les uns ou les autres, de prétendre quoi que ce soit s’agissant des Français. Nous savons que certains secteurs – il y en a des tas – peinent à trouver de la main-d’œuvre. Ce dispositif vient simplement, de manière temporaire, proroger jusqu’à neuf mois l’autorisation de travail de personnes qui ne peuvent pas sortir de nos frontières, pour apporter des réponses à des problématiques économiques.

Je suis sûr, monsieur Ravier, qu’il y a dans votre département des producteurs agricoles qui s’inquiètent de savoir comment ils vont procéder à la récolte. Nous essayons de résoudre leur problème, tout en traitant la situation des travailleurs saisonniers. C’est aussi simple que cela !

L’avis est défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de Mme Valérie Létard.