Intervention de Catherine Di Folco

Réunion du 26 mai 2020 à 14h30
Diverses dispositions liées à la crise sanitaire à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du royaume-uni de l'union européenne — Discussion générale

Photo de Catherine Di FolcoCatherine Di Folco :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous entamons l’examen d’un projet de loi que tout le monde qualifie d’assez particulier.

Dans son avis, le Conseil d’État constatait assez pudiquement que ce projet de loi traitait d’une grande variété de domaines. Mme le rapporteur de la commission des lois a utilisé, non sans humour, un terme plus « casimiresque » que juridique, qui décrit pourtant judicieusement la structure de ce texte.

C’est par cet aspect que je commencerai mon propos. De tels textes rendent forcément plus difficiles le travail parlementaire, l’enrichissement de la loi, le contrôle de l’action du Gouvernement. Le rapport de la commission des lois a qualifié ce texte de « projet de loi le plus hétérogène depuis le début des années 2010 ».

En outre, le Conseil d’État a constaté que l’étude d’impact se bornait à fournir des indications très parcellaires sur certaines habilitations.

Même si nous pouvons comprendre les particularités des circonstances actuelles, nous condamnons cette méthode qui nous oblige à discuter, pêle-mêle, des réservistes de la police, des tickets-restaurant, de la justice pénale, des compétitions sportives ou encore des suites des essais nucléaires dans le Pacifique.

Comme l’ont souligné tous les orateurs, le projet de loi initial était constitué en tout et pour tout d’une quarantaine d’habilitations à légiférer par ordonnances. Elles portaient parfois sur des durées qui ne justifiaient guère l’urgence. Je pense, par exemple, aux dispositions concernant le Brexit. Il y a vraiment de quoi rester perplexe.

Malgré tout cela, à partir du texte déjà amendé dans le bon sens par l’Assemblée nationale, nos commissions des lois, des affaires sociales et des finances ont réalisé un travail considérable et remarquable. Elles ont équilibré les mesures, réduit les durées d’habilitation et amélioré les rédactions juridiques.

Pour ces raisons, nous tenons à remercier nos rapporteurs : Mme Jourda, M. Savary et M. de Montgolfier. Ils ont joué le jeu et ont été suivis par leurs commissions dans cette démarche, fidèles à ce qui a toujours été l’un des principaux soucis du Sénat : enrichir et améliorer la loi.

Toutefois, malgré cet effort salutaire, il faut bien reconnaître que nous faisons souvent pour le mieux avec ce que l’on nous donne. Une fois le texte promulgué, on s’interrogera sans doute sur sa lisibilité pour nos concitoyens. Même maintenant, ce projet de loi ne brille ni par sa clarté ni par son intelligibilité.

Au-delà de ces questions de forme, qu’en est-il du fond du texte ? Nombre de choses, que je ne pourrais guère résumer ici sans risquer de vous ennuyer par un inventaire à la Prévert, qui ne serait qu’une répétition imparfaite de ce qui a déjà été dit. Je ne m’arrêterai donc que sur quelques points, parmi beaucoup qui auraient pu être soulevés.

Parfois, le recours aux ordonnances se justifie indéniablement. C’est la raison pour laquelle nous avons voté de larges habilitations le 23 mars dernier. Mais nous ne pouvons que nous interroger face au dépôt d’un texte qui ne comprenait initialement que des ordonnances, alors que nombre d’entre elles pouvaient aisément être immédiatement inscrites dans la loi. Il ne doit pas y avoir de glissement vers un recours systématique à l’ordonnance – à plus forte raison lorsque la procédure allant de l’habilitation à la ratification finit parfois par être plus longue que la procédure législative ordinaire.

C’est donc avec satisfaction que je constate que les habilitations ne sont plus qu’au nombre de 10, complétant un processus entamé à l’Assemblée nationale. Il s’agit non pas d’une simple suppression, mais bien d’un enrichissement, car certaines mesures objectivement abouties ont pu être utilement inscrites « en clair » dans la loi. Je pense, par exemple, aux durées d’engagement des militaires, au temps de travail des adjoints de sécurité et volontaires de la gendarmerie ou encore au prolongement de l’expérimentation du relèvement du seuil de revente à perte.

La commission des affaires sociales, pour sa part, a inscrit dans la loi les habilitations portant sur le prêt de main-d’œuvre, sur l’indemnisation du chômage et sur la représentation des salariés des TPE.

La commission des lois a néanmoins été plus circonspecte sur certains dispositifs. C’est en particulier le cas de l’extension à trente départements de l’expérimentation des cours criminelles. Comme l’a expliqué Mme le rapporteur, ce dispositif fait courir le risque de détourner de son objet cette expérimentation pour en faire un simple outil de gestion du stock d’affaires. Laissons donc de côté cette extension problématique afin de pouvoir, le moment venu, procéder à une évaluation rigoureuse de cette expérimentation en fonction de ses seuls mérites.

Enfin, l’article 3 a été supprimé par la commission des finances. Il habilitait le Gouvernement, pour une durée d’un an, à prendre par ordonnances des mesures relevant du domaine législatif en vue de renforcer la centralisation des fonds détenus par certaines personnes morales sur le compte unique du Trésor.

La commission des finances n’avait pu obtenir d’informations précises sur les organismes concernés, ce qui n’est pas satisfaisant quand il est question d’une habilitation de longue durée, prise dans l’urgence. Le Gouvernement a déposé un amendement pour restaurer cet article : nous attendrons donc des explications plus détaillées de sa part. Le rapporteur général de la commission des finances a d’ailleurs émis de nombreuses réserves sur ce rétablissement dans son intervention.

Pour conclure, nous avons donc affaire à un projet de loi assez baroque, qui interroge presque plus par sa forme que par son fond. Néanmoins, nous estimons que le travail effectué par les commissions a permis de le bonifier et de le toiletter suffisamment pour le rendre acceptable. C’est sur cette base que groupe Les Républicains votera ce texte.

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