Intervention de Loïc Hervé

Réunion du 26 mai 2020 à 14h30
Diverses dispositions liées à la crise sanitaire à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du royaume-uni de l'union européenne — Discussion générale

Photo de Loïc HervéLoïc Hervé :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, pour la première fois depuis plus de douze semaines, nous avons le plaisir d’examiner un projet de loi dans des délais, non pas raisonnables, mais qui permettent à chacune des deux assemblées d’y apporter son regard, son expérience et, donc, de l’améliorer.

La crise sans précédent que nous avons traversée justifie naturellement l’urgence et la rapidité d’examen des différents textes auxquels le groupe Union Centriste a toujours apporté un appui constructif et bienveillant, car notre pays avait besoin de mesures urgentes, qu’elles soient sanitaires, économiques ou sociales.

Avec deux lois, une organique et une ordinaire, une loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire et deux lois de finances rectificatives, le Parlement s’est largement mobilisé, même dans des conditions matérielles difficiles.

Le Gouvernement, afin de pouvoir agir vite, devait légitimement bénéficier du soutien préalable des législateurs que nous sommes, mais sous l’œil des parlementaires soucieux du contrôle de l’action gouvernementale que nous ne sommes pas moins.

Si l’état d’urgence sanitaire est toujours déclaré, nous sommes arrivés aujourd’hui dans une temporalité différente : après la période de confinement qui a nécessité de légiférer rapidement, et donc le plus souvent par ordonnances, nous sommes désormais dans une période de déconfinement progressif, qui doit être celle non pas du maintien de l’état d’exception, mais de la préparation du retour à l’état ordinaire, habituel, pour toute prise de décision démocratique.

Ainsi, le recours massif aux ordonnances, tel qu’il était prévu par le projet de loi initial, ne se justifie plus, comme l’a d’ailleurs signifié le Conseil d’État. Ce positionnement a d’abord été repris par nos collègues députés, puis par notre commission des lois. Sous l’impulsion des parlementaires, ce sont entre trois et quatre fois moins d’habilitations à légiférer par ordonnances qui figurent aujourd’hui dans le texte. Les 10 habilitations restantes s’ajoutent d’ailleurs aux 57 ordonnances déjà prises en application de la loi d’urgence du 23 mars dernier.

Au passage, il est illusoire d’imaginer que ces dernières seront ratifiées par le Parlement. C’est regrettable, car une habilitation n’a de sens que s’il y a contrôle de son utilisation par la ratification. C’est aussi dommageable à la qualité de la norme, ce que nous constatons d’ailleurs dans ce texte : nombre d’amendements viennent en quelque sorte combler les manquements, les oublis ou les erreurs des ordonnances déjà présentées par le Gouvernement. Je pense notamment aux difficultés rencontrées pour certains contrats dans les structures d’insertion ou aux oubliés de l’apprentissage.

Au-delà de l’urgence et de la méthode, que nous avons malgré tout suivie, il est toujours difficile pour un parlementaire d’accepter de se dessaisir de son pouvoir de législateur au profit du pouvoir exécutif. Ce n’est pas dans nos gènes, et encore moins, ici, au Sénat. La notion d’urgence doit donc être prise avec gravité et j’invite chacun d’entre nous à l’utiliser avec parcimonie.

J’aimerais, à ce stade, saluer le travail d’analyse et de proposition de nos trois rapporteurs, respectivement de la commission des lois, de la commission des affaires sociales et de la commission des finances, qui ont travaillé avec des objectifs communs que nous partageons : écrire « en clair » un maximum de dispositions ; restreindre le champ des habilitations tout en les inscrivant dans des délais raisonnables, c’est-à-dire réduits, par rapport au texte initial ; rétablir les consultations obligatoires ; et limiter au maximum les mesures du texte à des dispositifs dérogatoires en réponse à l’état d’urgence sanitaire.

Le projet de loi qui nous est soumis contient des mesures très diverses, voire trop, qui présentent un caractère parfois d’urgence, parfois de rattrapage et parfois d’opportunité. C’est entre ces trois qualificatifs qu’il a fallu choisir pour enrichir et resserrer le texte. Il nous faut néanmoins envisager les dispositions proposées à l’aune d’un double impératif : répondre à la crise par des mesures dont la plupart prolongent des décisions déjà prises et anticiper certaines décisions nécessaires à l’action.

Sur le fond, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, nous partageons une grande partie de vos objectifs. Ce projet de loi vise à accompagner la reprise du pays à la sortie du confinement dans toutes ses dimensions tout en le préparant aux échéances futures, comme le Brexit.

Face à un risque de récession inédite, il est essentiel de relancer notre pays, aujourd’hui à l’arrêt. Les enjeux sont d’importance : il s’agit d’assurer la continuité des services publics et l’organisation des pouvoirs régaliens, de réamorcer la pompe en relançant notre économie tout en évitant que les difficultés des entreprises ne se traduisent par un chômage de masse et par un accroissement des difficultés de nos concitoyens. C’est un enjeu immense.

Nombre de mesures proposées nous paraissent nécessaires, qu’elles touchent à la prorogation de divers mandats en dehors du champ politique, à la continuité des missions dans lesquelles nos forces armées sont engagées ou encore à diverses mesures sectorielles touchant, par exemple, aux domaines de la recherche ou du sport.

Ce projet de loi répond aussi à un souci de protection des salariés. Je pense notamment aux mesures qui favorisent la reprise de l’activité des entreprises tout en offrant un cadre plus sécurisant aux salariés.

En revanche, certaines mesures, comme celles qui sont contenues à l’article 3 et prévoient une mutualisation de la trésorerie de nombreux acteurs publics au sein du Trésor, nous paraissent manquer de préparation et de précision. Les objectifs d’une telle mutualisation peuvent être entendus, mais il faut travailler à un meilleur encadrement et à une meilleure définition de son périmètre si vous souhaitez la rendre acceptable. En effet, elle pourrait priver plusieurs organismes publics, ainsi que les collectivités territoriales, de ressources induites en rigidifiant leurs mouvements et besoins de trésorerie au seul profit de l’État. Nous devons pouvoir mesurer précisément son impact. Le rapporteur général et de nombreux groupes ont ainsi souhaité sa suppression dès le stade de la commission. Il faut la maintenir.

À titre plus personnel, je me réjouis, avec Catherine Di Folco, ma corapporteure du projet de loi de transformation de la fonction publique, que nous ayons pu faire adopter plusieurs amendements visant notamment l’élargissement, hors état d’urgence sanitaire, de la mise à disposition à titre gratuit des agents territoriaux ou hospitaliers auprès des hôpitaux ou des Ehpad, selon la volonté des employeurs publics, ou encore à la « neutralisation » des effets de l’état d’urgence sur la transformation de CDD en CDI dans les trois versants de la fonction publique.

En conclusion, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, sans entrer davantage dans le détail de ce texte, vous aurez compris que les membres du groupe Union Centriste soutiennent les orientations de ce projet de loi et voteront donc en sa faveur, tout en conservant un regard naturellement attentif sur sa mise en œuvre.

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