Intervention de Odette Terrade

Réunion du 14 octobre 2008 à 16h00
Logement et lutte contre l'exclusion — Discussion générale

Photo de Odette TerradeOdette Terrade :

Celui-ci baisse de 7 %, alors même que l’intervention de l’État ne représentait déjà que 1, 11 % du produit intérieur brut en 2007, au moment même où un effort à hauteur au moins de 2 % du PIB serait nécessaire pour répondre à la demande.

Les aides à la pierre inscrites au budget de l’État ont également baissé de 30 % entre 2000 et 2007, tandis que les aides aux plus démunis ont stagné.

Dans le même temps, les prélèvements fiscaux et parafiscaux sur le secteur du logement progressent très rapidement. Depuis 2002, on le sait, l’État prélève plus sur le logement qu’il ne redistribue. Le député Jean-Yves Le Bouillonnec, dans un rapport remis à l’Assemblée nationale en mars 2008, indiquait que, « grâce au logement et à la hausse des prix, l’État a perçu 7, 6 milliards d’euros de plus entre fin 2001 et fin 2005, qu’il n’a ni réinvestis ni redistribués aux ménages. Avec cette somme, il aurait pourtant pu financer 380 000 logements sociaux supplémentaires ou augmenter de 20 % les aides au logement sur toute la période. »

Votre politique du logement et ce projet de loi s’inscrivent dans ce désengagement chronique de l’État !

Comment pouvez-vous défendre, par exemple, madame la ministre, un budget qui voit disparaître les crédits de la prime à l’amélioration des logements à usage locatif sociaux et nous faire croire que tout va être mis en œuvre pour la rénovation et la réhabilitation d’un parc social qui en a malheureusement souvent besoin ?

Ce désengagement financier de l’État, qui rompt avec l’une de ses principales missions sociales, montre à quel point le droit au logement opposable reste du domaine déclaratif.

L’opposabilité se mesure à la hauteur des obligations ; tel est son sens. Or ce projet de loi exonère l’État de ses obligations et assouplit les contraintes en termes de construction de logement social, au sens de l’article 55 de la loi SRU.

Avant d’aborder plus en détail les dispositions de ce projet de loi, je voudrais isoler deux articles qui mettent en lumière l’idéologie dont il est sous-tendu.

L’article 17, qui revient sur la règle des 20 % de logements sociaux en incluant dans le décompte les logements Pass-foncier et les prêts sociaux de location-accession, les PSLA, dénature profondément la loi SRU, dont l’effet est pourtant décisif sur le niveau actuel de construction des logements.

Dans son dernier rapport, le comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable fait de la conciliation du droit au logement et de la mixité sociale un des enjeux des politiques en matière de logement. À ce titre, il note très justement que, l’État étant exposé à une condamnation pour l’absence de mise en œuvre du DALO, il « ne doit pas tolérer que certaines collectivités ne respectent pas leurs propres obligations ».

Alors que les auteurs du rapport recommandent la fermeté de l’État à l’égard des communes défaillantes, au risque, dans le cas contraire, que sa faiblesse démobilise les autres communes, vous décidez, madame la ministre, d’assouplir les règles ! Or près de la moitié des communes concernées n’ont pas respecté les obligations fixées par la loi SRU !

Cette volonté de ne rien faire qui pourrait gêner les communes dans l’illégalité, cette attitude laxiste et antirépublicaine des pouvoirs publics au regard de l’effectivité d’un droit inscrit dans la loi, est confirmée par la disparition initialement prévue du droit de préemption urbain.

Cette déresponsabilisation de l’État s’accompagne paradoxalement d’un renforcement de l’autoritarisme étatique.

Outre les manœuvres sémantiques, reflet des annonces mensongères du Gouvernement, je voudrais aborder plus particulièrement l’article 3 du projet de loi.

Cette disposition, qui mobilise les acteurs en démobilisant l’État, emporte des conséquences financières très graves pour le logement.

En effet, l’article 3 confirme, sans ambiguïté aucune, le désengagement financier de l’État. Il met ainsi en coupe réglée les fonds du 1 % logement en permettant leur ponction au gré de la seule politique menée par l’État. La ponction annoncée cet été d’une partie des ressources du « 1 % » d’au moins un milliard d’euros, soit un quart de ses ressources annuelles, est intolérable, même si l’on nous déclare maintenant qu’elle sera en réalité quelque peu inférieure.

Dans ce contexte, il ne faut pas s’étonner que ce projet de loi, sous couvert d’assainir la gouvernance du 1 % logement, renforce le contrôle de l’État, notamment sur l’utilisation des ressources, afin de substituer en toute tranquillité les fonds du « 1 % » aux fonds publics ! Ce texte risque ainsi de mettre en péril un système qui fonctionne. Rappelons que, au moment où le budget de l’État diminue, les dépenses en faveur des salariés sont passées, entre 2001 et 2007, de 600 millions d’euros, accordés sous forme de prêts, à 1, 8 milliard d’euros.

En matière d’autoritarisme étatique, le projet de loi ne s’arrête pas là. Ainsi, le chapitre Ier dénature profondément l’intervention des organismes bailleurs sociaux. Le conventionnement global, préconisé en 2007 et aujourd’hui rendu obligatoire avec la convention d’utilité sociale, crée des lieux d’habitation en fonction des revenus des ménages et des prestations servies. C’est un logement à plusieurs vitesses que l’on instaure, ce qui va à l’encontre de la mixité sociale.

Le projet de loi essaie de banaliser le logement social et de « marchandiser » le parc social sans se soucier du bien-être des populations concernées. En témoigne la vente forcée des logements sociaux, qui ne manquera pas de poser des problèmes : copropriétés dégradées, incapacité de rembourser les emprunts, faillite personnelle.

Quant à l’article 2, qui prévoit que les organismes dotés de ressources financières importantes seront taxés pour alimenter la Caisse de garantie du logement locatif social, on voit ici que l’État saisit l’occasion de se désengager discrètement du financement de la construction de logements neufs en renvoyant dos à dos les organismes riches et les organismes pauvres.

En ce qui concerne le développement de l’offre nouvelle de logements, le projet de loi encourage les formes de partenariats public-privé.

Je voudrais maintenant faire quelques remarques plus particulièrement sur l’article 15.

Cet article présente un certain intérêt, puisqu’il revient en partie sur des dispositifs incitatifs à l’investissement immobilier en fait contreproductifs.

Rappelons que, du fait de ces exonérations fiscales, l’État consacre dans son budget en moyenne 33 000 euros à chaque logement dit « Robien », ce qui coûte chaque année environ 400 millions d’euros. À titre de comparaison, il consacre tout au plus 20 000 euros à la construction d’un logement social.

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