Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais dans un premier temps attirer votre attention, d’une part, sur les besoins considérables en logements sociaux de mon département et, d’autre part, sur l’offre correspondante bien insuffisante.
La Réunion compte actuellement 800 000 habitants, et, compte tenu de la progression démographique, sa population s’élèvera à un million en 2020. Selon toutes les prévisions, il faudra construire d’ici là 180 000 logements, dont la moitié pour le secteur social.
Or, des retards considérables ont été accumulés.
C’est ainsi que, pour la dernière période, sur un objectif de 6 000 logements sociaux à construire par an, le tiers n’a pas été réalisé.
Les raisons sont diverses, et des préconisations ont été avancées par tous les partenaires de ce secteur. Ce sont ces problèmes que je souhaitais évoquer dans un second temps. Or, le 8 octobre dernier, lors de votre audition devant la commission des affaires sociales, vous m’avez indiqué, madame la ministre, que votre texte ne concernait pas l’outre-mer, me renvoyant au débat sur la loi de programme.
Je me bornerai donc à poser essentiellement un problème de principe.
La loi du 18 janvier 2005 dite « loi de programmation pour la cohésion sociale » comportait un chapitre consacré au logement social, avec le financement de 500 000 logements locatifs sociaux supplémentaires pour les années 2005 à 2009. Ce dispositif ne concernait pas les départements d’outre-mer.
On procéda alors à une sorte de rattrapage. La loi du 5 mars 2007 dite « loi DALO » a repris en partie le volet logement de la loi de cohésion sociale. Elle a rappelé l’objectif de 500 000 logements, et son article 23 a fixé un objectif de création de 37 500 logements sociaux supplémentaires outre-mer pour les années 2007 à 2009. Mais, assez curieusement, si la loi rappelle les financements prévus pour la construction des 500 000 logements supplémentaires en métropole, elle ne précise pas quels moyens supplémentaires seront mis en œuvre pour l’outre-mer.
Nous sommes aujourd’hui dans une situation quasi-identique.
Ainsi, à la question de savoir si le rachat par l’État de 30 000 logements pour soutenir la construction et les promoteurs concerne aussi l’outre-mer, votre réponse, madame la ministre, serait aussi, sans doute, négative.
Lors de l’élaboration de grands textes nationaux, force est de constater que nous sommes toujours les oubliés. On nous renvoie aux mesures propres qui sont prévues pour nous et, en la circonstance, on nous renvoie au budget du secrétariat à l’outre-mer et au projet de loi de programme pour l’outre-mer. J’aurai l’occasion d’en parler le moment venu. Je dirai néanmoins deux mots sur ce point.
À partir de l’année prochaine, deux modes de financement du logement social outre-mer sont envisagés : d’une part, le maintien d’une ligne budgétaire unique, la LBU, où continueront de transiter des crédits d’État et, d’autre part, un recours à la défiscalisation des investissements en espérant orienter ces derniers vers le logement social.
Pour la LBU, on nous annonce 258 millions d’euros en autorisations d’engagement alors que cette même dotation s’élevait à 270 millions d’euros en 2005, et était déjà bien insuffisante.
Par ailleurs, on nous indique que ces crédits permettront – enfin ! – de financer les logements supplémentaires qui sont prévus pour nous au titre de la loi de cohésion sociale. On nous appliquera donc en 2009 des dispositions d’une loi qui a cours en métropole depuis 2005. Mieux vaut tard que jamais !
Quant au recours à la défiscalisation, je vous rappelle, madame la ministre, la grande inquiétude qu’il suscite en outre-mer quant à son maintien. Il est notamment question dans le projet de loi de finances pour 2009 de plafonner ce que l’on appelle « la niche fiscale outre-mer ». Ce projet a suscité une vive émotion chez nous, à tel point que, pour la première fois sans doute dans toute notre histoire, des patrons ont manifesté dernièrement devant la préfecture de Saint-Denis pour exprimer leurs craintes et leurs inquiétudes.
La question qui se pose est bien la suivante : aurons-nous tous les moyens nécessaires pour faire face à une demande de logements, notamment sociaux, de plus en plus forte ? Nous comptons 30 000 demandes de logements sociaux insatisfaites, et ce nombre va s’accentuer au cours des années à venir.
C’est pourquoi nous déplorons que votre texte ne fasse pas même allusion à nos problèmes et à nos préoccupations.
Certes, toutes les dispositions du projet de loi ne peuvent être étendues à l’outre-mer.
Nous ne souhaitons pas, par exemple, une modification de la règle qui impose la construction de 20 % de logements locatifs sociaux dans les communes. Notre île a un territoire contraint, réduit. Actuellement, seules trois communes, de tendances politiques diverses, assument pratiquement à elles seules les deux tiers de la construction de logements locatifs sociaux. Il est bon de maintenir la règle des 20 % pour amener les autres à se montrer solidaires dans une politique profitable d’abord aux Réunionnais.
Mais, cela étant, nous aurions pu discuter de la possibilité d’étendre chez nous certains dispositifs envisagés dans ce projet de loi.
Je pense notamment à la convention avec les bailleurs sociaux ; je pense surtout au programme de requalification des quartiers dégradés que vous allez mettre en place. Chez nous, les crédits de la LBU sont essentiellement consacrés à la construction de logements neufs, et très peu visent à la réhabilitation. Nous aurions pu légitimement bénéficier de votre nouveau programme.
Mon regret essentiel, je le répète, est de nous voir cantonnés à nos propres problèmes et au dialogue avec le seul secrétariat d’État à l’outre-mer.
Madame la ministre, ne prenez pas mon intervention comme une critique qui vous serait adressée personnellement.