Sur le fond, peu importe pour le moment. Ce qui pose problème, c’est de mettre en vacances le Parlement au-delà de l’échéance de l’état d’urgence.
Ce texte tend à habiliter le Gouvernement à légiférer seul, car nous sommes en état d’urgence. Vous avez voulu prolonger cet état d’urgence jusqu’au 10 juillet inclus ; ce n’était pas mon choix. Ayez la cohérence de n’accorder cette habilitation exceptionnelle que jusqu’au terme de l’état d’urgence sanitaire.
Je m’étonne que le fait de bafouer ainsi le Parlement ne fasse pas plus bondir les démocrates que vous prétendez être, mes chers collègues ! On ne légifère pas sans le Parlement. La Macronie a perdu la majorité absolue à l’Assemblée nationale, et je comprends qu’elle demande une immunité plus longue que prévu. Mais on ne fait pas la loi sans le peuple, ses représentants et les territoires. Pas de restriction de liberté pour la démocratie représentative.
Ici, dans cette Haute Assemblée, nous représentons les régions, les départements, les EPCI, plus simplement les collectivités territoriales, les communes, leurs habitants, leurs élus et leurs agents. Dans le mot « collectivités », on entend bien commun, intérêt général, proximité et communauté. Dans le mot « territoriales », on entend terroir, terre, identité, attachement et racines.
Entendez-vous et comprenez-vous encore ces deux mots, mes chers collègues ? C’est tout l’inverse de l’individualisme et du progressisme de la « start-up nation ». On comprend dès lors pourquoi ce gouvernement en marche perpétuelle et déraciné cherche à se soustraire au contrôle du Parlement pour plusieurs mois. J’aurais aimé que le Gouvernement, qui nous demande notre aval pour légiférer à tout-va, ait été aussi exemplaire que nos maires dans la gestion de crise. Ces derniers ont fait un travail formidable de proximité et d’efficacité, agissant avec un engagement total.
Nous sommes ici leurs représentants. Ce sont eux qui sont bafoués par ce programme fourre-tout. La confiance, cela ne se décrète pas, cela se gagne. Moi-même, comme des milliers de maires et des millions de Français, je n’ai pas confiance dans ce gouvernement en sursis.
Si vous ne votez pas cet amendement, vous laissez se créer un dangereux précédent pour notre droit. Vous validez un glissement du droit d’exception vers le droit commun. Le monde d’après sera ce que nous en ferons. Là encore, vous serez tenus responsables : ne devenez pas des coupables volontaires !
Ne dévoyez pas notre démocratie, ne cédez pas vos droits et, surtout, vos devoirs de parlementaires, ne laissez pas le pouvoir jacobin prendre les rênes seul, en écartant le peuple et ses représentants.